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9 février 2021

The Nest

Ce film est celui d'un double come-back au premier plan. Deux retours que l'on attendait plus et dont on attendait rien. Celui de Jude Law, également producteur, qui trouve enfin un rôle à sa (dé)mesure ; et celui du cinéaste Sean Durkin qui nous revient plus sage, plus mûr, neuf ans après son premier long métrage, Martha Marcy May Marlene un film, assez remarqué à sa sortie, avec lequel nous nous étions montrés impitoyables parce qu'il nous semblait l'avoir bien cherché : à force de trop vouloir se faire mousser, Sean Durkin avait trouvé notre bâton. Heureuse surprise aujourd'hui, The Nest paraît bien plus maîtrisé et aimable que le titre breakthrough de son auteur qui, entre temps, a perdu ses cheveux filasses, son look d'hipster mais a gagné en maturité et, sans doute aussi, en humilité, et c'est bien là le plus important, car c'est justement ce qui lui manquait le plus.



 
Sean Durkin nous narre cette fois-ci les déboires d'une petite famille qui, portée par l'ambition dévorante et les rêves de grandeur du paternel (Jude Law), déménage de la côte est des États-Unis vers l'Angleterre. Nous sommes dans les années 80 et l'entrepreneur avide de luxe et de succès qu'incarne très solidement Jude Law sent qu'il y a de gros coups juteux à jouer avant que la dérèglementation des marchés financiers n'englobe également l'Europe. Il contraint donc sa femme, monitrice d'équitation, et ses deux enfants, un garçon timide et une ado rebelle, à abandonner leur vie bien réglée et leur confort américain pour s'installer dans un immense manoir situé dans la campagne au sud de Londres. Évidemment, rien ne se passera aussi bien que prévu et l'acclimatation en Surrey s'avèrera, pour tout ce beau monde, assez compliquée...



 
On nage en effet en plein drame familial, et celui-ci prend quasiment la forme d'un thriller psychologique feutré, à l'angoisse latente, certaines images flirtant même avec le film de maison hantée, effet appuyé par le style gothique de la vaste demeure. La tension monte très progressivement au sein du couple, sans aboutir à de véritables éclats, mais de manière plus subtile et pernicieuse. Jusqu'au bout, on se demande comment les choses vont déraper et si elles vont dégénérer pour de bon. Sean Durkin plante patiemment et habilement le décor, nous laissant cerner petit à petit les caractères et les forces en présence. Si ses petits effets de mise en scène sont parfois un peu redondants ou forcés, avec notamment ces espèces de zooms et de travellings avant presque imperceptibles qui essaient trop souvent de venir apporter un peu de gravité et d'alourdir une atmosphère déjà pesante, on a aucun mal à s'intéresser à son histoire. En étant très bienveillant à l'égard de Sean Durkin, on pourrait dire que l'on est désormais plus proche d'un Paul Thomas Anderson que des travers du cinéma indé vers lesquels penchait méchamment son précédent essai.



 
Les deux acteurs principaux y sont pour beaucoup dans la réussite globale du film. Jude Law est vraiment impeccable, dans un registre qu'on lui connaissait mal et dans un rôle d'homme entre deux âges, toujours habité par ses blessures et ses rêves de jeunesse, où il est très crédible et juste. Jeune premier au physique d'éphèbe devenu DILF de second choix, l'acteur britannique a lui aussi été victime d'errements et de problèmes capillaires cruels qui n'ont pas dû faciliter sa carrière, en dents de scie depuis quelques années (il a touché le fond dans Captain Marvel où, au diapason du film, il était ridicule à souhait). Peut-être ce souci de cheveux fuyants est-il le fondement de la solidarité que l'on ressent entre la star et son cinéaste qui, devenu chauve au cours de la décennie séparant ses deux longs métrages, a de son côté choisi d'assumer sa calvitie en se rasant la tête. Vous aurez compris que l'on est ici très sensible à cette question. Quant à Carrie Coon, dont la ressemblance avec Cate Blanchett est assez troublante, elle offre une prestation très convaincante, riche en nuances, loin des clichés, nous croyons sans problème à son personnage.



 
Si tout cela fonctionne, c'est aussi parce que le film est bien écrit. L'une des grandes qualités du scénario signé Durkin est de s'intéresser aux quatre membres de la famille, de n'en laisser aucun sur le bord de la route. Bien qu'il se concentre évidemment davantage sur les parents, ce couple au bord de l'implosion, il n'oublie pas pour autant les deux enfants : le peu qu'il dit et montre d'eux est suffisant pour qu'ils existent bel et bien et soient plutôt intéressants. Un regard attentif est ainsi porté sur toute la famille, et la belle scène finale achève de nous convaincre de la finesse du trait. Autre signe d'intelligence particulièrement appréciable : Sean Durkin joue très adroitement avec les non-dits, sans toutefois en abuser, laissant quelques questions en suspend, quelques éléments secondaires à notre interprétation. Cette imprécision volontaire et très bien mesurée participe du sentiment de malaise diffus et de plus en plus envahissant qui émane de notre couple en péril. Elle permet aussi au film de ne pas être trop lourd, psychologiquement parlant, de ne pas tomber dans les explications vaseuses et les raccourcis faciles, on déduit ce qu'il y a à déduire.



 
Enfin, tout au long de cette descente non pas aux enfers mais en pleine crise conjugale et familiale, Sean Durkin a le bon goût de toujours savoir s'arrêter pile quand il faut. Au moment où la barque menace dangereusement d'être trop chargée, il n'insiste pas, et s'en tire de justesse, sans jamais nous paumer par une accumulation excessive de pépins, d'emmerdes en tout genre et d'autres joyeusetés. Tout part en vrille, le gracieux cheval de madame finit par clamser pitoyablement, le mignon petit garçon se fait harceler à l'école par ses camarades, la gamine récalcitrante sombre dans la dark wave et les soirées enfumées improvisées, mais ppfffiou, ça passe, il n'en fallait vraiment pas plus, on aurait pu frôler l'overdose et lâcher l'affaire tout net. The Nest parvient à rester sur les bons rails jusqu'à sa très satisfaisante conclusion et nous voilà donc réconciliés avec Sean Durkin. Nous espérons même à présent le retrouver pour un troisième film du même acabit dans un peu moins longtemps qu'il nous en a fallu pour découvrir celui-ci.


