31 octobre 2017

Dementia 13

Tourné en Irlande et en 1963 par Francis Ford Coppola, avec les restes du budget et du casting d'une production Corman (The Young Racers, sur lequel Coppola était assistant), Dementia 13 est un film d'horreur sans grande prétention mais plutôt sympathique, qui commence sur une barque, en pleine nuit, où se dispute un couple qui se déteste. L'homme, Richard, signifie à sa femme, Louise, qu'elle est vénale et n'aura rien de sa fortune quand il mourra. Manque de bol pour lui, il casse sa pipe une minute après : arrêt cardiaque. Faute de pouvoir le sauver, son épouse le balance par-dessus bord et fait croire à son départ en voyage d'affaires pour se rendre dans sa belle-famille et obtenir une modification du testament de feu son mari. Manque de bol pour elle, Louise débarque chez la belle-mère et les beaux-frères au beau milieu d'un week-end dédié à la commémoration du décès de la petite sœur, morte enfant, noyée dans le lac près du château familial.




Le film fait penser, par différents aspects, à quelques fleurons du genre, du Couteau dans l'eau de Polanski aux Innocents de Jack Clayton en passant par le génial Bunny Lake a disparu d'Otto Preminger, mais il est surtout intéressant dans ce qu'il contient, en germes, du drame très hugolien au cœur de Twixt : la mort par noyade de la fille innocente, puis la culpabilité et le traumatisme de ses parents. Ce quasi premier véritable film signé Coppola est donc peut-être plus pertinent qu'il n'y paraît dans la carrière de son auteur. Au-delà de ce lien thématique fort, on peut constater quelques constantes entre ces deux œuvres séparées par presque 50 ans, notamment le fait qu'au même titre que Twixt, l'inaugural Dementia 13 est porté par des figures féminines particulièrement intéressantes là où les hommes sont plus grossiers et grotesques qu'autre chose. 




La mère éplorée, visage fermé, traumatisée par la disparition prématurée de sa petite fille. Louise et ses airs malicieux, incarnée par une Luana Anders aux yeux mutins, au nez retroussé et au menton décidé, qui porte le film jusqu'à son mitan (pauvre d'elle...), avant que le flambeau ne soit repris, étrangement, par Mary Mitchell, qui prête ses traits à la jeune compagne d'un des frères, personnage a priori plus en retrait et plus faible mais qui l'emporte tout de même quand elle est la dernière femme encore sur pieds du récit, outre bien sûr l'enfant, la petite fille du lac, qui brille par son absence et dont les apparitions sont horriblement belles, jusqu'à ce que l'horrible tout court ne la regagne dans un grand coup de hache final d'une violence accablante.


Dementia 13 de Francis Ford Coppola avec Luana Anders, William Campbell, Bart Patton et Mary Mitchell (1963)

28 octobre 2017

Phenomena

Rétrospectivement, on peut dire que la carrière de Jennifer Connelly a pas mal déraillé. Elle avait pourtant bien débuté. Sans parler de son apparition (dans tous les sens du terme) déjà mémorable dans l’ultime film de Sergio Leone, Il était une fois en Amérique, l’actrice américaine crevait l’écran dans le premier rôle du Phenomena de Dario Argento. Avec son visage de jeune fille modèle et ses improbables sourcils de sibylle envoûteuse, la juvénile Jennifer incarne alors la fille d’un grand acteur américain expatriée en Suisse, près de Zurich, dans un internat de demoiselles. Mais son personnage, également prénommé Jennifer, est aussi gravement somnambule, et pourrait en outre s’appeler sa majesté des mouches.





Non pas qu’elle soit l’incarnation du diable, mais l’héroïne jouit d’une connexion privilégiée aux insectes, qu’elle comprend et ressent à l’égal de la Nausicaä de Miyazaki, née sur papier en 1984, un an avant l'héroïne d'Argento. Or ce don s’avère particulièrement propice lorsque, non loin de l'internat, un tueur en série extermine des jeunes filles et semble prendre un malin plaisir à laisser pourrir les cadavres pour les côtoyer, favorisant l’apparition de mouches macabres. C’est ainsi que Jennifer s’associe au professeur McGregor (Donald Pleasance), entomologiste, collaborateur de la police criminelle, paraplégique et ami d’une femelle chimpanzé adorable.





Au-delà du scénario, plutôt original mais, paradoxalement, parfois limité (la fin du film notamment laisse un brin songeur, avec l’arrivée de l’enquêteur interprété par Patrick Bauchau puis la résolution ubuesque près du lac), Phenomena est la plupart du temps d’une grande beauté visuelle (et sonore, à condition d’apprécier les morceaux d’Iron Maiden et Motörhead qui déboulent sans prévenir et sans raison particulière en plein milieu d’une lente déambulation sans heurt de Jennifer dans la cabane du présumé assassin). De facture assez classique, pour ne pas dire sobre (à l'image de Ténèbres, le giallo tourné par Argento deux ans plus tôt), le film se compose de plans magnifiques, dépouillés de ces patchworks de néons rouges et bleus, inspirés peut-être par Les Trois visages de la peur de Mario Bava, esthétique baroque qui, poussée à son paroxysme, résume un peu vite la patte Argento, même si elle a de fait contribué à la majesté de quelques unes de ses grandes séquences horrifiques, par exemple dans le superbe Inferno.





