Il n'y a rien à sauver dans ce troisième épisode de La Vérité si je mens !, et c'est pas les onze ans écoulés depuis le deuxième film qui auront permis à Thomas Gilou et sa clique de concocter une suite réussie. L'histoire est encore et toujours la même : Eddy Vuibert (Richard Anconina) et ses amis se retrouvent menacés dans leurs affaires, au bord de la faillite, et ils s'en sortiront après une idée de génie d'Eddy inspirée comme d'habitude par ses enfants, grâce à une exportation en Chine où ils tireront profit des bas salaires et de la vente par correspondance sur internet - parce qu'il faut bien vivre avec son temps et que les désormais bedonnants collègues billionaires du Sentier s'adaptent de film en film à la réalité nauséabonde du marché. Malheureusement pour eux, si l'économie a évolué, la franchise est restée au point mort, réitérant absolument tous ses procédés à l'identique sans se fatiguer, avec juste un peu plus de pognon dans les poches des personnages et dans les mains des producteurs du film, ce qui nous vaut des plans d'hélicoptères épuisants sur des villas de rêve et un générique d'introduction feu d'artifice qui n'a pas d'équivalent dans la laideur, à part peut-être si on va chercher du côté de Fincher et de son Millenium (la comparaison est rude mais je ne rate pas une occasion de me faire Fincher). On peut éventuellement choper les gens avec un deuxième épisode qui en remet une couche, mais trois c'est trop, et si on a manqué aux financiers du film, comme nous l'apprend l'affiche, ils ne nous ont pas manqué une seconde, la vérité ! surtout si c'était pour nous infliger un spectacle aussi naze.
Quand on pense que la scène la plus drôle, qui l'est à peine, est au crédit de Cyril Hanouna, ça en dit long. Les acteurs originaux de la bande sont complètement éteints et ne croient pas à leurs dialogues (tu m'étonnes !), comme dans cette scène où la troupe s'amuse à faire tourner Serge Bénamou (José Garcia) en bourrique en lui racontant des cracks pour le foutre dedans. Ce gimmick donnait des dialogues parfois savoureux dans les deux premiers films, où les acteurs semblaient vraiment s'amuser. Dans ce troisième volet le spectacle s'essouffle, les acteurs vieillissants surjouent leur complicité et Bénamou n'est plus qu'un abruti complet qui ne comprend strictement rien et que ses amis bernent moins par leur astuce que parce qu'il est complètement trépané. Même l'excellent Gilbert Melki fait peine à voir dans son fameux rôle de Georges Abitbol, qui est ici victime d'un contrôle fiscal et qui tombe follement amoureux de Léa Drucker, de Léa Drucker !
On sait tous que le racisme ou la xénophobie n'existent vraiment en tant que tels que quand un individu extérieur à une communauté s'en prend aux membres de cette communauté. Des noirs de Harlem peuvent passer la journée à s'appeler "nigga" ou "big black booty" entre eux et traiter leurs copines de "dirty sexy chocolates" et autre "ebony goddess", mais si un blanc-bec passe par là et les interpelle avec ce seul mot, "nigga", il risque fort de passer la nuit entre quat'z'yeux de blacks surchauffés à blanc. Et c'est bien naturel. Mais quand il ne s'agit plus seulement de gens qui se moquent d'eux-mêmes, qui se vannent entre eux, quand il s'agit d'un film ultra grand public et giga populaire et que ses auteurs ne se contentent plus de se moquer avec humour de leur communauté mais en font un portrait caricatural à l'extrême, pas du tout drôle, donc limite répugnant, alors on croit voir pointer une sorte de racisme, ou d'antisémitisme, peu importe qu'il soit conscient et volontaire ou non.
Dès le début de La Vérité si je mens ! 3 le trait est lourd à en mourir, les portraits sont chargés, la caricature est si peu drôle qu'elle met mal à l'aise, y compris quand on est le premier à souhaiter la caricature, à vouloir toujours plus d'humour et de liberté d'expression à l'égard de toutes les communautés et religions. Il y a très tôt dans le film cette scène où les parents de Serge Bénamou, devenus riches grâce à leur fils suite au succès de ce dernier et de ses amis à la fin du deuxième épisode, fêtent en grande pompe l'anniversaire de madame Bénamou, incarnée par cette actrice qui joue aussi les mères juives dans les pubs télévisées, genre de réincarnation sans saveur de Marthe Villalonga. Dans son palais bondé d'invités de prestige, maman Bénamou ramasse - un terme plus juste serait agrippe - les enveloppes bourrées aux as que lui tendent ses convives pour les entasser avec frénésie dans son sac-à-main. Devant cette scène le malaise s'installe. Il se nécrose quand Serge, qui doit à tout prix trouver du liquide pour payer le concert privé que Danny Brillant doit donner pour sa maman (...), va voler lesdites enveloppes dans le sac de sa mère en se glissant sous la table, et quand la mère, découvrant le forfait d'un seul coup d’œil sur son sac, se met à crier en pleurant : "Les enveloooooooppes ! On m'a volé mes envelooooooppes !!…". La scène est non seulement médiocre mais l'humour en est totalement absent.