The Nest de Sean Durkin avec Jude Law, Carrie Coon, Oona Roche et Charlie Shotwell (2020)

22 janvier 2014

Blue Jasmine

Vu y'a trois jours, et je m'en souviens déjà très mal, le Woody Allen de 2013 n'est vraiment pas un grand cru, contrairement à ce qui a beaucoup été dit. Comme d'hab. Mais dès les premières minutes, il m'a tout de même apporté une grande satisfaction, un immense soulagement : ce film n'allait pas chambouler mon top ! Ma plus grande crainte, en tant que blogueur ciné, est toujours de découvrir l'un des meilleurs films de l'année passée seulement après la publication officielle de mon top. C'est ma hantise. Il y a une période où je lance toujours les films de l'année écoulée dans la peur... J'en fais des cauchemars la nuit. Avec Blue Jasmine, aucun risque, dès le premier quart d'heure, regardé sans décrocher les mâchoires, j'étais fixé. Même pas dans mon top 20 !




Nous sommes donc supposés rire et pleurer devant les déboires de la belle Jasmine, incarnée par une Cate Blanchett irréprochable. Sauf qu'on ne rit à peu près jamais et que l'on pleure encore moins devant les mésaventures de cette pauv' femme amenée à dégringoler les classes sociales suite à la mort de son mari (Alec Baldwin), riche hommes d'affaire new-yorkais et véritable escroc (je fais très bref, c'est un peu plus compliqué que cela). On ne fait donc qu'admirer la performance d'une actrice qui prend visiblement bien plus de plaisir que nous dans la partie et qui parvient à rendre supportable un personnage auquel on aurait, sans cela, bien du mal à croire. On suit tout ça sans souffrir, en se demandant parfois quand est-ce que le film va vraiment commencer, étrangement. Par chance, j'apprécie plutôt Cate Blanchett au demeurant, ça m'a permis de tenir. A vrai dire, peut-être est-ce le jeu extrêmement précis et maîtrisé de l'actrice qui situe le film dans un espèce d'entre-deux bizarre, entre la comédie légère et le drame social tragique, et finalement nulle part, car d'aucun côté Blue Jasmine ne trouve son salut. Ce serait tout de même assez cruel envers Blanchett, qui est clairement le principal intérêt du film...




J'ignore si je suis atteint d'une forme rare d'amnésie sélective, mais je ne me souviens plus précisément de ce film. Voilà, j'ai presque tout oublié. Au troisième paragraphe, je dois bien vous l'avouer, car là vous me voyez ramer. Je ne sais plus, par exemple, comme il se termine, ce qui est toujours rageant quand on a flingué une soirée pour arriver au bout. Alors certes, j'imagine qu'il doit bien y avoir deux ou trois passages assez savoureux là-dedans, ça reste un film de Woody Allen, il n'a pas complètement perdu la main. Mais je ne pourrais pas replacer ces trop rares moments ni vous assurer qu'ils existent bel et bien. Je n'arrive pas à retomber dessus sur VLC Player. Je vise toujours largement à côté. Je suis donc passé à travers le Woody Allen de 2013, après l'avoir pris en pleine poire comme les dix précédents. Pas grave, il y aura d'autres occasions, je n'ai pas non plus l'impression d'avoir raté grand chose. Je pourrai me rattraper cette année, il les enchaîne le filou !


Blue Jasmine de Woody Allen avec Cate Blanchett, Sally Hawkins, Alec Baldwin et Peter Sarsgaard (2013)

13 décembre 2012

Le Seigneur des anneaux : Le Retour du roi

Voici enfin l'épisode final de la trilogie, un épisode sans début mais avec une putain de fin, à la hauteur du mot "fin", une fin qui dure près de deux heures (dans la version longue, une heure et demi dans la version normale, car il faut rappeler que chaque opus de la trilogie possède une version longue qui rajoute trois quart d'heures à des films déjà longs de quatre fois une heure chacun). On peut donc comprendre la longueur de cette fin, qui n'est pas juste la fin du troisième film mais la fin des trois épisodes, soit la fin de près de 12 heures de supplice pour les non-fans de la saga, c'est-à-dire pour environ 99,999% des gens de cette planète. Durant ces deux heures de fin, on voit les hobbits et leurs potes se lécher les couilles à qui mieux mieux et au ralenti, dans la tradition des purs Joe d'Amato, le fameux réalisateur italien de pornos et inventeur du gangbang. On assiste tétanisé à deux heures montre en main d'embrassades, d’œillades complices et équivoques, de tripotage en règle, de sauts sur des lits, de bataille de polochons, de sourires narquois, de larmes aux yeux, de merde au cul, de Gandalf qui abuse de son autorité avec sa baguette magique, d'Aragorn qui lance sa langue sur Liv Tyler (l'actrice avouera avoir "pris son pied" tandis que l'acteur avouera avoir "pris son cul") au milieu d'une foule numérique qui assiste à leurs ébats non simulés sur le toit d'une tour ovale remplie à craquer et ne pouvant accepter un invité de plus sous peine de le voir se tenir dans le vide.




Cette fin, aussi imbuvable soit-elle, colle à merveille à l'ambiance qui se dégage des bonus du film, lesquels durent 50 heures en tout, 50 heures au bas mot d'entre-branlage, à l'issue desquelles chaque intervenant à le gland violacé ou littéralement décollé. Certains fans malades se sont envoyé ces journées entières de bonus d'une traite, acceptant avec le sourire cette chaîne sans fin d'anecdotes de tournage putrides. Quid d'Orlande Bloom qui raconte avec délice cette fameuse soirée où John Rhys-Davies, aka Gimli le nain (sachant que l'acteur est l'équivalent physique du colosse de Rhodes mais passons), avait piqué son costume d'elfe pour faire une blague potache à un Peter Jackson écroulé de rire en devinant la flèche de Gimli bandant l'arc de Legola. C'est aussi l'occasion de voir Sean Bean, littéralement Jean Haricot, raconter la tournure que prit son haricot magique en voyant Arwen enjamber son cheval avec un "prout" digne du pet bucal, ce fameux "pff", de Gandalf au moment de sa chute avec le Balrog dans un puits sans fond à la fin du premier film. On peut aussi s'extasier d'entendre Peter Jackson lui-même raconter comment il a perdu ses lunettes dans le Rohan. Ou écouter Cate Blanchett, qui tourne en tout et pour tout trois scènes sur la totalité des 12 heures du film mais qui s’enorgueillit d'être restée présente sur toute la durée du tournage pour tenir la perche, étant le seul individu de plus d'1m70 à des kilomètres à la ronde. Et enfin, qui ne lâchera pas sa larme en regardant Peter Jackson nous expliquer qu'il a demandé à ses acteurs de re-tourner les derniers plans d'enculage amical des centaines de fois pour que le tournage ne finisse jamais, ce qui nous a valu l'insatiable fin tournant en boucles du troisième film, conclusion que Peter Jackson aurait découpée en deux "chapitres" pour faire plus de blé si cette mode chère aux producteurs des Twilight et autres Harry Potter avait eu cours en 2003.




