31 janvier 2011

Bilan 2010



L'heure fatidique des bilans de fin d'année a sonné ! Notre blog existe depuis trois ans, chaque année la question des TOPs était poussée sous le tapis, balayée par les habituels arguments anti-TOPs qui peuvent effectivement refroidir les mecs qui se posent un peu trop de questions, du genre : "Et qu'est-ce qui se passe si le 3 mars prochain je découvre tel film oublié et méga mieux que les dix films de mon Top réunis", ou encore : "Remember l'an de grâce 1982 où j'avais foutu Koyaanisqatsi au sommet de mon top pour avoir l'air fin, alors que la même année E.T. crevait l'écran en pointant son gros doigt vers mon trou de balle. J'étais pas né en 82 putain, on peut faire des erreurs quand on n'est pas né !". Exit toutes ces petites contrariétés. Maintenant le blog marche à fond, on a près de 20 visites par jour, on n'a pas désactivé nos propres visites donc c'est peut-être 19 fois nous et un fan de Lindsay Lohan mais au strict niveau des stats c'est la grande forme sur notre plate-forme. Donc, même si on est en retard d'un mois, Top il devait y avoir et Top il y a. Pour ce faire, nous allons vous proposer nos deux classements respectifs, qui seront donc deux Top 5, accompagnés de brefs commentaires qui seront particulièrement éclairants pour les films dont nous n'avons pas encore parlé (à noter qu'un article viendra développer nos points de vue sur pratiquement chaque film). A la suite de quoi viendra le Top des lecteurs d'Il a Osé !, auxquels nous avons également demandé de nous dresser la liste des pires films de 2010.


Félix :


1) Copie conforme d'Abbas Kiarostami

Mon acolyte vous en parlera certainement mieux que moi. Je l'ai découvert en sa compagnie au cinéma, et ce fut un véritable enchantement. Délesté d'une certaine lourdeur allégorie présente dans Le Goût de la Cerise, Abbas Kiarostami livre une œuvre poétique qui rappelle toute la force et la grandeur du cinéma, provoquée ici par une simplicité désarmante via un retournement magnifique. Ce film donne tout bonnement une haute idée de l'art cinématographique, et c'est à cela qu'on doit reconnaître les plus réussis.



2) Une Vie toute neuve de Ouinie Lecomte
Une Vie toute neuve est un petit bijou, d’une sensibilité et d’une beauté rare. Je regrette qu’on n’en ait pas davantage entendu parler. Ce film mérite toutes les louanges. Il m’a beaucoup ému, à tel point qu’il m’est même difficile d’en parler dignement.



3) Dans ses yeux de Juan José Campanella

Dans ses yeux est un film extrêmement séduisant, une bestiole de festoche, couverte de récompenses en tout genre, et je suis complètement tombé sous son charme. J’ai pris un réel plaisir à le suivre, un plaisir que je n’avais pas ressenti depuis un bail au moment où je l'ai découvert. Dans ses Yeux est un divertissement de très haute facture, réussissant à mêler différents genres, au sein d'un film qu'Hollywood a dû regarder avec envie et impuissance.



4) The House of the Devil de Ti West

Je vous ai déjà parlé de ce film en détails il y a quelques temps. Je ne l’ai pas revu depuis, peut-être qu’il le faudrait, mais il m’avait laissé une si belle impression que je le mets ici sans me poser plus de question. Pour moi, il s’agit tout simplement d’un des meilleurs films d’horreur de ces dernières années, et d'un bien plus bel hommage aux films de genre que peuvent l’être des œuvres comme celles de Quentin Tarantino et Robert Rodriguez. Ti West nous rappelle qu’un bon film d’horreur peut se faire avec trois fois rien, tant qu’on est rempli de bonnes intentions. The House of the Devil est un film à découvrir de toute urgence pour les amateurs, et que je recommanderai même aux autres.



5) Moon de Duncan Jones

Pour ne rien vous cacher, sachez que j’ai longuement hésité entre Moon et MacGruber pour la cinquième place de mon top personnel. MacGruber m’a tué de rire plusieurs fois, notamment lors de deux scènes terribles qui à elles seules justifiaient la présence du film dans mon top. Mais, une fois n’est pas coutume, le sérieux m’a rattrapé, et j’ai préféré faire figurer ici ce film de science-fiction intelligent et rare qu’est Moon, dont peut-être nous vous reparlerons plus longuement bientôt. Il est aussi à noter qu’il s’agit du premier long-métrage de Duncan Jones, le fiston de David Bowie. On attend donc déjà son prochain film, Source Code, au pitch accrocheur, avec impatience ; et on espère de tout cœur qu’il continuera sur cette voie.


Et après ?

Comme je l'ai dit, j'ai effectivement hésité pour la cinquième place de mon podium... J'aurais aimé y mettre The Other Guys (aka Very Bad Cops en vf), la dernière comédie de Will Ferrell, et comme je reste fan du bonhomme, j'ai failli le faire. Faut dire qu'une place dans mon top lui était toute réservée. Hélas, le film n'est pas à la hauteur, et bien qu'il soit assez souvent drôle, la déception est tout de même le sentiment qui domine. J'ai également hésité en ce qui concerne Ouinie Lecomte. Je ne savais pas si on pouvait dire "un film d'Ouinie Lecomte", le "d'Ouinie" me gênait. Je l'ai dit plusieurs fois à voix haute pour m'aider, et j'ai finalement décidé d 'écrire "de Ouinie Lecomte". Voilà vous savez tout. A part ça, je voulais aussi préciser qu'il y a encore bon nombre de films qu'il me reste à voir, et certains de ces films sont mêmes présents dans le top que vous trouverez ci-dessous. Je pense tout particulièrement à Vénus Noire dont je suis à peu près sûr qu'il me plaira, étant donné le casier judiciaire d'Abdellatif Kechiche.



Rémi :



1) Copie conforme d'Abbas Kiarostami

Au sommet de ce classement je n'ai eu aucun mal à placer le film extraordinaire d'Abbas Kiarostami. Un film sublime, absolument parfait, et à tous points de vue. Porté par une Juliette Binoche époustouflante, c'est un film enthousiasmant et profondément riche à la fois, qui procède d'une liberté totale et qui en laisse autant au spectateur. Libre à celui-ci de s'efforcer de discerner le vrai du faux dans cette histoire en deux temps, ou d'en tirer une vérité personnelle, ou, mieux encore, libre au spectateur d'y puiser une intarissable source de joie devant un film qui ne choisit pas, qui ne répond pas, qui se contente de jouer sa partition, un film brillant sur l'art, sur le couple, un film porté par la grâce. Un film surtout qui rappelle à chacun la beauté élémentaire, l'efficacité puissante et la capacité d'émerveillement d'un art du cinéma dont aurait failli oublier à quel point il est précieux.




C'est pour cette même faculté à l'enchantement que le film d'Apichatpong Weerasethakul atterrit à la deuxième place de mon classement. Car même si ce film m'a moins directement touché que celui de Kiarostami, il ne m'a pas quitté depuis que je l'ai vu au cinéma. Je suis impatient de le revoir pour retrouver ses instants subjuguants et pour mieux m'en imprégner encore. Encadrant la séquence centrale, qui touche au sublime, l'ouverture et la clôture du film revendiquent a contrario un style plus réaliste qui fait la nique au règne actuel d'un cinéma de la rapidité, du sensationnel et des effets spéciaux. Au détour d'un simple faux-raccord ou d'un banal champ-contrechamp, Weerasethakul nous rappelle modestement et librement tous les possibles d'un art dont les plus anciennes et rudimentaires techniques sont une ressource de ravissement inépuisable.