Argento compose ici des tableaux harmonieux, pourquoi pas gracieux et lumineux — comme ces plans où Jennifer Connelly arpente la verdoyante campagne suisse en quête du tueur — en tout cas à la frontière entre merveilleux et fantastique, à l'image de ce sublime gros plan sur les yeux à demi-endormis de l'héroïne, ou bien la séquence où elle suit une luciole qui la conduit jusqu’au gant abandonné par sa camarade de chambrée victime du meurtrier, ou encore celle où, persécutée par les pensionnaires de l’internat, elle convoque malgré elle une nuée opaque et bourdonnante d’insectes volants venus la protéger et cernant le bâtiment (Jennifer n’ira pas jusqu’aux représailles de Carrie). L'oscillation entre conte merveilleux et conte d'épouvante s'étire ainsi jusqu'au surgissement tardif de l'horreur pure, et quitte à y aller fort, quand la jeune fille toute de blanc vêtue sombre dans une piscine de cadavres en putréfaction. Comme souvent avec Argento, c’est le contraste qui compte, le chavirement de la pureté présumée, sa plongée dans les entrailles du sordide, dans un film qui vaut finalement moins pour ce qu’il raconte que pour les saisissantes scènes de contes horrifiques qu'il donne à voir et à entendre.


Phenomena de Dario Argento avec Jennifer Connelly, Donald Pleasance et Patrick Bauchau (1985)

24 octobre 2017

Les Trois visages de la peur

Ceux qui ont vendu ce film ont cru bon d'essayer de bananer l'amateur de littérature en le présentant comme l'adaptation par Mario Bava de trois immenses écrivains : Maupassant, Toltstoï et Tchekhov. En vérité, le fragment soi-disant tiré de Maupassant est dû à un certain F.G. Snyder, le deuxième est inspiré d'un texte d'Aleksei Tolstoï, et non de Léon, et le dernier vient du dénommé Ivan Chekhov, à ne pas confondre avec le célèbre écrivain russe Albert Tchekhov, auteur de La Cerisaie, le livre culte sur la cerise, jamais égalé. C'est d'autant plus idiot que le film n'a pas vraiment besoin qu'on lui invente un haut patronage pour plaire à ses ouailles. Loin s'en faut. A condition d'aimer les films d'horreur à sketches (façon Creepshow), a fortiori quand ils sont inspirés, quand les fragments se valent en qualité, et quand l'intro et la conclusion sont prises en charge par Boris Karloff en personne, qui intervient par ailleurs dans le second volet.





Le deuxième épisode, justement, est peut-être celui que j'aime le moins. Il bénéficie pourtant d'un beau titre, "Les Wurdalaks", autre nom des vampires, soit la menace qui pèse sur une petite famille campagnarde au fin fond de la Russie. L'atmosphère qui se dégage des décors, poussée par le visage vampirique inimitable de Karloff et par le rythme lent (il ne s'agit que de savoir qui, parmi les membres de la famille, est déjà ou n'est pas encore un Wurdalak) est plaisante, mais le segment patine un peu et finit par s'essouffler sans vraiment faire frissonner.





Je lui préfère la première partie, "Le téléphone", tourné plus de quinze ans avant Terreur sur la ligne, un pré-Scream où Drew Barrymore est remplacée par Michelle Mercier, Angélique Marquise des anges, qui rentre d'une soirée, se change et reçoit un coup de téléphone étrange : personne au bout du fil. Mais le téléphone n'arrête plus de sonner, jusqu'à ce qu'une voix inquiétante lui décrive ses moindres faits et gestes en temps réel et l'informe qu'elle veut la tuer. Le segment se concentre sur ce harcèlement en huis-clos, très finement mis en scène (notre regard est guidé vers chaque coin de la pièce, chaque volet clos, chaque ombre), pour tendre in fine vers le giallo, quand l'amie de la victime, cruelle à souhait, la rejoint chez elle pour la soi-disant soutenir et que le piège se retourne contre celui qui l'avait tendu.