Ce qu'on se demande "à l'heure d'aujourd'hui", comme disent les trépanés, en revoyant cette abominable fin, c'est "que sont-ils devenus ?". Quid (on ne se lasse pas de cette formule) de Cate Blanchett qui depuis s'est contentée de se prendre un taxi en pleine poire dans L'Affreuse histoire de Benjamin Button et de jouer un transgenre russe dans l'odieux Indiana Jones 4, et pourtant c'est peut-être celle qui s'en tire le moins mal parmi ceux qui composent le casting de la trilogie (Mortensen mis à part, qui s'est taillé un nom en traçant La Route chez Cronenberg avec History of Violence, Les Promesses de l'ombre et Dangerous Method, et qui reste un putain d'artiste peintre). Orlando Bloom quant à lui, à défaut de se tailler une véritable place dans l'actorat hollywoodien, a su tailler quelques pipes et s'est ainsi retrouvé dans un nouveau rôle féminin au sein d'une autre saga d'enfer, Pirates des Caraïbes. Pour les autres, qu'il s'agisse d'Elijah Wood, de Sean Astin, de Sean Bean, de Dominique Monaghan, Hugo Weaving ou Billy Boyd, la suite de leur carrière s'apparente à un encéphalogramme plat. Les vieux ne s'en sortent pas beaucoup mieux (Ian McKellen, Ian Holm ou Christopher Lee), mais ils ont le tout petit avantage sur leurs camarades d'être vieux, précisément, et d'avoir fait une carrière avant le désastre. Peter Jackson de son côté n'est pas beaucoup mieux loti puisqu'après avoir réalisé des saloperies telles que King Kong ou Lovely Bones, il en est réduit, comme George Lucas en son temps, à tourner le prequel de son grand succès, comme un aveu d'échec. Mais peut-être qu'en renouant avec la trilogie il parviendra à accoucher d'un film au moins regardable, ce que ses derniers films ne sont pas.


Le Seigneur des anneaux : Le retour du roi de Peter Jackson toujours avec la même bande de bras cassés (2003)

2 février 2011

L'Étrange histoire de Benjamin Button

David Fincher. Fincher David. Retirez toutes les voyelles de ce blaze et vous obtenez Dvd, soit le nom de ce qu'il nous vend, ce qui prouve bien que cet homme est un produit manufacturé, un pantin à la solde d'Uncle Sam. Ce type-là il a une gueule de dentiste. Et les dentistes, je ne les fréquente pas. Moins j'en vois mieux je me porte. J'ai une dentition de merde, je suis laid comme un cageot, je collectionne les chicots, j'ai un danger de râtelier, mais tant que je peux bouffer de l'aligot, de la purée, du hachis parmentier, rira bien qui rira le dernier. On m'a dit qu'un intestin humain, étalé par terre, recouvrirait la surface d'un terrain de foot. La surface d'un terrain de foot ! Il y a en chacun de nous un carré vert de boyaux, 90x90 de tripailles avec les cages (nos deux poumons) et le rond central (nombril, ou trou duc, c'est selon si vous êtes un homme ou une femme, mettons que je n'ai rien dit), un gazon maudit de viscères et autres abats. Ce petit rigolo de David Fincher, passionné par ces effets spéciaux miteux qui consistent à nous faire croire que sa caméra passe à travers les murs, les serrures, les anses de carafes d'eau, et autres tissus serrés de slims celio*, ce grand comique au sommet de sa gloire, j'attends avec impatience de le voir entrer dans le trou du cul de son prochain héros pour faire des voltiges numériques dans un intestin grêle. J'aurais aimé que ce fut Brid Patt dans Benji Button, car j'ai toujours bandé pour ce blondinet, pour ce Bob Redford du miséricordieux, même si miséricordieux ne veut rien dire dans ce contexte. Mais faut avouer que d'un bout à l'autre du trou de balle jusqu'au gosier, y'a de quoi gâcher 1h30 de pelloche dans un véritable tunnel cafardeux de merde, l'équivalent de la surface d'un terrain de foot.


Dave Fincher, pour avoir une tronche pareille il sort d'un carwash, pas d'une douche normale.

Un mot sur l'affiche du film que j'ai choisi de vous faire partager, et à propos de laquelle je voulais simplement signaler qu'on y trouve le fœtus d'une idée, chose absente durant les trois heures que dure ce film. L'afficheur a écrit le titre à l'envers pour correspondre à un film à rebours, backward, dont le personnage principal rajeunit à vue d'œil. Robert Redford devenant successivement la comète Haley Joel Osment, Max Von Sydow et Eddie Murphy dans un morphing de tous les diables. Une femme accouche un jour sans lune d'un quadra grabataire sosie de Bernard Pivot à la grande époque de Bouillon de culture pour le lendemain découvrir dans le même berceau un playboy toujours puceau. Ce film s'impose donc comme le jumeau maléfique du Jack de Coppola, biopic un peu guimauve du célèbre éventreur londonien.


De Bernard Pivot à la comète Haley en passant par un Bob Redford aveugle.

Un dernier paraphet pour finir d'épingler le film-somme de Dvd Fincher. Un film qui a coûté la bagatelle de 150 millions de dollars pour autant de jours de tournage. Un million de dollar par jour, rien que ça. Du coup c'est pas si étrange que ça d'arriver à faire vieillir un quidam. Donnez-moi 10,50$ et je prends un coup de vieux terrible, la tronche à même l'une de mes plaques chauffantes poussée à fond pour me cerner un bon coup. La nouvelle de Francis Scott Fitzgerald qui est à la base du film était réputée inadaptable. Beaucoup de réalisateurs se sont cassés les dents dessus. Mais il fallait dire à Fincher que c'était pas faute d'effets spéciaux, c'était juste parce que cette histoire pue la mort.


 Robert Redford prête ses traits à Benjamin Button jeune. Enfin, vieux.

Une scène de ce film m'a particulièrement dérangé, celle où un flash-back vient nous illustrer lourdement toutes les coïncidences malheureuses qui ont mené à l'accident de voiture de Cate Blanchett. Je profite d'avoir un blog et de payer 10€ par jour pour ça pour rappeler ici qu'il n'y a pas forcément besoin d'un grand concours de circonstances pour subir ce genre de drame. J'ai moi-même été victime d'un grave accident de bagnole, un terrible crashtest grandeur nature, or j'avais juste oublié d'allumer mes phares, et sur une autoroute à contre-sens en général ça pardonne pas. Pas besoin de mille hasards ou d'un destin tout tracé, il suffit juste d'être complètement con. On dit souvent qu'un battement d'aile de papillon à Dubaï provoque un tsunami à Taïpeï, chez moi ça se limite à une grosse tourista.