3) Bright star de Jane Campion

J'ai dit dans ces pages mon amour pour ce film, qui n'a certes pas la puissance ou la brillance des deux œuvres dont j'ai parlé précédemment, mais qui cependant fait preuve d'une sensibilité et d'une intelligence de plus en plus rares aujourd'hui. Simultanément réaliste et littéralement poétique, le film de Jane Campion est très simplement beau et touchant. C'est un film juste sur la noblesse des sentiments, qui se refuse aux facilités et aux platitudes du marasme des romances actuelles, et qui fait le pari d'une écriture originale, travaillée et réjouissante. Avec le parti pris d'une mise en scène classique, et en racontant l'histoire d'amour romantique d'un poète maudit, la cinéaste se joue des clichés et du grotesque pour toucher à la plus évidente subtilité. (Cf. ma critique du film sur le blog).



4) Vénus noire d'Abdellatif Kechiche

Avec son troisième film Abdellatif Kechiche s'impose comme un des cinéastes français contemporains les plus importants en même temps qu'il fait la promesse d'une œuvre à venir considérable. Avec humilité et sans s'en donner l'air, il a réalisé un film d'une prodigieuse ambition. Un long film, certes historique mais faisant la part belle à la fiction, dans lequel le réalisateur confirme son talent, si rare, de "storyteller". Son art du récit est peu commun et il devient particulièrement efficace lorsqu'il se revêt de qualités documentaires pour un film très dur, d'une vive intelligence, qui de répétitions en aggravations assume la volonté de ne pas laisser indemne et d'interroger le rôle même du spectateur.



5) Tournée de Mathieu Amalric

Il faut saluer le retour au sérieux de Mathieu Amalric, qui après s'être tristement éparpillé dans un millier de rôles en tant qu'acteur, est enfin revenu derrière la caméra pour réaliser un film vigoureux, imparfait, inégal et revitalisant. Car son film est tout cela à la fois, si bien qu'il est facile de s'avouer mitigé à son sujet. En effet les séquences de music hall sont d'un autre niveau que les séquences plus intimistes. Mais le mariage entre ces deux mondes, ces deux fictions, opère néanmoins. Certes le cinéaste ne tient pas toutes ses promesses, celles qu'il nous avait adressées avec ses premières réalisations. N'empêche que ce film, qui semble avoir été fait sur le vif, est emporté par un souffle de liberté et d'énergie qui fait un bien fou et qui, en soi, est une nouvelle promesse.


Et après ?

Il me faut néanmoins brièvement parler de ces perdants qui auraient pu gagner. J'ai longuement hésité, comme on hésite toujours avec ce genre de classement. Ça s'est bousculé au portillon. Parmi les perdants, deux films dont mon camarade vous aura parlé, le bouleversant Une vie toute neuve et le très plaisant Moon. Mais surtout deux autres films : Des Hommes et des Dieux et Bad Lieutenant, très justement plébiscité par nos lecteurs. Je vous ai déjà parlé de la puissance narrative du film de Werner Herzog. Encore un long film dense et essoufflant, plein d'ambition et de force qui tend son doigt au tout Hollywood en insistant sur les possibilités et la richesse de cette vertu que l'on nomme simplicité. Ou quand le cinéma se rappelle qu'il lui suffit d'un lézard et d'un art du cadrage pour évoquer le monde intérieur ravagé d'un vrai personnage sous les traits ingrats et adorables de Nicolas Cage. Quant au film de Xavier Beauvois, il aurait aussi mérité sa place dans ce classement. Traitant d'un sujet loin d'être évident avec une grande maîtrise, le film divise cependant. Ne s'embarrassant pas du politiquement correct qui veut que l'on évite à tout prix la moindre preuve de manichéisme ou le plus petit soupçon de complaisance, le cinéaste français réalise une pure hagiographie, et tant pis pour la nuance. Cet amour sincère pour ses personnages, calqué sur leurs propres sentiments, que l'on pourrait aussi qualifier d'aveuglement a de quoi séduire et de quoi agacer. Idem pour la séquence du repas final sur fond de Tchaïkovski, qui balance entre le risible et le magnifique. A la sortie du cinéma c'est plutôt largement le positif que j'avais retenu du film. J'ai hâte de le revoir pour peut-être confirmer - du moins je l'espère - ce jugement.


Le TOP 10 des lecteurs :




1) Bad Lieutenant : Escale à la Nouvelle-Orléans de Werner Herzog
2) Copie conforme d'Abbas Kiarostami
3) Bright star de Jane Campion
4) Mother de Bong Joon-ho
5) Dans ses yeux de Juan José Campanella
6) Oncle Boonmee d'Apichatpong Weerasethakul
7) Une Vie toute neuve de Ouinie Lecomte
8) Moon de Duncan Jones
9) Vénus Noire d'Abdellatif Kechiche
10) Des Hommes et des Dieux de Xavier Beauvois

Avec ce top, nos lecteurs apparaissent donc en parfaite harmonie avec nous-mêmes, puisque seul Mother ne figure pas déjà dans l’un de nos deux tops. Bien qu'on l'ait regardé sans déplaisir, le film de Bong Joon-ho ne nous a pas totalement convaincus. Échouent aux portes de ce classement : Breathless, Fantastic Mr Fox, Mystères de Lisbonne, The Town, Toy Story 3 et The Ghost Writer, ce dernier aurait même pu figurer à une bien meilleure place si l’une de nos lectrices ne l’avait pas situé au sommet de son flop (elle est grande et file facilement des beignes, alors on a rien pu faire). C'est le film de Werner Herzog qui a plu au plus grand nombre, et c'est logiquement pour cela qu'il se retrouve tout en haut de ce top. Nicolas Cage a su trouver ses fans, c'est certain.


Le FLOP 10 des lecteurs :



1) The Social Network de David Fincher
2) Alice au Pays des Merveilles de Tim Burton
3) Tout ce qui brille de Géraldine Nakache
4) Knight & Day de James Mangold
5) Les Petits mouchoirs de Guillaume Canet
6) Mr Nobody de Jaco van Dormael
7) Gainsbourg (vie héroïque) de Joann Sfar
8) Harry Potter et les reliques de la mort - partie 1 de David Yates
9) Les Aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec de Luc Besson
10) Les Amours imaginaires de Xavier Dolan

Véritable plébiscite pour le dernier film de David Fincher, The Social Network, pourtant bien parti pour rafler tous les Oscars et que l’on peut également retrouver au sommet des tops sur bien d’autres blogs et magazines en tout genre. Il faut croire que c'est bien parmi les lecteurs de notre blog que Fincher s'est fait "quelques ennemis". Que rajouter si ce n’est que nous sommes ici très fiers de nos lecteurs. Pour ne rien vous cacher, sachez qu’une critique du film de David Fincher sommeille dans nos brouillons depuis plus de deux mois. Faut croire que ce film est tellement chiant que nous rechignons même à y revenir pour vous en dire du mal. Mais cette critique arrivera bientôt, c’est promis. Pour le reste, que dire ? S’exprime ici un véritable rejet pour toutes ces grosses machines merdeuses, avec lesquelles on nous a bassinés pendant des semaines, voire davantage, que ça soit mondialement (Harry Potter, Alice au Pays des Merveilles, etc) ou seulement dans notre doux et beau pays (Gainsbourg, Tout ce qui brille, Les Petits mouchoirs, Adèle Blanc-Sec). On pourrait presque s’étonner de ne pas retrouver Inception dans ce flop. Il aurait pu y figurer, car certains d’entre vous l’ont bel et bien détesté, mais quelques autres l’ont aimé et l'ont placé dans leurs tops... En tout cas, nous essaierons aussi de le critiquer bientôt, même si comme le film de Fincher nous retardons l'échéance par crainte de nous replonger dans l'esprit malade de Chris Nolan.
Nous tenons à remercier tous ceux qui ont aimablement participé à ces classements.

Nota Bene : Avis à tous ceux qui le souhaiteraient, n'hésitez surtout pas à poster vos propres Top/Flop dans les commentaires de cet article !