Le dernier fragment, "La goutte d'eau", vaut le coup d'oeil lui aussi, et s'avère meilleur même, dans une veine plus polanskienne (on pense parfois au Locataire), qui suit une infirmière (excellente Jacqueline Pierreux) convoquée au chevet d'une bourgeoise fraîchement morte d'une crise cardiaque lors d'une séance de spiritisme, pour lui refaire une beauté en vue des futures obsèques. Il faut dire que la morte affiche une mine pas franchement rassurante sur son lit de mort. Le genre de mine qui ne donne pas tant que ça envie de dérober la grosse bague vissée à son doigt. C'est pourtant la sale idée qu'a l'infirmière, et mal lui en prendra. De retour chez elle, l'appartement est comme hanté, et Mario Bava s'en donne à cœur joie sur les effets sonores crispants (le titre  de l'épisode l'annonçait, et l'on pense donc aussi à Répulsion) pour nous captiver jusqu'au dénouement en forme de chute grinçante, très efficace, et plutôt ironique. L'épilogue ne l'est pas moins, avec Boris Karloff, cabotin, venant nous dire au revoir, et la caméra de Bava qui, dans un travelling arrière, révèle toute la grossière supercherie du 7ème art, donnant à son acteur de vagues airs d'Anton Walbrook, le meneur de jeu manipulant La Ronde des personnages d'Ophuls, sans se faire prier pour révéler avec malice l'envers du décor.


Les Trois visages de la peur de Mario Bava avec Michelle Mercier, Boris Karloff et Jacqueline Pierreux (1963)

21 octobre 2017

Zero Dark Thirty

A l'occasion de la sortie exceptionnelle de Detroit, nous avons l'honneur d'accueillir Eric Hilbert, professeur de cinéma émérite à l'Université Blois 4 et éminent spécialiste du cinéma d'action américain des années 2010. Il est l'auteur de la remarquable thèse Le cinéma américain d'action des années 2010 : étude sur le cinéma d'action américain des années 2010 parue fin décembre 2010 et dont nous vous recommandons chaudement la lecture. Il revient pour nous sur Zero Dark Thirty, précédent métrage de Kathryn Bigelow : l'un des titres les plus importants du cinéma US du XXIème siècle, une oeuvre que l'on ne pouvait pas se permettre d'ignorer plus longtemps sur notre blog consacré au meilleur du 7ème Art. Dr Eric Hilbert est accompagné pour cet article par son étudiant, Pierre-Hugo Mouskevitch, actuellement en stand-by, et dont la thèse consacrée au cinéma d'action américain des années 2020 devraient être défendue dans les prochains mois/années. Voici leur contribution :





Alors que le susnommé Zero Dark Thirsty va bientôt souffler sa sixième bougie, soit l'âge de raison et le temps de recul nécessaire pour juger convenablement d'une oeuvre d'art, nous pouvons désormais établir un bilan honnête et nous mettre d'accord sur les apports concrets de ce film fleuve. Il faut tout d'abord replacer le contexte historique dans lequel le film est sorti. En 2013, le cinématographe n'en est qu'à ses balbutiements, l'art ayant tout juste fêté ses 117 ans. Si des œuvres messianiques (Strange Days) ont pu annoncer le virage à 380° pris par Mme. la réalisatrice Katherine Gerthrud Bigelow (Hilbert et al., Jour. Ciné. Contemp. 11, 2010), le renouveau impulsé par ce film fait date, en l’occurrence 2013, et a lancé une nouvelle vague, suivie d'embruns capricieux, l'exemple le plus marquant étant la trilogie Batman de Mr. Christopher Nolan [1,2,3]. Évacuons dans un premier temps un des aspects les plus triviaux de ce corpus, surtout pour le spectateur averti de 2017 : Mme Katherine Bigelow a eu le mérite de relancer pour de bon la carrière de Jessica Chastain, la plus belle actrice de sa génération (Hilbert, Pla. Boy. Cine. Mag 11, 2010). Zero Dark Thirsty s'impose pour les spécialistes (Hatterford, Munchkin, Hopper) comme le premier long-métrage sur pellicule à oser mettre en vedette une actrice rousse, adressant ainsi un joli pied-de-nez aux trop nombreux détracteurs de cette population si souvent marginalisée et pourtant affable (sur laquelle la réalisatrice consacre son film Point Break). Le photogramme numéro 1 montre que Mme. Bigelow, K., traînant son courage en bandoulière, cherche à se rapprocher de la démarche choisie par le regretté et grand (près de 2m au garot) George A. Romero dans son classique La Nuit des Morts Vivants où un homme noir affrontait vaillamment des hordes de zombies avant d'être sommairement tué par la police.