L'Étrange histoire de Benjamin Button de David Fincher avec Brad Pitt et Cate Blanchett (2009)

26 mai 2010

Robin des Bois

J'ai vu ce film au cinéma. J'ai grassement payé ma place pour aller apprécier la verve technique d'un Ridley Scott qui n'a plus rien à prouver, sauf à sa fille naturelle, Kristin, qu'il a eue avec Pascal Thomas. A Ridley Scott je dirais "Bon film mais achète-toi des oreilles, ta musique parvient presque à ruiner ton film". En effet l'accompagnement musical de Robin des Bois "n'est pas très heureux" comme dirait ma maman de manière euphémique, et il parvient presque à rendre certains passages insupportables. A part ça, Robin des Bois se laisse regarder. Les dames apprécieront le style toujours aussi rustique agrémenté d'une touche sensible d'un Russell Crowe au sommet de son art ; les messieurs savoureront certaines séquences d'action plutôt bien réussies.

Plutôt qu'un long discours, revenons sur l'histoire qui nous est contée dans ce film. En fait, le scénariste est Brian Helgeland, surtout connu pour avoir réalisé Chevalier et pourtant c'est loin d'être son plus haut fait d'arme. Je l'aime bien ce Brian : il a réalisé Payback et il a collaboré avec Clint Eastwood. Mais ce qu'il faut aussi savoir, c'est que si Brian Helgeland est bien crédité au scénario, il n'en reste plus grand chose puisque celui-ci a été lourdement remanié, comme ça semble être de coutume à Hollywood. Au départ, le film s'appelait "Buckingham" et Russell Crowe devait jouer le sherrif de ce bled. Puis ça a changé, Russell devait jouer le sherrif ET Robin des Bois. Puis finalement uniquement Robin des Bois. Pareil, au départ il devait avoir les cheveux longs pour le rôle mais au dernier moment les cheveux courts se sont imposés. Au final, on sent que l'histoire a subi quelques remaniements assez costauds. Par exemple, QUID des enfants qui vivent dans la forêt qu'on aperçoit un peu au début, puis qui reviennent un peu aux 2/3 du film et qui reparaissent comme des petites fleurs à la toute fin pour aider une Lady Marianne aux prises avec un violeur chauve ?



Pour en revenir à l'histoire, celle-ci est un peu inversée par rapport à l'histoire classique qu'on connait. Si vous ne voulez pas en savoir plus passez votre chemin à partir de maintenant.

En fait, ce n'est pas l'histoire d'un noble fidèle au roi Richard Lion-Heart qui revient dans une Angleterre livrée à elle-même sous la gouvernance approximative du Prince Jean. Non, ce n'est pas Kevin Costner qui retrouve son château aux proies des flammes, ni Cary Elwes qui fait la rencontre de Petit-Jean sur un pont, ni non plus Pef, Jean-Paul Rouve, Marina Fois et leurs compagnons dans des sketches approximatifs, c'est seulement l'histoire d'un homme qui se trouve au bon endroit au bon moment ("right time, right place, different movie" comme dirait John Carpenter).

Dans ce film qui cherche à revisiter l'histoire, Russell Crowe n'est pas Robin de Locksley, mais Robin Longstride, un simple gueux, l'un des archers de Richard Coeur de Lion. Il est probablement parti rejoindre la croisade sur un coup de tête, rien ne laisse croire que c'est pour oublier une femme mais vu l'air de chien battu qu'il se traine tout le long de film on sent que son coeur a été brisé à un moment-clé de sa vie, encore une femme qui laisse le coeur d'un homme tel les environs du Mont St Helens après la fameuse éruption du 18 mai 1980. Parce qu'un homme c'est sensible et Russell Crowe a une sensibilité à fleur de peau. Son regard fuyant, son front marqué par des rides profondes, c'est, comme le déclare l'un des personnages de Retour Vers le Futur 3, "un homme brisé".



Depuis plus de 10 ans, Robin Longstride se bat pour le roi, il est usé par la vie et Russell Crowe joue la partition avec une perfection rarement égalée. S'il n'y avait pas eu la prestation de Javier Bardem dans Biutiful (que je n'ai pas vu), j'aurais misé mon cheval et sa selle sur Russell Crowe pour l'Oscar 2010 du meilleur acteur. Mais Russell n'aura pas la chance de dire devant le monde entier à quel point il a la chance de partager la vie de Pénélopé Cruz, parce qu'il n'est pas un espagnol doté d'énormes cojones et d'un menton qui voit la lumière du jour une heure avant son propriétaire. D'où la raison crédible de choisir Russell Crowe pour jouer un personnage d'un petite trentaine d'années (mais qui, à cette époque difficile, en ferait 50 maintenant, tout a été pensé en crédibilité dans ce film à 200 M$).

The scene takes place in France, la croisade touche à sa fin, il ne reste au roi Richard plus qu'une partie de la France à traverser pour retrouver sa chère Angleterre. Mais, dans un dernier baroud d'honneur, Richard décide d'aller raser un château Français situé sur son chemin. Durant le siège, Richard Coeur de Lion cherche la meilleure manière de faire céder la grande porte d'entrée. Ici Ridley Scoot nous montre tout son génie de mise en scène. En quelques plans et dialogues adéquates, il parvient à nous faire une analyse complète du personnage de Richard Coeur de Lion, et après ces quelques secondes de présentation, on sait que ce roi "ne passera pas l'hiver" comme aurait dit mon grand-père. La scène est simple mais tout y est dit : à quelques mètres de la grille du château assiégé, Richard Coeur de Lion défait ses chausses pour faire ce qu'on appelle un "numéro 2", histoire de narguer de la manière la plus outrageante les français courroucés. Une pluie de flèches accueille cet exploit. Cette scène fondatrice nous permet de plus d'introduire le personnage de Russell. Avec son arc et ses flèches, il fait partie de la troupe venue à la rescousse du roi pour tenter de l'empêcher de mourir en chiant.



Sauvé une première fois lors de cette scène-clé, ce crétin de roi finira par se prendre un carreau d'arbalète dans le cou. A ce moment de l'histoire, Robin est "aux fers" avec 4 potes parce qu'il a fortement contribué à déclencher une baston la veille au soir, en tentant de tricher au fameux jeu du "pois-chiche caché sous l'un des trois pots mais lequel ?".

