28 septembre 2016

Dirty Pretty Things

J'ai annulé mes vacances aux Texas suite à la vision de Massacre à la tronçonneuse. Traumatisé ! Je n'ai plus jamais mis un pied dans l'eau après avoir vu Les Dents de la Mer. Et je sens fort des panards ! J'ai refusé une sacrée opportunité professionnelle en Antarctique à cause de The Thing. La chance d'une vie ! Je refuse de prendre des gens en auto-stop depuis Hitcher. Pas bête ! J'ai refusé un week-end tout frais payés dans un chalet à la montagne en compagnie de tonton Scefo, en repensant à Shining. Faut dire que Scefo est schizo... J'ai posé un lapin à des potes partis en roadtrip en Europe de l'Est à cause de cette saloperie de Hostel. J'en veux encore à ce zonard d'Eli Roth. Et j'ai décommandé mes billets EasyJet pour un petit séjour à Londres après avoir subi le thriller social de Stephen Frears, Dirty Pretty Things. Une vraie épreuve pour tout cinéphile. L'équivalent d'un épisode bien trash de l'émission Strip-Tease, en à peine mieux filmé, la déontologie journalistique en moins. Un éternuement à l'odeur putride et riche en microbes, reçu en pleine gueule.




Bon, la plupart des décisions évoquées ci-dessus sont aussi liées à de gros problèmes d'argent, mais quand même... J'en veux particulièrement à Stephen Frears, qui m'a pris en traître. Quelle horreur ce film ! Plus glauque, tu meurs. C'était l'un des premiers rôles post-Amélie Poulain pour Audrey Tautou. On a pratiquement tous fini devant, espérant qu'elle retire enfin le haut pour que sa carrière prenne son envol à l'étranger. A l'époque, on avait tous un cousin ou un grand frère fana de la dame pour nous traîner devant son nouveau film odieux. Internet et ses forums de fins limiers n'étaient pas encore accessibles dans nos chaumières reculées pour nous proposer l'essentiel, il fallait donc se taper le film. Son titre, aussi menteur qu'accrocheur, nous laissait imaginer le meilleur. On ne savait pas que c'était en réalité un billet sans retour vers l'enfer !




Audrey Tautou joue une immigrante turque déterminée à rester en Angleterre pour sortir de la misère. Elle passe tout le film à essayer de refiler son rein en loucedé en échange d'un passeport. C'est déprimant ! Et puis il pleut en continu et il ne fait jamais vraiment jour là-bas. Chaque image du film pourrait faire douter de l'existence du Christ à un chrétien convaincu. Les cheveux gras et des cernes morbides sous les yeux, Audrey Tautou n'est pas à son avantage. Capuches et cols roulés lui collent à la tronche. Stephen Frears nous fait douter de sa sexualité et de la notre. Cet homme-là n'est pas seulement laid physiquement, ses films le sont aussi. Il manque un rein et deux testicules à Dirty Pretty Things.

Quelques années plus tard, le bonhomme était nommé Président du Jury du 60ème Festival de Cannes. Je cherche encore à comprendre.


Dirty Pretty Things de Stephen Frears avec Audrey Tautou, Chiwetel Ejiofor et Sergi Lopez (2003)

14 septembre 2016

État second

Il mériterait d'être mieux connu, ce Peter Weir-là, ne serait-ce que pour la performance outstanding de Jeff Bridges. Il faut dire qu'il a le défaut d'être situé à un moment charnière de la carrière du cinéaste australien. Peter Weir l'a sorti juste après ce qu'on a appelé sa "période verte", pas sa plus inspirée, durant laquelle il a simplement réalisé Green Card, et juste avant l'incontournable Truman Show, succès planétaire avec Jim Carrey. Cette situation inconfortable a fait d’État second (aka Fearless) un film obscur, oublié, difficile d'accès. Il s'agit pourtant d'un bon Peter Weir et nous en sommes convaincus dès les premières minutes. La scène d'ouverture est peut-être la plus réussie du film. On se retrouve d'abord plongé dans le brouillard, puis nous devinons progressivement un champ de maïs, duquel nous voyons sortir Jeff Bridges, portant un bébé dans les bras, suivi de quelques personnes mal en point. Tout ça accompagné par une musique terrible, principalement des violons, semble-t-il, s'insultant les uns les autres, dans une ambiance qui scotche littéralement au fauteuil.