S'il fut un véritable coup de tonnerre, dont les déflagrations se font encore aujourd'hui ressentir dans tous les studios hollywoodiens (New York Time du 10 octobre 2010), Zero Dark Thirsty apparaît comme le film définitif sur l'armée américaine et ses pratiques "borderline" (en français dans le texte). Le film est une mine de renseignements pour ceux qui souhaitent comprendre la mécanique intrinsèque et extrinsèque des agences de renseignements américaines (De la mécanique intrinsèque et extrinsèque des agences de renseignements américaines dans Zero Dark Thirsty, Hatterford et al., Mad. Mov. 11, 2010) . Armée d'une équipe de spécialistes expérimentés et d'anciens employés du CIA à la retraite, Miss. Bigelow ne laisse aucun détail au placard et nous montre même l'indicible (photogramme 2). La technique d’interrogatoire renforcée (enhanced interrogation technique) nous est dépeinte sans détour (photogrammes 3 à 5 - censurés par blogspot ndlr). A contre-courant des intentions décrites dans les pamphlets de certains collègues (De l'abjection de la bigleuse, Kettlemans, Cah. du. Cin. 11, 2010), Miss Katherine ne s'affiche pas comme une pro-torture mais préfère adopter une position plus nuancée. Certes, les simulacres de noyade (waterboarding en anglais) ont permis de débloquer bien des situations et Katherine avoue même pratiquer cette technique dans son foyer, mais elle s'affaire également à nous montrer les dangers de cet acte pour la personne qui le pratique (éclaboussures d'eau, brûlures...) (lire à cet effet son interview dans le Washington Post du 10 octobre 2010).




Au-delà de ces considérations idéologiques qui ont fait les choux gras de la presse de l'époque et France Football, Zero Dark Thirsty se présente comme un modèle de technicité. La maïeutique de Miss K.G.B. fonctionne à plein régime dans tous les aspects diégétiques et extradiégétiques de son oeuvre crépusculaire, pour faire simple. La majeure partie de l'action se déroule en effet à la tombée du jour (photogramme 6) et nous perdons la notion du temps devant ce métrage long, sombre, moite et violent. Les ellipses répétées que Kate, passée maîtresse dans l'art de raconter, glisse ça et là dans son récit participent à nous mener en bateau, à nous faire perdre toute notion du bien et du mal. Elle nous propose un témoignage aride, sec, dénué de tout élément superflu. Kathy parle le vernaculaire du grand cinéma des années 10, et un visionnage de la bande photo-imprimée sans le son permet d'en cerner toute la grandeur visuelle (extraits disponibles sur youtube).




Dans le même temps, Katoche nous livre un petit précis sur la vie de l'armée américain hors sol. S'inspirant des plus grands documentaires de la période naturaliste du cinéma scandinave de l'âge d'or, la stankhanoviste de la grande toile blanche n'oublie aucun élément du quotidien des soldats envoyés combattre loin de chez eux. Quelques arrêts sur image nous révéleront même jusqu'à leurs habitudes alimentaires ! On découvre alors que les militaires sont soumis au même régime que les sportifs de haut niveau : viande blanche et féculents à tous les repas, sous la forme de pâtes pour chien semi-complètes (Diets in Bigelow's Movies, Cine. Indep. Jour. 11, 2010). Alors que son titre fait référence à une opération d'arrestation classique, auxquelles les 45 dernières minutes sont pleinement consacrées en quasi temps réel, le 8ème long métrage de Catsou (officieusement, le 9ème) en profite pour tirer à boulets rouge sur le tout venant. La maman de Zero Dark Thirteen continue son sans faute : 8 films, 8 faits historiques dûment traités, même 0DT est plutôt inscrit dans la protohistoire, dans l'anodin, dans le vaille que vaille (Hilbert, ibid). Si ça n'est pas aux vieux singes que nous apprendrons un jour à faire la grimace, ça n'est pas non plus à Kamille que l'on apprendra que le récit d'une simple anecdote s'avère plus révélateur que bien des fresques historiques...




Techniquement surdouée, la maître des perspectives et des longues focales propose un véritable abécédaire des plus audacieuses techniques cinématographiques du moment, systématiquement mises au service de sa narration (Hilbert, ibid). Se tenant toujours à distance des personnages ambigus qu'elle filme avec tendresse et sans toutefois condamner leurs exactions, l'enchaînement des champs contre-champs à un rythme vertigineux plonge l'auditoire et le spectatoire au cœur de l'action, dans les ténèbres. Les scènes de tortures sont parmi les plus insoutenables vues à l'écran depuis Belle Lurette (1995) et invitent tous les réalisateurs de torture porn et de pacotille, à commencer par Monsieur Eli Roth, à aller se rhabiller en vitesse (il s'agira ici de ma seule remarque abdominem, mais il m'a saoulé avec ses films).




Notons, pour finir, que l'on retrouve aussi dans Zero Dark Thirsty les touches d'humour discrètes chères à l'auteure de Point Break et d'Aux Frontières de l'aube (deux autres classiques instantanés, dont j'invite le lecteur consciencieux à faire l’expérience). Nourrie aux slapsticks dès sa plus tendre enfance et connaissant les classiques de l'humour noir sur le bout des doigts, la Beagle ponctue son oeuvre de clins d’œil délicieux adressés à Franquin et Gotlib (Spirou, 2010). Des répliques cinglantes de soldats à cran et des gags grotesques dignes des plus belles heures du duo Laurel et Hardy jalonnent son récit, comme pour mieux nous faire respirer entre deux séquences chocs. Le moment préféré de l'auteur de ces lignes est surement celui où l'agent tout terrain Pointerclass Dan (Jason Clarke) demande un clope à son acolyte, le lieutenant sous-colonel Hassan Ghoul (Homayoun Ershadi), et que ce dernier lui tend une cigarette au chocolat pour l'inviter à stopper sa consommation de nicotine... Beau et indispensable moment de tendresse dans un film qui s'apparente davantage à un océan de rancœur qui explore les plus bas tréfonds de l'âme humaine. La chute terrible dans les escaliers du pauvre Abu Ahmed, volontairement poussé par un soldat zélé, est aussi un grand moment d'humour, un calembour visuel qui ravira petits et grands, faisant directement référence à Tex Avery (Hartmann C., "L'humour comme ultime sacrement : Katherine Bigelow", Résidences Universitaires Polytechniques, 2010)