Le fidèle intendant du roi Richard, Robert Locksley (en fait, celui qui aurait dû être le vrai robin des bois à la base), est chargé de ramener la précieuse couronne en Angleterre pour la remettre à l'héritier légitime, the elder brother, Prince Jean. Pendant ce temps, Russell et ses 4 potes, qui ont assisté à la mort du roi, en ont profité pour déserter l'armée anglaise en déroute et pour rentrer par leur propre moyen en Angleterre. Ils arpentent à grandes enjambées la forêt de Fontainebleau pour rejoindre la Manche à la recherche d'un bateau qui pourrait les ramener vers la Perfide Albion.

Alors que Bob Locksley et sa troupe traversent eux aussi la forêt de Fontainebleau au grand galop pour satisfaire à leur mission, ils sont pris en embuscade par un certain Godeffroy, un traitre anglo-français à la solde de Philippe V le roi de France, qui cherche à récupérer la couronne, la mettre sur sa tête et hurler qu'il est dorénavant le roi d'Angleterre en plus d'être celui de la France, surement à causse d'un complexe d'infériorité causé par les dimensions réduites de son sexe. Juste un petit peu de trivia sur l'acteur qui joue le grand méchant du film Godeffroy (que son frère et ses amis appelle Joe) : il s'agit de Mark Strong qui est devenu le grand méchant à la mode ces derniers mois. On peut le voir en grand méchant dans Sherlock Holmes et dans Kick Ass. Et comme rien n'est moins original que les idées à Hollywood, attendez-vous à le voir en grand méchant dans des tas de films à venir. Par exemple, un petit tour sur ses projets en cours et le voilà crédité en tant que Sinestro dans le futur Green Lantern (2011). Je ne connais pas Green Lantern, je suis pas fan des comics, mais un personnage qui s'appelle Sinestro (avec les idées moisies des auteurs des comics) doit forcément être le gros méchant de l'histoire. Donc attendez-vous à bouffer du Mark Strong à toutes les sauces dans les mois et les années à venir. Il aurait été approché pour jouer le dragon dans Le Hobbit : un voyage inattendu.



Pour en revenir à Robin Hood, l'embuscade ne laisse aucun survivant, mais pas de chance pour les méchants car Robin et ses 4 potes (dont un certain Petit Jean qui se trouve être vachement balèze) ont tout vu. Avec leur talent à l'arc, ils crèvent facilement les méchants et récupèrent la couronne. Ensuite, Robert Locksley, le vrai, mourant, donne pour mission à Robin de ramener la couronne à Londres, mais aussi de ramener sa précieuse épée à son père, Walter Locksley (interprété par un MAX VON SYDOW en roue libre). Un pacte de sang se crée car Robin s'ouvre la main en prenant l'épée (dont la garde est abimée) des mains de Robert. C'est un pacte de sang, donc il ne peut plus reculer, l'honneur dicte sa conduite, c'est un homme d'honneur, il ira jusqu'au bout de sa mission pour honorer ce pacte car son honneur est tout ce qu'il lui reste.

A partir de là, un quiproquo se crée car Robin décide de se faire passer pour Robert. Ce stratagème lui permet d'arriver plus facilement en Angleterre, de ramener la couronne et d'éviter d'être soupçonné d'avoir instigué l'embuscade. Mais il n'a pas de chance. Sans le savoir, Russell est connu "comme le loup blanc" en Angleterre (là aussi gros trou scénaristique dans le film et expédié comme si de rien n'était) et c'est William Hurt, dont la classe relève l'éclat d'un film qui se ternit de minute en minute, qui le premier se rend compte de la supercherie. Mais il ne dit rien car il sait que de grands desseins ont été prévus pour un Robin qui ne s'attend pas à ce qui va lui arriver.

Cependant, Robin laisse le quiproquo se continuer car il se sent investi d'une mission par rapport à l'épée qui lui a été confiée et la ramène donc à Walter Locksley à Buckingham (interprété par un MAX VON SYDOW en roue libre)... Et là, Walter, aveugle et aveuglé, lui demande de passer pour son fils devant tout le monde ! Ça l'arrange car il n'est pas au meilleur de sa forme et il faut un gars de poigne pour relever le duché de Buckingham qui subit la pression taxatoire du clergé et du nouveau roi Jean (qui est, fidèlement à la légende, un sacré connard).



Donc le quiproquo continue. De plus, la veuve de Robert Locksley, Marianne (interprétée par Cate Blanchett), semble au goût de Robin qui en ferait bien son 4h. Le spectateur habitué aux films hollywoodiens sait très bien où l'histoire va mener ces deux individus : d'un côté un beau mâle sensible qui cherche maintenant le repos après des années de guerre, et de l'autre une femme qui n'a connu les plaisirs charnels que le temps de sa liaison avec Robert, soit une semaine. Autant vous dire que la relation est électrique. Robin, obligé de dormir avec les chiens au départ, aurait traumatisé quelques lévriers et autres border-collies qui ont eu le malheur de s'approcher trop près de cet homme alors en plein rêve érotique incluant Marianne, un arbre, une grosse pierre et son appendice tuméfié à force de rester "au garde à vous" serré dans ses chausses manifestement trop serrées.

Bon après, je vous épargne la suite et fin de l'histoire, elle est cousue de fil blanc. Les français tentent de débarquer en Angleterre avec l'aide de leur vilain complice Joe, mais Robin (cette fois sous son vrai blase) et ses potes participent à leur déroute et les renvoient chez eux, ces cons. Le souci, c'est que Bob des Bois s'est mis à dos le roi en faisant le malin et en demandant qu'il signe une charte proclamant la liberté de chaque homme, et le roi a accepté de le faire, mais seulement après la déroute des français. Sauf qu'il change d'avis une fois la victoire acquise et qu'il brûle la charte devant une assemblée médusée et courroucée. Pour conclure, il déclare Robin "OUTLAW!". C'est à ce moment que Bob décide de se réfugier en forêt avec Marianne (qu'il a fini par séduire en lui montrant qu'il avait une grosse flèche pas uniquement dans son carquois) et les autres gens qui ont décidé de suivre ce type si charismatique (Petit Jean, Frère Tuck et j'en passe).

Juste après ça, hors caméra, Russell Crowe se transforme en renard.


