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5 novembre 2019

John Wick Parabellum

Bon, ils tirent un peu sur la corde là, non ?... Autant j'avais pu éprouver un certain plaisir régressif devant les deux premiers volets, autant j'ai trouvé celui-ci très long et laborieux. La saga John Wick tient à bien peu de choses. Nous ne sommes jamais très impliqués émotionnellement dans ces films portés par un acteur connu pour être un type en or en dehors des plateaux, et c'est tant mieux, mais aussi pour n'avoir qu'un jeu extrêmement limité devant la caméra, et il me semble que c'est d'abord ce qui nous intéresse. Son personnage est une feuille blanche, que nous ne voyons que survivre et tuer, une ombre invincible, dont la fin nous confirme ici qu'elle ne pourra jamais mourir ni montrer le moindre signe d'affaiblissement. Après une chute terrible et quelques balles dans le costard, Wick se relève, encore et toujours, pour la promesse de nouvelles aventures à venir (suite au succès toujours plus grand, un nouvel épisode est déjà prévu pour 2021). Un chien abattu, une voiture volée... on l'a compris, ce n'était que des prétextes débiles à un enchaînement de scènes d'action plus ou moins imaginatives et chorégraphiées avec soin. Si, dans le numéro 2, la gradation par niveaux, digne d'un véritable jeu vidéo et accompagnée d'une modeste mais bien réelle inventivité formelle, était très nette et parvenait à nous maintenir curieux grâce aussi à un univers qui s'enrichissait de manière plutôt intéressante, ici, c'est beaucoup plus pauvre et redondant. Ce Parabellum commence pile poil là où s'arrêtait le précédent, en nous replongeant immédiatement dans cet univers parallèle peuplé d'assassins désormais familier. Nous retrouvons un John Wick pris en chasse par tous les tueurs du monde dans les rues de New York qu'il parvient sans trop de souci à fuir pour trouver refuge chez une vieille connaissance et continuer sa marche mortelle.




Ne cherchez pas plus de justifications scénaristiques, même accessoire et minime, à ce déluge de balles et à cet empilement d'action : il n'y en a pas, ou bien le prétexte de respecter tel ou tel ordre idiot, par loyauté envers la bureaucratie bien établie qui gouverne ce petit monde d'assassins. L'univers de John Wick est encore enrichi mais, là aussi, dans un procédé facile et lassant de superposition. Nous apprenons ainsi qu'une institution nommée la Table Haute disposant, si besoin, de sa propre unité d'élite, est à la tête de toute cette organisation bien huilée, elle a notamment le droit d'intervenir dans la gestion des fameux hôtels Continental ; au-dessus de cette table règne un Grand Maître (interprété par Saïd Taghmaoui, cocorico !) qui, du haut de son pouvoir a priori absolu sur ses sujets, a tout de même choisi de vivre dans le désert avec quelques tapis persans pour tout confort. Bref, plus on en sait, moins on veut en savoir. Le film tente vaguement de légitimer ce jeu de massacre par un romantisme naïf quand Keanu Reeves délivre ce qui doit être son plus long dialogue : face au Grand Maître auquel il demande grâce, John Wick dit qu'il veut vivre encore simplement pour pouvoir continuer à se souvenir de l'être aimé. C'est beau, un peu de poésie dans ce monde de brutes... Après une si touchante déclaration, il lui est tout de même demandé de se couper l'un des doigts et de tuer son seul ami, le gérant récalcitrant du Continental de New York (Ian McShane, fidèle au poste) afin d'effacer son ardoise auprès de la Table Haute. C'est donc encore une loyauté stupide envers un système absurde qui justifiera tout le reste, à la poursuite d'une tranquillité dont on se demande bien à quoi elle peut ici rimer.




Face à un tel néant narratif, seule une grande prise de risque en termes de mise en scène pourrait justifier ces 131 minutes de fusillades et d'affrontements en tout genre. Le seul suspense réside là-dedans : que nous réservent-ils pour la suite ? Où et comment vont-ils se battre ? Et, surtout, comment cela va nous être montré ? Hélas, force est de reconnaître que les chorégraphies sont très répétitives et la caméra de Chad Stahelski particulièrement statique et en cruelle manque d'inspiration. Rien de très impressionnant, on s'ennuie, c'est toujours la même chose. Pour ce qui est des décors, on a droit aux jeux de miroirs et de reflets habituels, déjà présents et mieux exploités dans le deuxième opus. Quand un tel film peine autant à se renouveler, il essaie pathétiquement de trouver son salut par des innovations très terre-à-terre qui passent par des détails d'importance aux yeux de l'aficionado. C'est par exemple un chien, particulièrement attiré par les services trois pièces de ses ennemis, qui va jouer un rôle clé dans l'une des scènes. Dans le même registre, on essaie de diversifier les armes utilisées : c'est plutôt sympa quand John Wick use du sabre de samouraï pour couper en deux un adversaire, ou d'un gros livre pour en assommer un autre ; c'est en revanche très ridicule quand il se sert de chevaux pour administrer des ruades sur demande. Cela passe aussi par la diversité des engins empruntés pour se déplacer : un canasson justement, que John Wick chevauche en pleine ville et au milieu des voitures, ce qui nous rappelle Schwarzy dans True Lies lors d'une scène qui avait autrement plus de gueule. On a également droit à une courte course poursuite en scooter, un passage très nul puisqu'il n'y a pas de circulation, on a juste quelques guignols les uns derrière les autres sur leurs deux roues et notre héros décidément imprenable qui les fait voltiger ou les flingue les uns après les autres, de façon particulièrement surréaliste. Cette scène apparaît en outre comme une mauvaise redite du récent actioner sud-coréen The Villainess qui nous proposait exactement la même chose mais avec une toute autre énergie.




Cela passe enfin par la diversité des nouveaux opposants ou alliés. Ici, l'antagoniste principale, qui n'en vient jamais aux mains mais qui est bel et bien aux ficelles de tout ce bordel, est une adjudicatrice de la Haute Table campée par une actrice qui a vraisemblablement été choisie parce qu'elle se présente comme non-binaire. L'idée est a priori pas mauvaise, et il est vrai qu'il est presque étonnant de voir, dans un tel film, une femme totalement asexuée, qui ne nous est pas montrée comme un simple bout de viande appétissant, bien moulé ou court vêtu. Mais en soi, la dénommée Asia Kate Dillon a une présence qui ne pèse pas lourd, elle ne dégage rien à l'écran et fait même très pâle figure. On peut espérer mieux, surtout dans des films qui ont désormais largement de quoi s'offrir les plus grandes stars ou convoquer n'importe quel revenant. Comme dirait l'autre, "il faut que le méchant soit réussi"... John Wick affronte également toute une bande d'assassins chinois à la tête de laquelle nous retrouvons Mark Dacascos, que l'on préférait quand il avait des cheveux et un peu plus d'amour propre. On sent bien que ces figurants sont plus doués et agiles que notre vedette assez lourdaude lors des scènes de bagarre, mais celle-ci finit toujours par l'emporter par la force. La dernière partie, peut-être la plus accrocheuse, met en scène le siège du Continental new-yorkais par la troupe d'élite de la Table Haute : ces derniers sont des crétins anonymes qui ne feront pas de vieux os, notamment en raison de casques ineptes que Wick ouvre facilement depuis l'extérieur pour des headshot assurés à bout portant. Enfin, on retrouve Halle Berry, qui vient faire un bout de chemin avec ses deux bergers allemands aux côtés de John Wick après lui avoir réservé un accueil glacial, dans une relation amour/haine des plus banales. Hélas, cela fait depuis belle lurette que cette actrice n'est plus un argument. On croise également Anjelica Huston, dans la peau d'une vieille femme qui nous en apprend un peu plus sur le passé de notre héros, tout droit issu de l'imagination limitée d'un pré-ado friand de jeux vidéos.