Lors d'une masterclass mémorable donnée à Blois face à un spectatoire médusé, Katsouni avait insisté sur l'importance historique des films d'histoire. Son oeuvre personnelle inscrit la cinéaste dans la droite lignée des plus grands noms du genre. KB9 appartient maintenant à la famille des Eisenstein, Dreyer, Riefenstahl et, plus récemment, Stone, dont elle perpétue respectueusement la tradition. Son objectif est de témoigner modestement sur son époque tout en égratignant ses semblables et en dénonçant les inégalités sous-jacentes de la société occidentale. Pour faire une comparaison à la culture populaire et rendre mon discours plus accessible, je dirais que si ma Kathie n'est pas la Neymar du cinéma américain, elle en est assurément la Amandine Henry : pas la plus médiatique, pas la plus douée, mais plusieurs poumons et une ténacité sans pareil. Son Zero Dark Thirsty est un séisme qui a provoqué un raz de marée dans les salles outre-atlantiques, toujours fermées pour cause de dégâts des eaux (The Trafalgar Square, 10 octobre 2010).


Zero Dark Thirty de Kathryn Bigelow avec Jessica Chastain, Jason Clarke et Joel Edgerton (2013)

17 octobre 2017

Detroit

Depuis plus de 10 ans maintenant, Kathy Bigelow filme avec une acuité sans pareille et sans commune mesure tous les plus grands événements qui ont façonné notre société actuelle. Avec son dernier bébé, laconiquement prénommé Detroit, la réalisatrice-scénariste et productrice s'impose, de façon autoritaire et autonome, comme la plus fine observatrice de la géopolitique de son propre pays. Elle fait partie, avec NWR et Damian Chapelle, des cinéaste-clés pour comprendre le monde d'aujourd'hui et donc celui de demain.

Cinq longues années après la sortie surprenante de son chef d'oeuvre Zero Dark Thirsty qui revenait sur une arrestation significative et terriblement d'actualité, cela serait un beau pléonasme d'affirmer, bras dessus bras dessous, que le nouveau long métrage de la cinéaste originaire de San Carlos (Californie) était attendu au tournant. A l'heure des fake news et de l'infostanée, la réalisatrice a mis pas moins de cinq printemps à modeler un projet qu'elle mûrissait en secret depuis longue date. Précisons aussi que le développement hell n'a pas été facilité par l'administration Trump : on peut déjà parier que le énième Président des Etats-Unis ne manquera pas d'adresser un tweet assassin (et sexiste) à l'auteure lors de l'avant-première du film au Texas. On s'en réjouit d'avance... Mais nous nous concentrerons ici plutôt sur le volet cinéma de l'oeuvre, notre objet d'étude sur ce site spécialisé. 




Quand Zero Dark Thirsty levait le voile sur les méthodes de la marine américaine pour mener à bien une arrestation de nuit sur un terrain étranger (caméra infrarouge, casque renforcé, chaussures de marche, binoculaires haute précision, talkie-walkie longue portée, abnégation, reconnaissance du terrain vague, travail d'équipe), Détroit choisit de nous narrer des affrontements de rue lambda dans la jungle d'une mégapole urbaine et s'intéresse aux tentatives de coercitions engagées par les forces de l'ordre. Mais K-19 Bigelow, alias "the Special K", que nous avons eu la chance d'interviewer durant les premiers jours du tournage (en 2012, aux heures dorées de ce blog, loin, bien loin de nos aléas financiers actuels), nous a affirmé - en français dans le texte - n'être au courant de rien : si son film partage des similitudes avec des événements réels s'étant produits dans le Midwest des Etats-Unis, ça n'était pas dans ses intentions initiales. C'est sur le tournage que le film a véritablement pris forme et s'est peu à peu transformé en une chronique poignante et sans concession d'une bien triste page de l'histoire nord-américaine. Un drame social complexe, dont on découvre, stupéfait, tous les tenants et aboutissants. La cinéaste et scénariste, qui vit le jour en autarcie, loin de la capitale du Michigan et bien longtemps après les faits, s'est progressivement rendu compte qu'elle était la mieux placée pour nous livrer un récit objectif et sans bavure - si on peut se permettre - de ces événements terribles qui marquèrent le monde entier. Après vision sur grand écran du résultat, nous ne trouvons qu'une seule chose à dire : yes she can's... 




