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7 juillet 2018

Paranoïa

C'est peut-être lorsqu'il se montre humble et sans grands moyens que Steven Soderbergh devient le plus aimable. Unsane, platement réintitulé Paranoïa par chez nous et accompagné d'une triste affiche de série b, est un petit film sans prétention que le cinéaste américain a tourné dans le secret, qu'il a sans doute rapidement torché mais qui figure à coup sûr parmi ce qu'il a produit de mieux. Précisons au cas où que le réalisateur palmé d'or pour Sexe, Mensonges et Vidéo n'a jamais vraiment eu la côte par ici, on aime même tout particulièrement s'en moquer, lui qui nous a si souvent offert sur un plateau le bâton pour se faire démonter. Ça n'est pas le cas ici. Quoique... Son choix de filmer avec un iPhone 7, régulièrement posé en coin de table et pourvoyeur d'effets fish-eye rebutants, fait parfois tiquer, il faut bien l'avouer. Mais, globalement, Unsane a une allure singulière, avec cette caméra embarquée, cette image assez contrastée et ces couleurs délavées qui donnent au film des airs de documentaires tout à fait bienvenus étant donné le sujet traité. La mise en scène de Soderbergh est fluide et dynamique et se permet quelques expérimentations bienvenues qui rappellent un peu le génial Seconds de John Frankenheimer. Elle colle souvent au plus près de son actrice principale, l'irréprochable Claire Foy, dont les yeux bleus fatigués, un peu exorbités, la mine naturellement inquiète et l'allure vulnérable siéent parfaitement à ce personnage harcelé et coincé. La britannique campe Sawyer Valentini, une jeune femme en proie à un stress terrible, au boulot comme chez elle, qui décide donc de se rendre d'elle-même chez une thérapeute. Celle-ci l'oriente vers une institution psychiatrique où elle se retrouvera internée contre sa volonté, d'abord pour 24h puis une semaine, la durée de sa mise en observation s'allongeant à mesure que sa peur d'être poursuivie par son harceleur progresse...




Steven Soderbergh joue en réalité sur deux tableaux, et il faut reconnaître qu'il réussit pas trop mal sur chacun d'eux. Son film se présente d'abord comme un thriller paranoïaque efficace et glaçant, dans lequel nous apprenons que des centres psychiatriques internent des personnes contre leur gré afin d'aspirer tout l'argent de leur assurances santé. Quand l'assurance est à sec, le "patient" est considéré soigné et peut repartir, et ainsi de suite. Cette idée paraît terriblement crédible et participe à donner aux films cet aspect de faux documentaire avec caméra infiltrée dans l'une de ces institutions super glauques. Steven Soderbergh aurait peut-être mieux fait de se consacrer encore davantage à ce versant-là et y aller à fond dans le côté "thriller paranoïaque" nous révélant un complot gigantesque et révoltant. Car on y croit vraiment, et ça fait froid dans le dos. On se dit que c'est hélas bien probable, actuellement, que de telles organisations, de telles machinations, existent, pour se faire du fric sur le dos des plus vulnérables, derrière de pseudo établissements médico-sociaux. On a un peu de mal à croire, en revanche, que Sawyer Valentini, ce personnage très anxieux et méfiant, puisse rapidement signer un document donnant son accord pour être mise sous observation durant 24h, sans le lire et le relire de près, pour se prémunir de toute mauvaise surprise. Mais c'est un petit couac assez anodin, et puisque le suspense fonctionne, on n'en tient pas tellement rigueur à Soderbergh.




L'autre versant de son film est l'horreur, ou presque, disons le thriller pur et dur. Nous pourrions nous demander si le personnage principal fabule, si certaines choses que nous voyons bel et bien à l'écran ne sont pas issues de son imagination, tour de passe-passe bien connu, mais ces interrogations-là sont ici assez fugaces. Et pourtant, lorsqu'elle se rend compte qu'elle est internée contre son gré et qu'elle ne peut rien y faire, Sawyer se met à avoir un comportement agité, proche de celui que l'on peut attendre d'une personne effectivement dérangée. Le jeu impeccable de Claire Foy entretient ce trouble et l'ironie diabolique de sa situation nous fait un peu douter, mais pas trop. Progressivement, Steven Soderbergh choisit une voie plus terre-à-terre, s'aventurant quasiment dans l'horreur, un virage risqué mais qu'il gère assez bien, en asseyant la peur de son personnage principal, bel et bien victime d'un psychopathe au dernier degré. La dernière partie du film est ainsi plus convenue, plus classique, sans doute plus faible, mais elle n'oublie pas d'être assez tendue et nous sommes tenus en haleine comme il se doit. Au bout du compte, Unsane est un petit thriller paranoïaque pas mal du tout et une bonne surprise pour ceux qui, comme nous, sont toujours méfiants à l'égard du cinéaste. On se dit que ça aurait peut-être pu être encore mieux, en visant un peu plus haut, mais on s'en satisfait aussi, car c'est cette espèce d'humilité, de modestie, qui permet également au film d'être sympathique et divertissant, sans oublier, en outre, de développer en cours de route quelques idées réellement glaçantes... 


Paranoïa (Unsane) de Steven Soderbergh avec Claire Foy (2018)

6 novembre 2017

Solaris

Entre deux braquages de Danny Ocean, Steven Soderbergh et George Clooney ont tourné ensemble ce film de science-fiction que tout le monde a plus ou moins oublié aujourd'hui. Prudent, Soderbergh s'est très tôt défendu de réaliser un remake du film d'Andreï Tarkovski, préférant présenter son Solaris comme une nouvelle adaptation du chef d’œuvre de Stanislas Lem. Je n'ai pas encore vu le film de Tarkovski, ça ne saurait tarder, mais j'ai lu le bouquin de Lem. Inutile de dire qu'il vaut mieux tout oublier du livre avant de se lancer dans cette adaptation que Soderbergh a vendue comme étant plus fidèle que celle de Tarkovski. Mon petit doigt m'affirme pourtant que l’œuvre de Tarkovski doit partager infiniment plus de points communs avec ce classique de la littérature de SF, notamment dans l'effet d'envoûtement produit sur le lecteur/spectateur, que la version de Soderbergh, d'une indigence et d'une pauvreté effarantes.