29 janvier 2011

Unthinkable

Unthinkable (bêtement réintitulé No Limit en VF) est un thriller hard-boiled américain sorti en catimini sur nos écrans français, mais qui a fait un véritable tabac outre-atlantique où le spectre du terrorisme est peut-être plus lourd qu'ici. Car ce film traite effectivement de ce sujet, et sans détour, pour mieux nous mettre face à nos propres peurs, impuissants et médusés. L'histoire est simple : un pauvre type déclare avoir planqué trois bombes nucléaires dans trois mégapoles étasuniennes. Évidemment, il ne veut pas dire plus précisément où sont cachées ces bombes dont l'explosion est imminente. Par conséquent, et comme le temps presse, le FBI décide d'appeler en renfort son plus terrible agent, celui qu'ils ne sortent de sa cage qu'en cas d'extrême urgence, quand il s'agit de faire cracher le morceau à un vilain récalcitrant. Cet homme, ce négociateur brutal aux méthodes douteuses et aux résultats spectaculaires, c'est Samuel L. Jackson, qui ici se fait surnommer H parce qu'il doit être fan de la série-tv. Cet acteur que nous aimons tous est ici en mode pilote automatique, encore plus que dans l'inénarrable Des Serpents dans l'avion. Il semble surtout là pour encaisser son paycheck et faire du charme à sa partenaire, la famélique Carrie-Anne Moss, qui ne le laisse clairement pas indifférent à en juger la volumineuse bosse sur son pantalon qu'il se traine du début à la fin de ce long-métrage.



Comme l'indique le titre, Samuel L. Jackson, aidé par Carrie-Anne Moses, va jusqu'à commettre l'impensable pour faire causer un terroriste bien décidé à ne rien dévoiler (le moment où Jackson prononce le titre est peut-être le seul truc un peu drôle du film). Unthinkable apparaît alors comme une sorte de compilation de tous les pires moments de la série 24, de toutes ces scènes à la morale douteuse et politiquement incorrectes qui ont participé à bâtir la réputation mi-figue mi-raisin de cette série, où notre bon Jack Bauer emploie les méthodes les plus rudes pour faire causer ses ennemis. Samuel L. Jackson tente tout de même d'innover, ce qui donne lieu à des passages loufoques.



Après avoir tenté le classique "je te mets la lampe 199 watts dans la gueule" sans succès, Sam Jackson s'amuse d'abord à accrocher des pinces de batteries sur chaque couille du terroriste pour le faire parler. En lui-même ce geste est déjà très douloureux, et le terroriste ne manque pas de hurler. Mais L. Jackson va plus loin dans le sadique en branchant l'autre extrémité des pinces de batterie à sa voiture personnelle, dans laquelle il grimpe puis accélère au point mort et le frein à main tenu avec fermeté à qui mieux mieux pour faire hurler de plus belle le terroriste terrorisé. A ce moment on se demande lequel des deux est le plus fou ! Madness ! D'autant plus que dans un détail morbide, Samuel L. Jackson tente de faire fredonner "Au clair de la Lune" au terroriste en modulant sa pression sur la pédale d'accélération.



Dans un moment atroce, Samuel "Loïs & Clark" Jackson prend le pied du terroriste et fait craquer sa cheville d'un coup circulaire sec. Consécutivement à cela, il le force à jouer avec lui à une partie de foot en salle endiablée, contre son propre cousin, qui prend très au sérieux ces confrontations. Le front encore suant et histoire de l'achever en lui faisant ce qu'on appelle un "coup du lapin", Samuel L. Jackson invite Tarsem dans le cadre d'une journée d'étude consacrée à son propre cinéma et dont le terroriste est l'unique spectateur. La conférence se termine par la description, trois heures durant, du prochain film de Tarsem qu'il n'a pas encore mis en boîte, mêlant des éléments de The Fall et de The Cell. Tarsem finit sa conférence par un forum-débat sur la question qui le taraude en ce moment : comment nommer ce film hybride, hésitant entre The Fell ou The Call. A ce moment-là, le terroriste n'en peut plus et donne la localisation géographique des trois bombes (Paris et Tours au Texas, et Montpellier dans le Vermont) ainsi que la date de sa première masturbation "efficace" devant un Samuel "Lou-Reed" Jackson qui n'en demandait pas tant.



A la toute fin, que je vous spoile ici même sans aucun état d'âme, on apprend tétanisés qu'il n'y avait pas trois bombes, mais quatre (Paris dans l'Arkansas). C'est le twist du film que je viens d'éventer. Je vous fais gagner une heure et demie, prenez ça comme un service. On devine cette ultime bombe exploser lors du générique de fin, qui est donc l'un des plus noirs de l'histoire du cinéma. Bref, un film qui laisse une drôle d'impression !


Unthinkable de Gregor Jordan avec Samuel L. Jackson et Carrie-Anne Moss (2010)

28 janvier 2011

Carlos

Cet article sera divisé en deux parties. Dans un premier temps, la version longue du film d'Olivier Assayas - longue étant un doux euphémisme pour parler d'un film d'une durée approximative de six heures et diffusé sous forme de mini-série sur Canal+ - sera analysée et critiquée par un invité de marque : Joe, fondateur et rédacteur en chef du fameux webzine musical C'est Entendu. Et dans un second temps, la rédaction d'Il a osé s'attaquera à la version courte de Carlos, vouée aux grands écrans de cinéma. Mais pour commencer, voici l'avis détaillé et argumenté de Joe, notre premier rédacteur invité :

Carlos (version longue) :

Il faut bien se dire que ça n'est pas un biopic. Assayas n'a pas essayé de copier la réalité, ou en tout cas je ne le crois pas. Ça n'est pas Mesrine et encore moins La Môme. C'est un film historique et politique. Assayas y a placé son point de vue, lui qui se proclame situationniste et qui était là, à l'époque, jeune homme qui pouvait juger des évènements. D'ailleurs, Carlos, depuis sa prison, a protesté et compte trimballer Assayas devant les tribunaux pour l'argent (on a utilisé sa vie comme sujet d'un film lucratif) mais aussi apparemment pour un non-respect des faits (ça ne serait pas Hussein mais Khadafi qui aurait commandité la prise d'otages de l'OPEP, etc) et enfin évidemment parce que les faits présentés dans le film (et notamment les attentats en France visant la libération de Kopp et Bréguet) tendent à incriminer Carlos alors que le procès lié à ces crimes n'a pas encore été ouvert. Ça n'est pas un biopic, c'est un film historique et politique.



Et c'en est un agréable à regarder. Parce qu'Assayas est un bon metteur en scène, évidemment, avec lequel même les seconds rôles les plus seconds prennent une importance folle (et surtout, ils sont joués par des acteurs que l'on n'a pas forcément l'habitude de voir dans TOUS les films de cinéma dans des secondes rôles, et ces gens ont l'air réels, ce ne sont pas des caractères, des caricatures, des "gueules", ce sont des personnes du commun : pensez au couple lié à l'ambassade de France de Syrie qui se fait flinguer à un moment ou même aux policiers de la DST ou aux délégués de l'Opep), et qui sait mettre en exergue ce qu'il faut. Lorsqu'un évènement survient et qu'il est important de le remarquer pour mieux appréhender la suite de l'intrigue (Carlos descend un membre de la délégation lybienne, Angie a des doutes sur l'opération, un inspecteur de la DST dit à un autre qu'il n'est pas nécessaire de prendre son arme de service pour se rendre Rue Touiller...), Assayas ne force pas le trait : on comprend mais on n'est pas obnubilé par le détail et on n'a pas l'impression d'un bourrage de crâne. Ensuite, la gestion rythmique est on ne peut plus réussie : pas besoin de sensationnalisme lors des attentats ou de la prise d'otage, ni d'en montrer plus que nécessaire, mais l'action est prenante et rapide, vive. Au contraire, la dernière partie du film, lente, désespérante, est à l'image de la vie de Carlos, de la vie de la Révolution dont il est le représentant. La fin de la Guerre Froide, la fin de Carlos, c'est un lent dépérissement et Assayas ne cherche pas à rendre ça plus intéressant, de toute façon cela desservirait sa thèse, qui, ne nous le cachons pas, est celle de l'échec de la Révolution.