En 1967, toutes les caméras internationales étaient braquées sur la ville reine de l'industrie automobile et c'est avec une délicatesse quasi féline que Kathryn Bigelow s'est immiscée par un trou de souris, l'air de rien et presque par hasard, au cœur du conflit, pour mieux nous le dépeindre à chaud, près de 50 ans après les faits. Big Bigelow interroge a posteriori le passé pour mieux réinventer le futur. Il faut en effet avoir vécu dans une bulle pour ne pas savoir que les émeutes de Détroit sont plus que jamais d'actualité et résonnent tristement dans notre quotidien, à l'heure où les exactions policières font hélas la une de tous les journaux. Le film de Bigelow apparaît comme un véritable coup de balai dans la fourmilière... Elle semble s'étonner à chaque instant de son propre talent, et nous avec elle. Elle s'impose pourtant comme le plus grand homme politique du moment. Oui, vous avez bien lu : "homme", mais avec un grand F... Son film est à la fois le travail passionné d'un reporter aux aguets et l'oeuvre survoltée d'une d'artiste surdouée. Henri Cartier-Bresson meets Pabulo Picasso dans les ruelles étroites et bouillonnantes de la ville tentaculaire de la côte Ouest. Nous n'en sommes pas ressortis indemnes... 




Tel le détroit de Gilbraltar, Détroit de Bigelow décide de nous montrer la partie immergée (ou émergée, selon de quel côté de l'Atlantique on se trouve) de cet iceberg à la dérive qu'est la société américaine. Face à un spectacle si désolant, nous sommes tout simplement sur notre séant et ce pendant 2h30 (280 minutes). À la fin de la séance, on se demande si ça n'est pas la première fois que l'on est aussi longtemps resté assis. Il est utile de préciser que notre salle de projection privée dispose d'un distributeur automatique de M&M's et d'un micro-ondes, il n'est donc pas rare que nous nous levions en cours de séance pour satisfaire des besoins bien naturels. Si le très long métrage de la réalisatrice de Démineurs nous donne de nouveau envie de se révolter face aux injustices, il n'oublie pas toutefois de nous faire rire (je repense ici à cette scène déjà culte où le lieutenant en charge des opérations demande les clés du véhicule à son collègue alors qu'il les a dans la poche de son propre pantalon). Bigelow filme avec une caméra, sans se soucier de ce qu'il y a derrière elle, en ne s'intéressant qu'à ce qu'il y a devant.




Le charme de K8, unanimement reconnue comme une très belle femme dans les corridors d'Hollywood, et bien qu'elle soit toujours située derrière l'objectif, suinte littéralement à l'écran. Des anachronismes étonnants (on relève la présence de smartphones, de smartbox, de smarties, de smarts) parasitent le film, comme pour mieux nous rappeler que ces émeutes pourraient encore survenir à tout moment. A la manière de Sofia Coppola dans Marie-Antoinette, Détroit nous met ainsi face à nos contradictions, dans une position loin d'être tout à fait confortable. Il nous montre une époque que l'on croyait révolue pour mieux nous en faire douter. Il nous rappelle de rester vigilant afin que des accidents d'un tel genre ne puissent pas se reproduire. Un double effet kiss cool que John Woo n'aurait pas renié... Bigelow, qui a autorisé ses acteurs à l'appeler Totoro-san pendant le tournage, a encore choisi un casting d'exception fait d'inconnus et de grands brûlés. On applaudit la démarche. Le résultat est une véritable réussite quand on sait que certains acteurs étaient souffrants pendant le tournage (on remercie le tweetos @HerbeDeBison pour cet éclairage sur notre fil twitter), certains n'ayant pas survécu aux directives de leur patronne. 




Si le chômage a augmenté de 1% en juillet, l'activité de Bigorneau n'a, quant à elle, guère cessé, bien au contraire. La promotion du film bat son plein et l'auteure en est la chef d'orchestre en sous-sol. Malgré ce que le titre équivoque laisse à penser, et d'après une stratégie bien rodée par les Star Wars, c'est bien le premier film d'une trilogie antéchronologique que nous propose Katherine Bigelow. Une saga qui, à coup sûr, marquera nos rétines à tout jamais et nous attendons les quatre prochains volets de pied ferme. L'ancienne concubine de James Cameron est aujourd'hui sur tous les fronts, poing levé, afin de faire passer son message, celui-là même que son film véhicule avec force et fracas, sans oublier de nous divertir. N'y allons pas par quatre chemins : Détroit est un film qui vous laissera KO, chancelant, à l'agonie sur votre fauteuil, après avoir reçu un coup fatal en plein cœur, sur la tempe. La gueule écumante de bave, l'estomac plein jusqu'aux pieds, l’œil au beurre noir, on en redemande. Katherine Bigelow a su réaliser un film coup de pied - caméra au poing - dans la ruche fourmillante de la cité du Midwest. C'est du cinéma qui nous prend aux tripes sans manquer de nous amuser et de mettre nos neurones en ébullition. En d'autres termes : du très très grand cinéma. Bigelow, dont le dernier mail nous informe qu'elle n'a pas obtenu le final cut, se dit tout de même "assez satisfaite" ("quite disatisfied") du travail accompli. "Rendez vous à la Mostra de Berlin" nous dit-elle en guise d'adieu. La Palme l'y attend bien au chaud... Ce détroit s'impose comme un nouveau sommet (sic !) de cinéma en plein air.