Robin des Bois de Ridley Scott avec Russell Crowe et Cate Blanchett (2010)

24 mai 2009

Babel

J'ai enfin vu Babel (prononcez "Babeul-è"), le chef-d’œuvre de Alejandro González Iñárritu, réalisateur d'Amours chiennes, que je n'ai pas vu mais que j'aime déjà comme un gros chien, et de 21 grammes, qui ne pesait pas plus lourd que ça. En fait je l'avais déjà vu ce Babel. C'est le seul film que Félix m'ait raconté plan par plan. Au début j'ai cru qu'il me faisait le coup du Psycho de GVS, mais pas du tout. C'était un résumé fidèle et complet, pas une réécriture, de la paraphrase parfaitement chiante. Il m'a raconté le film dans sa totalité et dans les détails. Et le film dure cent trente cinq minutes. J'ai vraiment cru que notre amitié s'éteignait sous mes yeux impuissants. On était comme les deux doigts de la main depuis une belle et longue année quand il a commencé à me faire ce résumé IRT ("In Real Time"). Arrivé à la moitié du script je me faisais tellement chier que j'ai commencé à m'épiler les jambes avec une pince, pour faire passer le temps et puis pour déplacer la douleur. C'est ce jour-là que j'ai commencé à me raser les guiboles, depuis je continue, pour éviter que ça ne repousse encore plus dru. J'ai commencé à ressembler à une femme précisément ce jour-là. Aujourd'hui tandis que j'écris ces lignes, j'en suis à chercher sur un autre onglet l'adresse d'un site de vente en ligne d'implants mammaires. Je rêve de faux nibards. Je ne vais pas non plus m'éterniser là-dessus, vous aurez compris le mal qui me rongeait les sens en écoutant le récit machinal et envoûtant de mon meilleur ami. J'avais des papillons dans l'estomac. Mais malgré tout j'ai décidé, plus de trois ans après, de voir ce film de mes yeux vu. Je suis un peu comme ça, je dois l'avouer... Tantôt je vais me plaindre corps et larmes à l'idée d'enjamber la dune du Pyla, tantôt je vais me lancer à l'assaut de l'Everest en slip avec une demi bouteille d'eau non-potable.



Mais bon... comme je dis souvent, dans la vie on n'a que les plaisirs qu'on se donne. Cette philosophie-là c'est un peu l'apanage des violeurs de gosses et des braqueurs de banques, mais c'est aussi la mienne. Je me suis donc lancé à corps perdu dans le Babeulè d'Iñárritu. Je n'ai pas été surpris par la façon de filmer du Mexicain, digne des pires sitcoms américaines. Le cadreur est à n'en pas douter celui qui officie sur la série Heroes, ou d'ailleurs sur n'importe quelle autre série télé vu qu'elles sont toutes filmées par des fèces humains. Je n'ai pas non plus été surpris par son montage ahurissant, comme quand il filme des enfants arabes qui viennent de tirer sur des touristes et qui fuient dans les montagnes de sable pour raccorder sur des enfants américains qui jouent à cache-cache et courent se cacher derrière les canapés en marbre de leurs parents. C'est très fin, c'est très malin, c'est moins que rien, c'est d'un niveau sous-marin, c'est le degré zéro du cerveau humain, c'est le cinéma à la portée des chiens. Mais c'est très efficace pour montrer ce qui tient tant à cœur à Alejandro González Iñárritu. Il n'a jamais filmé que ça : les liens tacites mais ténus entre les gens du monde entier, l'unicité du monde, l'Histoire et les histoires comme une boucle bouclée. Le film montre plusieurs tableaux qu'apparemment tout distingue et qui sont en réalité tous intimement liés par quelque chose d'infime et de précis.



Babel, film multiculturel, multi-ethnique, film couteau-suisse des nations unies, présente donc plusieurs planches. D'abord deux enfants berbères dont le père achète un fusil pour le leur confier afin qu'ils tirent sur les chacals qui menacent son troupeau de chèvres. Puis Brad Pitt et Cate Blanchett en vacances dans un pays Arabe, pour peut-être reconstruire leur couple. Leurs enfants gardés par une bonniche mexicaine. Gael Garcia Bernal qui conduit comme un chauffard parce qu'il est en retard pour l'anniversaire de son chien. Robin Williams qui rate systématiquement la date de son mariage pour terminer ses expériences dans son laboratoire scientifique et qui finit par créer une substance pleine d'énergie et indestructible qu'il nomme le "Flubber". Une adolescente Japonaise sourde qui rêve de perdre sa virginité. Et ainsi de suite.



Au début du film les deux petits Arabes s'amusent à tirer au fusil sur un bus, et sans trop le vouloir ils blessent gravement Cate Blanchett à l'épaule. Les répercussions vont toucher tous les protagonistes. Exceptée la petite japonaise, dont l'histoire n'a strictement rien à voir avec le reste du film. Mais à la fin du "métrage", comme on dit quand cherche un synonyme du mot "film" et qu'on a un cerveau putréfié, Alejandro González Iñárritu nous montre le fusil vendu au paternel des deux petits arabes accroché au mur chez le père de l'adolescente nippone en quête de verges. C'est ce maudit Japonais qui a vendu son 22 long rifle au Touareg, et la belle et innocente Américaine de passage est évidemment victime de ce commerce d'armes à feu qui a lieu sur le vieux continent, loin du grand pays de l'Oncle Sam. Tout est donc bel et bien lié. Tout se recoupe. C'est d'ailleurs dommage qu'Iñárritu n'aille pas au bout de son idée en racontant aussi l'histoire du type qui a vendu le fusil au Japonais, celle du type qui a fabriqué le fusil, du gars qui a fabriqué la cartouche précise qui a blessé Blanchett, des trois cents bonhommes qui ont fabriqué les trois cents cartouches vendues avec le fusil aux éleveurs de chèvres arabes. C'est dommage de s'arrêter en si bon chemin... Sans doute une question de temps, et d'argent.



En tout cas voilà qui est vraiment passionnant. C'est l'idée fixe d'Alejandro González Iñárritu. Son truc c'est de relier les gens par un objet. Son dada c'est le film choral dont les protagonistes sont rapprochés sinon physiquement en tout cas dans leurs destinées, et toujours par un objet singulier. Dans le premier court métrage du Mexicain c'était un pétard, un joint, qui circulait entre plusieurs individus dont le dernier chopait un gros herpès et des hallucinations surpuissantes dues au mélange de la ganja qu'il avait fumée et du champignon hallucinogène qui venait de lui pousser sur la lèvre et qu'il grignotait sans s'en rendre compte. Dans 21 grammes c'était un cœur, encore sanglant et encore battant, que Sean Penn, Naomi Watts et Charlotte Gainsbourg se refilaient de main en main comme une patate chaude. Dans Babel, c'est un fusil qui soude les destins inévitablement tragiques des protagonistes aux quatre coins du globe. La rumeur circule comme quoi Alejandro González Iñárritu ferait en réalité une partie géante de Pyramide. Il nous fait deviner des mots. En deux, non en quatre ! Joint, cœur, fusil, et à la fin des fins tous les mots réunis feront une phrase qui nous révélera les véritables intentions du plus fameux des metteurs en scène portugais, le très chouette Alejandro González Iñárritu. Peut-être veut-il simplement énumérer les éléments les plus importants de sa vie. Ce qui fait de lui un camé cardiaque et meurtrier.


