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20 mars 2022

Mélodie pour un meurtre

Il a tout pour plaire, ce film ! Attention, je n'en fais pas un titre un peu trop oublié du cinéma américain des années 80 que je vous inciterais à redécouvrir absolument, et encore moins un chef-d’œuvre méconnu du genre policier. Non, loin de là ! Mélodie pour un meurtre n'est pas un grand film, c'est clair et net, il constitue toutefois la garantie assurée d'un très bon moment à passer, d'autant plus quand on est friand des performances habitées du grand Al Pacino, ici très en forme. A l'époque, ce film, qui a pour titre original Sea of Love en référence à la chanson de Phil Phillips que le mystérieux serial killer lance systématiquement avant de passer à l'acte, marquait le retour de la star sur grand écran après une parenthèse de quatre ans passée loin des plateaux consécutive à l'échec cuisant de Revolution, une ambitieuse fresque historique portée par l'acteur vedette et réalisée par Hugh Hudson qui s'était plantée dans les grandes largeurs (ce film-là, tout le monde semble l'avoir bel et bien oublié, et je ne m'y suis pas encore risqué, ma curiosité ayant tout de même des limites...). Mais revenons à nos moutons et à cet océan d'amour mis en boîte par l'artisan Harold Becker, semble-t-il vendu par l'affiche française et la promo de l'époque comme un simili thriller érotique, histoire de surfer sur le succès tonitruant de Liaison fatale, sorti à peine deux années auparavant...


 
 
On tient là un polar particulièrement bien mené, porté par une tripotée d'acteurs excellents que l'on est très heureux de retrouver et qui forment à eux tous un fort bel ensemble, cohérent et harmonieux : de John Goodman, beau comme un cœur, à Richard Jenkins, que l'on se plaît à reconnaitre malgré une chevelure plus abondante, en passant par un étonnant Michael Rooker et par l'apparition furtive de Samuel L. Jackson, dans le rôle du "black guy" comme le précise verbatim le générique final. A la tête de ce beau petit monde, il y a bien sûr l'inévitable Pacino, dont l'interprétation solide, impliquée, qui ne tombe pas (encore) dans les excès, donne une dimension intéressante au film puisqu'il lui permet d'être un peu plus qu'un simple thriller efficace et bien ficelé : il en fait le portrait assez touchant d'un homme au seuil de l’abîme. Un flic un peu à la dérive, pas encore remis de son divorce, à deux pas de sombrer dans l'alcoolisme, qui se met dans une situation compliquée en tombant sous le charme de la principale suspecte d'une série de meurtres dont les victimes sont des hommes rencontrés via des petites annonces postées dans le journal. 


 
 
Nous n'avons aucun mal à nous intéresser à l'enquête menée par ce type-là, à comprendre pourquoi il s'éprend si passionnément pour cette femme difficile à cerner, campée avec une jolie nuance par Ellen Barkin, et l'on passerait même volontiers plus de temps en la compagnie de ce chouette duo qu'il forme avec son collègue incarné par John Goodman (ça donnerait un buddy movie du tonnerre, le film en a d'ailleurs déjà les airs charmeurs par moments). Il y a quelques moments signature d'Al Pacino, quelques trucs bien à lui qu'on se repasserait en boucle avec plaisir, à montrer dans toutes les écoles. L'acteur est en pleine possession de ses moyens et il donne un parfum d'authenticité indéniable aux dialogues ciselés écrits par Richard Price (on n'oublie pas son "This city... what it does to people" qu'il prononce avec une pointe d'amertume et un regard de chien battu pour commenter ses propres actes malheureux lors d'une des meilleures scènes). Car si Sea of Love parvient à captiver ainsi, c'est aussi parce qu'il est doté d'un scénario aux petits oignons qui cache bien son jeu et nous révèle ses cartes à un rythme parfaitement calculé. Et l'on doit donc ce scénar costaud à Richard Price, fameux romancier et scénariste new-yorkais dont on reconnaît aisément la patte si celle-ci nous est déjà familière (il est l'auteur de quelques chouettes bouquins qui schlinguent le bitume et la sueur comme Frères de sang, mais aussi The Wanderers, dont on apprécie beaucoup l'adaptation ciné signée Phil Kaufman, il a également participé activement à la série The Wire et nous lui devons entre autres le scénario de Mad Dog and Glory). Richard Price et Al Pacino sont à l'évidence les deux hommes forts de ce film sympatoche, à la mise en scène appliquée mais sans grande personnalité, que je recommanderai vivement aux amateurs.