Un très pâle George Clooney est donc appelé au secours sur la station orbitant autour de la mystérieuse planète Solaris. Là-bas, rien ne va plus. Seuls deux guignols supposés analyser la planète sont encore vivants mais restent cloîtrés chacun à leur poste, ne faisant aucunement avancer les études solaristiques. Bien que son premier interlocuteur ne daigne pas l'informer sur les événements étranges qui surviennent à la station, George Clooney va très vite se rendre compte de ce qui cloche. La planète Solaris a le drôle d'effet de matérialiser les pires expériences amoureuses de chacun des personnages. En réalité, surtout celles de George Clooney puisque dès la première nuit passée là-bas, il découvre au petit matin à son chevet la meuf dont il était jadis amoureux et qui lui a pourri l'existence quelques années plus tôt. Une plaie, un nid à emmerdes aux yeux globuleux, pour laquelle Clooney éprouve encore curieusement des sentiments. L'actrice se nomme Natascha McElhone, on ne l'a vue dans rien de notable depuis, tout simplement car elle doit être aussi chiante en vrai qu'à l'écran. C'est en tout cas mon explication et j'y tiens mordicus.




Il doit exister une recette, des ingrédients indispensables pour qu'une histoire d'amour fonctionne au cinéma. Ces ingrédients, je les ignore, mais je sais reconnaître quand ils sont à l'écran, car j'ai un cœur d'artichaut. Steven Soderbergh les ignore totalement lui aussi et ça, c'est plus embêtant... On se fout éperdument des sentiments qu'ont l'air d'éprouver Clooney et McElhone l'un pour l'autre. On n'y croit pas une seconde. Des flashbacks lourdement explicatifs sont là pour nous informer de leur passé, de leur première rencontre jusqu'à leur ultime engueulade. Il s'agit d'autant de saynètes lourdingues à l'impact émotionnel extrêmement superficiel pour ne pas dire tout à fait nul. On voit Clooney cul nu à deux reprises (il n'accepte de se dévêtir que devant la caméra de son ami Steven), mais rien n'y fait. On s'en fiche. Le cinéaste a donc débarrassé le livre de Lem de ses thèmes principaux pour mieux se concentrer sur cette histoire d'amour, et on se demande bien pourquoi étant donné ce qu'il en fait. Leur rencontre est filmée comme une pub Nespresso, l'attitude et le jeu de George Clooney ne faisant rien pour nous défaire de cette désagréable impression. Leurs disputes, en mode "shaky cam", sont des moments pénibles et difficiles à surmonter. A chaque fois, la désinvolture frappante de Steven Soderbergh laisse songeur. Ce type-là tourne plus vite que son ombre et ça se voit...




Les acteurs ne sont pas là pour porter secours au réalisateur sans inspiration. George Clooney, peut-être justement en manque de Nespresso, est plus apathique que jamais. Sa collègue Natascha McElhone a beau rouler des yeux dans tous les sens et disposer d'une tronche originale, elle perd tout son intérêt après 30 secondes à l'écran. Une black dans le rôle d'une chercheuse constamment de mauvais poil incarne le troisième larron de la station, choix important de la part de Soderbergh puisqu'aucune femme n'habite la station dans le bouquin. En offrant ce personnage infréquentable et complètement imbuvable à une femme de couleur, le metteur en scène semble militer contre la discrimination positive. C'est moche. Quant à Jeremy Davies, son jeu tout en mimiques et en langage gestuel est tout bonnement insupportable, on finit par réaliser pourquoi tous ses personnages finissent systématiquement avec une balle entre les deux yeux (ici, il est retrouvé mort via un twist ridicule, tombé du ciel, comme planté là pour sortir le spectateur de sa léthargie, en vain).




Autre point particulièrement regrettable pour qui a lu le bouquin : la planète Solaris se limite ici en une sorte de boulard violacé, traversé d'éclairs bleutés. Le mot "océan" n'est jamais prononcé, pour la fidélité, il faudra donc repasser. Si vous naviguez sur ces pages avec un PC sous Windows, allez donc dans "Mes Documents" puis "Mes Images" puis "Échantillons d'images", c'est là que Bill Gates entrepose quelques .jpeg hideux pour vous dépanner si vous n'avez strictement aucune idée de fonds d'écran. Ces images sans saveur générés par des logiciels sans âmes correspondent assez bien au spectacle que nous offre Solaris selon Soderbergh. C'est pendant ces moments-là qu'on se dit que la science-fiction est un genre cinématographique qui devrait être réservé aux cinéastes les plus doués, les plus à même de nous gratifier d'images marquantes, inoubliables, de nous emporter dans une ambiance irréelle. Steven Soderbergh ne propose qu'ennui et froideur. Son film n'a aucun éclat. A déconseiller donc, surtout à ceux qui n'ont pas lu le livre et que cela pourrait dégoûter à vie. Ceci dit, le talent et l'imagination de l'écrivain sont tels qu'ils chasseront bien vite de vos mémoires les tristes images de cette si morne et plate adaptation.


Solaris de Steven Soderbergh avec George Clooney, Natascha McElhone, Viola Davis, Jeremy Davies et Ulrich Tukur (2002)

23 février 2014

Event Horizon

Paul W.S. Anderson est ce médiocre réalisateur abonné au cinéma de genre que l'on confond systématiquement avec Paul Thomas Anderson (MagnoliaThere will be blood, The Master...), Wes Anderson (La Vie Aquatique, Fantastic Mr Fox, Moonrise Kindgom...) et Sonny Anderson (Olympique de Marseille, FC de Barcelone, Olympique Lyonnais...). Un amalgame tragique pour ces trois personnes forcément plus talentueuses que lui, épuisées de rappeler à longueur d'interview qu'elles n'ont aucun lien de parenté avec celui que l'on surnomme "le fossoyeur du genre". N'ayons pas peur des mots, Paul W.S. Anderson est une tache. Un cinéaste ridicule, un faiseur docile et minable spécialisé dans l'adaptation de jeux vidéo (Mortal Kombat, Resident Evil et ses suites) et surtout coupable d'Alien VS. Predator (que l'on pourrait également considérer comme l'adaptation d'un jeu vidéo). Il symbolise a lui seul le naufrage de certains des projets les plus attendus par les amateurs naïfs de cinéma fantastique. Comme si cela ne suffisait pas, il engendre aussi la jalousie et la haine du côté des adorateurs de Milla Jovovich (ça doit encore exister !) dont il est le fidèle époux. Il n'a qu'une quarantaine d'années et va sans doute continuer encore longtemps à flinguer les filmographies d'acteurs innocents et à démolir des franchises en bout de course. Il se dit fan de jeux vidéos, déclare adorer les Aliens et les kébabs, et ces propos ne font que nous agacer davantage tant ils nous font amèrement constater que l'on partage au moins trois passions avec ce si triste individu.




