11 janvier 2011

The Door - la porte du passé

Il y a deux ans, nous avions envoyé notre dévoué reporter Poulpard dans le froid glacial de Gérardmer pour y couvrir la 16ème édition du Festival International du Film Fantastique. Résultat des courses : Poulpard s’était tapé une série de daubes sans nom, toutes chroniquées avec soin dans nos pages avec son scrupule légendaire, mais sans dire un seul mot sur le très chouette Morse du suédois Tomas Alfredson, récompensé lors de cette édition et qu’il n’était même pas allé voir, guidé par son remarquable flair. Du coup, pour l’édition suivante de ce festoche en perdition, nous avons décidé de laisser Poulpard tranquille et je me suis contenté de visionner le Grand Prix 2010 bien au chaud, dans mon salon. C'était moins risqué !




Die Tür, renommé en version française « The Door - La porte du passé » (aucune sortie en salles ne semble pourtant prévue), nous raconte l’histoire d’un artiste perturbé, incarné par l’acteur à la tronche taillée à la serpe Mads Mikkelsen, qui, lors d’une escapade chez sa maîtresse de voisine, laisse chez lui sa petite fille sans surveillance, et la retrouve à son retour noyée dans la piscine. Une ellipse nous amène ensuite cinq ans plus tard, où nous retrouvons donc un Mads Mikkelsen ravagé par le remord, essayant malgré tout de se faire pardonner par son ex-femme, jouée par une charmante actrice teutonne brune aux yeux clairs, son couple déjà vacillant n'ayant donc pas survécu au drame. Après que le nouvel amant de celle-ci l’ait envoyé paître, Mads se retrouve errant dans la rue, noyant son chagrin dans l’alcool et ne sachant plus quoi faire de sa vie. C’est à cet instant qu’en s’engageant dans une sombre ruelle, il se retrouve soudainement parachuté cinq années en arrière, le jour même de la mort accidentelle de sa fille. C’est là le début du film, un bon quart d’heure doit s’être écoulé. A ce moment-là, sans toutefois trouver le temps long, je dois bien reconnaître que je n’étais pas encore « dedans » et même plutôt dubitatif.



Les choses deviennent plus intéressantes quand notre charismatique héros se retrouve confronté à son double, c'est à dire à celui qu’il était il y a cinq ans. La copie assiste alors aux faits et gestes de l’original et parvient cette fois-ci à réparer son erreur en sauvant sa fille in extremis de la noyade. Mais notre héros se remet dans le pétrin quand, après un affrontement musclé, il en vient à tuer son double trop encombrant, puis se débarrasse du corps en l’enterrant vite fait mal fait dans son jardin. Le film prend alors des allures de thriller paranoïaque, puisque le héros doit dissimuler sa réelle identité, principalement à sa petite fille, qui ne reconnaît pas son véritable père, et à sa femme, qu’il tente de reconquérir, mais aussi à son voisin un peu trop curieux et à l'attitude très étrange. C’est d’ailleurs par le biais de ce dernier personnage que nous sera révélé le fin mot de l'histoire, l'ultime secret de ce film, celui qui lui donne une tournure aussi inattendue qu’intelligente, et que je préfère donc ne pas vous dévoiler, en espérant que vous serez suffisamment curieux pour regarder Die Tür.



Die Tür est donc au bout du compte un petit film fantastique assez malin, qui fait vraiment passer un bon moment, sans manquer de faire un peu réfléchir. Il s’appuie surtout sur l’intelligence d’un scénario qui parvient à se renouveler et à surprendre, malgré une idée de départ assez ressassée (on pense notamment au film fantastique espagnol plutôt méconnu Los Cronocrimines, aka Timecrimes, lui aussi couvert de prix dans divers festivals dont celui de Gérardmer, mais qui contrairement à Die Tür avait fini par me saouler sévèrement). L’interprétation de Mads Mikkelsen participe aussi à donner à ce film un certain cachet, l'acteur représente ici une valeur ajoutée non négligeable. Et Die Tür donne finalement l’impression d’être l’adaptation réussie d’une chouette nouvelle de Richard Matheson (auteur entre autres des deux classiques Je suis une Légende et L’Homme qui rétrécit mais aussi scénariste du non moins fameux Duel de Steven Spielberg) ou d’être un excellent épisode de la série La Quatrième Dimension dont l’écrivain américain était d’ailleurs le principal scénariste.


The Door - la porte du passé d'Anno Saul avec Mads Mikkelsen, Jessica Schwarz et Heike Makatsch (2010)