Puis la caméra nous révèle petit à petit que nous sommes sur les lieux d'un terrible accident d'avion, nous découvrons les décombres, les restes fumants de la carlingue, les secours en alerte, les corps calcinés, et les quelques rescapés qui assistent à cela, sous le choc, comme nous. Mais Peter Weir est si habile que nous découvrons tout cela sans jamais avoir l'impression d'abandonner Jeff Bridges une seconde. Celui-ci, avec seulement quelques éraflures et un complet gris quasiment impeccable, trimballe une classe pas croyable et a l'air de déjà flotter au milieu des événements, l'air ahuri, comme s'il n'était pas concerné par la tragédie. On suivra ensuite le lent retour à la réalité de son personnage.




Suite au crash aérien dont il ressort parfaitement indemne, Jeff Bridges perd la boule. Il devient littéralement fearless. Il se met d'abord à conduire comme Ace Ventura, la tronche par la fenêtre pour apprécier l'effet de l'air dans ses cheveux, tout en fermant les yeux. Heureusement pour lui, il roule à ce moment-là sur la fameuse route 66, droite comme la justice, aucun risque. Jeff Bridges s'arrête ensuite dans un diner pour se goinfrer de fraises, alors qu'il était allergique avant l'accident et ne pouvait pas les voir en peinture ! Plus incompréhensible encore, il abandonne sa femme, incarnée par une Isabella Rossellini encore au faîte de sa beauté, pour une chicanos rescapée du crash qui ne se remet pas d'avoir perdu son gamin (dont le petit corps brûlé vif a été retrouvé à plus de 10 kilomètres de la carlingue !).




Avouons-le, ce personnage-là, joué par Rosie Perez, est véritablement la plaie du film, son boulet. On en a très vite ras-le-bol de l'entendre gémir et chialer son gosse, très souvent hystérique, toujours inconsolable. Lors d'une scène assez osée, Jeff Brdiges la fait asseoir sur la banquette arrière de sa bagnole et fonce à toute berzingue contre un mur. Il accomplit alors le souhait le plus cher du spectateur, bien qu'en ce qui me concerne, je n'aurais pas pris le soin d'attacher sa ceinture de sécurité. Si elle se tire de ce crash test en pleine forme, elle ressort de cette expérience calmée, apaisée, on s'en contente donc largement. On n'est pas du tout étonné d'apprendre que Rosie Perez n'a rien fait de notable par la suite. On remarquera aussi que le mari de cette triste femme n'est autre que Benicio Del Toro, dans l'un de ses premiers rôles filmés (il était jusque là abonné aux apparitions coupées au montage). Aux côtés d'un Jeff Bridges qui éclipse un peu tout le monde, on peut aussi entrevoir le nez aquilin de John Turturo, dans le rôle d'un psychiatre tout à fait inutile, mais conscient de l'être, alors tout va bien.




En découvrant ce film aujourd'hui, on se dit que Shyamalan a dû tomber dessus avant de réaliser Incassable. Pas de super-héros ici, bien sûr, mais Peter Weir s'attache comme le natif de Pondichéry à décrire les conséquences de la survie à un tel accident sur la personnalité de son héros. Il nous raconte l'histoire d'un inadapté se croyant invincible, immortel et perdant progressivement pied. Au delà de ça, on retrouve un peu une même ambiance, langoureuse et embrumée. La première scène pourrait d'ailleurs tout à fait avoir été signée par un Shyamalan en pleine possession de ses moyens. On suit avec un réel intérêt les élucubrations de Jeff Brdiges dans son entreprise de réadaptation. La très belle scène finale nous prouve qu'il est bien de retour parmi nous, qu'il revient à la raison et donc vers Isabella Rossellini. Le film nous quitte ainsi sur une bonne impression. La scène du crash aérien, que Jeff Brdiges revit en souvenirs lors de cette ultime séquence, est franchement efficace. Peter Weir nous démontre alors qu'il n'est pas n'importe qui. Un bon Peter Weir, j'vous dis !


État second (Fearless) de Peter Weir avec Jeff Bridges, Isabella Rossellini, Rosie Perez, John Turturo et Benicio Del Toro (1993)

1 septembre 2016

The Way, la route ensemble

C'est joli puisque ça se passe, je dirais même que ça déambule, dans les Pyrénées, le Pays Basque puis le nord-ouest de l'Espagne jusqu'à Saint-Jacques de Compostelle. Ensuite, n'importe qui suivrait Martin Sheen n'importe où, avec ses cheveux virevoltants, sa dégaine de vétéran du Viet-Nam et ses yeux constamment exorbités, même dans un Lidl au milieu des clodos en train de charger à ras bord leurs cagettes de Finkbräu.