Event Horizon est le film breakthrough de Paul W.S. Anderon, le titre qui lui apporta un certain crédit auprès des studios qui n'hésitèrent pas, par la suite, à lui octroyer des budgets plus importants pour qu'il puisse réaliser ses rêves. Autant dire que même si Event Horizon était réellement de qualité, ce long métrage serait à maudire pour tout ce qu'il a engendré de nocif. Il est aussi considéré comme le meilleur film de celui que ses nombreux détracteurs surnomment Paul W. C. Anderson. Puisque je suis curieux, cet argument fut suffisant pour, à l'époque, me donner envie de le voir mais pas assez pour faire disparaître toutes mes craintes, tous mes soupçons. J'avais évidemment raison de garder mes doutes, car Event Horizon est un très mauvais film, seulement supérieur aux autres œuvres de son auteur dans le sens où la moyenne doit être située à 1,75/10 et que celui-ci aurait un bon 2. Retour sur le pitch : en 2047, le "Event Horizon", un vaisseau spatial capable d'aller plus vite que la lumière et que l'on croyait disparu à jamais, émet un signal de détresse après des années de silence. Un autre gros vaisseau reçoit alors l'ordre d'aller à sa rescousse, en compagnie du physicien William Weir (Sam Neill !), créateur de l'Event Horizon. Une fois la petite équipe parvenue à l'épave, des évènements paranormaux se produisent. Une tension de plus en plus grande naît entre les différents membres de l'équipage notamment à cause du comportement suspect de Weir, qui semble cacher certaines choses sur le vaisseau qu'il a créé.




A la lecture d'un tel synopsis, on se dit "rien de neuf a priori, mais pourquoi pas". Hélas, le scénario d'Event Horizon offre surtout l'occasion à Paul W.S. Anderson de repomper à droite à gauche sur des classiques. Il pourrait s'agir de petits clins d'oeil sympathiques qui ne porteraient pas préjudice au film. Mais ici, ces références sont tellement répétées de manière peu subtile et appuyée que ça en devient simplement fatiguant voire énervant. Le spectateur passera donc tout son temps à les repérer, en oubliant l'histoire, de toute façon prévisible et très vite inintéressante. On reconnaîtra quelques plans directement copiés de Solaris, celui de Soderbergh (pourtant sorti 5 ans après !), et des séquences identiques à Shining (notamment le raz-de-marée de sang qui inonde les couloirs de l'hôtel... euh du vaisseau). L'Event Horizon fait immanquablement penser aux vaisseaux aperçus dans les Alien et les nombreux effets gores paraissent tout droit tirés du Hellraiser de Clive Barker. Je pourrai continuer comme ça pendant longtemps. Tout cela a pour effet de ne donner aucune identité propre au film d'Anderson et de nous rappeler à quel point ceux auxquels il fait référence sont infiniment supérieurs, même les moins fameux.




Les scènes supposées faire peur démontrent encore une fois toute l'incapacité de Paul W.S. Anderson, son manque d'idées et de talent. On retrouve ainsi plusieurs fois les mêmes effets, totalement inefficaces : une personne de dos n'est pas celle que l'on s'imagine, une scène de trouille qui nous a tout l'air réelle s'avère être un cauchemar, des visions horrifiques qui apparaissent par le biais d'effets clippesques hideux, etc... De plus, la direction d'acteur paraît complètement inexistante : Sam Neill (le Sam Neill !) n'a jamais autant été en roues libres et Laurence Fishburne est transparent, lui qui est pourtant particulièrement trapu. C'est à se demander ce qu'ils font là, à errer dans des décors impossibles, visiblement à la recherche de leur chèque de paie. Les autres acteurs tentent au moins de faire leur boulot, en luttant pour donner vie à des personnages caricaturaux au possible, sans aucune épaisseur. On ressent de la pitié pour eux et pour leurs interprètes. On dirait aussi qu'Anderson s'est s'obligé à tourner certaines scènes en une seule prise, tant elles sont ratées et brouillonnes. Ainsi, le passage le plus involontairement drôle du film correspond au moment où Sam Neill (tout simplement perdu) communique par talkie-walkie à une personne située à quelques centimètres de lui !




Peut-être cool dans la vraie vie, sans doute adorable au quotidien, Paul W.S. Anderson est un sac à merde derrière les caméras. Depuis, il s'est attaqué à l'oeuvre phare d'Alexandre Dumas et le résultat risque de donner un coup de vieux à mon frère Poulpard, aka "Brain Damage", qui a découvert les plaisirs de la littérature en suivant les aventures d'Athos, Porthos et Aramis. Pauvre de lui !


Event Horizon de Paul W.S. Anderson avec Sam Neill, Laurence Fishburne et Kathleen Quinlan (1997)

19 janvier 2014

Bilan 2013



Chaque année, le même débat. Pourquoi ? Comment ? Où ? Quand ? La société actuelle a-t-elle vraiment besoin d'un classement supplémentaire ? On est chaque jour abreuvés de tops en tous genres, de tous poils, partout, qui nous disent tout sur tout et surtout rien. La télévision se repaît de ces classements vite consommables, avec l'imbuvable Yann Barthès en tête de file, qui nous dégueule continuellement des Top 4 de ceci, des Top 3 de cela, en arborant son air satisfait de crétin absolu. Et la toile, le web, répond à cela par une avalanche d'autres classements sans intérêt et plus ou moins drolatiques qui nous épuisent quotidiennement et nous écœurent même carrément : les dix animaux les plus cons, les dix connards les mieux payés du PAF, ou encore les dix lieux abandonnés les plus glauques, et ça commence à être vexant que la cuisine de notre ancien appartement commun ne soit jamais citée en prems, alors que, croyez-nous, y'a pas photo. On croule sous les best-of, la hiérarchisation permanente, les côtes de popularité et les listes de tout et n'importe quoi dont on nous saoule à ras-la-gueule. On est donc à deux doigts de passer notre chemin cette année, mais, pourtant, et parce que ce n'est qu'une fois par an, parce que la chose reste amusante et bon enfant, parce qu'elle nous permet aussi de remettre en avant des films qui nous tiennent à cœur et qui n'ont peut-être pas suffisamment été exposés (genre La Vie d'Adèle), nous n'y couperons pas. Voici donc, sans plus tarder, nos classements personnels, suivis, comme chaque année, du Top et du Flop des lecteurs/blogueurs, autrement dit de vos classements pour 2013.