Babel a obtenu le Prix de la mise en scène ainsi que le Prix du Jury Œcuménique au festival de Cannes. J'ignorais qu'il y avait à Cannes un jury composé exclusivement de châtrés. Qu'on y crée un jury d'handicapés ne m'aurait pas surpris. Après tout ça aurait un peu fonctionné comme les jeux Para-lympiques, ou les compétitions d'Handisport. Sauf qu'on aurait parlé d'Handicinéma, ou de Handifilms, ou encore de Handigarcia. Ils auraient pu juger les films de certains handicapés notoires, comme Michel Gondry, Quentin Tarantino ou Gaspar Noé. Mais un jury d'eunuques je trouve ça chelou. Bref ! Ce film fut aussi le 31ème film remaké par Steven Soderbergh, surnommé à l'époque à Hollywood "L'assassin qui crèche au 31", et qui renomma le projet Bubble, remplaçant les acteurs par des poupées, choix qui s'avéra très probant vu que ça reste vachement plus facile de faire se croiser des poupées sur un coffre à jouets que des acteurs payés au lance-pierre venus de tous les pays du globe.


Babel de Alejandro González Iñárritu avec Brad Pitt, Cate Blanchett et Gael Garcia Bernal (2006)

28 mai 2008

Coffee and Cigarettes

Il était temps, voici venir l'article tant attendu, celui pour lequel vous avez voté en masse dans le premier sondage : "Lequel de ces films aimeriez-vous voir chroniqué dans ces pages ?" de notre blog.
 
Il faut savoir que pour Jim, Coffee and Cigarettes c'est le projet de toute une vie. Dès 1986 il tournait le sketch avec Roberto Benigni pour la télévision, puis il relançait la machine sans trop savoir où il foutait les pieds avec Steve Buscemi en 1989, et en 93 il repartait de plus belle sur l'épisode réunissant Iggy Pop et Tom Waits. Il ne savait pas encore que ces sketchs, augmentés d'une poignée d'autres, allaient un jour être réunis dans un seul et même film. On pouvait bien se douter que quelque chose se tramait doucement, qu'il se passait probablement un truc louche avec ces histoires toutes tournées en noir et blanc, Jim lui-même devait bien imaginer qu'il allait arriver quelque chose à tous ces petits sketchs totalement indépendamment les uns des autres et pourtant tous très naïvement axés littéralement sur le café et les clopes.



Que Jarmusch daigne l'avouer ou non, ce film est l'œuvre de toute une vie. C'est aussi bien une œuvre de jeunesse, un premier film en somme, qu'un film-testament, un opus posthume. Mais le résultat, sans mériter la cour d'assise, une geôle et des chaînes, n'est pas l’œuvre phare de son auteur. Jarmusch réunit des gens tous plus cool les uns que les autres dans des hangars délabrés, les filme en noir et blanc, met une table au milieu avec clopes et cafetières en vrac, trois dialogues et emballé c'est pesé. Le vétéran Bill Murray, qui joue son propre rôle grimé en serveur au milieu de trois gars du bronx qui l'ont adoré dans Groundhog Day, même sans la moindre vanne, c'est cool, vu que Bill Murray est l'incarnation vivante du cool, d'autant qu'ils évoquent un film effectivement génial qu'on a tous vu et beaucoup aimé. C'est le sempiternel écueil consistant à se satisfaire à bon compte sur le dos de références communes et autres affinités de goûts que l'on croit follement originales et qui nous donnent le sentiment de faire partie d'une communauté avisée. Tendance largement répandue au début des années 2000 dans mille et une comédies dites indépendantes et produites par la Warner, la Fox, Tristar et la Columbia réunies, pour caricaturer. Le pire demeure qu'on se surprend à préférer ces sketchs plutôt faibles réunissant des têtes d'affiches à d'autres, a priori plus audacieux, comme celui où Cate Blanchett joue deux rôles à la fois (deux sœurs, une brune et une blonde, aux caractères diamétralement opposés : performance) grâce à de subtils effets de montage.



A noter cependant que si le scénario n'est pas fantastique, les dialogues quant à eux sont une mine d'or. chaque sketch fourmille de répliques qui sont autant de références bien senties au titre du film, et on ne sait que faire face à ces dizaines de réparties étonnantes dont je vous laisse, pour finir, un petit aperçu :

- T'aurais pas une clope ?
- Non mais j'ai du café.

- Quoi de meilleur qu'un bon café ?
- Rien. Ou alors une clope.

- Ah j'ai envie de quelque chose avec mon café mais je sais pas quoi...
- Une cigarette ?

- J'adore fumer une clopinette avec mon café.
- Moi pareil mais l'inverse.

- Toi tu dis "un" clope ou "une" clope ?
- J'sais pas mais je dis "du" café, alors laisse moi boire mon café.

- T'as pas ton froc qu'a brûlé ?
- Si mon pantalon-cigarette a pris feu la dernière fois que j'ai renversé du café brûlant dessus.

- Toi tu mets du sugar dans ton café ?
- Non je trempe directement mon cigare dans mon café.

- T'as pas un âne qui s'appelle Coffee ?
- Si, Garreth.

- Y'aura qui à la réunion de l'ONU ce soir ?
- Si Garreth est là y'aura forcément Coffee Annan.

- T'es plutôt clope ou cafetard toi ?
- Je suis plutôt cametard.

- Tu vois le type là-bas avec sa clope au bec ?
- Celui qui boit son café ?

- Putain tu te rends compte que si on pouvait acheter du café au tabac-presse du coin, on appellerait ça Coffee & Cigarettes ?
- On appelle ça un bar-tabac.

- Toi je vais te passer à tabac.
- Mec laisse moi d'abord finir mon café.

- Tu connais cette chanson de Stéphane Eicher, "Petit déjeuner en paix" ?
- Celle où le parolier soutient mordicus qu'il veut petit-déjeuner tranquille à base de marlboro light et de ristretto ?

- Fume, fume, fume cette cigarette !
- Tu peux préparer l'café noir, tes nuits blanches et même ton mouchoi-a-ar.

- Hé vieux tu viens de rater la toute dernière pub Nescafé !
- Ah désolé j'étais sur le balcon, je fumais ma clope.

- T'es allé m'acheter mes cigarettes chéri ?
- Ah non je suis resté scotché devant Bagdad Café.