Du point de vue historique, quiconque n'a pas vécu cette période avec les yeux ouverts y trouvera la satisfaction de la révélation des causes d'une mort. Comme dans ces séries policières américaines où l'on trouve un cadavre et où l'on envoie les experts découvrir qui l'a tué, quand, comment et pourquoi. Lorsque j'étais enfant, un jour, on m'a dit que l'URSS n'existait plus et que le Mur de Berlin était tombé. Évidemment, je n'ai rien compris, et même si par la suite, les tenants et les aboutissants m'ont été communiqués, ça n'est qu'avec un film historique de ce genre qu'un type comme moi qui n'a pas eu le courage de lire des bouquins sur la Guerre Froide pouvait comprendre comment et pourquoi.

Au début du film, on en vient à se dire qu'Assayas compte glorifier Carlos, en faire un Che, une icone, et à vrai dire, on ne dirait pas non. Edgar Ramirez est un acteur talentueux et dont l'aisance linguistique m'aura donné envie de parler espagnol, allemand et arabe aussi bien que lui, dont l'anglais et le français sont aussi parfaits (il faut l'entendre prononcer "petit bourgeois"). Jamais hollywoodien (outrancièrement héros pédant ou vaguement roi du pathos, même lorsqu'il prend de nombreux kilos "pour le rôle"), Edgar Ramirez est juste et lorsqu'il énonce de grands mots gauchistes on les croit sur parole, tout en ne l'idolâtrant pas puisque son personnage reste un échec dès le départ. Ilich Ramirez Sanchez est un fils de riche avocat, élevé à Londres dans un cadre familial socialiste, puis envoyé à Moscou, et son esprit révolutionnaire est dès le début miné par son confort et son envie de gloriole. Le point de non retour est évidemment atteint lorsque Carlos accepte de rencontrer Boumedienne et Bouteflika, à Alger, avant d'accepter la rançon. Le simple fait de les rencontrer l'oblige à abandonner ses idéaux. A partir de là, il semble qu'aucun acte, terroriste ou non, de son groupe n'a d'autre sens que de préserver sa propre existence. Weinrich et Ali ne sont que ses aides de camps et Carlos est un marchand d'armes, pas un révolutionnaire. D'ailleurs, lorsqu'enfin, le groupe semble reparti sur une voie plus active, l'échec est direct : Bréguet et Kopp sont arrêtés avant même de sortir la voiture piégée du parking et les attentats suivants ne visent en aucun cas à faire passer un message révolutionnaire ou à combattre le capitalisme : l'explosion de la voiture piégée devant le journal arabe n'est qu'un "job" pour les syriens et les attentats dans les trains visent à faire libérer Kopp et Bréguet, c'est à dire à sauver deux soldats, de mauvais soldats. L'intérêt personnel, absent de la lutte révolutionnaire communiste en principe, est la seule chose vers laquelle sont tournés Carlos et ses hommes.



Il eût été facile de faire de ce film une ode nostalgique et romanesque à la Révolution, au Communisme, mais ça n'est pas le cas. D'ailleurs Carlos n'est pas une figure héroïque. La prise d'otages de l'OPEP, je ne dis pas (sur le principe, pas les faits), tout comme la tentative de meurtre sur la personne du Président de la chaine de vêtements anglaise, qui était sioniste. Ce sont des attentats politiques. Bomber le Drugstore, bomber des trains pour sauver ses soldats, et j'en passe, ça n'est pas ça, la Révolution. C'est peut-être aussi une des raisons pour lesquelles Carlos (le vrai, dont l'égo ne doit pas être tout petit) n'a pas aimé ce qu'il a vu du film : sa vie est présentée comme un raté et pire, comme un symbole de la défaite qui a engendré le Nouvel Ordre Mondial d'alors. Weinrich le lui dit, à la fin, les larmes aux yeux : "la guerre est finie, ..... et nous avons perdu."



D'un point de vue personnel, en tant que critique acerbe de cet Ordre Mondial Capitaliste (et surtout de son échec, à lui, moral surtout), et en tant que pro-Palestinien au passage, je me trouve devant ce film captivé par la collision entre de grandes idées et de tristes égos, entre de grands projets et de tristes intérêts. Je me dis que j'aurais trouvé intéressant de vivre cette période mais que la désillusion a certainement été pire que celle des hippies quinze ans plus tôt. Je me console avec un réalisateur, des acteurs et un film plaisants et, cerise sur le gateau, une habitude avec Assayas, une bande son de rêve, puisque ce sont des chansons de Wire, l'un des meilleurs groupes anglais de tous les temps et probablement celui que j'écoute le plus en ce moment, qui illustrent les passages clés du film, sans que la musique ne prenne le pas sur les images ou ne romancent le script. Elles ne servent qu'à aider la tension ou renforcer l'ambiance. Quel bonheur.

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Et maintenant la Rédaction d'Il a osé prend le relai pour enchaîner sur la version cinéma de ce film.

Carlos (version courte) :

Une version courte longue tout de même de 3 heures, qui se regarde bien et qui se suit parfois même avec un grand intérêt, car Olivier Assayas est décidément un cinéaste très doué, même lorsqu'il verse dans cet autre pendant plus américain de son cinéma. Au début le récit est plutôt entraînant et en même temps assez agaçant, notamment à cause de cette façon qu'a le réalisateur de filmer le corps de Carlos nu sous la douche sur fond de musique "new wave". Cette musique, manifestement adorée du cinéaste, devient presque douteuse pour illustrer la vie criminelle d'un pseudo-terroriste révolutionnaire transformé en playboy pour les besoins de l'adaptation. Edgar Ramirez, fort bel homme, porte le film sur ses épaules par un travail d'incarnation impeccable, et il nous fait de l'effet, certes. Mais on est gêné par cette séquence où notre homme commence par balancer une bombe dans un lieu public, qui explose dans son dos à grands renforts de cris déchirés, puis se malaxe le chibre devant un miroir, nu et saillant, beau comme un Dieu, le cul en bombe à la fenêtre, le tout sur fond de cette musique "cool" qui fait de Carlos une sorte d'icône, un héros très classe, un gangster génial, figure vue et revue mille fois ailleurs, surtout chez les ricains bien sûr. Cette séquence, dont on comprend qu'elle est là pour mettre en scène la mégalomanie du personnage, la superbe qu'il arborait à cette époque de sa vie, ou son statut d'immédiate star du terrorisme, n'en est pas moins légèrement dérangeante dès lors que le cinéaste ne nous montre par un homme amoureux de lui-même, mais nous donne à aimer un acteur effectivement beau et désirable. On passe tout d'un coup du culte de soi à la pub "L'invisible de Dime" par Les Nuls.



Mais très vite on commence à comprendre que le héros de ce film n'en est pas un, puisque ses faits d'armes se limitent au meurtre d'une poignée de flics et à une opération politique terroriste foireuse (parce qu'elle rate mais aussi dans le sens où déjà la révolution n'était qu'un faire-valoir pour assassiner les ministres du pétrole des pays opposés à l'Irak sous-couvert d'idéalisme anti-capitaliste), et qu'en fait ce qu'on nous raconte c'est l'histoire d'un connard qui, parti d'idéaux révolutionnaires, s'est faute de mieux retourné vers des intérêts beaucoup plus bassement personnels, et que du beau bandit vénéré des médias, Carlos est passé au gros lard planqué et sans ressources, minable, finalement capturé suite à une maladie de couilles. Et l'on comprend mieux l'idée du film et le motif qui a poussé Assayas à filmer le premier Carlos comme une séduisante célébrité pour mieux en dire la vérité dans la deuxième moitié de son film.

