Produit par Francis Ford Coppola, écrit et réalisé par Victor Salva, Jeepers Creepers premier du nom a connu un succès surprenant lors de sa sortie en salles, il y a 16 ans, rapportant plus de 60 millions de dollars alors qu’il n’en avait coûté même pas le quart. En plus de cet argument commercial, le film se terminait par une fin très ouverte, il était donc inévitable qu’une suite soit rapidement mise en route. Deux ans plus tard, en 2003, Jeepers Creepers 2 a également connu un certain succès en se remboursant sans difficulté. Les rumeurs les plus folles ont depuis circulé autour d'un troisième épisode, les plus alléchantes l'annonçant comme un western apocalyptique futuriste mettant en scène une horde de creepers. Ce n'est finalement qu'en 2017 que Victor Salva a donné une suite aux aventures de son monstre, pour un épisode dont l'action se déroulera en réalité entre les deux premiers films. Le cinéaste parviendra-t-il à trouver un nouveau souffle après un deuxième volet pas vraiment glorieux ? Nous en aurons donc bientôt la réponse, mais en attendant, revenons plutôt aux origines...
Jeepers Creepers était effectivement une assez bonne surprise pour l'amateur de cinéma d'horreur, un film qui apparaissait comme très rafraîchissant à une époque où sortaient principalement des slashers post-Scream tous aussi minables les uns que les autres. La bobine horrifique de Victor Salva a l'inestimable mérite de commencer sur les chapeaux de roue. Deux jeunes, frère et sœur, traversent en bagnole un coin paumé du sud des États-Unis en direction de leur foyer parental quand un camion à l’aspect peu rassurant se met à leur poursuite. Après les avoir gentiment bousculés à coup de pare-chocs, l'étrange chauffeur continue sa route. Mais, quelques kilomètres plus loin, les deux jeunes retrouvent le véhicule garé près d’une église abandonnée, son mystérieux conducteur, simple silhouette menaçante, en déchargeant le sordide contenu...
Comme vous pouvez le constater, Jeepers Creepers s'appuie sur un pitch très basique mais efficace. La poursuite camion-voiture introductive fait immanquablement penser au génial Duel de Steven Spielberg, on peut même parler d'un hommage bref mais appuyé. Cette entame installe parfaitement l’ambiance, le film démarre fort, sur un rythme et une intensité qui nous accrochent immédiatement. Victor Salva s'y avère assez inspiré. Certains plans sont très réussis, celui où l’on voit pour la première fois la silhouette inquiétante du Creeper (le monstre, donc), près de l’église, est même assez marquant. Les acteurs ne sont pas vraiment irritants comme peuvent souvent l'être les jeunes zonards qui se retrouvent dans ce genre de rôles. Justin Long, dont la grande tronche a depuis fini par lasser (il était particulièrement pénible dans Die Hard 4 et Drag me to hell), est tout à fait supportable. Face à cette première demi-heure, nous comprenons tout à fait l’excellente réputation du film et nous nous imaginons tenir une petite perle.
Hélas, le film ne poursuit pas tout à fait sur le même ton et on peut véritablement le découper en deux parties, la première s’arrête aux alentours de l’heure de film lorsque l’identité réelle du méchant nous est pleinement dévoilée. Le reste est bien plus banal mais réserve toutefois quelques bons moments. Ainsi, on découvrira que l’apparence du monstre est particulièrement soignée : le "creeper" se distingue aisément des autres bestioles du cinéma fantastique, il a même une certaine classe grâce à ses deux ailes de chauves souris et son chapeau de cow-boy. Mais Victor Salva aurait mieux fait de nimber sa créature d'un voile plus épais de mystère. Un personnage exaspérant, celui d'une voyante ancestrale, finit par faire son apparition pour nous donner plus de détails sur la créature. On apprend alors que le creeper est une très ancienne saloperie qui, tous les 23 ans (pourquoi pas 25 ? allez lui demander) doit refaire surface au printemps et pendant 23 jours pour perpétuer des crimes affreux afin de se régénérer.
Bien que présent dans les entrailles de la Terre depuis la nuit des temps, le creeper a pour chanson préférée "Jeepers Creepers" de Johnny Mercer, sortie en 1938. On en déduit donc que, cette année-là, le monstre a dû sortir spécialement de sa planque pour aller se procurer ce vinyle et un tourne-disque. Cette chanson agréable ne sert en réalité qu'à donner parfois une petite touche ironique au film puisque son air entraînant et joyeux contraste toujours avec le contexte dans lequel il se fait entendre. Une scène coupée, issue de mon imagination, nous montre également le creeper s'envoyer le morceau et tortiller du cul dans sa cave... Bien que tout cet attirail légendaire soit somme toute très accessoire, le creeper est un monstre tout de même assez réussi de par sa dimension sexuelle assez malsaine. Ce n'est certes pas la première fois que l'on insiste autant là-dessus dans un film d'horreur de ce genre, mais je précise ici que le creeper, finalement peu intéressé par les nénettes, s'en prend exclusivement à des jeunes garçons, dont il hume les vêtements avec frénésie pour mieux retrouver leur trace...
On pardonne aisément les explications balourdes sur l'origine de la bête, et on salue plutôt la volonté de Victor Salva d'inventer un nouveau croque-mitaine. On lui en veut davantage d'avoir salopé la fin de son film. Dans son final laborieux, celui-ci perd en crédibilité et se transforme en un classique affrontement entre un monstre belliqueux et de jeunes gens pris pour cibles. Tout cela reste très regardable mais très pauvre en originalité et, plus grave encore, en frisson. Le film a cependant l’immense avantage de se conclure sur une bonne note. Le dernier plan, très gore et osé, vient rappeler au spectateur qu’il a tout de même passé un bon moment, malgré une deuxième partie qui ne peut que décevoir après l’excellent début. Si on fait le bilan, Jeepers Creepers demeure donc un film d’horreur honnête, que l'on redécouvre encore avec un certain plaisir.
Jeepers Creepers de Victor Salva avec Justin Long, Gina Philips et Jonathan Breck (2001)
Jeepers Creepers de Victor Salva avec Justin Long, Gina Philips et Jonathan Breck (2001)
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