- Oh ! Mot compte triple : "Café" !
- Merci, tu m'enlèves une épine du pied, il ne me manquait plus que le C pour écrire "Cigarette", mot compte simple mais je te passe devant à deux longueurs.

- Hé t'as entendu causer de la nouvelle interdiction sur les cigarettes ?
- Ouais manquerait plus qu'ils interdisent le café et je serai bien dans la merde.

- Fumer tue, la caféine tient éveillé. Vu que je vais clamser tôt à force de cloper je bois à balle de café histoire de ne pas pioncer. L'un dans l'autre je perds autant de temps que j'en gagne.
- Pas con.
 
- C'est quoi ton Jarmusch préféré ?
- J'aurais tendance à dire Coffee and Cigarettes.


Coffee and Cigarettes de Jim Jarmusch avec Bill Murray, Tom Waits, Iggy Pop et Cate Blanchett (2004)

27 mai 2008

Indiana Jones et Le Royaume du Crâne de Cristal

Que deviens-tu Steven Spielberg ? Que deviens-tu Tonton Spielby ? Que deviens-tu oncle Steven ? Que deviens-tu toi que je prenais vraiment pour le frère de ma mère ? Que deviens-tu toi que je m'étonnais de ne jamais voir aux repas familiaux et autres réunions de famille ? Toi à qui je pensais que Jacques Tati avait consacré un film : Mon oncle. Toi que je prenais pour le plus grand producteur et exportateur de riz du monde, toi que j'appelais Oncle Ben's.

J'ai ma réponse : tu deviens un vieux con. C'était déjà mal parti avec The Terminal, où j'attendais enfin une suite à Terminator, ça sentait le gaz avec La Guerre des Mondes, où j'attendais une adaptation d'Aldous Huxley, ça puait le sapin avec Munchen, où j'attendais un film historique sur le club de football Allemand Bayern Munchen Gladbach, je te réservais la place du mort dans ma bagnole après avoir maté le making of promotionnel Shooting Indiana Jones 4 sur TPS Star. Et j'avais pas tort.



Je ne m'attaque pas de façon exhaustive à ton film vu que chaque plan me coûterait dix minutes d'insultes. Ta passion pour les animaux animés par Pixar a eu raison de toi. Toi qui t'es cru épaulé par ton nouveau scénariste fétiche David Koepp, tu as signé ton arrêt de mort en réunissant essais nucléaires en Zone 51, surprise party chez des Péruviens endiablés, lignes de Nazca, temples Incas, voyages interdimensionnels et extra-terrestres extra-lucides. Tu t'es complètement foutu dans la merde. Tu t'es laissé empester par les effets spéciaux les moins chers sur le marché. Tu t'es laissé emboucaner par une Cate Blanchett en fin de course à l'apogée de sa carrière. Qui peut encore être fan d'une telle femme, en dehors de pathétiques vieillardes féministes qui enseignent l'anglais en lycée et vénèrent ce vieux mec efféminé prêt à donner ses traits ingrats à la Reine Elizabeth. Il suffirait de mettre la perruque de Blanchett sur le crane du grand soldat Russe aux épaules pare-chocs qui l'accompagne pour échanger les rôles sans choquer personne. D'ailleurs ta vision des communistes russes bêtes et méchants et des villageois Péruviens réduits à l'état de clébards monstrueux est un peu limite. Sans parler des dizaines de goofs qui polluent ton film, de la fainéantise d'un John Williams qui s'est résolument contenté de ressortir ses anciennes soundtracks pour y insérer quelques partitions "d'action" bruyantes et bas de gamme comme il en a désormais le secret, sans s'étendre sur tes scènes de dialogues insipides et soporifiques longues comme le bras et sans consacrer un chapitre à ton histoire sans queue ni tête dont on voit bien qu'elle n'est qu'un patchwork des supposées meilleures scènes tirées des mille scénarios pondus pour le film.



Quid de la disparition de ce qui faisait peut-être l'originalité majeure d'Indiana Jones dans le bain des serials du même genre (outre la qualité intrinsèque de la série due à l'époque à ton grand talent), à savoir l'humanité du héros, qui finissait chaque épreuve épuisé, minable, couvert de boue et de bleus, ruiné, et qui ici conclut ses péripéties propre comme un sou neuf, en pleine bourre, prêt à remettre le couvert sur demande alors qu'il est censé avoir pris un coup de vieux terrible. Quid des dizaines de minutes de dialogues sans le moindre intérêt qui pèsent lourd dans la balance face au silence absolu quand il s'agirait d'expliquer la résolution du film qu'une pluie d'effets spéciaux suffit à établir sans qu'on ne comprenne rien à ce qui se passe sur l'écran, résolution jamais évoquée plus largement que par deux ou trois termes lâchés à la dérobée, comme l'éloquent : "C'est l'espace entre les espaces" ou encore l'inoubliable : "Le trésor c'était la connaissance". Quid du sempiternel fils caché venu sonner l'heure de la retraite. Quid des clichés exaspérants typiques du genre, des blagues foireuses et des running gags affligeants. Rappeler la belle bien que désormais fripée Karen Allen sous les drapeaux ne te sauve pas mon vieux.



Inutile de revenir là-dessus. Inutile d'énumérer les ingrédients du massacre. Je te prenais pour mon oncle. Je t'appelais tonton. Je te pardonnais ton irrémédiable absence que j'attribuais à un légitime train de vie de star soucieuse de mener à bien et à terme sa carrière. Je ne m'étonnais plus de ne jamais recevoir le moindre cadeau de ta part pour Noël ou pour Pâques. Je me faisais une raison en constatant que tu ne répondais jamais à la moindre des millions de lettres que je t'écrivais à ton adresse postale dévoilée dans la rubrique "Écrivez-leur, ils ne répondront jamais" de TéléPoche. Je ne m'étais pas formalisé en remarquant que tu ne faisais jamais l'effort de prendre un billet d'avion pour nous rendre visite dans les circonstances les plus graves, comme l'enterrement de quatre de tes frères suite à un accident de Bobsleigh dans le Val d'Isère, ou la naissance de celui que ma famille, bienveillante et complaisante, m'avait dit être ton fiston. Je parlais sans arrêt de toi en ces termes : "Mon tonton Spielby", et voilà que tu t'avères être une tête de con. Tu files un sale coton, comme ta poularde aux œufs d'or Bob Zemeckis ou celui qui se réclame de toi et que certains considèrent comme ton chiard, j'ai nommé Manoj Nelliyattu Shyamalan.


Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal de Steven Spielberg avec Harrison Ford, Karen Allen et Cate Blanchett (2008)