N'empêche qu'on s'ennuie. On s'ennuie d'abord parce que toute la fin du film est chiante comme c'est pas permis. On s'ennuie parce qu'étant donné que c'est une histoire vraie, Assayas, comme tout biographe, se croit obligé d'intégrer à son trop long film des séquences qui n'ont aucun intérêt et que le cinéaste n'aurait jamais filmées, ou jamais montées, s'il avait lui-même écrit cette histoire. On devine en réalité que ces séquences en trop viennent de la version longue, or si elles se justifiaient dans un film de six heures certainement beaucoup plus complexe et riche sur le plan historique et politique, elles deviennent rapidement superflues dans une version courte qu'il faut dire moins pertinente. Il ne fait aucun doute que ce film a été tourné pour la télé et pour durer six heures, et que la version cinéma n'est est qu'un malheureux condensé. On s'ennuie enfin parce qu'on voit bien que tout le propos du film tient dans cette métamorphose due à l'échec du héros, or la mise en scène a tendance à demeurer celle de l'ouverture du récit, dans le genre quand même des séries et dans une regrettable veine biopic : elle n'évolue pas et n'est guère passionnante, et ce même si le film reste signé Assayas et s'avère donc nettement mieux réalisé que toutes les séries du monde. Assayas n'a pas perdu sa touche personnelle dans cette opération et son film, qui trouve tout de même un bon équilibre entre des scènes d'actions et des séquences plus calmes, peut parfois faire penser à un film américain des 70's, dans le genre de Lumet, ce qui n'est pas rien. Néanmoins on suit le film sans vraiment s'y intéresser, sans vraiment y trouver son compte. Pas sûr qu'on ait le désir de le revoir. Pas sûr qu'on tarde à l'oublier...



En revanche ce que je n'oublierai jamais c'est ce plan, quand les terroristes menés par Carlos quittent enfin le congrès de l'OPEP direction l'aéroport, avec tous les otages tenus en joug dans le bus qu'on leur a accordé, où on voit le car en question, rideaux tirés, s'éloigner doucement, conduit par un de ces arabes terroristes nihilistes, quand soudain le clignotant s'éclaire pour indiquer que le bus va tourner à gauche. Ce type qui conduit le bus, qui fait partie de cette poignée de kamikazes terroristes coupables de l'assassinat d'un homme d’État et de policiers Autrichiens, s'apprêtant à mener par les armes les dirigeants de plusieurs pays du monde, que lui et ses camarades tiennent en otages, vers Bagdad, ce type qui conduit ce car filmé par toutes les télés de la planète et visé par des dizaines de policiers, ce grand meurtrier politique en fuite, que la mort toise du regard, ce type-là, à ce moment-là, il met le cligno à gauche avant de tourner. Ça je ne l'oublierai jamais.


Carlos d'Olivier Assayas avec Edgar Ramirez (2010)

27 janvier 2011

Rendez-vous l'été prochain

Philip Seymour Hoffman c'est typiquement le gars qu'on ne présente plus. Actuellement en procès pour avoir dégueulé toute sa haine raciale sur une chaîne du service public à une heure de grande écoute, cet acteur à sensation, et chroniqueur politique de renom, est connu dans le métier pour aller et venir en gardant toujours son Oscar dans son gros falzar, et même plus précisément dans son slibard. Double rôle pour la statuette : passe-partout exhibé devant les videurs de boites de nuit branchées de Los Angeles et sexe hypertrophié factice pour tenter d'amadouer toute jeune femme passant sous son radar. Cet Oscar, c'est celui du meilleur acteur, s'il vous plaît ! Soit la récompense la plus prestigieuse du 7ème Art dans sa catégorie : poids-lourd, pas-léger. Le Saint Graal, the Big-One. Cet Oscar, il l'a remporté en incarnant une capote géante, mais véritablement humaine, d'où son nom, assez simple au demeurant, de Truman Capote ("Véritable Homme Capote", mot pour mot en vf et dans tous les cinémas québécois), dans le film éponyme. L'acteur y est tout bonnement remarquable. De mémoire, jamais du latex lubrifié n'avait réussi à être rendu si expressif par un comédien marchant littéralement sur l'eau. On le voit faire, il traverse le lac Ontario sans les mains ! Depuis cette performance remarquée, son nom, à force d'être répété et acclamé, s'est transformé en un plus rapide et commode PhilSemHoff, un peu de la même façon que le groupe d'indé pop ricain American Analog Set devient AmAnSet pour les fins limiers. Certains même vont jusqu'à l'appeler uniquement par ses initiales, soit PSH, de la même manière que son alter-ego belge JCVD. Philip Seymour Hoffman jouit aujourd'hui d'un laisser-passer à tout-va, d'un droit de vie ou de mort sur ses semblables à Hollywood et au-delà. Il est, avec Halle Berry, l'acteur le plus doué de sa génération. Une génération dorée, qui compte pourtant dans ses rangs d'autres hommes de calibre, parmi lesquels son propre fils Dustin et son cousin Gene "Seymour" Hackman, auxquels il a appris la comédie avant de s'y mettre à son tour, mais aussi Tom Cruise, qu'il a poussé dans le tunnel obscur et étroit de la scientologie pour mieux avoir le champ cinématographique entièrement libre.


L'effet spécial du film

Ce gars-là vit sur une autre planète, il ne fait pas partie de notre monde. S'il n'existait pas, le show-business serait du business tout court et nos céréales du matin auraient le goût amer de la rancœur du soir. S'il a envie de se mettre à la mise en scène, il s'y met, et fissa. Avec un budget de 15 000€, je vous prie, soit 15 000 fois la somme qu'affiche mon compte à la BNP. Surbooké, Hoffman nous a torché son premier film en une semaine, et ça se voit. Tout est à l'écran : de son troisième assistant coiffure, à la maladroite perche du micro, en passant par l'ombre menaçante de son beau-père et sa grosse ganache enfarinée. Si PhilSemHoff veut tourner une très banale comédie dramatique typiquement "indé" sur des couples de cas sociaux qui se font et se défont, il le fait. Hoffman adore Grizzly Bear ? Ni une ni deux, c'est réglé en un coup de fil : ce groupe signera la BO de son film chéri. Amy Ryan lui a plu dans The Office ? Elle est dans son film, plein cadre. Hoffman aime Chan Marshall et les Fleet Foxes ? La même. Tous ces gens se retrouveront illico au générique de son bébé, Jack Goes Boating. Pourquoi un tel titre, me direz-vous ? Parce que pendant le tournage, notre acteur-réalisateur favori avait, comme il dit, une "grosse envie de thon". Il est allé pêcher puis tirer, on a filmé et ça a donné la scène-clé de ce long-métrage, ainsi que son titre. Un beau titre, vendeur, énigmatique, poétique, car notre bon Philip aime la poésie et Agatha Christie. Son film a été salué par toute la presse, unanime. Il a le monde à ses pieds. Laissez tomber, c'est un tueur. Intouchable.


Rendez-vous l'été prochain (Jack Goes Boating) de et avec Philip Seymour Hoffman (2010)

26 janvier 2011

L'Homme qui en savait trop

Je profite de la rétrospective Hitchcock qui se déroule depuis le 5 janvier et jusqu'au 28 février 2011 à la Cinémathèque Française de Paris pour rapidement parler d'un film parmi les plus célèbres de ce cinéaste incontournable (au sens propre et figuré) : L'Homme qui en savait trop, celui de 1956, remake d'un précédent film homonyme du réalisateur tourné en Angleterre en 1934, avec Peter Lorre dans le rôle principal, déjà excellent mais dont on préfère la reprise. L'accroche sur l'affiche (qui a dû réunir une batterie de publicitaires chevronnés) ne trompe pas, c'est un "super Hitchcock" ! Et avec un "super Daniel Gélin", grand acteur de chez nous, remarquable notamment chez Max Ophüls ou Jacques Becker, qui interprète ici un agent secret français déguisé en arabe dans la géniale séquence qui déclenche l'action. Le plan réalisé par Hitchcock sur les mains de Jimmy Stewart qui retiennent le visage de Daniel Gélin et en retirent le maquillage est de ceux, innombrables dans la filmographie du cinéaste, qui restent à jamais en mémoire.