LE TOP DE RÉMI


1. Michael Kohlhaas d'Arnaud Des Pallières
2. L'Inconnu du lac d'Alain Guiraudie
3. La Fille de nulle part de Jean-Claude Brisseau
4. La Vénus à la fourrure de Roman Polanski
5. Mud de Jeff Nichols
6. L'Image manquante de Rithy Panh
7. Gimme the Loot d'Adam Leon
8. A Touch of Sin de Jia Zhang-ke
9. La Fille du 14 juillet d'Antonin Peretjatko
10. The Immigrant de James Gray / La Vie d'Adèle d'Abdellatif Kechiche

La première place de mon classement annuel revient sans conteste à Michael Kohlhaas, pour mille raisons. Parce que c'est un film sublime, d'une maîtrise et d'une beauté sans équivalents pour moi cette année. Parce que c'est l'adaptation brillante et pourtant ô combien risquée d'un chef-d’œuvre de la littérature allemande. Parce qu'en conséquence un immense écrivain, Heinrich Von Kleist, qui mérite plus que jamais d'être relu à notre époque, est exhumé et honoré par l'un des plus grands cinéastes français vivants, de même qu'un héros mythique est soudain superbement incarné par un acteur hors du commun, Mads Mikkelsen, qui livre sans doute l'une des prestations d'acteurs les plus frappantes de ces derniers temps. Enfin, et pour ne pas trop m'étendre, ce film me semble important en ce qu'il est porteur d'une véritable intelligence morale. Nous avons me semble-t-il grand besoin, à l'heure actuelle, de films intelligents et moraux. Michael Kohlhaas est aujourd'hui le précieux antidote, esthétique et éthique, aux derniers films, entre autres, de Quentin Tarantino, qui aime, et ils sont nombreux dans son cas, à diffuser, dans des œuvres de plus en plus ratées, des idées nauséabondes et simplistes sur des questions aussi fondamentales que celles du droit et de la justice, notamment. Arnaud Des Pallières apporte un contrepoint salvateur à cette domination insolente de la bêtise crasse, de la jouissance primaire et de l'amoralité consommée, et rien que pour ça, Michael Kohlhaas est à mes yeux le film le plus important de 2013, en plus d'être une réussite sur tous les plans.

Je ne vais pas parler de tous les films de ce classement, qui sont pratiquement tous critiqués sur le blog. Je dirai juste que L'Inconnu du lac, autre film de genre français (un film d'horreur pour Guiraudie, un western pour Des Pallières), vient logiquement en second, qui quant à lui adapte les théories d'un autre grand écrivain, Georges Bataille, et questionne le désir et l'érotisme dans leur dimension mortifère, (auto)destructrice. Le film s'achève également sur un regard humain esseulé : Kohlhaas finit planté face à ses actes et ses convictions, comme Franck l'est face à ses élans et ses pulsions. Des Pallières et Guiraudie, dans des objets cinématographiques complexes et envoûtants, nous montrent des hommes ébranlés dans leurs certitudes, en proie au vide vertigineux des conséquences de leurs choix. Ce faisant, qu'ils en soient remerciés, ils nous ébranlent à notre tour et nous posent de gigantesques questions.

Pour finir, je constate la prédominance du cinéma français dans mes goûts, et j'ignore si le sus-nommé se porte bien, comme l'affirme le titre d'un documentaire sur le point de sortir, mais je suis convaincu qu'il est d'assez loin le plus passionnant depuis quelques années. Pour talonner les deux plutôt jeunes cinéastes français qui dominent mon Top, deux cinéastes plus vieux : Jean-Claude Brisseau et le désormais très français Roman Polanski, capables, comme en attestent leurs derniers films, de grandes choses avec pas grand chose, sinon de la sagacité et de l'envie.


LE TOP DE FÉLIX


1. La Vie d'Adèle d'Abdellatif Kechiche
4. Mud de Jeff Nichols
-. A Touch of Sin de Jia Zhang-Ke
5. L'Inconnu du Lac d'Alain Gui raidi
6. Tel père, tel fils de Hirokazu Kore-Eda
7. Michael Kohlhaas d'Arnaud Des Pallières
8. Resolution de Justin Benson et Aaron Moorhead
-. Gimme the Loot d'Adam Leon
9. A Field in England de Ben Wheatley
10. Ma Vie avec Liberace de Steven Soderbergh

Mon top 2012 fut un véritable calvaire de cinéphage, un pur cauchemar de blogueur ciné. Quand j'essaie de me souvenir du mois de décembre 2012, les images qui me viennent en tête sont sous-titrées, accompagnées d'un insupportable charabia franco-allemand et barrées par deux envahissantes lignes noires horizontales. Pris de vitesse, j'avais pour ainsi dire accouché de mon top dans la douleur. A côté de ça, 2013 fut une véritable partie de plaisir ! Je suis facilement arrivé à 10, seuil minimal pour gagner une crédibilité, malgré, comme vous le voyez, de nombreux ex-aequo et un film qui occupe une place à part et sur lequel je ne reviendrai pas. A la 4ème place, pour signifier l'écart entre le film d'Abdellatif Kechiche et les autres, échoue Mud, vous savez aussi bien lire que moi. Autant vous dire tout de suite que je ne suis pas convaincu par mon classement. Il y a un film que j'ai préféré aux autres, je l'ai donc logiquement positionné tout en haut. Je précise en effet que cette liste est supposée se lire de haut en bas, les films étant classés par ordre décroissant de préférence (contrairement à celle de mon acolyte qui se lit, il me semble, de bas en haut). Mais exception faite du number one, on pourrait changer l'ordre, je ne m'en rendrais pas compte, je n'y verrais que du feu ! En vérité, seuls le premier et le dernier sont à leurs places. Steven Soderbergh m'a fait beaucoup de mal par le passé, réussissant parfois à remettre en question mon amour pour le medium cinéma. Je n'oublie pas (je ne l'oublie pas Steven). Son dernier film m'a très agréablement surpris et je voulais vous démontrer toute ma capacité à pardonner (ce que je considère personnellement comme une qualité) en le faisant apparaître dans mon top. Étant tout de même assez rancunier, je ne pouvais pas accorder une meilleure place à Soderbergh, qui est donc bon dernier, le cancre de mon top.

Le reste, c'est un véritable bric à brac où, comme toujours, j'ai cherché à me différencier très superficiellement en plaçant des films plutôt marginaux, que très peu auront pu voir. Je fais surtout allusion à Resolution et A Field in England (ce dernier a même chipé la place à YellowBrickRoad, petit film d'horreur encore plus obscur, fauché mais génial, datant de 2011 et sorti en dvd cette année - je vous en parlerai bientôt). Deux films inclassables et très originaux, deux bols d'air frais pour un amateur comme moi de cinéma de genre, deux œuvres prometteuses et atypiques qui sont tout simplement les plus surprenantes et étranges découvertes faites l'an passé.

L'ordre alphabétique n'est pas respecté, le top reflète mes préférences pour l'année cinématographique qui vient de s'écouler et pour laquelle je précise qu'il me reste encore des films à découvrir. Je n'ai pas pu tout voir.


LE TOP DES LECTEURS/BLOGUEURS 
(par ordre de préférence)

http://ilaose.blogspot.com/2013/05/mud.html

http://ilaose.blogspot.com/2013/09/linconnu-du-lac.html


http://ilaose.blogspot.com/2013/07/la-rochelle-2013-1ere-partie.html

http://ilaose.blogspot.com/2013/08/michael-kohlhaas.html

http://ilaose.blogspot.com/2013/11/inside-llewyn-davis.html

http://ilaose.blogspot.com/2013/11/gravity.html





LE FLOP DES LECTEURS/BLOGUEURS
(par ordre de répugnance)

http://ilaose.blogspot.com/2013/01/django-unchained.html

http://ilaose.blogspot.com/2013/06/die-hard-5-belle-journee-pour-mourir.html



http://ilaose.blogspot.com/2013/08/elysium.html

http://ilaose.blogspot.com/2013/04/stoker.html

http://ilaose.blogspot.com/2013/11/gravity.html


http://ilaose.blogspot.com/2013/04/oblivion.html

http://ilaose.blogspot.com/2013/07/evil-dead.html


Nous souscrivons globalement à ces très beaux classements. Le premier, votre Top, sacre pour la deuxième année consécutive le jeune Jeff Nichols, déjà bien installé semble-t-il dans le cœur des cinéphiles, et nous en sommes ravis. Le second, votre Flop, à 100% ricain (disons 99% pour Park Chan-Wook, expatrié) atteste plus que jamais de l'éjection de Quentin Tarantino de son panthéon, enterrant celui qui n'était jamais tombé si bas et dont on a bien peur qu'il ne cesse de creuser.

On tient enfin à saluer et à remercier tous ceux qui nous ont soutenu pendant l'année. Parce que oui, nous avons parfois besoin de soutien, notre passion ne suffit pas toujours. Quand on écrit la critique d'un film tel qu'Elysium, que nous n'avons même pas vu (au moment de la rédaction, s'entend, nous l'avons regardé après, pour faire les choses sérieusement et dans l'ordre), il nous en faut, du courage, pour programmer un tweet par heure pendant trois jours afin de promouvoir l'article avec les maigres moyens à notre portée. Cela nous prend du temps et 140 caractères, c'est soit insuffisant, soit beaucoup trop, rarement pile poil. Plusieurs fois, dans l'année, nous avons mangé froid. Dans ces moments-là, votre soutien nous réconforte et nous réchauffe, si ce n'est notre assiette, au moins à l'intérieur. On vous remercie également d'avoir participé à ce modeste bilan annuel. Vous avez été nombreux. Pour vous donner une idée, sachez que vous étiez assez nombreux pour faire une belle partie de foot improvisée avec un banc particulièrement bien fourni, d'un côté comme de l'autre, collègues blogueurs et amis lecteurs. Parmi vous : Nicolas de Cinergie (un belge récupéré gratos au mercato) ; Gendar (une valeur sûre, toujours droit comme un piquet, fidèle au poste, un pilier, la colonne vertébrale de l'équipe, qui a véritablement la forme inquiétante d'un pylône inamovible) ; Olivier Père (entraîneur-joueur de prestige à l'accent teuton) ; Fredastair (décolle un peu les yeux de l'image qui illustre le top de Félix, veux-tu...) ; Nightswimming (qui a récemment changé d'équipementier et affiche désormais une fière allure sur la pelouse après avoir fait grise mine toute la saison - quel caractère de cochon !) ; Le Cinéphobe (que nous avons perdu de vue, hélas, sans doute a-t-il tracé en Arabie Saoudite pour le pognon) ; Ca flim (qui nous a quittés sur un bras d'honneur sans élégance, on retient...) ; Une fameuse gorgée de poison (toujours pas avalé son article sur le film d'Abdel !) ; Nolan (jamais sur la feuille de match, uniquement à cause de son blaze, d'ailleurs son maillot n'est même pas floqué) ; C'est entendu (ça c'est simplement un vieux link qu'on place de temps en temps) ; Thibault (l'artiste aux cheveux d'or venu d'Ukraine) ; Christoblog (le Llacer de la blogosphère) ; TeddyDevisme (ce gars est une crème, il a participé et nous suit toujours malgré notre article sur Evil Dead, une crème !) ; Pausanias (loin des yeux, près du cœur) ; FredMJG (une incompatibilité manifeste entre son service de messagerie mèl et le nôtre nous a encore une fois privé de son top) ; Josette K. (notre plus fidèle allié !) ; Hamsterjovial (débarqué à l'intersaison mais déjà sur tous les ballons) ; Dr Orlof (le médecin de l'équipe) ; Pierre Morin (toujours la bonne humeur, toujours le sourire, comprend-il tout ce dont on parle ?...) ; Sylvain Métafiot (quel nom de star du ballon rond, ça claque, bon sang !) ; Guillaume A. (droite, à droite, sur ta droite, merde ! et toi tu pars à gauche, les yeux rivés sur tes propres godasses !) ; Balloonatic (gonflé à bloc, qui devrait parfois laisser pisser... conseil amical, la gastrite annonce généralement un mauvais ulcère, mec) ; Gols (opérant bien que privé de sa doublette magique) et tous les autres !

Merci encore à tous et à très bientôt pour de nouvelles aventures cinéphiliques !

1 octobre 2013

The Informant !

Un soir, je suis allé voir The Informant ! de Steven Soderbergh, avec Matt Damon. Je ne vous en ferai pas une critique succincte, je préfère vous retranscrire le mail envoyé à la personne qui m'avait recommandé ce film, à savoir mon ainé Alexandre (Ralex pour les intimes) :

Mon beau R'alex,
Je pense qu'avec The Informant j'ai vécu une véritable expérience d'indifférence cinématographique, tant je ne me suis jamais senti un tant soit peu concerné par l'histoire, les enjeux du film et le destin du personnage. J'ai attendu que le temps passe sans apprécier la moindre minute de ce film, ce qui est un exploit. J'ai cherché l'humour des situations, j'ai essayé de comprendre pourquoi le gros(tesque) Matt Damon était soi-disant au sommet de son art (au sommet de son poids oui !). Pourtant je savais que Steven Soderbergh = traquenard, je le savais ! J'y suis allé pourtant, malgré le fait que je sais que tes goûts cinématographiques sont souvent atypiques (She's the One, et toute la filmographie d'Edward Burns en tant que director, parce que quand même il joue dans Il faut sauver le soldat Ryan, ne l'oublions pas, je ne l'oublie pas et personne ne l'oublie ici, c'est un peu son seul fait d'armes si on peut s'exprimer ainsi). Donc voilà, il est d'ailleurs évident que ta mauvaise recommandation m'a empêché de "conclure", ou tout du moins de "passer à l'étape supérieure" avec la personne qui m'accompagnait. J'espère que tu es conscient que tu es en partie responsable du prolongement de mon célibat, voire de sa perpétuation, et par là même de mon marasme. Une responsabilité partagée avec M. Soderbergh.
Ton jeune frère dorénavant dépourvu d'avenir sentimental. :(




Triste film.

P.S. : Malgré ce faux-pas presque rédhibitoire, j'ai conclu !


The Informant ! de Steven Soderbergh avec Matt Damon (2009)

23 décembre 2012

Magic Mike

Il fallait ne rien connaître de la carrière contemporaine de Steven Soderbergh pour se laisser tenter par ce Magic Mike. Nous avons vu, fascinés, tous ses films, et particulièrement les plus récents, les Contagion et autres Piégée, et pourtant nous avons quand même regardé le dernier... Faut-il être de bonne volonté ou complètement con. Après avoir fait un film sur une actrice porno, My Super-Ex Girlfriend Experiment, avec Sasha Grey, puis un film sur une catcheuse, Piégée, avec Gian Luigi-Buffon, mais encore un film sur le Ché, Ché, avec Guillermo del Toro, Soderbergh poursuit son entreprise naturaliste, que l'on pourrait comparer à celle de Balzac en son temps, avec La Comédie Humaine, celle de Zola avec les Rougon-Macquart et le Chelsea FC, ou du transformiste Jean-Baptiste Lamarck avec les girafes et les tatous. Ses films nous apparaissent comme des démarches scientifiques, des laboratoires d'une heure et demi dans lesquels Soderbergh pose des hypothèses nulles qu'il tente de réfuter. Fils d'un père sage-femme et d'une mère bûcheron, Soderbergh semblait né pour analyser les travers de la société mais surtout le quotidien d'êtres humains dédiés au spectacle. Dans Magic Mike, il s'intéresse de près, de très près, au stripteaseur-charpentier Channing Tatum, élu cette année "homme le plus sexy de la planète Terre", en s'inspirant de la propre vie de l'acteur, qui est aussi scénariste du film et chef décorateur.




Quand on s'interroge sur le fait que Soderbergh s'acharne à filmer des gens qui utilisent directement et de façon un peu spéciale leur propre corps dans leur métier, on pourrait se dire qu'il est en dialogue avec son contemporain Daren Aronofsky, qui a filmé un catcheur lui aussi (The Wrestler), puis une danseuse étoile (Black Swan), sauf que le Palmé d'Or 1989 n'a mais alors mais riiiiiien à voir avec le boloss d'origine polonaise. Son film nous fait plutôt penser à un épisode de Melrose Place un peu plus long que d'habitude et peut-être un poil mieux filmé, mais guère. Nous suivons Channing Tatum, maçon le jour, call girl la nuit, imitant l'écureuil de la Caisse d’Épargne, plus fourmi que cigale, foutant du pognon de côté en attendant non pas de trouver un métier un peu moins con mais de pouvoir monter sa petite entreprise à la Pierre Jolivet. Il a le projet étrange de monter une boîte de spectacle où il jonglerait chaque soir et où le jour il pourrait vendre des tables basses recyclées fabriquées de ses propres mains. Tatum prend sous son aile un jeune golio qu'il initie au monde de la nuit et à "l'argent faciiiiile", comme le dit Edward Furlong dans Terminator 2. Mais notre bel auto-entrepreneur tombe amoureux de la sœur de son pigeon, incarnée par une Franka Potente du pauvre (Franka Potente étant déjà à la rue), et s'ensuit une histoire à mourir debout. A noter toute une scène orange, en couleur saturée orange, si vous êtes friands de ça, de lomographie. Pour ceux qui n'en sont pas friands, tracez le plus loin possible de ce film à mi-chemin entre le docu, l'épisode final de Melrose Place, et finalement dans le néant total, dernière ligne en date d'une filmographie que nous imprimons régulièrement sur du papier toilette en taille 6 pour se torcher avec. Steven Soderbergh est décidément un cinéaste "qui compte" et à la "carrière foisonnante" dont on se fout éperdument.


Magic Mike de Steven Soderbergh avec Channing Tatum, Matthew McConaughey, Olivia Munn, Cody Horn, Alex Pettyfer et Mathieu Bodmer (2012)

10 juillet 2012

Piégée

Je suis en train de regarder Piégée (Haywire en VO, littéralement "devenir dingue") et je m'ennuie tellement que j'ai décidé de boucler ma critique en temps réel. A l'heure où je vous parle Mathieu Kassovitz essaie de faire du gringue à l'héroïne (homme ? femme ? difficile à dire, c'est le "e" final du titre français qui me fait dire "héroïne") dans un enchaînement de champs contre-champs impardonnable. L'héroïne est une sorte de Michelle Rodriguez bis, autrement dit elle possède un gros chromosome Y inopiné. "Ne la vois pas comme une femme, ce serait une erreur..." lance Ewan McGregor à Michael Fassbender, tu m'étonnes ! Cet homme donc, Gina Carano, a un visage et une silhouette plus larges qu'un monster truck et sa seule revanche sur la vie c'est que sa poitrine l'est aussi. Je m'interromps pour revenir au direct. Champ : Mathias Kassovitz, contrechamp : Michael Fassbender, cherchez l'erreur. Y'a tout le monde dans ce film, tout Hollywood : Antonio Banderas, Michael Douglas, Channing Tatum, Ewan McGregor, Bill Paxton avec une moustache énorme. Vous cherchez une star ? Matez un film de Soderbergh, elle est forcément dedans. Chez Soderbergh même les figurants sont des acteurs oscarisés, mais ça n'empêche pas ses films d'être autant de remakes des Sous-doués.


La reconstitution de l'Arc de Triomphe par l'équipe des effets spéciaux... Soderbergh n'a manifestement pas eu le budget escompté, la prochaine fois il faudra peut-être te délester d'une ou deux stars espèce de tocard !

La gestion du rythme dans ce film relève de la torture psychologique pure et simple. L'histoire c'est Michelle Rodriguez qui sirote un jus de chaussette dans un bar paumé au cœur de la cambrousse américaine quand elle reçoit la visite d'un type venu lui jeter son café brûlant au visage. Elle le dégomme aussi sec avant de prendre la fuite dans la bagnole d'un client du bar, ledit client assis à ses côtés, à qui elle raconte toute son histoire, sans raison, toute sa vie, déballée gratos à ce quidam qui écoute sagement sans paniquer, en passant tranquillement les vitesses, elle lui raconte tout et quand je dis tout c'est toute son histoire : "En neuvième j'ai triché à la compo d'histoire et géographie. En huitième j'ai volé la moumoute de mon oncle Max et je l'ai collée à ma figure pour jouer Moïse à la fête de mon cours d'hébreu, et en septième j'ai fait tomber ma sœur Maggie dans les escaliers et j'ai fait punir le chien. C'est pour ça que ma maman m'a envoyée dans une colo spéciale pour les enfants trop gros, et alors un jour, au déjeuner, j'ai craqué et je me suis goinfrée et ils m'ont foutue à la porte !... Mais le pire des trucs que j'ai jamais faits : j'ai fait une bouteille de faux vomi chez moi et je suis allée au cinéma de mon quartier. J'avais la bouteille sous mon sweat-shirt, je suis montée m'asseoir au balcon et alors... et alors j'ai fait un bruit dégueulasse. Beuaaark ! Beuaaaark ! Beuaaaaaaark ! Beuaaark.... Et j'ai vidé la bouteille de dégueulis, je l'ai jetée par-dessus bord sur la salle, et alors ça a été vraiment horrible. Tout le monde s'est mis à dégueuler dans la salle. Ils dégueulaient partout les uns sur les autres. De toute ma vie j'ai jamais autant regretté ce que j'avais fait...", à ce moment-là le conducteur du véhicule se permet de l'interrompre : "Mais c'est qu'elle commence à me plaire cette gosse moi !" S'ensuit le récit de tout le parcours professionnel de Michelle dans le milieu des services secrets, trajet qui l'a amenée à se faire jeter le contenu d'une tasse de café pur arabica à la gueule par un collègue de bureau, entre autres... Donc le film est une sorte de compilation de flashbacks insipides où Michel Rodriguez s'infiltre chez des gros méchants en belle robe à brillants pour séduire un salop au sourire carnassier avant de lui envoyer son genou dans les burnes, un tas de trucs déjà vus dans mille autres navets du genre, et très régulièrement Michel Rodriguez se bat, à coups de poings et de pieds, de coudes, de têtes et d'épaules, pendant de longues minutes, contre des hommes qu'elle finit toujours par fracasser après avoir pris son élan sur tous les murs pour les frapper. Qui est encore sincèrement impressionné par ces chorégraphies minables depuis que le générique de fin de Matrix s'est déroulé sur le premier écran qui l'a diffusé en 1999 ?


Michael Fassbender, l'acteur de Shame, a intérêt à se renouveler s'il ne veut pas passer sa vie à jouer les gynécos du dimanche en mal d'amour.

Rodriguez sort vainqueur de chacun de ses affrontements après s'être également servie de chaque objet de la maison pour en faire une arme, tout y passe et tout est bon pour me rappeler les fins de soirées difficiles de feu ma collocation avec Félix, co-auteur de ce blog : le fouet de cuisine électrique pour ruiner les couilles de l'adversaire et lui monter les blancs en neige ; le four allumé thermostat 6 en passant devant tout en se bastonnant avant de se rediriger sournoisement dans sa direction quelques minutes après, l'adversaire tenu par le colbac, pour plonger sa tête dedans et la coincer entre deux grilles brûlantes ; le même usage est fait quelques instants plus tard, au cours du même combat, d'un four micro-ondes, avec une attente moins longue entre l'allumage et l'enfournage mais un effet apparemment moins douloureux sur l'ennemi, toute la chaleur foutant le camp à l'ouverture de la porte marquée par un "Ding" qui ne manque pas de donner du rythme à ce pugilat sans saveur. Michel Rodriguez manque manifestement d'inspiration à force de fatigue et répète un peu ses tricks, comme en atteste quelques secondes plus loin cette nouvelle attaque en forme de hat trick, le "coup du chapeau" pour les francophones, où elle plaque le visage de l'ennemi sur l'ouverture d'une lampe de chevet allumée depuis le début de la séquence, ce qui suffit quand même à amocher encore un peu la tête déjà bien chaude de sa pauvre victime. J'en passe et des meilleures.


Mathieu Kassovitz incarne un enfant pour la première fois de sa carrière.

A l'heure où je vous parle Michel Rodriguez vient de tuer Michael Fassbender en l'étranglant sur son pubis, triste mort pour un homme qui aimait les femmes… C'était un traitre, l'héroïne de ce film est trahie et c'est ça le pitch (je viens d'aller le lire sur wikipédia parce que je n'avais encore rien compris à cette histoire). Les cadrages de Soderberg, ses filtres qui sentent le renfermé, sa musique d'ascenseur, son ambiance apathique, son scénario si mauvais qu'on ne le comprend pas et qu'on s'en fout, font de ce film un merdier de plus dans la carrière pavée de bonnes intentions de ce réalisateur malade. J'en suis à 1h04 de film, lequel ne dure qu'1h30, et pourtant on ne sait toujours pas qui sont les différents personnages, ce qu'ils font et ce que raconte ce film sans vie, sans caractère, sans énergie, sans début ni fin, sans rien. Ne dépensez pas un euro pour aller voir cette arnaque XXL sur grand écran, conseil d'ami. Imaginez quelqu'un qui déciderait de vous péter dessus pendant une heure et demi sans raison et vous aurez une idée de ce que fait Steven Soderbergh avec ce film. On a déjà assisté à trois courses poursuites interminables faites de plans très longs sur Michel Rodriguez courant tantôt en gros plan et tantôt en gros plan aussi, sur Michel Rodriguez qui marche vite dans la rue avec sa grosse casquette en laine vissée sur les yeux, suivie de loin par un type en imper gris de rigueur, sur Michel Rodriguez faisant une marche arrière en bagnole dans les bois pendant dix minutes, sans que personne ne la poursuive, ni devant ni derrière, jusqu'à ce qu'elle se paye un garde forestier de trop dans cette forêt, forêt dont elle regrette ensuite (dans un dialogue qui restera) qu'elle contienne tant d'arbres l'empêchant de "rouler à sa guise". A 1h06 Bill Paxton discute avec Ewan McGregor dans une vaste maison forestière, demeure dont les grandes baies vitrées donnent sur le paysage, comme l'immense baraque de Pierce Brosnan dans The Ghost Writer, un film au moins deux fois plus trépidant que Piégée et qui grimpait pourtant difficilement à deux de tension lors de ses climax. By the way si dans les deux films c'est une référence à la grande maison de la fin de La Mort aux trousses je veux bien me tailler les veines tout de suite, par solidarité pour le fantôme d'Hitchcock.


Après s'être fait courser sur la plage de Polanski, McGregor se fait rouster sur celle de Soderbergh par une agent secrète très discrète, comme vous pouvez le voir. Nota bene : fixer du regard les cheveux hallucinants de l'acteur est une bonne échappatoire aux scènes de baston de ce film d'action et d'espionnage en veux-tu en voila.