Mélodie pour un meurtre (Sea of Love) de Harold Becker avec Al Pacino, Ellen Barkin, John Goodman et Richard Jenkins (1989)

17 juin 2018

La Famille Hollar

La curiosité est un putain de vilain défaut ! Suite au succès étonnant du film d'horreur Sans un bruit (Without a Single Sound en vo) outre Atlantique, j'ai voulu m'intéresser à ce que John Krasinski avait réalisé auparavant. C'est ainsi que j'ai fini devant son précédent long métrage en tant que réalisateur, La Famille Hollar. Je ne sais pas ce qui m'a pris... Tous les voyants étaient au rouge, tout m'indiquait un énorme étron estampillé Sundance, j'aurais donc dû me fier à mon instinct et m'éviter un tel supplice. Hélas, la curiosité d'un blogueur ciné n'a guère de limite... Et il y avait la présence au casting de Mary Elizabeth Winstead, dont je suis la carrière de près, sans parler de ce modeste running time de 88 minutes qui me faisait les yeux doux. Je raffole en effet des films ne dépassant pas l'heure et demi. J'adore le cinoche mais faut pas pousser... Je fonçais donc tête baissée dans La Famille Hollar, prêt à m'en vouloir à mort et à prendre la raclée du siècle !


Le gars a MEW à ses pieds mais préfère mettre en cloque Anna Kendrick.

Apparemment, on appelle ça une "dramedy". On peut aussi dire que c'est de la merde, tout simplement. The Hollars contient strictement tous les ingrédients de ces saloperies "indie". Il en sort des dizaines chaque année des comme ça. John Krasinski est un tocard de première mais c'est aussi un bon élève car il n'a rien oublié de la petite recette et s'applique à la suivre à la lettre. Il a pensé à tout, son produit est calibré au millimètre, on a droit à tous les poncifs. On suit donc ce grand dadais informe au sourire et au regard idiots retourner dans sa ville natale car sa maman est à l'hosto et n'en a vraisemblablement plus pour longtemps. Il retrouve ainsi sa petite famille : son père (Richard Jenkins, épouvantable), dépassé par la situation et dont l'entreprise est en faillite, et son grand frère (Sharlito Copley, pour son premier rôle sans armure), un raté qui ne s'est toujours pas remis de son divorce. Il retrouve aussi de vieilles connaissances, pour l'inévitable galerie de personnages décalés qu'il va falloir se farcir. En bref, c'est le scénario classique d'un "return home", comme on nous en a proposé des tas ces dernières années. Certains sont réussis, je pense par exemple à Lonesome Jim, mais c'est bien rare et la plupart sont comme celui-ci : ils ne valent rien.


Crève...

Car le problème, c'est évidemment qu'on a beaucoup trop vu tout ça et que c'était pourri dès le départ. John Krasinski a bien vingt ans de retard, l'équivalent d'une ère géologique pour le cinéma ricain. Garden State date de 2004. A l'époque, ça marchait du tonnerre, ça faisait le buzz et ça réussissait même à gratter quelques récompenses tout à fait injustifiées. Aujourd'hui, ça ne sort même pas en salles et le monde ne s'en porte pas plus mal. La Famille Hollar n'est sorti qu'en Russie, le 22 septembre 2016, et c'est bien là la preuve que la Guerre Froide n'est pas tout à fait terminée. Ce film laisse songeur... On se demande bien ce qui anime quelqu'un comme John Fitzgerald Krasinski. Le gars réalise peut-être là son rêve, en étant la star de son propre film ; le résultat est cette immondice infecte. Krasinski s'est en effet attribué le beau rôle puisqu'il incarne John Hollar, le fils prodige de la famille Hollar, dont le seul défaut, un léger manque de confiance en soi, n'en est pas vraiment un puisqu'il s'agit en réalité d'une trop grande humilité (celle qui l'empêche, voyez-vous, d'envoyer ses bandes dessinées merdiques à un éditeur alors qu'il a un talent fou, tout son entourage en est convaincu !...). Quand il revoit son ancienne petite-amie du lycée, MEW, celle-ci, encore accro à lui, retombe illico dans ses bras, l'agressant presque sexuellement. Non mais sans rire... John Hollar profite aussi de son passage en ville pour donner des petites leçons de vie à tout le monde, à commencer par son frère. Des baffes je vous dis !


MEW montre à son ancien petit-ami qu'elle n'a pas si mal vieilli.