Detroit de Kathryn Bigelow avec John Boyega, Jack Reynor, Will Poulter et John Krasinski (2017)

13 octobre 2017

Le Fantôme de Cat Dancing

Film peu connu de Richard C. Sarafian, The Man who Loved Cat Dancing est un western mais avant tout, comme son titre original le dit bien, un "film d'amour". La scène d'introduction nous plonge pourtant en plein dans le genre attendu, avec tous ses codes. Nous assistons au braquage d'un train de la malle-poste par une bande de malfrats, mais cette attaque a un témoin inattendu : Catherine Croker (Sarah Miles), une femme toute en toilette arpentant le désert seule, à cheval et sous un parapluie. Tombée au mauvais endroit au mauvais moment, la dame est aussitôt enlevée par les braqueurs, mais pourra compter sur Jay Grobart (Burt Reynolds), le chef de la troupe, pour la protéger de ses gros porcs d'acolytes qui la convoitent, et puis, par la même occasion, pour l'aider à échapper à un mariage calamiteux avec Willard Crocker (George Hamilton), un abruti machiste qui aura tôt fait de rejoindre le shérif et ses hommes à la poursuite de la joyeuse bande de fugitifs, moins pour retrouver sa femme, qu'il prévoit de battre sitôt qu'il l'aura reconquise, que pour faire tâter de son beau fusil rutilant aux ravisseurs.





Mais la scène d'introduction est peut-être la seule à s'inscrire à toute force dans les codes génériques du western. Le reste du film, auquel on peut reprocher une certaine longueur (je ne lui reproche rien), se concentre sur l'évolution des rapports entre les personnages, et notamment le rapprochement entre Jay et Catherine, personnages que Sarafian parvient à nous rendre très proches, qui se dessinent peu à peu sous nos yeux et tissent des liens émouvants. C'est d'ailleurs l'autre force de Sarafian avec ce film : tourner des scènes que l'on n'est pas prêt d'oublier.





Nous pensons par exemple à cette séquence où deux membres du gang, Dawes (Jack Warden, qui retrouve au casting Lee J. Cobb seize ans après 12 hommes en colère, ce dernier interprétant ici non pas le salaud de l'affaire, une fois n'est pas coutume, mais le shérif Lapchance, assez désabusé) et le jeune Billy (Bo Hopkins) se querellent, et où le premier finit par marteler le dos de son camarade de coups de poings, provoquant une longue agonie. Ou encore ce moment, à part dans le film, et génialement mis en scène, où les gars de la bande, réfugiés dans une cabane au sein d'un ancien campement de mineurs déserté, près d'un cours d'eau sombre et sous la lumière pâle de la lune, sont attaqués par des indiens, le tout s'achevant très vite dans un bain de sang silencieux.





La fin du film peut paraître un rien angélique, avec la visite du camp indien où Jay renoue avec son passé (Christine s'est peu à peu, et tout au long de leur périple, mutée en fantôme de son ancienne épouse indienne, à force de tresses et de visage foncé par un maquillage de terre), puis la résolution, à flanc de montagne enneigée, mais elle a le mérite de détonner et de finalement surprendre vis-à-vis des westerns crépusculaires (et autres films, de traque ou non), du Nouvel Hollywood. Cette histoire d'amour heureuse, mise en musique par John Williams, dépasse le genre et les attendus de son époque, et l'on se rappellera avec le sourire les répliques sèches et maladroites du taiseux Burt Reynolds, et le visage tartiné de boue d'une Sarah Miles s'aspergeant torse nu au bord de la rivière, définitivement débarrassée de son parapluie, de ses tenues guindées et de son corset marital, regagnant sa liberté de femme le fusil à la main.