John Wick Parabellum peine donc terriblement à se renouveler et l'on a comme le sentiment que Chad Stahelski et sa bande ont foncé tout droit vers cette impasse qui s'offrait grand à eux dès les toutes premières minutes du premier film sans, cette fois-ci, parvenir à nous divertir suffisamment pour nous la faire oublier. On tient un film d'action qui continue à vouloir se prétendre pure abstraction pour essayer de brosser le cinéphile de passage dans le sens du poil, avec également quelques clins d’œil appuyés à la plus noble cinéphilie (Wick trouve refuge au "théâtre Tarkovsky", des images de Buster Keaton illuminent Time Square...), et à abreuver l'amateur d'action lambda par des morceaux de bravoure à la chaîne. Mais tout paraît trop forcé et sans grande idée : rien ni aucune espèce de virtuosité ne vient motiver ce spectacle stérile et répétitif. Le résultat est assez bâtard et ne fait que rendre plus criantes les limites de Chad Stahelski comme cinéaste d'action et la pauvreté d'une franchise qui n'est malheureusement pas partie pour s'améliorer ni s'arrêter...


John Wick Parabellum de Chad Stahelski avec Keanu Reeves, Asia Kate Dillon, Halle Berry et Ian McShane (2019)

13 avril 2015

The Equalizer

Dans son for intérieur, Denzel Washington estime sans doute qu'il doit son Oscar chéri à Antoine Fuqua, le réalisateur de Training Day. En réalité, il le doit surtout à un gros malentendu et à cette hypocrisie ambiante, favorable aux minorités visibles, qui était de rigueur à Hollywood suite aux attentats du 11 septembre et qui a également provoqué le couronnement hâtif d'Halle Berry. Mais n'abordons pas les sujets qui fâchent... C'est donc parce qu'il se sent redevable envers Antoine Fuqua que notre ami Denzel accepte facilement les scénarios que le cinéaste lui propose, quitte à se retrouver dans d'abominables navets tels que cet Equalizer. C'est en tout cas comme ça que je m'explique rationnellement la situation. Car si le monde tournait rond, c'est un type comme Steven Seagal, aka Saumon Agile, qui incarnerait le héros infaillible et invincible d'un tel actioner de seconde zone.




Pendant la promo française du film, je me souviens que Denzel Washington avait été accueilli en grandes pompes par un Laurent Delahousse complètement gaga, n'oubliant jamais de brosser son invité dans le sens du poil, comme si celui-ci l'honorait de sa présence divine. Et pourtant... Quand on sait quel affreux produit la star venait nous vendre... Dans quel spectacle ridicule et totalement débile celle-ci s'adonnait pour toucher le jackpot... Denzel Washington, dont j'ai déjà ciré les godasses avec ardeur pour sa performance dans Flight (je ne le regrette pas, il l'avait bien cherché, j'étais consentant), mérite ici le plus grand mépris. Quand on a sa stature, quand on jouit de la liberté de décision qui doit être la sienne, il faut vraiment avoir un sérieux grain pour venir faire le guignol dans une telle mascarade. C'est le genre de film qui peut faire perdre tout son crédit à un acteur, toute sa crédibilité, même quand celle-ci est solidement établie. On ne peut plus être sérieux avec quelqu'un qu'on a vu là-dedans.




Denzel Washington incarne donc le héros ultime, capable de tout, comme je croyais qu'on osait plus en faire, sans une once d'autodérision. Certes, j'ai pouffé une fois ou deux devant les facéties de l'acteur, notamment lors de ce face-à-face tendu avec le très méchant, dans un resto chicos, entre deux verres de rouge. Denzel invite alors son ennemi à se plonger dans ses yeux pour lui dire s'il y décèle réellement quelque chose d'un peu humain, après avoir lentement énoncé ce qu'il devinait dans le regard de son vis-à-vis, lui récitant sans se tromper les grands faits marquants de sa biographie. A ce moment-là, l'acteur sort le grand jeu, nous délivre son regard le plus noir et inexpressif, et je ne peux pas croire qu'il se prenne véritablement au sérieux. Hélas, tout le film démontre le contraire. Denzel est The Equalizer (le mot n'est jamais prononcé mais convient tout à fait), un homme mystérieux, au passé trouble et méconnu, mais vraisemblablement très riche en aventures et expériences. Ses techniques de combat et d'infiltration mettent sur le cul tous ses adversaires. "Ce type-là est surentraîné, regarde les choses en face...", "Les cinq costauds qu'il a abattus tout seul, en une poignée de secondes, et quelques mouvements bien précis, démontrent clairement que nous n'avons pas affaire à n'importe quel connard...",  "Regarde-moi ce désastre, ce gars-là est un vrai renard...", "Mais quel gros enculé, sérieux !" sont autant de répliques que l'on entend dans la bouche de ces pauvres russes tatoués de la tête au pied, qui servent de chair à canon.




Vieux loup solitaire au cœur sensible, Denzel aime prendre sous son aile la veuve et l'orphelin. Surtout l'orpheline. Il s'attache ainsi à Chloë Grace Moretz qui incarne avec beaucoup de difficultés une prostituée mineure originaire de l'Est et exploitée par ces vilains russes (le film nous apprend d'ailleurs que la jeune actrice est bâtie comme un petit camionneur ; sa croissance n'étant pas tout à fait terminée, on peut encore garder l'espoir qu'elle évolue dans le bon sens). Quand Denzel retrouve la gamine couverte de bleus, il voit rouge et se lance dans une vendetta méthodique et irrésistible qui le mènera jusqu'en Russie, et plus exactement dans la salle d'eau du grand commanditaire, qu'il liquidera avec une facilité déconcertante, après avoir refroidi ses hommes de main et s'être introduit chez lui peinard (une ellipse bienvenue nous épargne ces nouvelles mises à mort, on voit simplement Denzel repartir du grand manoir en enjambant les cadavres qu'il a semés sur son passage - pris d'une lucidité très tardive, le réalisateur a comme soudainement conscience que l'on a bien assez vu notre héros dézinguer et tordre des cous à tout-va...).




Mais Denzel n'est pas seulement un type devant lequel Jack Bauer, John McClane, James Bond et même Superman pourraient aller se rhabiller fissa. C'est aussi un homme de lettre aux goûts raffinés quoique très classiques. Il dévore les bouquins, qu'il feuillette délicatement et, de préférence, dans des collections anciennes et poussiéreuses, sans doute achetées à prix d'or sur eBay (il ne doit pas supporter le Folio de base). Denzel s'enfile les vieux classiques et nous sort ensuite des résumés d'une lourdeur sans nom. Il faut entendre sa synthèse pour les nuls du Vieil homme et la mer et le voir mimer les derniers instants de Gatsby le Magnifique. Je ne vous parle même pas de ses larmes lorsqu'il en vient à aborder le dernier chapitre de l'autobiographie de Schwarzenegger, celui intitulé A Too Big Secret... De temps à autre, Denzel recrache des citations sibyllines, ô combien ridicules sorties de leur contexte mais qui laissent toujours songeurs ses interlocuteurs ("Yes, I banged the housemaid when you were away with the kids, and now I have a 6-foot-tall 14 years son who looks like a puerto-rican oak, but I'm just a man..." est sa préférée).




Le comble du ridicule est toutefois atteint quand Denzel se chronomètre. Il n'est pas the equalizer pour rien. Il aime égaliser les trucs. Que les choses soient carrées. Quand il se lève, il égalise sa coupe de cheveux, un coup de tondeuse par-ci, un coup de cisaille par-là, et on nous rappelle au passage que le gaillard a le poil grisonnant, ce qui met encore davantage en valeur son aisance sur le tatami. Quand il se met à table, à ce bistrot où il recroise cette jeune tepu qu'il affectionne, il a ses petits tics qu'il exécute systématiquement : il déplace son verre de la droite vers la gauche, secoue sa serviette tel un dangereux maniaque, se remonte les manches prêt à en découdre, range ses couverts dans un ordre que lui seul connaît... Il égalise à sa façon quoi. Mais, surtout, il a ce gros tic gênant qui consiste à chronométrer ses moindres faits et gestes de façon tout à fait aléatoire. Par exemple, avant de passer à l'action et de s'en prendre à des russes, il pense à voix haute et annonce d'un ton monocorde "18 secondes" puis lance son chrono. Il est toujours un peu contrarié quand, les malheureux truands baignant dans leur sang, il se rend compte qu'il a dépassé d'une petite paire de secondes le temps qu'il s'était imparti. Il chronomètre aussi des actes beaucoup plus triviaux et s'impose d'étranges défis. On le voit ainsi se rendre chez son buraliste, constater en matant sa montre "Ah, 58 secondes...", et repartir tête basse. On le retrouve aussi à la sortie des chiottes : "Putain, une demi-plombe !". C'est assez spécial, ça vaut le coup d’œil, croyez-moi.




Habituellement, dans ces films-là, on apporte un soin particulier au grand méchant. Il s'agit ici d'un homme de main particulièrement belliqueux, mais tout aussi ridicule, incarné par un véritable inconnu sans charisme (Marton Csokas ?!). C'est attristant. Par exemple, dans Qui veut la peau de Roger Rabbit ? (perso, je préfèrerais le blu-ray collector car je suis un gros fana !), qui n'est pas du tout un film du même genre, le méchant est sacrément réussi. Ce Chrisopher Lloyd, quel acteur ! Difficile à croire que le même gars jouait l'adorable Doc et répondait tous les soirs patiemment aux auditeurs de Fun Radio ! Lui et sa fameuse trempette ont traumatisé des générations entières de cinéphiles ! On ne pourra pas en dire autant de Marton Cskoas (?!). Même sa mort est totalement ratée. Il clamse fixé au sol par un Denzel impitoyable qui fait une utilisation toute personnelle d'une cloueuse pneumatique surpuissante (travailleur docile au BricoMarché du coin quand il n'est pas super-héros, Denzel en connaît un rayon dans le domaine du bricolage et, notamment, dans l'outillage dit de fixation définitive).




Je dois tout de même faire preuve d'honnêteté et vous avouer que je n'ai pas souffert tout du long. Une scène de torture sort clairement du lot et m'a beaucoup plu. Denzel y enferme un flic ripou dans sa propre bagnole avec le gaz d'échappement relié à l'habitacle par un tuyau d'arrosage. Denzel l'interroge, confortablement installé dans une chaise-longue, tout en descendant et remontant la vitre électrique de la voiture, le pauvre gars s'étouffe, et ainsi de suite, ça n'en finit pas ! Face à un spectacle si plaisant, on ne prend même pas le temps de s'interroger sur ce mystérieux modèle d'automobile dont on peut télécommander l'ouverture des vitres depuis l'extérieur mais guère de l'intérieur. Et tout ça est d'une lenteur très gênante. Sur le papier, la scène devait être brillante, mais à filmer, c'est une autre paire de manches... Quand la vitre s'active, le temps s'arrête... Et la pauvre victime n'a jamais l'idée de casser la vitre ou d'y coincer son bras, quitte à le paumer (mais si c'est le prix à payer pour respirer plus frais et ne pas crever, le choix est vite fait...). Malgré ces petits couacs, cette scène reste, de loin, la meilleure du film. Et je me devais de vous la faire partager après vous avoir fait subir tout le reste !


The Equalizer d'Antoine Fuqua avec Denzel Washington, Chloë Grace Moretz, Marton Csokas (?!) et Melissa Leo (2014)

8 juillet 2014

The Call

Qu'il est loin le temps où Brad Anderson incarnait un mince espoir pour le cinéma de genre américain... Lui qui avait commencé sa carrière avec des petits films indépendants honorables et prometteurs tels que Happy Accidents et Session 9, travaille désormais à la pige. Il enchaîne les boulots alimentaires en se spécialisant dans la mise en image d'histoires à suspense ou horrifiques, y compris pour des tas de séries télévisées comme Fringe, principalement, mais aussi Treme et Broadwalk Empire. A l'annonce d'un nouveau Brad Anderson, on a tout de même encore cette très maigre curiosité qui suffit à nous faire perdre une heure et demi en sa compagnie. C'est depuis The Machinist, son plus grand succès, et un succès immédiat, contrairement aux deux films plus anciens déjà cités, dont le "cult following" s'est bâti avec le temps, que Brad Anderson a tiré un trait sur son honneur pour garnir un compte en banque sans doute bien portant, quitte à ce que son étoile sur le walk of fame hollywoodien trace sa route au loin. Les fans de The Machinist, jadis nombreux, ont désormais oublié jusqu'au nom du réalisateur de ce film.




The Call ("Le coup de fil" en Français) est donc la dernière livraison de Brad Anderson, qui trimballe une telle tête de zonard qu'on l'imagine facilement sur un scooter en rade, la goutte au nez, affublé d'un gilet phosphorescent sans manches et d'une casquette "Speed Rabbit Pizza". Comme d'hab, une star en perdition au casting, qui essaye de se refaire la cerise en espérant tourner un de ces thrillers qui marchent et dont on se souvient en se disant : "Ah oui, ce soir-là où on s'était bien foutu dedans !". Halle Berry, affublée d'une coupe de cheveux digne des plus belles heures de Carlos Alberto Valderrama saison 92-93 (celle où il a littéralement "mis le feu" à la Mosson avec sa fameuse technique dite des "mains qui traînent", qui consistait à caresser les couilles de ses adversaires dans le mur du coup franc ou bien sur les corners afin qu'ils oublient de sauter), Halle Berry donc, qui se vante d'avoir elle-même trouvé sa coupe de cheveux et de l'avoir imposée sur le plateau, incarne une standardiste du 911, l'appel d'urgence aux USA, que bien des demeurés bercés aux séries télé composent en France pendant des heures avant de mourir seuls. Dès la première scène du film, un appel la relie à la future victime d'un serial killer, qu'elle ne parviendra pas à sauver. La deuxième scène, pratiquement, nous plonge au cœur du film avec ce deuxième coup de fil qui durera près d'une heure et quart où Halle Berry, en position assise 90% du temps (son Oscar de la Meilleure Actrice lui permet de jouer ça), s'acharne à extirper une nouvelle victime des griffes du même psychopathe. La nouvelle cible n'est autre qu'Abigail Breslin, petite star joufflue et binoclarde de Little Miss Sunshine devenue Big Mama Monkeyshine, qui quant à elle passe 75% du film dans les coffres successifs d'une Lincoln Rouge et d'une Audi Black Metal.




Force est de constater que nous n'en menions pas large dès les premières secondes d'un film qui démarre tambour battant. Ce thriller au pitch en béton est conçu pour accaparer le chaland et ne pas lui laisser le choix des armes. Même Jean-Luc Godard serait médusé devant cette merde. Car oui, The Call, tout conçu qu'il est pour embobiner son spectateur et le garder à sa botte jusqu'au générique de fin grâce à un enchaînement très régulier de péripéties, passerait inaperçu au milieu d'un tas de fumier. Brad Anderson a définitivement cessé de s'aimer. Il ne s'était jamais abaissé à de telles pratiques. Le réalisateur utilise le "fisheye" pour rendre compte de la claustrophobie en milieu carcéral (le coffret de la voiture du tueur), abuse d'une image saccadée pour représenter l'état d'esprit du tueur en plein stress, et torche tout simplement des plans d'une pure laideur. En bref, on se croirait vraiment dans une série télé, et ce n'est pas un compliment. Le pire reste toutefois cette dernière demi heure où le scénario cesse à tout jamais d'être cohérent et nous entraîne maladroitement vers un face-à-face final ridicule pour conclure un jeu du chat et de la souris déjà vu et mieux vu mille fois ailleurs. Le comble du ridicule est atteint à la dernière minute du film, où little miss shoeshine et Halle Berry décident d'un commun accord de ne pas livrer le meurtrier à la police pour plutôt se venger elles-mêmes, nous laissant sur un arrière-goût d'autojustice à la morale bien pégueuse. Quand le générique de fin survient, on se dit qu'on s'est fait avoir comme des rats.


The Call de Brad Anderson avec Halle Berry et Abigail Breslin (2013)

26 janvier 2013

Flight

Deux grands cinéastes tout public font leur come-back sur nos écrans français en ces mois frappés par le froid intense : Bob Zemeckis et Stevie Spielberg. Deux cinéastes dont les plus grands succès sont forcément derrière eux, mais dont on espère (dans le sens français et espagnol du terme - esperar : attendre) depuis des années un sursaut d'orgueil. Les statistiques démontrent que nous avons tous au moins un film de Zemeckis et Spielberg dans nos dvdthèques. Statistique non démentie en ce qui me concerne, puisque je possède les dvds de Predator et Un Jour sans fin. Spielberg et Zemeckis, les Romario-Bebeto du 7ème Art, ont marqué le cinéma de divertissement des années 80 et 90. Le premier nous revient avec le film définitif sur l'une des plus grandes figures de la courte Histoire américaine, j'ai nommé Malcom X. En course pour les Oscars et salué unanimement par les critiques, le long film de Spielberg et ses deux heures trente minutes de dialogues non-stop aura toutefois bien du mal à s'attirer les réelles faveurs du très grand public, celui qui se lève tôt et n'a pas envie qu'on lui fusille la tronche sur la Toile le soir venu. Quant au second, j'ai nommé Bob Zemeckis, nous avons vu son Flight et nous avons été agréablement surpris, au point que nous avons décidé d'y consacrer un papelard à part entière.


Zemeckis a enfin décollé le nez de son PC pour redécouvrir la joie d'un vrai tournage aux côtés d'une pointure qui n'a pas hésité à s'ouvrir l'arcade sourcilière pour littéralement "être" son personnage !

Après être passé dans différents travers de motion capture nauséabonds, revoilà enfin le gros Zemeckis en présence de vrais acteurs et d'images réelles. Il s'attaque a priori à une histoire assez banale : un pilote d'avion cocaïnomane et alcoolo sous l'emprise de ces deux stupéfiants notoires arrive tout de même à utiliser son bolide hors de contrôle comme un fer à repasser pour un champ de maïs qui n'en demandait pas tant. Il le retourne complètement pour le faire atterrir en catastrophe mais de manière inespérée, sauvant ainsi la vie de la quasi totalité des passagers, équipage compris. Accueilli comme un héros par les médias et le grand public, le retour sur terre sera tout de même douloureux pour notre pilote ahuri quand il se rendra compte que les traditionnels tests toxicologiques réalisés après le crash-test fatidique révèlent qu'il était "high in the sky" avant même de mettre les mains sur le gros manche du cockpit. A partir de ce postulat de départ ma foi assez peu intéressant et digne d'un "60 minutes" de derrière les fagots, Robert Zemeckis, en pleine possession de ses moyens, nous livre ce que nos amis anglophones nomment modestement une "character study" portée par un acteur au top de sa forme, qui trouve en Whip-le-pilote-de-ligne-de-coke-défoncé son plus beau rôle à ce jour.


A big-ballsy man in a readamaged plane ! Bilan : 6 morts et un Oscar.

Un Oscar pour Denzel ! N'ayons pas peur des mots, Denzel Washington est ici en état de grâce, au point de faire une ombre insondable et insolente à ses partenaires, notamment la Kelly Reilly des Poupées Russes et de L'Auberge Espagnole, qui n'est là que pour agiter ses gros lolos, faire le nombre et justifier une "romance" (notez les guillemets) dont on se serait bien passé. Rappelons que Denzel Washington est pourtant le symbole d'un cinéma américain que d'ordinaire je fuis comme la peste, ce cinéma qui s'échine à nous présenter un "ordinary american hero believing in God, Jesus, and Freedom" au volant soit d'un tracteur, d'un tractopelle, d'un métro, d'une grue, d'un train, et condamné à rejouer cent fois le même rôle et à vivre l'héroïsme avec une humilité trop exagérée pour être crédible. C'est aussi lui l'acteur spécialisé dans les incarnations de personnages historiques de couleur noire et, plus largement, dans la représentation de figures réelles typiquement US : Frank Lucas, le fameux mafieux guadeloupéen de Harlem dans American Gangster, Steve Biko, l'activiste anti-apartheid serbo-croate de Cry Freedom, Rubin Carter, le boxeur poids moyen, et bientôt Steve Jobs selon les dernières rumeurs. Autant de célébrités qu'il est forcé d'imiter de manière souvent bien frustrante. Condamné par conséquent à jouer dans des biopics hollywoodiens sans saveur, adorés par les ménagères de moins de 50 ans et par l'establishment (l'AFI et la MPAA, au premier rang des accusés), l'acteur a ainsi multiplié les "rôles à Oscars". Il a même fini par obtenir la récompense tant convoitée via un rôle à contre-emploi ridicule (Training Day, où il joue un pur enfoiré) en profitant de l'ambiance hypocrite post-11 septembre tournée vers les minorités qui régnait alors à Hollywood (Halle Berry et Jim Broadbent furent récompensées la même année). 


"Écoute, poupée, c'est pas le moment de me demander des cours d'acting !" semble dire Denzel. Notez aussi qu'il lui indique subtilement que la circonférence de son avant-bras est sensiblement égale à celle de son "Python de la Fournaise".

Malgré cela, Denzel fait partie de ces types qu'on ne peut pas s'empêcher d'apprécier. A l'image d'un Vincent Lindon, d'un Bruce Willis, d'un Russel Crowe, d'un Samuel L. Jackson, d'un François Cluzet, Denzel attire de façon assez inexpliquée et instinctive la bienveillance, la sympathie, l'hilarité, voire la concupiscence chez les plus ouverts d'entre nous. Quand il rit, on pleure de rire avec lui. Quand il pète, on hume notre écran. Quand il félicite Kamel le Magicien, on a envie d'être le père de Kamel le Magicien pour pouvoir poser notre main sur son épaule et dire "je suis fier de toi mon fils, Kamelemagicien". Quand il acquiesce des yeux, on hurle "OUI !" le cul vissé sur notre canapé. S'il nous demandait de le suivre dans un combat réactionnaire, on partirait à ses côtés, sans cligner des yeux, le couteau entre les dents. S'il était l'auteur d'un homicide volontaire, je me présenterais les bras en croix au commissariat, au Central 13, comme son alibi, et je déclarerais avoir passé la soirée au lit avec lui, avec pour preuve mon sphincter anal éprouvé. D'habitude, je suis comme Zidane : tu peux me dire ce que tu veux tant que ça ne concerne ni ma maman ni ma soeur, mais Denzel saurait me faire changer d'avis même sur ce grand principe qui régit mon existence depuis le collège, à l'instar de mon idole que je considère double détenteur de la Coupe du monde de la FIFA. Bref, Denzel a de l'allure, un vrai charisme, et il est glabre, ce qui ne me laisse jamais indifférent.


Après chaque prise, les journalistes et critiques ciné s'agenouillaient face à Denzel, le micro tendu et la caméra braquée sur lui, dans l'espoir de connaître les secrets de sa performance ! Ici-même, on peut le voir répéter son "speech acceptance" qu'il donnera le 24 février !

Robert Zemeckis est-il un grand directeur d'acteurs ? Sait-il diriger un interprète de la manière la plus adéquate vis-à-vis du contexte et du cadre qu'il a choisi (plan américain, plan d'ensemble, plan rapproché...) ? Il est impossible de répondre lorsque l'acteur se nomme Denzel Washington. La star est auto-dirigeable. Denzel Washington est le Hindeburg d'Hollywood. Malgré tout, Robert Zemeckis a certainement su lâcher la bride quand il le fallait et tirer sur la laisse lorsque c'était nécessaire. Le cinéaste a beau être d'une laideur sans pareille, il sait encore séduire son public et n'a pas perdu la main quand il s'agit d'être un efficace et redoutable conteur d'histoire (à condition d'être le plus loin possible d'une palette graphique). Certes, certaines scènes sont trop faites pour nous tirer les larmes et d'autres s'avèrent assez superflues, comme celles, au début du film, qui nous présentent la triste vie du personnage campé par la fatigante Kelly Reilly. On aurait préféré connaître ce personnage en même temps que le beau Denzel, sans se taper les désormais classiques injections de drogues qui nous dépeignent à coups de rangers un personnage au fond du gouffre dont on sait qu'il ne pourra que remonter la pente. Une telle exposition était inutile pour que l'on comprenne ses bien simples turpitudes, et il ne faut jamais perdre de vue que l'intérêt du film réside en Denzel Washington et dans le personnage qu'il incarne.


Bruce Greenwood, à gauche, a ici des allures de coach de L1 dépité sur son banc de touche, dépassé par des joueurs, Samuel Cheadle et Didier Washington, qui ne pensent qu'à la troisième mi-temps.

Véritable couteau suisse de l'Actor's Studio, l'acteur marche ici sur l'eau avec une aisance qui échappe aux mots, bien que toujours à deux doigts d'en faire trop. Il parvient à tout faire passer, à sauver des scènes a priori vouées à l'échec ! Quid de cette scène consécutive à l'enterrement de l'hôtesse de l'air qui entretenait avec lui des rapports plus qu'amicaux basés sur un échange réguliers de liquide séminal ? Face à une partenaire anonyme qui s'accroche tant bien que mal pour être à la hauteur, Denzel a seulement besoin de petits mouvements jugulaires et sourciliers pour placer le film sur orbite à cet instant précis. Quid de cette scène très risquée où son personnage retourne, désoeuvré, vers son ex-femme et son con de fils, la mort dans l'âme, avec 2 grammes d'alcool par millilitres de sang (de quoi tuer un taureau de la ganadería Miura, descendant d'Islero, celui qui a eu la peau du grand Manolete aka Adrien Brody dans un film que strictement personne n'a vu) ? En allant au bout de son idée d'acting, consistant à prendre son fils dans ses bras malgré son extrême réticence, Denzel arrache cette scène du ridicule et parvient presque à la rendre assez poignante. Bref, l'acteur réussit l'impossible et tient le film à bout de bras, bien mis en valeur par le savoir-faire indéniable et toujours intact de Robert Zemeckis. 


Gros scandale à prévoir du côté de chez wam si, au bout d'une nuit à croiser les doigts et à prendre mon mal en patience face à un streaming pourri, Denzel repart de la cérémonie des Oscars sans sa statuette...

Flight est donc une bonne surprise. Un film qui remet Robert Zemeckis sur les rails et qui offre à un acteur hors norme un rôle enfin à la mesure de son charisme. En nous faisant croquer un best of des Stones, et en plaçant au moindre prétexte les chansons préférées de sa jeunesse, on sent bien que Zemeckis se fait plaisir et il parvient aisément à nous communiquer son enthousiasme sincère. On pardonnera donc ses quelques travers à ce film très hollywoodien mais si plaisant à suivre, comme il est beaucoup trop rare d'en voir depuis des années. Cet article est déjà très long, je vous laisse. Matez Flight, en cette période de vache maigre américaine, il vous apparaîtra comme un film très sympathique et réconfortant. La rédemption pour tonton Zemeckis !


Flight de Robert Zemeckis avec Denzel Washington et des figurants dont Kelly Reilly, Don Cheadle et John Goodman (2013)

26 juillet 2012

The Dark Knight Rises

Je vais écrire cet article en toute franchise, en étant totalement sincère avec vous. Je suis allé avec mon frère et sa douce amie voir le nouveau Batman au cinéma. J'en attendais pas grand chose, je vous l'avoue tout net. Je ne suis pas un fan du second volet et encore moins du premier, que je trouve assez minable, à tel point que cela me fait doucement rire quand j'entends parler de "trilogie parfaite". Bref. Peut-être pas tout à fait imperméable au marketing de malade entourant le film, j'étais très curieux, il faut le reconnaître, de voir comment la trilogie allait se terminer. Oh et puis merde, je n'ai pas à me justifier, même si je vois déjà venir les détracteurs m'accusant d'être allé voir ce film avec un avis déjà tout fait. Croyez-le ou non, je m'y pointais avec un mince espoir et j'étais même accompagné par ce petit frétillement que l'on ressent presque tous avant d'assister à un gros spectacle de ce genre, depuis longtemps annoncé. J'avais pas détesté le second épisode et j'ignorais encore que celui-ci me le ferait revoir à la hausse ! Je ne savais pas que j'allais seulement pouvoir constater l'ampleur sans précédent du canular gigantesque monté par Christopher Nolan. The Dark Knight Rises n'est qu'une vaste blague sans amorce, seulement une chute qui n'en finirait jamais.


Christopher Nolan dépasse les plus grands ! Son canular est d'une ampleur sans commune mesure avec celui, radiophonique, réalisé par Orson Welles en 1938.

Par où commencer ? Il y aurait tellement à dire que je me sens comme écrasé par la nullité de ce film, moi qui ai pourtant tenu bon durant toute la séance, trouvant refuge dans le rire et la décontraction aux côtés de mon bon Poulpard, celui que l'on surnomme souvent "Brain Damage" mais que je nommerai désormais "L'Encyclopédie vivante des produits Lidl". Durant, disons, la première demi-heure du film, j'avais grosso modo ce à quoi je m'attendais dans mes plus pessimistes pronostics : l'impression de regarder le nouvel épisode d'une série télé pétée de thunes, dans la droite lignée du précédent, mais bien en-dessous, portée par quelques acteurs un peu plus doués que ceux que l'on a l'habitude de croiser sur le réseau hertzien. Parmi eux, Michael Caine offre quelques moments sympathiques : il a l'air d'être le seul à avoir un peu de recul sur la situation et à ne pas se prendre tout à fait au sérieux. Un sérieux par ailleurs tout bonnement assommant, et de rigueur du début à la fin, sans interruption, comme dans tous les films de Nolan. Cette impression pas désagréable se dissipa bien vite et, en revoyant le film, je suis persuadé qu'elle ne pointerait même pas le bout de son nez. Nolan se loupe sur toute la ligne, adoptant même une attitude assez douteuse. Il pourrait au moins faire preuve de courage s'il prenait le parti de son grand vilain, Bane, une sorte de révolutionnaire risible à la tête des indignés de Gotham, qui, lors d'une scène où j'ai cru à ce choix audacieux l'espace d'une nanoseconde, prend en otage les traders du reflet fictif de Wall Street. Mais Nolan ne le fait à aucun moment et finit même pratiquement par choisir la position inverse, en faisant notamment de chacun de ses personnages des pantins sans âme pour lesquels il n'a strictement aucune compassion. Il n'y a aucune vision, aucune prise de risque, Nolan ne fait qu'effleurer des thèmes possiblement intéressants, comme il l'a toujours fait (il faudra que l'on revienne un jour sur Inception...). Sans doute trop calculateur, trop désireux de plaire à tout le monde, Nolan semble condamné à cet entre-deux insupportable qui fait de lui un opportuniste de la pire espèce et un cinéaste raté, symbolisant à lui seul l'état pitoyable du cinéma hollywoodien à grand spectacle. Nolan est une sorte de Tchiaoureli appliqué, tout entier au service de la dictature de la masse. Il n'a même pas le cran de donner une mort héroïque à son Batman. Il n'ose pas et, au détour d'une courte scène atteignant un nouveau sommet dans le ridicule, il nous rappelle que Bruce Wayne est toujours bel et bien en vie. Son film ouvre la voie vers mille suites et autant de reboots. Tu parles d'une "conclusion"... Sacré businessman ce Nolan !


Quelle idée de choisir pour méchant un personnage dont les expressions faciales sont totalement cachées par une sorte de masque à oxygène très peu commode ? Le jeu d'acteur de Tom Hardy, que l'on sait capables d'extravagances assez plaisantes pour l'avoir vu à l’œuvre dans Bronson, est totalement effacé et son personnage en prend un sérieux coup au passage ! Les nostalgiques d'Heath Ledger vont devoir faire preuve d'indulgence !

Si le film était dégagé de tout ce qui l'entoure, j'attendrais peut-être le dvdrip avec une certaine impatience. Impatient de revoir ce spectacle à la débilité à toute épreuve en bonne compagnie, et sur tout petit écran, car c'est la place qui lui est destinée, pour me marrer du début à la fin, en me moquant de chaque invraisemblance et de chaque crétinerie qui balisent toutes les minutes de ce film abject (il en dure 164, quel bonheur !). En attendant, je ris un peu jaune et j'ai surtout très envie de revoir la mythique scène de bagarre du They Live de Carpenter, pour me rappeler de ce que ça peut donner quand c'est filmé avec talent. Nolan est si peu doué... On ne sait pas s'il se rend toujours compte de ce qu'il fait. Non, évidemment, il ne sait pas. S'il en avait conscience, on tiendrait là un comique de premier choix, au potentiel inestimable. Lors du premier affrontement entre Bane et Batman, qui se veut épique et, au minimum, viril, Nolan fait quelques plans de coupe sur des hommes de main qui sont plantées là, debout, regardant le combat depuis une hauteur, les bras croisés, le visage inexpressif. Il ne sait pas qu'il offre là un terrible miroir aux spectateurs les plus ennuyés et lassés de voir deux débiles finis se donner des coups de lattes à n'en plus finir ! C'est risible (oui, je sais, c'est la deuxième fois que j'emploie ce mot, mais c'est clairement l'un de ceux qui sied le mieux à ce film). Nolan reproduit la même chose lors d'un de ces nombreux dialogues lourdement explicatifs, car comme dans Inception, il arrive très fréquemment que certains personnages apportent d'un seul coup tout plein d'éclaircissements ultra bienvenus pour mieux comprendre la situation ; souvent, ils font ça alors qu'ils sont sur le point de mourir, ce qui rend ce moment d'autant plus poignant (bon, je sais, j'abuse de l'ironie). Lors d'un échange nécessaire à la compréhension du récit entre, il me semble, Christian Bale et Marion Cotillard, on voit furtivement Morgan Freeman, planté entre ses deux collègues, bras croisés, toujours, avec une mine totalement déconfite, comme s'il écoutait là le discours funèbre d'un ver de terre à la vie bien morne prononcé par un paresseux bègue ! J'étais dégoûté que Poulpard, qui était alors occupé à discuter avec son amie, ait loupé ce plan furtif, il se serait poilé autant que moi ! C'est mon passage préféré !


Au début du film, Bruce Wayne a un genou bloqué. Plus tard, il se fait briser le dos par Bane. Il faut voir comment il se rétablit à chaque fois, ça donne lieu aux scènes les plus drôles du film !

Alors on dit que c'est "efficace", c'est le mot qui revient régulièrement chez ceux qui ne font pas partie des fans hardcore mais qui s'accordent tout de même à lui reconnaître cette qualité. Oui, c'est efficace. C'est tellement efficace que j'ai un putain de mal de tronche depuis que je suis sorti de la salle. La dernière fois que ça m'est arrivé, c'était pour Inception. La musique aussi pompière qu'insoutenable signée Hans Zimmer n'y est certainement pas pour rien. Et encore, je suis honnête, je ne mets pas mon mal de bide sur le dos de Nolan, même si mon ventre semble très curieusement répéter ces mots en boucles : "Ra's al Ghul, Ra's al Ghul, Ra's al Ghul". Ce souci-là, je l'attribue au tiramisu que j'ai préparé hier. 500 grammes de mascarpone, c'est trop pour un seul homme. Je le saurai. Mais revenons à l'efficacité du très long métrage de Chris Nolan. Ceux qui relèvent cet aspect là du film veulent rappeler que le spectacle est au moins au rendez-vous, en bref : que l'on en prend plein la vue. C'est vrai, du matériel coûtant sans doute assez cher est cassé sous nos yeux, toute une ville explose, des voitures de marque sont entassées les unes sur les autres, sans parler des acrobaties en avion qui ouvrent le film et annoncent un peu la couleur. A ce propos, moi aussi, j'aimerais bien faire joujou avec la "Bat", cette sorte d'hybride entre un tank et un hélico que le Batman conduit à toute allure et fait serpenter entre les grattes ciel de Gotham, le sourire jusqu'aux oreilles. Quoique, je pense que contrairement à lui, je m'en lasserais bien vite. Des jeux vidéos de qualité proposent déjà de tels amusements, et j'en ai ma dose au bout d'un quart d'heure, alors que c'est moi qui contrôle l'engin, et non cet empaffé de Christian Bale !


Il est assez étrange que Christopher Nolan ne fasse preuve d'aucune empathie à l'égard de celui qui représente le Gotham d'en-bas et veut porter le soulèvement du peuple face aux inégalités en repartant de zéro...

Nolan, qui es-tu ? Nolan, que fais-tu ? Nolan, m'entends-tu ? Toi qui as su mettre Hollywood à tes pieds et passer pour le plus grand cinéaste de sa génération auprès d'un nombre effrayant de spectateurs, tu es pour moi une sacrée enflure et rien d'autre. Il fut un temps où je pensais que Nolan pouvait au moins se montrer assez bon scénariste, capable de parfois dénicher quelques idées astucieuses et susceptibles de donner quelque chose d'intéressant mises entre les mains d'un vrai cinéaste (ou bien par lui-même, mais à condition qu'il soit entouré par toute une équipe de conseillers constituée des plus grands cinéastes de l'histoire et de leurs fantômes). Son cinéma affiche ici toutes ses limites, tout comme son présumé talent d'inventeur d'histoires-gadgets, en réalité inexistant. Un retournement de situation final nous conforte dans l'idée que nous tenons là l'un des plus grotesques scénarios mis en image dernièrement, rivalisant même avec celui de Prometheus ! Quant à sa mise en scène, c'est le néant absolu, quand elle ne tombe pas dans les pires tics et travers, comme par exemple ces flashbacks misérables placées ici ou là pour que même le plus triso d'entre nous soit assuré de tout piger. Il n'y a rien, rrrrrrrrrrrien de rrrrrrrrrrrrrrien, comme le dirait si bien Edith Piaf, celle que Nolan a su replacer dans Inception pour passer pour un savant fou aux yeux de l'américain moyen.


Si cette image vous fout la gaule, ne sortez pas dans la rue cet été, n'allez pas à la plage, vous risqueriez d'être un danger ambulant, une bombe de testostérone à retardement !

Je ressors de ce film KO. Pour mon bien, il faut que je laisse pisser et que j'enchaîne avec un vrai film de cinéma, de préférence lent, calme et intelligent... Mais quand je lis certaines critiques ou quelques-uns des commentaires qu'internet offre à moi, je me pose des questions. Le buzz qui entoure le film est tout simplement dingue et incroyable, quand on sait de quoi il s'agit. Prenons un exemple au ras des pâquerettes comme je les affectionne tant, mais qui illustre mon incompréhension : ce qui se dit sur Anne Hathaway, les déclarations d'amour et autres effusions virtuelles de sperme (je ne vous en recopie pas, mais croyez-moi, c'est d'un ridicule !). En toute objectivité, Nolan ne met strictement jamais en valeur son actrice, elle n'est jamais rendue un tant soit peu désirable ni filmée dans sa combinaison moulante comme le ferait un obsédé (ou, devrais-je dire, un homme normal : même Pitof a zigzagué autour du fessier d'Halle Berry dans Catwoman), à part peut-être de furtifs moments où Hathaway a le cul en bombe sur son scooter ridicule, mais pour les voir, il faut avoir mon œil de détraqué, et ça ne peut dans tous les cas pas être seulement ça qui engendre de tels commentaires. Du coup ça me paraît encore plus bizarre... Après, chacun ses goûts pour les meufs, on ne choisit pas les préférences de son cobra, on trique quand on trique, mais ça me semble tellement pas raccord avec ce que je viens de voir sur grand écran que ça me laisse songeur !


Marion Cotillard, sur le point de prouver que le ridicule ne tue pas. A moins que...

J'ai un ami très cher qui est persuadé que notre société va bientôt tomber en ruines, ensevelie par toute la médiocrité ambiante. Ce film le conforterait dans son opinion et le ferait à nouveau énoncer de bien tristes prophéties. J'aimerais le contredire mais il ne faut apparemment pas compter sur le dénommé Christopher Nolan pour lui proposer des contre-exemples, bien au contraire... Ce film donne des tonnes de grains à moudre à de tels illuminés ! Une petite note d'espoir tout de même : certains dans la salle de cinéma, évidemment pleine à craquer, riaient et pouffaient de temps en temps, comme moi. Mais ils se comptaient sur les doigts de la main. Une chose est sûre : je n'aurais pas aimé grandir avec ce cinéma-là.


The Dark Knight Rises de Christopher Nolan avec Christian Bale, Tom Hardy, Marion Cotillard, Anne Hathaway et Michael Caine (2012)

31 décembre 2011

Happy New Year

Je sais pas vous mais nous quand on croise cette affiche on a la rage. Regardez-moi cette ribambelle de salops. Cinq par ligne, quatre par colonne, 4X5=20. On sent bien qu'ils ont voulu faire un film choral de chez choral mais qu'au moment de caser toutes les ganaches sur l'affiche y'a eu bug et plantage. Vingt tronches de merde, baston de sourires de fou, stonzba de chirurgiens dentistes pour obtenir ce portfolio de malheur. Même Bob De Niro a l'air heureux là-dessus. Y'en a qu'un qui tire la tronche, pour le repérer, disons que Jessica Biel est en A3, à partir de là, celui qui fait la gueule est en C3, pour faire plus simple c'est Hilary Swank vêtue d'un bonnet. "Par le réalisateur de Valentine's day", nous dit-on sur l'affiche. Un autre feel good movie d'un seul soir, avec des stars à la pelle pour se disputer un bout d'affiche. Et comme à chaque fois dans ces films, pour encore plus remplir le poster et faire rêver le peuple, de sombres inconnus se taillent le bout de gras au milieu des vedettes en perdition venues toucher leur paycheck : ici De Niro côtoie le cuistot Hector Elzondo, le nageur Til Schweiger fait de l’œil à Halle Berry, l'acteur porno Chris "Ludacris" Bridges joue des épaules avec Michelle Pfeiffer et enfin le chauffeur de bus Bon Jon Jovi essaie d'enfourner sa bûche dans Sarah Jessica Parker. 
 
Si vous arrivez à reconnaître et à mettre un nom sur plus de 6 personnes sur 18, vous êtes au fond du trou. C'est notre cas, même si on fait choux blanc pour la ligne du bas...
 
Cette affiche peut permettre de jouer au morpion pour le Nouvel An, elle peut aussi servir de support pour des parties de fléchettes endiablées. En ce qui nous concerne on a essayé mais toutes nos fléchettes sont mystérieusement aimantées par le clochard à bonnet qui chiale au milieu de la grille de ce morbac affreux, le type au-dessus de la brune avec une frange de malade. Vous noterez que dans les coins en bas à gauche et en bas à droite, deux images publisher comblent des vides, avec d'un côté un couple sur le point de se désintégrer et de l'autre deux coupes de champomy : si le film a été fait aussi vite que ce poster, ça doit être une sacrée tuerie. Garry Marshall, qui a réalisé ce merdier, est spécialisé dans la confection de films de fêtes jetables. Ses films de chevet sont Joyeuses pâques de Georges Lautner et Halloween de Carpenter. Ce film semble vouloir nous faire oublier que c'est la crise avec son affiche dorée à l'or fin et son défilé de smileys en forme de boîte de chocolats qui vous hurle d'être de bonne humeur et de croquer dans la vie à pleines dents même si vous n'avez pas un rond pour vous payer un ferrero rocher. C'est raté. 
 
 
Happy New Year de Garry Marshall avec des dizaines de fausses stars (2011)

19 septembre 2011

Revenge

Ce film est le pendant scandinave de la trilogie d’Alejandro Gonzalez Iñarritu basée sur les scénarios de Guillermo Arriaga : Amours Chiennes, 21 Grammes, Babel. Et venant de moi ce rapprochement n’est pas à prendre comme un grand compliment. On y retrouve en effet les mêmes genres de personnages dont les destins se croisent et s'entrechoquent. On assiste, tétanisé, à la même escalade dans la connerie des faits et gestes de ces personnages, une débilité à toute épreuve qui les entraîne inévitablement dans une même spirale de la violence. Et, dernier détail plus original, ces personnages évoluent dans le même « village-monde », ils apparaissent toujours connectés alors que des milliers de kilomètres les séparent. Les distances sont effacées. L’un des personnages principaux est un suédois qui travaille en tant que médecin au Soudan. Il rentre régulièrement au Danemark pour retrouver son fils et son ex-femme. Lorsqu’il fait ses allées et venues, on le voit seulement monter dans un 4x4, et le plan suivant nous montre son fils l'accueillir à la gare, ravi. Les différents lieux de ces films paraissent concomitants, directement reliés, comme les personnages entre eux, en plein chaos. C'est comme pour souligner que l’origine de tous leurs problèmes vient pourtant bel et bien d’un gros défaut de communication : le grand paradoxe de notre monde actuel, si l’on en croit ces deux cinéastes éclairés. Le working title du film n'était autre que Civilisation, c'est dire l'ambition de Susanne Bier !


L'an passé, Susanne Bier (à gauche) et Alejandro Gonzalez Iñarritu (au centre) concourraient pour le même Oscar du meilleur film étranger. La statuette est revenue à la danoise, émue jusqu'aux larmes.