La coïncidence fait que j'ai vu presque coup sur coup le film de Thomas Gilou et David Golder, le premier film parlant de Julien Duvivier, qui date de 1931, adapté d'un roman d'Irène Némirosvsky, grande romancière française, juive morte à Auschwitz, enfin reconnue à sa juste et grande valeur en 2004 avec le prix Renaudot posthume attribué à sa grande œuvre inachevée Suite Française, et qui fut longtemps taxée d'antisémitisme pour des romans tels que David Golder, où elle dressait le portrait de ses propres parents (voire d'elle-même) en juifs obnubilés par l'argent, pingres, manipulateurs, traitres, tricheurs, mère et fille hurlant à la mort leurs caprices pour obtenir une grosse voiture ou une belle robe auprès du père éponyme, Golder, vieux maniganceur riche à millions et avide d'en posséder plus encore par tous les moyens du bord. A revoir le film de Duvivier aujourd'hui, et quoique le replaçant dans le contexte largement antisémite des années 30 en France, on peut difficilement lui soustraire sa lourde charge raciste, avec son portrait inaugural d'un David Golder trahissant son ami de toujours pour récupérer ses richesses, aidé dans sa manœuvre par un vieillard au dos voûté, au nez crochu, aux ongles longs et marchant sur la pointe des pieds pour économiser les talons de ses souliers, qui n'a rien à envier aux affiches de propagande du parti Nazi. Dans le film de Thomas Gilou, la bande à Vuibert, qui se croit attaquée par les hommes de main du marché d'Extrême-Orient, est en réalité trahie par un vieil ami juif du Sentier, hypocrite et machiavélique, au sourire carnassier, qui les piège en les laissant suspecter les Chinois pour mieux les ruiner et régner à leur place... La comparaison entre David Golder et La Vérité si je mens ! 3 est osée, je le concède, les deux films, séparés du reste par 81 ans, n'ayant strictement rien à voir, et je ne dirai pas que le film de Thomas Gilou est un film antisémite, mais face au malaise (certes d'intensité variable) éprouvé devant ce tout récent film, mûri en quelque sorte par les membres d'une communauté et portant sur les membres mêmes de cette communauté, on se dit que ceux-là devraient s'interroger sur la qualité de leur trait de caricature et sur l'éventuelle portée d'un tel film, que la bienveillance de ses auteurs ne préserve pas d'une charge idéologique regrettable, consécutive à une caricature sans humour (loin des finesses littéraires d'une Irène Némirovsky), et qui, s'il n'est pas réellement délétère reste du moins franchement embarrassant.
La Vérité si je mens ! 3 de Thomas Gilou avec Richard Anconina, José Garcia, Bruno Solo, Gilbert Melki, Vincent Elbaz, Aure Atika, Amira Casar et Enrico Macias (2012)
La Vérité si je mens ! 3 de Thomas Gilou avec Richard Anconina, José Garcia, Bruno Solo, Gilbert Melki, Vincent Elbaz, Aure Atika, Amira Casar et Enrico Macias (2012)
Oula je l'avais oublié mais c'est vrai que le générique est une des pires choses vues depuis un bail! J'imagine qu'il s'agit d'un kitsch assumé (enfin j'espère), mais faut vraiment pas avoir honte. Ceci dit, ça a au moins l'avantage d'annoncer la suite du film, d'une bêtise et d'une platitude insondables.
RépondreSupprimerJe partage entièrement cette critique. Ca me donne terriblement envie de voir le film de Duvivier, notamment parce que je suis en train de lire (à vitesse grand V) le roman de Nemirovsky, qui est génial !
RépondreSupprimerLe film n'est pas "génial". Il est intéressant, au strict sens historique, en tant que document, mais c'est pas vraiment un bon film.
SupprimerJe l'ai pas vu mais j'ai vu le 1 et le 2 ! C'est de la merde en 7 branches !
RépondreSupprimerCe film n'augure rien de bon...
RépondreSupprimerFous-moi pas les j'tons !
SupprimerElle a bon dos la loi !
RépondreSupprimerLe pire moment du film c'est ce passage où l'inspecteur des impots s'étonne que Salomon ne soit pas juive.
RépondreSupprimerPour ce qui est du générique, effectivement il n'est pas tip top, mais il est très chinois. Je veux dire la musique, les couleurs, c'est vraiment la Chine. Enfin la Nouvelle Chine. Bon point, la référence à Rabbi Jacob avec la danse. Hein?
Sinon ça n'a pas rapport avec ce film finalement, mais il semble que vous ne critiquiez que peu de comédies, et encore moins des comédies que vous appréciez? Moi qui suis votre blog pour choisir parfois quel film je vais voir dans la semaine, quand j'ai envie de rigoler(devant un film) je me trouve bien embêté.
La référence à Rabbi Jacob (avec le dialogue sur Salomon) est très irritante.
RépondreSupprimerConcernant les comédies, c'est vrai qu'on n'en critique peut-être pas assez (de bonnes, parce qu'on en critique souvent de mauvaises, mais je vais pas dresser la liste), seulement faut dire qu'il n'y en a pas tant que ça de bonnes !
Pour mémoire et pour te dresser une petite liste non exhaustive, on avait beaucoup aimé Hot Rod (http://ilaose.blogspot.com/2008/03/hot-rod.html), on avait adoré (comme on adore quasiment tous les films de Will Ferrell) Step Brothers (http://ilaose.blogspot.com/2009/05/step-brothers.html), et j'avais eu quelque sympathie pour le récent Mes Meilleures amies (http://ilaose.blogspot.com/2011/09/mes-meilleures-amies.html). Mais là je cite des films comiques plus que de simples comédies.
Tiens je rajoute Fun With Dick & Jane (http://ilaose.blogspot.com/2008/02/fun-with-dick-jane.html)
RépondreSupprimerAlors faut grave que tu le revoye mon ptit il est peut etre pas géniale le film mais tu peux Pas te permettre de critiquer car toutes les parties que tu rélate sont tous simPlement fausses donc avant de parler visionne bien le film
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