Le Fantôme de Cat Dancing de Richard C. Sarafian avec Burt Reynolds, Sarah Miles, Jack Warden, Lee J. Cobb, George Hamilton et Bo Hopkins (1973)

7 octobre 2017

Enemy

Alors que Blade Runner 2049 vient de sortir en fanfare sur nos écrans, accueilli sous les vivats unanimes du public et des critiques, il est intéressant de se replonger dans la carrière de son auteur, le canadien Denis Villeneuve et, plus précisément, de se pencher sur son film le plus singulier, j'ai nommé Enemy, avec Jake Gyllenhaal et Jake Gyllenhaal. Cette sorte de thriller psychologique a en effet l'originalité de nous proposer deux Jake Gyllenhaal pour le prix d'un : celui-ci interprète son propre rôle, celui d'Adam Bell, un physicien et prof de fac de pacotille, ainsi que son parfait sosie, dont on sait bien peu de chose. Enemy nous propose de passer 90 minutes en compagnie de Jake Gyllenhaal et de son double, l'un à la recherche de l'autre, le premier épiant le second, et vice versa. C'est très difficile à suivre mais l'on s'y fait, on essaye de tenir, mordicus, on se dit que tout ça n'est pas bien long, on a immédiatement mis notre lecteur en mode compte à rebours, on sait qu'1h30, c'est supposé passer en un claquement de doigts. Alors on mate ça, le courage en bandoulière, en serrant les dents tout du long et en priant pour le pardon de toutes les personnes impliquées dans la production. Pour une fois, saluons l'affiche du film, qui a le mérite de nous prévenir qu'il s'agit d'un piège à éviter.


J'ai gribouillé ce dessin pour vous montrer dans quelle position j'ai vu ce film.

C'est le film le plus court de Denis Villeneuve, qui n'avait décidément rien à nous raconter, lui qui parvient d'ordinaire à étendre sur 3 heures des scénars qui auraient pu être efficacement torchés en une demi plombe. Le cinéaste originaire de Bécancour (Québec) avait vraisemblablement envie de peaufiner sa filmographie, il lui fallait réaliser son "film malade", son "grand film incompris". Il a donc choisi de nous livrer ce petit film de merde, entre deux succès. Quelle audace. Ses plus ardents défenseurs ne l'ont hélas pas suivi. Enemy est tout simplement imbitable. Même les fans hardcore de Denis Villeneuve, apparus en nombre après l'arnaque Premier Contact, ne viennent pas nous raconter qu'il s'agit d'un film à reconsidérer de toute urgence. Même eux ! Les plus farouches groupies de Jake Gyllenhaal n'ont pas tenu un quart d'heure devant cette horreur où leur idole apparaît en deux exemplaires, orné d'une belle barbe et vêtu d'un blouson de cuir du meilleur effet. Pour ne rien gâcher à ce cauchemar total, sachez qu'on croise là-dedans le fantôme de Mélanie Laurent, baragouinant des dialogues abscons dans un anglais terrible.


Une fois le film terminé, voici comment mon acolyte Rémi m'a récupéré.

Ce film est sorti le 13ème jour de la 13ème semaine du 13ème mois de l'année, en 2013, année maudite. Déambulations sans queue ni tête dans les méandres du cerveau torturé d'un acteur à la dérive, Enemy se veut intello, psychologique, philosophique, cérébral, méta-discursif. Il n'est au final qu'une soirée brisée en mille morceaux. Enemy porte bien son titre et m'a littéralement mis en PLS (cf. les deux schémas qui illustrent mon article). J'ai voulu sauver ma peau. La dernière scène du film, qui nous montre une espèce d'araignée géante marchant sur la ville, finit de nous achever. Cette image que Villeneuve doit espérer très marquante et qu'il laisse là en guise de "food for thoughts" ridicule, comme si nous allions nous arracher les cheveux à comprendre son sens, achève simplement de nous exaspérer. Quand, en 2049, nous vivrons dans un monde encore plus dégénéré qu'aujourd'hui, les Cinémathèques encore existantes oublieront volontairement de programmer Enemy lors des rétrospectives consacrées à l'oeuvre de Denis Villeneuve. On les en remerciera. Un monde où les films de Denis Villeneuve font systématiquement le buzz est à mon avis un bien triste monde.


Enemy de Denis Villeneuve avec Jake Gyllenhaal et Mélanie Laurent (2013)

4 octobre 2017

Monsieur & Madame Adelman

Avant toute chose, l'affiche est une souffrance. D'abord on dit "Madame & Monsieur" plutôt que "Monsieur & Madame" quand on n'est pas un gros porc dégueulasse. Ensuite, il y a cette image toute retouchée, où Bedos semble faire du cheval sur le dos de sa femme qui exhibe un sourire abominable et dont les cheveux découpés sur Photoshop sont une pure et simple horreur. Et puis on lit les mots des revues publicitaires, et notamment ce mot, "Sexy", accolé aux horribles personnes apparentes. Mais après l'affiche, normalement, vient le film. Or, ce film de Nicolas Bedos, je ne le regarderai pas. Je pense qu'il pourrait me faire vriller, me faire passer de l'autre côté, me faire tout lâcher, vivre seul, dans les égouts, en sortir une fois tous les six mois pour tabasser des gens gratuitement et me faire tabasser par eux, aller au poste, me faire enculer, sortir et recommencer, en attendant de tomber sur un passant moins rigolo armé d'un calibre et prêt à bien vouloir me flinguer. Donc je ne le regarderai pas.


Monsieur esperluette Madame Adelman de Nicolas Bedos avec Nicolas Bedos et Doria Tillier (2017)