J'ai immédiatement souffert. De la première à la dernière seconde, éprouvant un sentiment de haine tenace pour tous les acteurs impliqués là-dedans. Même pour Dick Jenkins ! C'est la première fois que je ressens du mépris pour Dick Jenkins que je considère comme un ami et qui d'habitude surnage même dans les pires daubes. Monsieur Krasinski a accompli ce miracle. A leurs côtés, on retrouve aussi l'abominable Anna Kendrick, la femme enceinte de notre héros national. Regardez donc le faciès de cette actrice. Moi je ne peux pas. Je suis désolé. Je sais qu'il ne faut pas s'attaquer au physique, mais la laideur du visage de cette actrice me fascinerait presque. Quand elle sourit, tout s'assombrit. Il est rare de dégager autant de bêtise et de disgrâce en dévoilant un simple râtelier de canasson. Cette femme esquinte toutes les vidéos dans lesquelles elle apparaît.


La tonte de la mère par son fils chéri donne lieu à une scène abominable... Mais Krasinski a l'air content de lui, c'est bien l'essentiel. 

Krass'inski mêle les rires et les larmes, les moments d'émotion à gerber et les scènes plus comiques qui tombent à plat, le tout rythmé par la gratte et la voix dégueulasses de Josh Ritter, un songwritter miteux au caractère "indé" au moins aussi puissant que cette abomination de film. Il faut s'enquiller ce moment terrible où les deux fils et leur con de père se mettent à chanter en chœur dans une chorégraphie timide en guise d'adieu à leur énorme mère, juste avant qu'elle passe sur le billard pour l'opération fatidique (spoiler : elle y laisse la vie et on en est RA-VIS !). Il faut s'infliger cette scène où l'affreux Krasinski sort une dernière fois sa daronne de l'hosto en la poussant à fond les ballons sur son fauteuil roulant, toujours accompagné d'une musique merdique à souhait. Des envies de meurtre... On a vraiment l'impression de revoir la dernière crotte de Zach Braff. John Krasinski lui ressemble sur bien des points, c'est encore un acteur venu de la série télé comique qui a décidé de s'en prendre frontalement au cinéma, et nous pond d'infâmes produits sans âme de l'indiewood. Bien avant Sans un bruit, Krasinski avait donc réalisé un film d'horreur bien plus effrayant sans doute... Avis aux amateurs ! En tout cas moi j'ai bien les boules devant ça.


Pas de quoi être fier, en effet.

C'est dommage car je n'avais rien contre John Krasinski jusqu'à présent. Je l'aimais plutôt bien dans The Office, nos rapports s'en étaient arrêtés là et ça m'allait très bien. J'ai vu qu'il a depuis essayé de changer de registre, de casser son image de grand glandu, de manière tout à fait ridicule. Sans un bruit doit participer à la même démarche putride. Le type est allé se sculpter un corps de catcheur pour les besoins d'un film de guerre minable signé Michael Bay, 13 Hours. Bien vu l'artiste ! Jim Halpert, héros de film d'action ? On aura tout vu... Si l'on en croit les critiques, 13 Hours n'est pas le pire de Michael Bay, ce qui n'éclaire en rien, mais ça a fait un four, et c'est tant mieux. Cela n'empêche pas John Krasinski de se vanter à longueur d'interviews d'avoir désormais un "8-pack" qui plaît drôlement à sa chérie, Emily Blunt. On est franchement contents pour eux. Pourquoi ne profitent-ils pas de la vie en n'en glandant plus une, en prenant leur distance avec le cinéma ? On leur en serait très reconnaissant. Il faut savoir s'arrêter au sommet de sa gloire, comme Platoche et Zidane !


La Famille Hollar de et avec John Krasinski (2016)

9 mars 2016

Bone Tomahawk

Bone Tomahawk, le premier long métrage de l'américain S. Craig Zahler, s'il n'est pas parfait, nous donne plein de raisons de l'apprécier et de le défendre de tout notre coeur. Déjà copieusement salué et décoré en festivals, il a notamment obtenu le Grand Prix à Gérardmer face à une concurrence relevée (parmi laquelle The Witch, autre film d'horreur indé dont se dit le plus grand bien et dont nous espérons donc beaucoup) et il faudrait en effet être aveugle pour ne pas remarquer que Bone Tomahawk sort clairement du lot. Arrêtons-nous d'abord à ce qu'il y a de plus visible. Dès les premières images, on se dit que S. Craig Zahler, écrivain (publié chez Gallmeister, s'il vous plaît) et scénariste, devait crever d'impatience de passer enfin derrière la caméra pour réaliser un western. Visuellement, son film donne l'impression d'être la mise en image limpide d'un fantasme longuement mûri. En tant que cinéphile à la recherche de bonnes péloches de genre, on prend aussi un pied évident devant ça. Bone Tomahawk, comme son titre, a une putain d'allure et donne immédiatement envie d'être aimé. La mise en scène fluide et patiente d'un cinéaste débutant mais plein de confiance et de maîtrise, nous plonge somptueusement dans l'Ouest américain, sauvage et brutal. On y est et on s'y sent bien d'emblée !





Autre atout immédiatement visible : le casting, qui est une belle petite collection de gueules connues du cinéma de genre, ici superbement bien employées. On est à des années-lumière du défilé insupportable de gloires passées comme le proposent les saloperies à la  Grindhouse. La première scène, qui met de suite dans le bain et annonce bien la couleur, nous fait suivre les sombres méfaits de deux brigands aux méthodes radicales incarnés par David Arquette (l'éternel gaffeur condamné à jouer les benêts et autres petites frappes) et Sid Haig (une grosse tronche impossible déjà croisée dans les films cultes de Jack Hill, dont l'excellent Spider Baby, et revue plus récemment devant la caméra du triste Rob Zombie), deux salopards qui auront le malheur de s'aventurer sur le territoire d'une tribu indienne cannibale. Le scénario de S. Craig Zahler nous propose ensuite une sorte de variation horrifique et minimaliste du classique de John Ford, La Prisonnière du désert : une bande de cowboys remontés, menée par un Kurt Russell en pleine forme et au charisme toujours intact, se lance à la recherche d'une femme docteur enlevée par des indiens revanchards.





Avant le départ de la troupe, S. Craig Zahler installe avec le plus grand soin chacun de ses personnages. Et qu'il est rare et appréciable, aujourd'hui, de tomber sur un film qui prend autant son temps, qui croit à ce point en ses personnages et laisse ses acteurs leur donner si brillamment vie. On oublie d'ailleurs totalement les acteurs, à commencer par notre vieil ami Richard Jenkins, qui trouve peut-être ici son meilleur rôle dans la peau de l'adjoint un peu naïf du shérif joué par Kurt Russell. Ce n'est qu'une fois le film terminé que je me suis dit "Putain mais c'était Dick Jenkins, Dick Jenkins !!". Matthew Fox, le Jack de Lost, mérite lui aussi d'être félicité, il incarne avec beaucoup de classe et d'aplomb un cowboy dandy sans éthique et ce n'est, là encore, qu'une fois le générique terminé que je me suis dit "Putain mais c'était Jack, Jack de Lost !!".  





Même Patrick Wilson est bon là-dedans. Même Patrick "tronche de playmobil" Wilson ! Il passe tout le film à boiter, à en chier encore plus que DiCaprio dans The Revenant, et c'est un vrai régal d'assister à cela après toutes les ignominies dans lequel on l'a vu saloper l'écran. Patrick Wilson joue bien, je ne pensais jamais écrire ça un jour, et c'est dire si S. Craig Zahler doit également être un bon directeur d'acteurs. On s'attache à son personnage d'amoureux des plus déterminé à sauver sa dulcinée comme on s'attache à tous les autres. Soulignons aussi le talent du cinéaste et scénariste pour faire exister chaque protagoniste, et pour, chose encore très précieuse, écrire des dialogues si réussis (avec même quelques moments comiques bien sentis) et créer des scènes a priori anodines où il se passe réellement quelque chose alors que l'action est encore bien loin.





Le film se contente simplement de suivre au plus près cette petite bande dans sa quête qui la mènera jusqu'à l'obscurité ultra glauque d'une redoutable tribu cannibale troglodyte. On pense un peu à l'horreur sèche et brutale de The Descent quand on voit avec quel sérieux le réalisateur invite ses monstres oubliés à l'écran. S. Craig Zahler choisit délibérément de mettre en scène des "indiens" qui correspondent aux cauchemars irraisonnés des pionniers, à la terrible image qu'ils s'en faisaient alors : mangeurs d'hommes régnant en maîtres sur une zone interdite, ils sont des ombres grises qui surgissent de nulle part, dont les flèches proviennent d'on ne sait où et peuvent vous transpercer à tout moment quand vous avez le malheur de vous trouver sur leur territoire.





La violence et l'horreur de Bone Tomahawk, en même temps furtives et frontales (une scalpation suivie d'une mise à mort particulièrement dégueue est au programme, filmée sans complaisance), surprennent toujours et agissent un peu à retardement, saisis que nous sommes par l'ambiance aride de l'ensemble et suspendus au sort parfois terriblement cruel réservé aux personnages. Le cinéaste nous offre un western horrifique aux moments de tension rares mais épuisants pour les nerfs où nous pouvons trembler, par exemple, pour que notre héros ait le temps de recharger sa pétoire imprécise avant d'y passer. On tient également là un superbe film de rando. Après ça, on a l'impression d'avoir marché quelques kilomètres, nous aussi, et d'avoir campé une paire de nuits à la belle étoile, à l'affût du moindre bruit... 





Alors certes, on aurait peut-être aimé que le film soit un peu plus. Que, lorsqu'il s'arrête, nous n'ayons pas l'impression de tout savoir, d'avoir tout vu, mais qu'il reste des zones d'ombre, un peu de mystère, une sorte de fascination encore possible. La simplicité et la linéarité du scénario de S. Craig Zahler est à la fois sa force et sa limite. Il le cantonne dans son sous-genre, l'empêche de le dépasser, mais lui permet de s'affirmer pleinement comme un western simple, sec et racé comme nous n'en voyons quasiment plus et qu'il faut absolument saluer. Le subtil et bien mené mélange des genres tout comme l'ambiance particulièrement saisissante du film nous font également croire en l'éclosion d'un nouveau cinéaste très prometteur. Vivement la suite !


Bone Tomahawk de S. Craig Zahler avec Kurt Russell, Patrick Wilson, Richard Jenkins, Matthew Fox et David Arquette (2016)

15 septembre 2013

La Cabane dans les bois / Chronicle

Excusez-moi, je ne vais pas prendre de gants et je vais immédiatement vider mon sac, mais j'en ai besoin. Ça me rend malade de mater, toujours avec un très mince mais bien réel espoir, des films aussi cons que La Cabane dans les bois ou Chronicle. Des films souvent salués par la critique et qui ne manquent jamais de faire le buzz sur la blogosphère et Twitter. Des trucs qui se croient malins, originaux et innovants, qui prétendent s'amuser des codes bien connus de genres usés jusqu'à la corde (dans ces deux cas précis : le survival et le film de super-héros) pour n'être en réalité que le symbole ultime de leur profonde débilité et du cynisme glaçant de leurs auteurs. D'ailleurs, ça me fait encore plus froid dans le dos de savoir que ces derniers sont souvent jeunes et ambitieux, et que l'on a donc peut-être pas fini d'en entendre causer. Pas pour leur talent, bien entendu, mais leurs films ont aussi le défaut de rapporter gros...




Drew Goddard, le réalisateur de La Cabane dans les bois, était scénariste de Lost et Cloverfield, et ça ne m'étonne vraiment pas tant toutes ces merdes se ressemblent. D'ailleurs, le scénario de Prometheus, signé Damon Lindelof, autre scénariste de Lost, est exactement de la même trempe. Ah ça, ils sont très doués et n'ont pas d'égal pour pondre des scénarios fumeux, faits de voiles de mystères ridicules censés les faire passer pour ultra malins mais qui sont en réalité remplis de trous béants cachant mal leur nullité et rendant criant leur manque réel d'idée. Encore heureux qu'ils soient doués pour ça puisqu'ils se sont entraînés pendant 6 ans sur leur interminable série... Elle a fait du mal cette série, elle a fait du mal !




Tous ces petits businessmen au savoir-faire attristant me font aussi un peu penser à Christopher Nolan qui, lui, choisit plutôt de nous noyer d'informations ineptes, comme dans Inception, dans le même but : duper les spectateurs en passant pour un génie, alors que derrière tout ça, c'est à chaque fois le vide intersidéral. Et surtout, c'est toujours d'une laideur folle... Mais évidemment, le plus triste là-dedans, c'est que ça marche encore... Ces films, semble-t-il conçus pour les ados attardés, rendent gagas la plupart des amateurs de cinéma de genre, se contentant d'un rien, voyant dans ces œuvres un renouveau, une intelligence dont sont dépourvues les grosses machines habituelles... Tu parles ! Il faut cependant avouer qu'il y a effectivement quelques esquisses d'idées ici ou là, quelques pistes que l'on aimerait voir être approfondies par le cinéaste concerné. C'est sans doute suffisant pour contenter le spectateur lambda. Personnellement, ces promesses non-tenues, à peine formulées, et cette fausse intelligence ostentatoire me rendent ces films encore plus insupportables.




Premier long métrage de Josh Tank (un salopard dont le patronyme idiot a la particularité de salir les surnoms de deux de mes proches), Chronicle fait partie de ces films où super-pouvoirs riment avec passage à la vie adulte pour des personnages d'adolescents mal dans leurs peaux. C'est frais, c'est nouveau, bravo. Le personnage principal use de ses pouvoirs pour manipuler par télékinésie la caméra qui le filme constamment. Ce film, en prétendant qu'il se veuille avant tout divertissant, pourrait être également accompagné d'un propos formel intéressant. Il n'en est rien. C'est d'une bêtise crasse, qui égale sans souci celle des grosses productions super-héroïques du moment. Sa dernière demi-heure consiste en une baston façon Dragon Ball Z où les jeunes protagonistes s'affrontent dans les airs à coups de savates. Le comble du ridicule est alors atteint. Moi, j'avais déjà la tronche enfoncée dans les coussins de mon canapé depuis un moment...

Je vous dis tout ça, mais j'ai les glandes !




La Cabane dans les bois se veut quant à lui méta-discursif et a été vivement salué pour cela. Nous pensons pendant un moment que l'intrigue concerne une émission de télé réalité qui enverrait à la mort ses jeunes participants, en faisant d'eux les personnages impuissants d'un véritable film d'horreur privé de happy end dont chaque péripétie serait provoquée par des techniciens confortablement installés dans leurs studios. On pourrait y voir une petite pique adressée au public et aux auteurs de ces films-là puisque l'on se moque ouvertement des deux types (Richard Jenkins et Bradley Withford) qui sont aux manettes et doivent gérer ce petit jeu de massacre en coulisses depuis leurs écrans de contrôle. Mais c'est mal connaître le réalisateur Drew Goddard et son producteur Joss Whedon. Ils n'osent froisser personne, sans doute de peur de perdre quelques spectateurs. On ne devrait pas avoir le droit de s'appeler Goddar et de réaliser des films aussi bêtes.




Une autre petite scène tourne explicitement en dérision l'attente suscitée chez les spectateurs par l'une des jeunes actrices sur le point de retirer son haut mais. A l'image de ce passage-là, tout n'est en réalité que le prétexte pour quelques scènes bidons dénuées de drôlerie. On nage quelque part entre une parodie sans saveur et un survival ultra référentiel de plus, au beau milieu d'une sacrée daube. On pourrait avoir affaire à un film proposant de réfléchir sur lui-même, mais aucune réflexion n'est réellement menée. L'aspect méta-discursif du film n'est qu'un outil pour pousser à la mort une bande de jeunes insupportable qui n'existe jamais à l'écran, étant donné qu'ils sont tous plus bêtes et transparents les uns que les autres. Pour ne rien gâcher à l'affaire, ils sont tous incarnés par des acteurs médiocres. On retrouve par exemple l'affreux Chris Hermsworth, seul acteur mongol à faire carrière à Hollywood, dont la mort grotesque m'a toutefois fait rire (jaune). Comment donc peut-on se passionner pour les mésaventures de ces crétins finis ?




Le final du film aussi atteint un haut niveau de ridicule. Tout le bestiaire du cinéma d'épouvante se retrouve réuni, dans un déluge de CGI hideux, pour un carnage fabriqué qui ferait pleurer les maîtres du genre. On retrouve même le fantôme de Sigourney Weaver, qui fait bien de la peine là-dedans. Malgré cela, il faut reconnaître que ce n'est que lors de ce final aussi débile que délirant que le film surprend enfin un chouïa. Par contre, c'est aussi à ce moment-là que le scénario sombre définitivement dans un grand n'importe quoi des plus insupportables.




Richard Jenkins joue donc un rôle important dans La Cabane dans les bois. Dick Jenkins, le papa dans Step Bro'... Dick Jenkins ! J'étais dégoûté de le voir là-dedans... Ce qui me bloque dans la poursuite de cette ambitieuse double-critique c'est que j'ai envie de tout casser, d'insulter à tout va, de me lamenter... Rien de très constructif, donc je vais m'arrêter là. Je suis bénévole.


La Cabane dans les bois de Drew Goddard avec Chris Hermsworth et d'autres abrutis (2011)

Chronicle de Josh Tank avec  Dane DeHaan, Alex Russell et Ashley Hinshaw (2012)

13 septembre 2013

Sous surveillance

Quand tu t'appelles Bobby Redford, tu peux avoir un casting en or malgré un scénar' en contreplaqué, il suffit de claquer des doigts. C'est ce que prouve son dernier film en tant que réalisateur, acteur et producteur exécutif : Sous surveillance (The Company we keep en VO, soit "La société que nous gardons"). Visez un peu l'affiche. Treize noms qui ont bien du mal à tous y contenir. De vieilles gloires du passé y côtoient de jeunes acteurs qui montent qui montent. Si le film, qui paraît déjà bien long, avait duré deux heures de plus, on imagine que le défilé de vieilles gueules cassées et de jeunes loups aux dents qui rayent le parquet aurait duré encore plus longtemps. Heureusement, la mégalomanie de Bob Redford a des limites !


Moment de malaise sur le tournage quand Susan Sarandon décide de mimer la position sexuelle préférée qu'elle réalisait naguère avec Tim Robbins, surnommé The Black Donkey dans la profession.

On suit donc ici le pâle Shia LaBoeuf, jeune journaliste désireux de faire ses preuves, en pleine enquête sur un vieil avocat (Robert Redford) dont le trouble passé ressurgit suite à l'arrestation d'une membre du Weather Underground (joué par Susan Sarandon), groupe d'activistes de gauche radicale ayant marqué les années 70 et considéré comme une organisation terroriste par le FBI. En deux temps trois mouvements, Shia (prononcez comme ça vous chante, "Who really cares ?!" répète-t-il à longueurs d'interviews, blasé) parvient à dépasser plus de 30 années de recherches acharnées menées par le FBI et expose au grand jour la véritable identité de Bob Redford. Ce dernier prend alors la fuite, Shia et le FBI se lancent donc immédiatement sur ses traces ; mais attention, n'allez pas imaginer une course-poursuite haletante au sein d'un thriller parano comme on n'en fait plus, non, pensez plutôt à un escargot fatigué et tout ridé (Redford) inspecté à la loupe par un enfant laid à moitié aveugle (LaBoeuf) entouré d'une bande d'incapables qui regardent du mauvais côté, dirigée par le toujours désagréable Terrence Howard.


Malaise encore sur le tournage lorsque Shia LaBoeuf décide d'aller sur généalogie.net pour retrouver ses ancêtre aveyronnais alors qu'il a une ligne de dialogue de la plus haute importance à placer face à Bob Redford (qui regrette à ce moment là de ne pas avoir choisi Mouloud Achour pour le rôle).

Comme il a du temps à paumer et que les énergumènes à ses trousses sont tous des purs zonards, Bob Redford profite de cette petite virée pour renouer les liens avec de vieux amis qui ne l'accueillent pas toujours avec le sourire. Le film prend alors des allures d'anti-Expendables, ces réunions musclées d'anciens collabos toujours fachos organisées par Sly, puisqu'il nous propose une morne galerie de portraits de gauchos ancestraux mal dans leurs peaux ayant tiré un trait sur leur passé un brin trop engagé. Ce film-là, c'est donc un peu le Expendables des soixante-huitards grabataires, sauf qu'ici les acteurs sont tous en déambulateurs et, à la place de mitraillettes et autres kalachnikovs, ce sont leurs idéaux en berne qu'ils traînent partout avec eux. Bien sûr, le rapprochement avec le film de Stallone n'est pas à prendre comme un compliment.


Malaise toujours sur le tournage de ce film en bois entouré de moquette sans âge lorsque Bob Redford lâche un pet cinglant sur le coin de la veste en velours côtelé de Dick Jenkins qui ne peut retenir un rictus de dégoût et un regard furtif et interloqué en direction de son interlocuteur censé être un gentleman.

On croise donc avec plus ou moins de plaisir des vieux gars comme Nick Nolte, dans l'un de ses fort probables derniers rôles (cela me fait de la peine de l'écrire aussi), Brendan Gleeson, un pack de bière à la main, et le plus grand d'entre tous, toujours au top, toujours la même tronche depuis 20 ans, j'ai nommé Dick Jenkins, le seul de la bande à ne pas être sur le déclin, artistiquement parlant. J'aurais aimé y voir aussi le grand Robert Duvall, mais c'était oublier ses véritables opinions politiques... Côté vieillardes, on retrouve Susan Sarandon, fidèle à elle-même, et Julie Christie, que l'on pourra mettre un petit moment avant de reconnaître. Ce medical check-up platement filmé est souvent déprimant quand on découvre le gros coup de vieux pris par l'un ou la mauvaise mine affichée par l'autre, et parfois étonnant, comme lorsque l'on constate que Julie Christie et Robert Redford se ressemblent désormais étrangement. Ils doivent avoir le même chirurgien, un type qui fait du bon taff, ceci dit, bien que leur beauté de jadis ait bien du mal à percer derrière l'écran juvénile superficiel qu'il leur colle aux tronches.


Malaise bis repetita lorsque Bob Redford décide de jouer toutes les scènes avec Julie Christie en lui tournant le dos comme pour se venger d'une relation amoureuse terminée sur un point d'exclamation, le sang et les larmes. Une balle dans son propre pied !

Au milieu de tout ça, les jeunes pousses ont bien du mal à s'affirmer, y compris la sympathique Brit Marling, que son amour pour les thrillers américains des 70's doit amener à faire des choix de carrière pas toujours judicieux (on l'avait également vue dans Arbitrage, aux côtés d'un Dick Gere aux abois, un film du même tonneau, mais plus sobre et réussi). Le tristounet Shia LaBoeuf démontre quant à lui qu'il n'a toujours pas les épaules pour porter un film tel que celui-ci. Notons que pour faire taire les critiques français qui pointent systématiquement du doigt sa ressemblance frappante avec Karim Benzema, la star porte ici une moumoute ridicule et des lunettes triple foyer qui ne suffisent pas à le rendre crédible en journaliste.


Malaise final très palpable et ressenti douloureusement par tout le cast & crew au moment où Shia LaBoeuf demande effrontément à Brit Marling de tirer sur son doigt afin de pouvoir lâcher un pet issu de l'ingestion et la digestion malheureuse d'une fricassée de Limoux avariée.

Beaucoup ont parlé de nostalgie ou de mélancolie pour qualifier ce thriller mou du genou réalisé par un Robert Redford vraisemblablement soucieux de redorer son mythe et celui de quelques collègues en évoquant un glorieux passé d'activisme de gauche. Pour ma part, j'y vois plutôt un narcissisme déplacé de la part du Sundance Kid. Même si cette scène douloureuse, où la vieille star se montre faisant son jogging, laborieusement, en nage, courant comme une vieille gonzesse, vient quelque peu contredire mon hypothèse. Force est de constater que l'on s'ennuie ferme devant ce film qui paraît déjà très daté. Le climax, c'est tout de même une course à deux à l'heure de Robert Redford et Julie Christie dans les bois, poursuivis par les bergers allemands obèses du FBI. Ils trainent la patte et sont filmés ridiculement, de dos, en tenue de jogging, et presque invisibles derrière les gros sacs Quechua qu'ils trimballent avec eux. Quand elle ne fait pas mal aux yeux, la mise en scène est en mode pilote automatique. Redford aurait sans doute mieux fait de confier la tâche à quelqu'un d'autre, même si je ne vois personne, dans le cinéma américain du moment, capable de torcher un thriller correct à partir d'un tel script. Au bout du compte, Sous surveillance pourrait aisément être rattaché à cette petite vague de films commémoratifs rances qui sont produits depuis quelques années et nous foutent à chaque fois un petit peu mal à l'aise...


Sous surveillance de Robert Redford avec Robert Redford, Shia LaBeouf, Richard Jenkins, Susan Sarandon, Chris Cooper, Brendan Gleeson, Stanley Tucci, Terrence Howard, Brit Marling, Anna Kendrick, Nick Nolte, et Julie Christie (2013)

12 novembre 2008

The Visitor

Voilà la petite discussion qu'on a eu, Félix et moi, juste avant de mater ce film :

Félix : J'ai téléchargé un film peut-être pas mal. C'est par Thomas McCarthy, le réalisateur de Station Agent, et y'a un acteur que j'aime bien dedans, qui avait déjà joué dans Fous d'Irène, Richard Jenkins. J'avais bien aimé Station Agent, tu te rappelles, ce film avec le nain qui débarque en ville et fout la merde dans tout son voisinage ?

Rémi : J'avais aimé moyen Station Agent. C'est quand même un long métrage sur un nain qui s'encule des géants.

Félix : Arrête c'est un chouette film.

Rémi : Aussi chouette que Sideways, ton autre film de chevet...

Félix : Ouais il est trop bien Sideways. Paul Giamatti rulez.

Rémi : On parle bien de cet acteur qui a "éclaté" dans La Planète des singes version Tim Burton ?

Félix : Moi je le trouve cool. Dans ce film il me fait penser à mon frère puiné. Mon middle brother. Il a les yeux globuleux pareil, il s'habille avec des gros pulls en guenilles rentrés dans son jean. Il a une "barbe de trois jours" qui en réalité date de sa puberté. C'est celui de mes frères qui te fout la race au ping-pong.

Rémi : Ah tu veux parler de ce jour où il m'a battu trois fois d'affilé dont une où je jouais à ses côtés ? Celui qui propage des racontars dans mon dos ?

Félix : Il a ça dans le sang cet enculé. Rappelle-toi que la première fois qu'il t'a vu, il était convaincu que t'étais un dealer et que tu faisais pousser de la beuh sur notre balcon.

Rémi : Non la première fois qu'il m'a vu, il t'a glissé à l'oreille : "Si un jour vous vous battez, tu vas prendre cher".

Félix : Bon on se met le film ?

Rémi : Dégueule.



Une demi heure plus tard:

Rémi : Tu viens de casser un truc.

Félix : Je préférais quand il faisait des films sur des nains découvrant l'amitié que sur des vieillards séniles découvrant l'ouverture d'esprit via l'apprentissage du steal drum.


The Visitor de Thomas McCarthy avec Richard Jenkins (2008)