Pas totalement exclu que les créateurs de la série L'Instit, avec Gérard Klein dans la peau de Kim Novak, instituteur itinérant et sauveteur de la veuve et l'orphelin, jadis diffusée sur France 2 (et bientôt sur Netflix !), se soient inspirés du troisième film de Hou Hsiao Hsien. Le scénario est proche. L'histoire tourne autour d'une école de campagne et de l'arrivée d'un nouveau maître d'école. Il s'agit du frère de la maîtresse en poste (obligée de déménager pour suivre son époux), qui débarque par le petit train bleu, que l'on installe dans le théâtre local, qui apprivoise ses élèves, en particulier un trio déjà célèbre surnommé "les trois mousquetaires", et qui tombe sous le charme d'une enseignante de l'équipe. Le tout sur fond de musiques ou chansons guillerettes, de parties de pêche dans la rivière du coin et de jeux d'enfants. Le nouvel instituteur n'est d'ailleurs pas réellement le personnage principal, pas plus que son idylle avec sa collègue n'est au centre du récit.
Le cœur du récit, c'est tout ce petit monde, presque le village, pas de personnage principal, on passe du jeune maître d'école à un enfant et sa famille, puis à un autre, naviguant parmi eux dans un film joyeux, très musical, émaillé de gags, avec pour principaux drames le retour gênant d'une conquête un peu collante pour notre instituteur remplaçant, ou la tentative de fugue d'un des enfants dont le père est accusé d'électrocuter les poissons de la rivière. Ce qui ouvre à un discours écologique avant l'heure, dans un happy end en forme de spectacle de fin d'année et de lâcher de poissons organisé par l'école et son équipe, désormais au centre d'un nouveau programme de protection des eaux et de la faune aquatique locales.
Touchant et profondément agréable, le film est quelque part entre le Bonjour d'Ozu, notamment à travers la fameuse séquence de la "boîte à caca" qui rappelle les enfant pétomanes du cinéaste japonais, et L'argent de poche de Truffaut, en nettement moins tragique, par la grâce du portrait des enfants (en particulier le membre des trois mousquetaires qui tombe amoureux de sa petite cousine citadine, avec laquelle il entreprend d'adopter et de soigner un hibou ; mais aussi le petit fugueur et sa sœur, honteux des méthodes de pêche de leur père et partis en quête de leur mère disparue — seule excursion en ville du film — personnages qui évoquent un peu, par anticipation, ceux de Kore-Eda), et par le subtil et discret soubassement nostalgique qui imprègne chaque image d'un film d'enfance pourtant lumineux et léger, nostalgie cristallisée par l'arrêt sur image final où les enfants courent à côté du petit train bleu sur le point de quitter le village.
Green Green Grass of Home de Hou Hsiao Hsien avec Kenny Bee, Meifeng Chen et Ling Jiang (1983)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire