20 mai 2011

Source Code

Après avoir fait ses premiers pas derrière une caméra avec le très réussi Moon, Duncan Jones, fils de David Bowie et de Norah Jones, a confirmé sa vocation cinématographique en signant rapidement un deuxième long métrage au pitch accrocheur. Pour tâcher de faire simple, Source Code raconte l'histoire d'un soldat américain réduit à l'état d'homme-tronc végétatif suite à une explosion en Afghanistan, dont le subconscient est projeté par les services secrets anti-terroristes à l'intérieur de celui d'un quidam victime d'une attaque à la bombe dans un train pour revivre à volonté les huit dernières minutes de l'existence de cet autre, afin de mettre la main sur le terroriste coupable de l'attentat et de donner son signalement à ceux qui, s'ils ne pourront ramener à la vie les victimes du train, auront à tout le moins une chance d'arrêter le suspect avant ses prochains forfaits. Wow ! Ma race... De l'air, une bouffée d'air frais, filez-moi un verre d'eau !


Tu m'étonnes que Gyllenhaal ait les boules. Se réveiller toutes les huit minutes face à Michelle Monaghan c'est pas un projet...

Cette histoire un peu compliquée permet à Duncan Jones de rendre un hommage appuyé à la géniale série Code Quantum, notamment quand Jake Gyllenhaal se regarde dans le miroir des toilettes du train pour découvrir le visage de celui qu'il incarne (on s'attend à ce qu'il dise : "Ah bravo...", comme le héros de la série à la fin de chaque épisode). La référence est signée quand on découvre au générique de fin que c'est Scott Bakula (l'acteur qui jouait Samuel Beckett (!), le personnage principal de la série) qui interprète la voix-off téléphonique du père de Jake Gyllenhaal dans le film. On regrette presque l'économie de moyens (sans doute contrainte) de Code Quantum devant la débauche de fric de Source Code. L'histoire du film, finalement très simple (pour ne pas dire très conne) une fois que l'on a décidé de tirer un trait sur certaines incohérences propres au genre ou sur certaines facilités d'explications expéditives, ne réclamait pas une telle dépense qui pousse le film vers la grosse machine impersonnelle voire vers le gros mélo hollywoodien sans caractère et forcément décevant. Cet aspect petit navet bourré de blé et de bons sentiments trouve son paroxysme dans cet arrêt sur image à la fin du film qui nous présente tous les passagers du train réunis dans la joie éternelle et l’allégresse, affectant tous sans exception un sourire all bright de publicité face à une caméra niaise au possible. L'image est arrêtée sans prévenir sur une douzaine de personnes et pas un seul passager n'a ses doigts dans son nez ?! On se fout de notre gueule.


L'acteur a déclaré un peu honteux à propos de cette scène : "J'ai fait dans mon froc". La séquence a pourtant été entièrement tournée sur fond bleu.

Drôle de choix de carrière pour un cinéaste en herbe qui avait parfaitement négocié son entrée dans la cour des grands en maîtrisant de bout en bout son premier film de science-fiction au sein d'un circuit de production indépendant, et qui nous revient avec un film gâché par sa facture purement hollywoodienne. Le geste est d'autant plus paradoxal que Duncan Jones réalise un film anodin, dégoulinant de pognon et tout clinquant d'effets spéciaux tout en s'évertuant en vain à creuser le sillon de sa patte d'auteur via une résurgence thématique de son film précédent : le personnage principal n'est qu'une doublure condamnée par un gouvernement despotique et intéressé à une existence schizophrénique circulaire et répétitive tendue vers un objectif qui ne le concerne pas et sans rémission possible. C'était déjà en substance la trame psychologique et philosophique de Moon, avec ses clones en série oubliés sur la lune et travaillant l'un après l'autre pour alimenter la Terre en énergie. Duncan Jones se façonne une identité d'auteur par cette reprise thématique et dans le même temps il la foule au pied par une rupture esthétique regrettable. A croire que les troubles identitaires dont il affuble ses personnages de doubles lui sont personnels... Ce deuxième film est donc un bel échec. Gageons que son troisième film tranchera et fera de Duncan Jones soit un auteur singulier et intéressant soit un faiseur comme un autre.

Source Code de Duncan Jones avec Jake Gyllenhaal, Michelle Monaghan et Vera Farmiga (2011)