Ce petit imbroglio identitaire au sujet d'un français dans la peau d'un maghrébin m'a particulièrement touché. Je suis moi-même vaguement pied-noir par mes origines paternelles. Mon grand-père est né en Algérie avant d'être contraint d'atterrir la bouche en cœur et le cœur en berne sur une fameuse plage de la Côte d'Azur nommée "Fromage", où vous ne trouverez ni bikini ni dégun, juste quelques vives dans le sable pour vous envoyer droit à l'hosto. C'est un désert de garrigue qui va d'Aubagne jusqu'à Aix, un vrai désert... Ce désert de Gobi s'appelle donc "Fromage" et précède une ville qu'il vaut peut-être mieux avoir dans son poste de télé que derrière sa porte d'entrée (c'est pour les mêmes raisons que j'ai fait de Paname je t'aime mon film de chevet, près des yeux, loin du cœur et au large les contagieux). Mais fin de l'aparté, tournons-nous vers Marrakesh, qui accueille la première partie du film d'Hitchcock.




Chaque séquence de ce film offre son lot de plaisir bien spécifique. Et tout du long, quel éternel plaisir d'entendre Jimmy Stewart mâchouiller ses dialogues, manger chaque mot entre ses dents, déblatérer tout ce qu'il peut en mâchonnant chaque syllabe avec sa sublime gueule d'ange légèrement en biais. Et n'est-il pas tout aussi exquis de retrouver Doris Day, la blonde sainte nitouche la plus puritaine d'Hollywood, catholique comme pas deux, qui a fait un combat de sa vie, un combat pour la protection armée des animaux, en particulier des clebs, mais qui avant de devenir un oiseau de basse-cour tournait en ce temps-là comédie populaire sur comédie populaire aux côtés de Rock Hudson pour nous titiller en associant pudibonderie et séduction du bonbon. Il faut la voir ici chanter, doucement, au début du film, puis en hurlant presque, à la fin : "Qué serra, serra". Car cette chanson magnifique, et le chant en tant que tel, incarné par Doris Day, est le rouage principal de l'intrigue du film.




Et outre l'immense joie de suivre le récit comme d'habitude diablement ficelé d'Alfred Hitchcock, qui nous balade de plan en plan avec une maîtrise de son art toujours sidérante, et qui regorge d'idées brillantes (rien que la séquence d'introduction, avec cet immense orchestre qui joue la musique du film signée Bernard Herrmann, et la caméra qui se rapproche lentement des musiciens pour finalement atterrir entre les deux immenses cymbales qui se fracassent l'une contre l'autre, annonçant le début du film...), c'est aussi l'un des rares films du maître (on peut songer à la fin de Notorious) qui s'autorise une émotion aussi brute relevant de l'empathie pour les personnages et qui ne repose pas sur l'angoisse ou autres sensations synonymes, mais sur des sentiments dignes du mélodrame : l'instant où Doris Day chante pour la deuxième fois et de toutes ses forces la chanson qui l'unit à son fils parvient à d'abord faire rire (Doris y va franchement pour que son fils, retenu prisonnier dans une chambre quelques étages plus haut, puisse l'entendre), puis à nous saisir au ventre et à nous tirer des larmes. Hitchcock enchaîne une série de plans sur les espaces vides de l'ambassade (hall, couloirs, escaliers...), filmant le déplacement d'un son (autre idée géniale), mais au-delà de la progression dramatique de la séquence, et même si l'on sait que Hank, le fils du couple que forment Doris Day et James Stewart, est encore vivant, et même si l'on se doute que probablement il va s'en sortir, à ce moment-là, on voit une mère qui a perdu son enfant lui chanter une chanson populaire bien à eux à travers des espaces vides, emplissant le silence de sa voix pour le rappeler à elle, comme s'il avait bel et bien, et définitivement, disparu. On oublie un bref instant l'intrigue pour se laisser prendre par l'émotion pure d'une scène qui dit avec une brusque et violente justesse l'horreur de la perte d'un enfant.




Sans que toute l'intrigue se réduise à un simple mcguffin, Hitchcock, qui donne l'impression de s'amuser de chaque détail (de la main de James Stewart qui tripote un annuaire quand il apprend que son fils a été kidnappé à la main de James Stewart pigée dans la gueule d'un tigre empaillé lors d'une bagarre avec des taxidermistes), filme un homme et une femme qui s'aiment et qui veulent coûte que coûte retrouver leur enfant, dans un hymne franc et massif en tout point sublime à la musique, de la grande, classique, symphonique, à ces chansons populaires qui fondent le tissu familial et jouent comme codes instinctifs sur ses membres. Un "super Hitchcock" ? Makkash. C'est non seulement un super Hitchcock avec Jimmie Stewart et Doris Day, c'est non seulement un petit bijou de mise en scène dont chaque séquence est une joie en soi, c'est non seulement une histoire au suspense haletant, mais c'est probablement, pour moi, le plus beau film jamais consacré à la musique.


L'Homme qui en savait trop d'Alfred Hitchcock avec James Stewart, Doris Day et Daniel Gélin (1956)

25 janvier 2011

A l'intérieur / Martyrs

Le nom d'Alexandre Bustillo, l'un des deux zozos derrière ce film, me dit quelque chose. En effet, j'ai longtemps été abonné à Mad Movies, mensuel français consacré au "plus fort du cinéma" si l'on s'en tient à la phrase d'accroche qui apparaît dorénavant sur chacune de ses unes. Pour être plus clair, ce magazine s'intéresse au cinéma "de genre" : fantastique, science-fiction, horreur, etc. J'ai eu ma période, quand j'étais ado, où ce cinéma-là était mon centre d'intérêt numéro 1. Je ne pense pas avoir été le seul dans ce cas et je ne dénigre pas mes goûts passés, guilty as charged d'avoir été un fana de films d'horreur. Aujourd'hui encore, alors que j'ai fini par comprendre que 98% de ces films étaient tout à fait merdique, je continue à en mater quelques-uns et à me tenir au courant. Comme quoi, on ne se refait pas...




Alexandre Bustillo était donc journaliste au sein de ce magazine. Peut-être même qu'il l'est toujours. J'avais bien gardé son nom en mémoire parce qu'il coïncide avec la chute de Mad Movies qui, au départ, était un papelard respectable et de grande qualité. Bon, une question se pose alors : Mad Movies était-il réellement un magazine de qualité ou bien est-ce tout simplement moi-même qui suis devenu un peu moins con en grandissant ? Non, croyez-moi, il n'y aurait qu'à comparer n'importe quel article d'aujourd'hui avec un autre d'il y a quelques années pour se rendre compte que tout s'est cassé la gueule : du style de leurs rédacteurs, désormais rempli de tics tout bonnement insupportables, jusqu'aux films dont ils font les éloges (à les croire, Jusqu'en Enfer est le plus grand chef d'œuvre de ces dernières années). Bref. A travers les quelques articles que j'ai pu lire de cet Alexandre Bustillo, je crois connaître ses deux ou trois idées ou convictions sur le cinéma ou, pour être plus précis, sur ce que doit être un bon film d'horreur. Faut dire qu'on a vite fait le tour... A l'Intérieur n'est donc que la mise en application de ces quelques convictions puériles.


Julien Maury et Alexandre Bustillo, réalisateurs d'A l'Intérieur. Moi je ne leur prête pas ma caméra, même pour 600 kilos d'or pur.