Tandis que les trois films d’Iñarritu sont autant d’illustration du désormais fameux adage « Le battement d’aile d’un papillon au Brésil provoque une tornade dans mes techios », de son côté Susanne Bier se consacre ici essentiellement à la fameuse Loi du Talion. Comme l'indique son titre, il est donc principalement question de vengeance dans ce film où nous suivons deux familles éclatées, liées par deux petits garçons d'une dizaine d'années. Le premier vient de perdre sa mère et déménage au Danemark, chez sa grand-mère, en compagnie de son père avec lequel il a des rapports quasi inexistants. Le second vit quant à lui chez sa mère et voit son père au grès de ses retours d’Afrique ; il est le souffre-douleur de son collège où il subit la loi d’une bande de petites frappes. Très vite, les deux garçons deviendront amis et le premier entraînera le second dans sa folie destructrice (je fais très très court, parce que quand je résume des films de ce genre, je peux faire tomber les gens dans le coma - j'ai déjà failli perdre Rémi en lui racontant Babel !).


Dans la grande tradition des duos de gosses à foutre en taule...

Si Revenge m’a rappelé les films d’Iñarritu, c’est aussi parce que les deux cinéastes sont adeptes de la surenchère, de l’accumulation, dans un style parfois assez lourdingue. Susanne Bier en fait souvent trop, frisant parfois le mauvais goût et le ridicule, comme lorsqu’elle nous met des chants dignes des jingles pubs de France Télévisions alors qu'elle filme le médecin en plein dilemme existentiel (au Soudan, son intégrité professionnelle le pousse à soigner l'homme qui tyrannise la pauvre population des alentours, celui-là même qui lui amène des ribambelles de "patientes" : généralement des femmes enceintes qu'il s'amuse à éventrer - mais là aussi je fais court !). Ce manque de finesse est bien dommage, car tout n’est pas à jeter dans Revenge. Il y a même des choses intéressantes, à commencer par ce personnage de médecin, justement, incarné par l’acteur Mikael Persbrandt, très bon, très pro. C’est bien le seul protagoniste qui n’agit pas trop connement et qui n’apparaît pas complètement sacrifié par un scénario impitoyable. La relation des deux petits garçons, joués par des acteurs vraiment doués, est elle aussi assez crédible et plutôt bien vue. Susanne Bier capte assez bien le basculement de leur amitié vers quelque chose de malsain. Le film a aussi eu le mérite de m’apprendre qu’il semble exister un féroce racisme à l'encontre des Suédois au Danemark, ce que j’ignorais.


Heureusement, le film se termine bien.

De la même façon que les trois films d’Iñarritu, Revenge a été couvert de prix. Ce film a par exemple gagné le tant convoité Oscar du Meilleur film étranger l’an passé, ce qui est finalement peu surprenant étant donné que cette cérémonie n’a l'air capable que de récompenser le cinéma qui lui ressemble le plus (ou celui qui parvient à réussir ce qu’il ne sait plus faire, comme ce fut le cas avec le remarquable Dans ses yeux de Juan José Campanella). Mais l'inévitable adoubement de Susanne Bier par Hollywood n'est pas si récent, puisque la réalisatrice avait déjà pu réaliser un film outre-Atlantique dès 2007 : Nos Souvenirs Brûlés, un autre drame XXL taillé sur mesures pour un couple d’acteurs fraîchement oscarisés, Halle Berry et Benicio Del Toro. Y’a pas à dire, c’est une recette qui marche. Mais personnellement, si ces films parviennent souvent à me captiver, je dois avouer qu'ils sont bien loin de me convaincre. C'est un peu facile tout ça.


Revenge de Susanne Bier avec Mikael Persbrandt, Trine Dyrholm et Ulrich Thomsen (2011)

27 janvier 2011

Rendez-vous l'été prochain

Philip Seymour Hoffman c'est typiquement le gars qu'on ne présente plus. Actuellement en procès pour avoir dégueulé toute sa haine raciale sur une chaîne du service public à une heure de grande écoute, cet acteur à sensation, et chroniqueur politique de renom, est connu dans le métier pour aller et venir en gardant toujours son Oscar dans son gros falzar, et même plus précisément dans son slibard. Double rôle pour la statuette : passe-partout exhibé devant les videurs de boites de nuit branchées de Los Angeles et sexe hypertrophié factice pour tenter d'amadouer toute jeune femme passant sous son radar. Cet Oscar, c'est celui du meilleur acteur, s'il vous plaît ! Soit la récompense la plus prestigieuse du 7ème Art dans sa catégorie : poids-lourd, pas-léger. Le Saint Graal, the Big-One. Cet Oscar, il l'a remporté en incarnant une capote géante, mais véritablement humaine, d'où son nom, assez simple au demeurant, de Truman Capote ("Véritable Homme Capote", mot pour mot en vf et dans tous les cinémas québécois), dans le film éponyme. L'acteur y est tout bonnement remarquable. De mémoire, jamais du latex lubrifié n'avait réussi à être rendu si expressif par un comédien marchant littéralement sur l'eau. On le voit faire, il traverse le lac Ontario sans les mains ! Depuis cette performance remarquée, son nom, à force d'être répété et acclamé, s'est transformé en un plus rapide et commode PhilSemHoff, un peu de la même façon que le groupe d'indé pop ricain American Analog Set devient AmAnSet pour les fins limiers. Certains même vont jusqu'à l'appeler uniquement par ses initiales, soit PSH, de la même manière que son alter-ego belge JCVD. Philip Seymour Hoffman jouit aujourd'hui d'un laisser-passer à tout-va, d'un droit de vie ou de mort sur ses semblables à Hollywood et au-delà. Il est, avec Halle Berry, l'acteur le plus doué de sa génération. Une génération dorée, qui compte pourtant dans ses rangs d'autres hommes de calibre, parmi lesquels son propre fils Dustin et son cousin Gene "Seymour" Hackman, auxquels il a appris la comédie avant de s'y mettre à son tour, mais aussi Tom Cruise, qu'il a poussé dans le tunnel obscur et étroit de la scientologie pour mieux avoir le champ cinématographique entièrement libre.


L'effet spécial du film

Ce gars-là vit sur une autre planète, il ne fait pas partie de notre monde. S'il n'existait pas, le show-business serait du business tout court et nos céréales du matin auraient le goût amer de la rancœur du soir. S'il a envie de se mettre à la mise en scène, il s'y met, et fissa. Avec un budget de 15 000€, je vous prie, soit 15 000 fois la somme qu'affiche mon compte à la BNP. Surbooké, Hoffman nous a torché son premier film en une semaine, et ça se voit. Tout est à l'écran : de son troisième assistant coiffure, à la maladroite perche du micro, en passant par l'ombre menaçante de son beau-père et sa grosse ganache enfarinée. Si PhilSemHoff veut tourner une très banale comédie dramatique typiquement "indé" sur des couples de cas sociaux qui se font et se défont, il le fait. Hoffman adore Grizzly Bear ? Ni une ni deux, c'est réglé en un coup de fil : ce groupe signera la BO de son film chéri. Amy Ryan lui a plu dans The Office ? Elle est dans son film, plein cadre. Hoffman aime Chan Marshall et les Fleet Foxes ? La même. Tous ces gens se retrouveront illico au générique de son bébé, Jack Goes Boating. Pourquoi un tel titre, me direz-vous ? Parce que pendant le tournage, notre acteur-réalisateur favori avait, comme il dit, une "grosse envie de thon". Il est allé pêcher puis tirer, on a filmé et ça a donné la scène-clé de ce long-métrage, ainsi que son titre. Un beau titre, vendeur, énigmatique, poétique, car notre bon Philip aime la poésie et Agatha Christie. Son film a été salué par toute la presse, unanime. Il a le monde à ses pieds. Laissez tomber, c'est un tueur. Intouchable.


Rendez-vous l'été prochain (Jack Goes Boating) de et avec Philip Seymour Hoffman (2010)