10 mai 2022

Vigilante

D'ordinaire assez peu friand des films d'auto-justice, je dois avouer que celui-ci m'a bien botté ! Il est l’œuvre de William Lustig, un drôle de loustic à qui l'on doit également la trilogie Maniac Cop et, surtout, le terrible Maniac, sordide portrait hyperréaliste d'un serial killer new yorkais qui marqua nombre de cinéphiles avides de sensations fortes – je l'ai pour ma part découvert sur le tard, assez récemment, et, bien qu'aguerri à ce type de films parfois dépassés par leurs propres réputations, j'ai pu constater que celle-ci n'était guère usurpée. Pour son deuxième long métrage, réalisé en 1982, William Lustig reprenait à sa sauce la recette du polar sécuritaire, très en vogue depuis le milieu des années 70 et le retentissant succès d'Un Justicier dans la ville, ce film de Michael Winner où Charles Bronson appliquait à sa façon la tolérance zéro dans les rues sombres de la Grosse Pomme. C'est ici Robert Forster qui voit rouge. Bob Forster, cet acteur, décédé en 2019, à la tronche de boxeur, à la filmographie longue et cabossée, homonyme du co-leader des Go-Betweens, que Tarantino avait remis en selle dans Jackie Brown, et dont le charisme est ici à son zénith. Le brun au regard si dur en vient aux armes après l'agression de son épouse et le meurtre de son fils par un gang sans foi ni loi. Remonté à bloc, écœuré par l'impuissance de la police et le système corrompu de la justice, Forster rejoint un groupe d'auto-défense, organisé par ses collègues ouvriers, afin de venger sa famille. Un groupe d'une redoutable efficacité mené par le magnétique Fred Williamson, grande vedette de films de blaxploitation, dont les monologues habités constituent sans doute mes passages préférés. C'est d'ailleurs l'un d'eux qui ouvre Vigilante et annonce d'emblée le ton du film : sec, direct et efficace.  


 
 
On tient là une pure série b, totalement assumée, un western urbain nerveux qui aborde l'auto-justice avec un tel nihilisme et un tel jusqu'au boutisme que l'on tend quasiment vers l'absurde. On se fiche pas mal que les réactions des personnages soient parfois difficiles à avaler, on n'est pas du tout là pour ça. Vigilante captive par son ambiance délétère, son rythme toujours égal, sa mise en scène soignée, et par la faculté de William Lustig à nous plonger dans les coins les plus sombres de la ville, à nous traîner dans la fange. Le film est également émaillé de longues scènes de poursuites à pieds ou en voiture qui valent franchement le détour. Très vraisemblablement inspirées par celles de French Connection, ces courses-poursuites sont accompagnées par une bande son d'enfer qui participe grandement à faire de Vigilante une pépite du genre. Le puissant thème musical soutient le meilleur moment du film, en tout cas mon favori, celui où nous voyons notre héros, plus ténébreux que jamais, sortir de taule et rejoindre le groupe d'auto-défense après avoir traversé, impassible, un terrain de squash en plein air en gênant tous les joueurs. Tous le matent en se disant "Mais il est con ou quoi ?" et la réaction, très fugace, en arrière-plan, de l'un d'eux, vaut son pesant d'or. Robert Forster a toute la place pour les éviter et ne pas faire de vague, mais non, il passe là où ça les enquiquine le plus, vraisemblablement déjà désireux d'en découvre avec le premier qui osera lui chercher des noises. C'est là l'attitude d'un homme qui a tout perdu et n'en a plus rien à foutre de rien...
 
 
 « I'll tell you this. Sooner or later, man, we're gonna run out of places to hide. What do we do then, huh ? Climb on some high mountain where it's nice and safe ? Wrong. After they finish turning this neighborhood into a cesspool, what makes you think they're not gonna look up at that high mountain of ours and want that too. »
 
Une poignée de moments trop bon trop con comme celui évoqué juste avant, de très chouettes scènes d'action pure, une BO du tonnerre, quelques dialogues en or balancés avec une étonnante ferveur, un casting composé de tronches pas possibles que l'on est heureux de recroiser (Woody Strode, Joe Spinell, Richard Bright...), un scénar qui surprend par sa noirceur et semble avancer, inexorablement, dans la nuit et les rues poisseuses de NY... il y a là tout ce qu'il faut pour passer un bon moment de détente amorale et malsaine. 

 
Vigilante de William Lustig avec Robert Forster, Fred Williamson, Carol Lynley, Woody Strode et Joe Spinnell (1982)

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