La fin du film c'est un festival de connerie en cascade, du flash-back sentimental au flash-back en noir et blanc, des plans en plongée oblique qui assurent le statut artistique d'un film signé par son auteur de sa griffe unique (Soderbergh a bel et bien le sens artistique d'un yaourt) au fondu enchaîné sur la plage et son soleil couchant quand Michel Rodriguez va se venger d'Ewan McGregor en lui sautant dessus pour le frapper au lieu de le menacer d'une arme à feu, ce dernier tentant d'échapper à sa poursuivante en courant contre un rocher sur lequel il s'assomme, et ainsi de suite. Il reste 7 minutes à voir et je n'ai plus un souffle d'énergie. Soderbergh m'a vidé. A la toute fin Antonio Banderas n'a soudain plus de barbe, un faux-raccord parmi tant d'autres, un goof de malade pour ponctuer un film qui n'en est qu'un gros, un gigantesque goof d'une heure et demi aux frais de la princesse. La toute fin je ne vous la raconterai pas car elle ne se raconte pas, elle se subit. J'arrête là mais laissez-moi vous dire que je me demande encore si j'ai pas regardé un fake, une version remontée par un fan malveillant, c'est pas possible de réaliser un film aussi abscons… Piégée est une farce qui porte bien son titre, un film pratiquement sans équivalent, un foutage de gueule intégral qui porte le nom de "long métrage" et qui fait une ligne de plus dans le tableau "filmo" de la page wikipédia de son imposteur d'auteur. Steven Soderbergh, le réalisateur, est définitivement une énorme enclume.


Piégée de Steven Soderbergh avec Gina Carano, Michael Fassbender, Ewan McGregor, Bill Paxton, Channing Tatum, Antonio Banderas et Michael Douglas (2012)

24 février 2012

Gladiator

C'est de ce film qu'est tirée l'une de nos devises : "Mon nom est Rémusat, commandant en chef des armées du nord, coloc officiel du général des légions Félix, fidèle serviteur du vrai empereur Marc Aurèle. Père d'un fils assassiné, époux d'une femme assassinée et j'aurai ma vengeance dans cette vie ou dans l'autre !" Cette phrase, Russell Crowe la répète au moins quatre fois dans le film, dont une fois en s'emmêlant les pinceaux avec la réplique célèbre des Visiteurs : "Je suis Godefroy de Montmirail dit "Le Hardi", ptit ptit ptit ptit fillot d'Apremont et de Papincourt, et j'aurai ma vengeance, dans cette vie ou dans l'autre". Il fallait bien Russell Crowe pour que ça passe inaperçu et pour que ça débouche sur un Oscar du meilleur acteur. Crowe, après Hanks, réalisa le doublé en obtenant le même prix l'année suivante pour son interprétation d'un golio né avec une calculette dans le front en tête d'affiche d'Un Homme d'exception, devenant pour un bref moment le maître du tout Hollywood, et pour toujours l'acteur number one from Australia, avant de sombrer dans l'alcool et de se faire remarquer par quelques écarts de conduite (de concours de cuites remportés à la chaîne en coups de têtes dans des interlocuteurs sélectionnés au hasard).




Face à lui Joaquin Phoenix avait su se rendre détestable auprès de pas mal de fans de ciné et autres historiens tatillons qui le trouvèrent légèrement caricatural (comme tous les personnages du film ceci dit) dans son interprétation d'un Commode gay un peu cabotin. Le comédien est revenu de loin en devenant par la suite un acteur majeur de sa génération, comme quoi tout est possible. Pour le reste les miettes du vieux Richard Harris assuraient la caution grand péplum digne de ce nom, et Djimon Hounsoun la caution gros biscotos reluisants façon fondant au chocolat.




Gladiator résumé en quelques mots c'est quoi ? C'est une histoire de vengeance dans la Rome Antique, avec des scènes de grandes batailles en Germanie et de combats rapprochés au cœur de l'arène dans la lignée de Braveheart, qui auront par la suite largement été pompées par Peter Jackson pour sa trilogie de l'anneau, autant de films sacrés par l'Oscar du meilleur métrage. C'est aussi une épopée historique qui pose son cul graisseux sur l'Histoire malgré une armada de spécialistes employés à ne rien foutre par un producteur zélé mais fêlé, un film entrecoupé de nombreux flash-backs boursouflés sur le meurtre de la femme de Maximus Décimus Merdicus avec filtre orange et musique emphatique, mais encore par des plans déformés sur le ciel et ses nuages passés en accéléré, autant de fautes de goût pour un Ridley Scott en quête d'identité visuelle.




Car ce film fut aussi le grand retour de Ridley Scott, qui sortait de quelques années de galère et qui pour fêter son come-back fut ravi de foutre dedans ses concurrents aux Oscars, et notamment Steven Soderbergh, nommé deux fois cette année-là, pour Traffic et Erin Brokovich, seule contre tous. Soderberg l'était bel et bien, seul contre tous, et à l'époque il n'y avait que 5 films nominés dans chaque catégorie, autant dire qu'avec deux films en lice et avec Le Chocolat et Tigre et dragon en face, Soderbergh était venu sûr de lui, avec un parchemin long comme le bras dans la poche à déplier devant une foule entièrement acquise à sa cause. Son seul adversaire était Scott et le vieux n'avait qu'un seul film sous le coude, un péplum qui plus est, autant dire que nous n'étions pas nombreux, à l'orée des années 2000, à miser sur le grand retour du péplum (qui allait bel et bien avoir lieu, marqué par la sortie de saloperies telles que Troy, ou Alexandre). Et pourtant...




Ridley Scott a reçu son Oscar des mains d'un Sam Mendès lauréat l'année précédente et vert de rage de lâcher son bien. En allant chercher son prix, Ridley Scott, qui s'était assis tout au fond de la salle, persuadé de perdre et progressant plus que jamais dans son carnet de sudoku, a dû bousculer tout le monde et faire lever les gens de leurs sièges pour passer devant eux difficilement, y compris Soderbergh, sur lequel il aurait lâché un pet tout droit venu de la Rome Antique et des invasions barbares selon de nombreux témoins. Au cas où, quand même, car il est malicieux, Ridley Scott s'était peint les deux majeurs en doré, comme la fameuse statuette, et il les a tendus tous les deux à Soderbergh dans un moment de télé qui a foutu mal à l'aise toute la salle, même Philippe Dana, l'éternel abonné aux voix-off des cérémonies et aux pires "oops" des tapis rouges.


Gladiator de Ridley Scott avec Russell Crowe, Joaquin Phoenix, Richard Harris, Djimmon Hounsou et Connie Nielsen (1999)