Pour Bustillo, et certainement pour son compère (ils sont deux à avoir commis cette atrocité) et sûrement hélas pour bien d'autres énergumènes de leur genre, un film d'horreur se doit de ne jamais rien suggérer, d'être extrêmement premier degré, terre-à-terre au possible, jusqu'au-boutiste et ultra brutal. Ça doit littéralement prendre par les tripes. Bon, admettons, à la rigueur, pourquoi pas. Encore faut-il avoir quelque chose à dire... Je ne me souviens pas de l'histoire d'A l'intérieur, si toutefois il y en a bien une. Je garde juste le souvenir d'un huis-clos minable où deux femmes se retrouvent confrontées et finissent par s'entre-tuer. On sera peu étonnés de retrouver parmi elles Béatrice Dalle, abonnée pour le meilleur et surtout pour le pire aux films français qui se veulent "choc". On pourra en revanche découvrir Alysson Paradis, qui en plus d'avoir pour handicap d'être la sœur d'une loque humaine sans talent, et donc la belle-sœur d'un acteur à minettes qui a fait son temps, a désormais le maigrelet curriculum vitae entaché par ce film, l'un des plus détestables qu'il m'ait été donné de voir.




En réalité, je ne me souviens que d'une série de prétextes pour faire exploser la chair, pour déchaîner la violence et enchaîner les effets gores, filmés avec une complaisance évidente. Ah, si vous aimez ça, vous allez être servis. Mais si vous aimez ça, au point d'adorer ce film, alors je ne vous envie pas, car vous avez un grain ! Ce film est extrêmement dégueulasse, d'une laideur et d'une obscénité incomparables. Il fout la nausée. Il n'est rien d'autre que l'œuvre d'esprits malades, qui s'amusent à mettre en scène une femme enceinte se faire exploser le ventre à coup de fusil à pompe, et une autre, baignant déjà dans le sang, se faire percer l'œil à coup de ciseaux à travers une porte. Et je ne vous dis que ça, alors que le film est une série de scènes de cet acabit... Je serais presque curieux de voir le making of, pour savoir si nos deux réalisateurs prenaient réellement leurs pieds en tournant tout ce cirque infâme.




Un film comme ça n'aurait même pas dû connaître les honneurs d'une sortie en salles, il aurait dû être censuré. C'est moche ce que je dis, mais je le pense. Le pire, c'est qu'A l'intérieur est tristement représentatif de toute une série de films d'horreur français, qui se veulent ultra directs, secs, rugueux, violents et gores. Je pense ainsi à l'abominable Martyrs, le film à vomir signé Pascal Laugier, au moins aussi détestable qu'A l'Intérieur : il met en scène la vengeance sanguinolente de deux filles débiles finalement victimes d'une secte qui s'amuse à amener des êtres humains au plus proche de la mort, en les torturant à outrance, pour vivre à travers eux une expérience unique (je viens de tout vous raconter). Quelle idée... Dans sa critique, parue dans Mad Movies, Alexandre Bustillo décrit sans surprise Martyrs comme le "film parfait", un "chef-d'œuvre". Ça nous donne une idée de ce qu'il doit penser de son propre film, qui est exactement du même tonneau ! On n'arrête pas le progrès...




Ce qu'il y a de plus étonnant, c'est que les auteurs de ces films atroces citent inévitablement John Carpenter parmi leurs cinéastes favoris. Ils ne jurent que par lui. Or, Carpenter ne s'est heureusement jamais abaissé à tourner des merdes pareilles, son cinéma n'a rien à voir avec tout ça. D'ailleurs, il dénonce à longueur d'interviews des films comme Saw ou Hostel qu'il qualifie de "torture porn", peut-être l'une des raisons qui l'ont amené à cesser toute activité pendant près de 10 ans. Il n'a pourtant pas tort. Ces films sont bel et bien à rapprocher de la plus basse et craspec pornographie, les envies et les pulsions les plus macabres trouvent ici leur lieu d'expression. Peut-être que ça en soulage certains, et que Martyrs, tout comme A l'Intérieur, permet de canaliser un peu quelques tarés, mais je n'y crois pas trop. Ces films sont des déchets.




Je dis tout ça, je vous parle de censure, alors que je suis un grand fan de Massacre à la tronçonneuse, je suis un gros gaucho de mes deux, fervent défenseur de la liberté d'expression et des artistes de tout poil. J'écris actuellement un mémorandum sur Staline parce que le communisme et sa dégénérescence me fascinent. Je suis rouge de la tête au pied, je suis un gros facho d'extrême gauche. Je ne suis pas conservateur, je bouffe sans, je mange bio. Je ne suis pas catho, je vis en plein Pays Cathare, je suis le dernier des connards et je vous dis là un beau bobard. De la part d'un tocard, je conçois que ce soit fendard. J'étais dans la rue lors des dernières manifs, motivé comme jamais, avec mon pare-balle, ma coque pour mon service trois-pièces, ma matraque et mon canif. Et malgré tout ça, je le pense et je le redis : des films comme A l'Intérieur ou Martyrs ne devraient pas sortir en salles. Ils sont simplement l'expression d'esprits dérangés, qui se complaisent à filmer ce qu'ils refoulent sans doute au quotidien, leur envie de meurtre, leur soif de violence, leur besoin de voir des corps déchiquetés, gonflés, déformés. J'éprouve un mépris infini pour ces gens. J'avais un pote comme ça. Il avait des dossiers entiers de photos de cancers, d'actes zoophiles et de meurtres prises par les meurtriers eux-mêmes. Authentique. Il était fan de Soldier Of Fortune et il dépeçait virtuellement les cadavres qu'il laissait sur sa route en prenant au moins deux minutes et environ 200 cartouches d'uzis par victime. Il passait des soirées entières à planter un couteau dans le mur de son appartement tout en faisant une croix sur sa caution. Il m'a avoué avoir plongé le cadavre d'un chat dans l'acide pour "voir ce que ça fait", il m'a également avoué avoir l'intention de fabriquer du LSD artisanal pour arrondir ses fins de mois. Il est PhD depuis 2008. Véridique.

On ne s'étonnera pas de voir, en cliquant sur la fiche d'A l'intérieur sur le site Allociné, que la critique la plus positive a été attribuée par Mad Movies, qui pousse le bouchon jusqu'à parler, je cite, d'"une date dans l'Histoire du cinéma d'horreur". Ça laisse songeur...


A l'intérieur d'Alexandre Bustillo et Julien Maury avec Béatrice Dalle et Alysson Paradis (2007)
Martyrs de Pascal Laugier avec Morjana Alaoui et Mylène Jampanoï (2008)

24 janvier 2011

Donne-moi ta main

Le titre original de Donne-moi ta main c'est "Leap Year", mot à mot : "L'année de la lippe". Je vous laisse donc imaginer ma motivation à le télécharger. Je m'attendais à pas mal de libations et autres liposuccions, avec Amy Adams. J'ai lancé ce film uniquement pour ses beaux yeux, faut-il qu'elle m'ait dans sa poche. Parce qu'alors quel triste film... Et le pire c'est que le réalisateur de ce pet cinématographique, Anan Tucker, n'est même pas foutu de filmer l'actrice correctement. Pourtant son film est une comédie romantique : une comédie jamais drôle, d'un romantisme tout ce qu'il y a de plus con. L'héroïne veut à tout prix se faire épouser par son mec, interprété par Adam Scott, le frère débile de Will Ferrell dans Step Brothers, qui fait l'erreur immonde de ne lui offrir que de ravissantes boucles d'oreilles qu'il a méticuleusement choisies pour elle et qui ont dû lui coûter la peau du cul. C'est une faute grossière, à deux doigts de faire chialer notre héroïne, car elle ce qu'elle veut c'est une bague de fiançailles (douze mille carats si possible) et rien d'autre. Donc elle décide de prendre le taureau par les cornes et de lui faire sa demande elle-même. Mais les bonnes manières disent que ça ne se fait pas, qu'une femme, selon toutes convenances, ne demande pas un homme en mariage... SAUF le 29 février, une année sur quatorze donc, et uniquement en Irlande. Or justement son futur époux s'y trouve à ce moment-là pour son taff, il est cardiologue et passe son temps à réanimer les mecs un peu trop sensibles qui tournent de l’œil en croisant sa femme (dont Mike Nichols nous avait offert un panégyrique dans l'excellent La Guerre selon Charlie Wilson). Ni une ni deux elle le rejoint pour aller lui demander sa main mais l'avion manque de s'écraser, le bateau qu'elle emprunte ensuite passe à un cheveu d'échouer sur un rocher, la chambre qu'elle finit par occuper dans une auberge locale s'écroule sur son dos, puis c'est tout le village qui prend feu, bref les emmerdes se succèdent et notre héroïne finit par se rendre compte qu'elle est une véritable jaunasse, l'incarnation vivante de la loi de Murphy, une teucha noire que les autochtones toisent d'un regard rempli de haine viscérale.


L'acteur Matthew Goode était en train de pisser vite fait sur le bas-côté au moment de la reprise de la scène mais Anan Tucker n'a pas eu le cœur de recommencer la prise.

De fil en aiguille elle rencontre un bel et rustre Irlandais qui de couille en souci va peu à peu la détourner de son mari, ou quand l'amour succède au mépris à l'égard d'un parfait étranger dont le charme agit lentement sur les dames et leur fait coller le bonbon au papier. Encore un de ces films qui glissent en douce l'idée poisseuse que les femmes devraient se libérer du carcan de la vie conjugale normale, foutre le camp loin de leurs maris certes aimants, respectables, adorables et attentionnés pour aller chercher le vrai bonheur ailleurs, auprès d'un queutard de passage impatient de les baiser. C'est grosso merdo la toile de fond d'un film sur deux aujourd'hui... Le concept derrière tout ça c'est que le mari en tant qu'entité est à jeter aux ordures, et l'amant par définition l'idéal à atteindre. Triste époque. Surtout quand l'amant ressemble à cet Irlandais mal coiffé au nez cent fois brisé, croyez-moi. Ce connard-là (sous les traits parfaitement irréguliers du très mal nommé Matthew Goode), après une heure passée à marcher dans les pas d'Amy Adams et à faire le point sur son fion de zébulon, se décide enfin à lui demander ce qu'elle fait comme métier. Elle répond qu'elle "met en scène" des appartements pour mieux les vendre. Notre fier Irlandais, honnête et droit, doté d'un accent à trancher à la hallebarde et issu tout droit des meules de foin de la campagne moutonneuse d'Irlande, lui répond qu'elle est un escroc. Eh bien cet âne d'Anan, ce tocard de Tucker, a mis en scène ce putois de film pour nous le revendre et ça fait bel et bien de lui un gros escroc doublé d'un pur enfoiré.


(Avis aux fanas de l'actrice, annulez le téléchargement, cette image ne vient pas de Leap Year mais d'un autre film tout aussi merdique).

Je l'ai pas maté jusqu'au bout. C'est pas tenable. Mais j'en ai bien subi une heure. Faut dire qu'Amy Adams. Oui j'avoue que je rêverais de lui demander son nom pour ensuite lui demander sa main et en faire ma femme. On garderait son blaze de star. Je ferais partie de la famille Adams, et croyez-moi je serais son époux et son oncle Fétide.


Donne-moi ta main d'Anan Tucker avec Amy Adams et Matthew Goode (2010)

23 janvier 2011

Buried

Ce film ne m'a pas fait beaucoup d'effet. Je précise que je ne suis pas claustro du tout. Je suis même plutôt claustrophile, nuance. J'adore être comprimé dans des espaces confinés. J'aime que l'on me presse, que l'on me serre. J'éprouve le besoin irrépressible de m’isoler, par périodes plus ou moins longues, dans un lieu confiné. Si on peut en profiter pour me rouer de coups, j'aime tout autant. Pendant ces phases d'autoclaustration, je fais le vide, et je ne pense à rien, j'encaisse seulement. Rien à voir avec Diogène, qui adorait se foutre en boule dans un tonneau fraîchement vidé de son vin, pour en lécher les rebords tout en philosophant sur la vie. Je suis pas un abruti pareil. Non, moi j'aime seulement avoir la sensation d'être coincé, bloqué et, si possible, bastonné à mort. Je dois tenir ça d'un traumatisme de mon enfance. Ça doit même être quelque chose liée à ma vie intra-utérine. Je dois secrètement nourrir l'espoir de retourner un jour dans le ventre de maman, ou regretter de l'avoir quitté, allez savoir. Peut-être est-ce une envie de revivre l'accouchement qui me fait adorer recevoir des gros marrons dans les coins, que sais-je... Revenons à ce film de l'espagnol Rodrigo Cortés. Que dire ? Je ne sais pas quoi en penser. Je suis resté de marbre face à ce qui nous est vendu comme un roller coaster de sensations !




Il n'y a pas si longtemps, dans notre critique de Black Dynamite, nous vous avions parlé de ces films "à voir avec" ou "à voir dans telles conditions". Pour le spectateur lambda, Buried doit très certainement appartenir à cette catégorie de films. A mater coincé dans un cercueil, enterré vivant, Buried doit faire son petit effet. Mais je ne sais pas si, dans une telle situation, on se mate un film... J'en doute, même. Le malin Rodrigo Cortés veut donc nous démontrer très lourdement qu'il est bien capable de tenir un film d'1h30 sans sortir un seul instant d'une sorte de cercueil de planches. Notre jeune cinéaste espingouin devait avoir l'intention de rentrer dans le livre des records, en faisant le huis le plus clos du monde. Mais même sur ce tableau-là, le film n'est pas entièrement réussi. Je l'ai vu en salle, dans un quartier pas spécialement bien famé, mais où y'a toujours une sacrée ambiance pendant les séances de cinoche. Et pendant le film, j'ai entendu plusieurs personnes se révolter à voix haute, et se mettre soudainement à hurler "Mais y'a plein de place, sinon la caméra ne pourrait pas se reculer à ce point !", tandis que d'autres, plus pragmatiques, préféraient simplement beugler à tue-tête "On est pas dans un cercueil, on est juste devant un film de merde !". J'avoue avoir participé à tout ça, en choisissant plutôt de m'en prendre à l'acteur, Ryan Reynolds, et en pointant du doigt le fait qu'il devait de toute façon avoir l'habitude de se sentir étouffé, qu'il devait aimer ça, lui qui a pendant longtemps était le boyfriend de Scarlett Johansson. Ça ne faisait pas sens, mais dans la folie générale, quelques-uns ont rigolé et m'ont porté en triomphe en me traitant de sale con, ce qui venant d'eux est un beau compliment. 




Buried veut aussi nous démontrer que la vie d'un seul gars, ça pèse pas lourd dans le monde actuel, et qu'on va pas remuer ciel et terre pour le sauver. Personnellement, j'avais déjà pu me rendre compte de ça par moi-même, il y a quelques semaines seulement, lors des fêtes de Noël, où je me suis retrouvé coincé par la neige sur la route me menant chez mes beaux-parents. Mon réveillon, je l'ai fêté en compagnie d'un blaireau grassouillet, d'un renard blessé, et d'un chien errant balafré. Ces trois animaux amicaux avaient décidé d'un commun accord de me rejoindre dans ma Xsara pour me tenir chaud en se mettant en boule contre moi et en s'enculant tour à tour sous mes yeux. Oh c'était un beau Noël entre Xsaristes, je ne regrette rien, et je crois préférer la compagnie de bêtes finalement peu sauvages à celle de mon beau-père, qui lui ne sera jamais apprivoisé. Et je ne me plains pas, j'ai été gâté : au petit matin le blaireau, qui était en fait une blairelle, venait d'accoucher, et une tripotée de blaireautins avaient élu refuge dans ma valise, sur la banquette arrière, préalablement vidée par le renard, qui m'avait tout chipé sans dire "au revoir". Quant au chien, il ne me quitte plus. Je l'ai appelé Seal.


Buried de Rodrigo Cortés avec Ryan Reynolds (2010)