Martin Sheen est ophtalmo en Californie lorsqu'il apprend au milieu de son parcours de golf que son con de fils unique Emilio, avec lequel il est légèrement en froid, vient de mourir victime du mauvais temps pyrénéen. En effet, Emilio avait décidé, sans en référer à son père, de se taper le chemin de Saint-Jacques de Compostelle. D'où l'étonnement compréhensif de Martin Sheen quand Tcheky Karyo, se faisant passer pour le capitaine de la gendarmerie de Saint-Jean-Pied-de-Port, lui apprend le tragique mais banal accident dont a été victime son fils après seulement un jour de marche. Éploré, Martin Sheen file dans ce petit village bucolique des Pyrénées et débarque d'un TER, ce qui a dû l'éplorer un peu plus encore. Tcheky Karyo joue parfaitement le gendarme lambda français, tout en douceur et retenue, parlant sans effort un anglais châtié en faisant bien attention d'aspirer les h, ce que tout Français fait de manière naturelle, on le sait tous.


Après avoir tergiversé quelques heures, Martin Sheen décide de faire cramer son fils et d'aller répartir ses cendres le long du chemin de pèlerinage jusqu'à Saint Jacques de Compostelle, d'où le titre du film! Durant son voyage, il est rapidement harcelé par un gros hollandais fumeur de weed qui fait le pèlerinage pour perdre du poids afin de pouvoir remettre un de ses vieux costards pour le troisième mariage de son frangin. Il rencontre ensuite une canadienne jouée par Deborah Kara Hunger qui est ici tellement maigre qu'elle n'a jamais aussi bien porté son nom, et qui ressemble maintenant à un transsexuel toxicomane, canadien donc. Un peu plus tard, il rencontre un écrivain irlandais colérique et en panne d'inspiration qui a eu juste le temps de faire le pèlerinage avec toute l'équipe du film avant de s'envoler pour la Nouvelle-Zélande jouer un nain. Les rapports entre les personnages passent de cordiaux à tendus, puis de tendus à cordiaux au fur et à mesure des beignes, des insultes ou des mots d'amour qu'ils se balancent.


Le tout est illustrée par une musique survoltée choisie personnellement par Emilio Estevez! Pour notre plus grand désarroi, Emilio ne peut pas s'empêcher de nous mettre sa playlist idéale de ballade cheminantes tout au long de cette randonnée que l'on suit les yeux rougis par l'effort, cette playlist qu'il a effectivement mise sur son iPod Touch personnel et qu'il a fait subir à toute l'équipe du film le long des 800 bornes jusqu'à Santiago. Et malheureusement, entre les classiques instrumentales à la guitare, les solos violon enflammés et les ersatz de Bob Dylan gémissant des insanités nombrilistes, on a droit à l'habituel New Slang des Shins, qui est toujours ressorti par les réalisateurs à l'esprit étroit à chaque fois qu'un être humain chemine avec émotion d'un point A à un point B, que ce soit à pied, à cheval ou en voiture. Nick Drake est aussi de la partie, ce qui me fait soupçonner une certaine accointance, voire une amitié avec le démoniaque Zack Braff.


Pendant leur grande rando de plus de deux heures, nos quatre compères rencontrent des Français, des Basques et des Espagnols, tous joués par autochtones placides qui ont la particularité de parler anglais avec la facilité et la délicatesse du premier Wayne Rooney venu, ce qui leur facilite pas mal la route. On apprend aussi que l'Espagnol est voleur puisqu'à peine Martin Sheen a posé son sac devant la cathédrale de Burgos qu'il se le fait chaparder par un gamin présenté comme un Gitan. Sympa les préjugés Émilio. Il essaie de se rattraper ensuite en faisant ramener le gamin par le colbac par son père rouge de honte qui parle, lui aussi, un anglais d'Oxford sans effort. Tout ça nous raconte une bien jolie histoire, remplie de vignettes gastronomiques et de paysages montagneux et tourmentés, probablement comme l'esprit d'Emilio Estevez, qui se plait à apparaître tout le long du film, juste pour nous rappeler qu'il a une sacrée tête de con. L'arrivée sous les violons et solos guitares à Santiago de Compostela se fait par un jour gris et fade typique de la Province de La Corogne. Chacun des quatre personnages est ému, parfois jusqu'aux larmes comme notre Irlandais nain, et se fait tourner autour en contre-plongée par une caméra survoltée. C'est un film très chrétien.


TélécableSat nous dit candidement que ce film est plein d'humanité et qu'il nous permet de jouir de beaux paysages. Je ne peux pas être plus d'accord, mais j'y vois surtout la déclaration d'amour d'un fils à son père, un fils qui se rêve en cadavre et qui force son propre père dans la vraie vie à répartir ses cendres tout le long du chemin jusqu'à Saint Jacques de Compostelle ! Assez bizarre quand on y pense, et je ne sais pas comment Martin Sheen l'a pris quand son fils lui a présenté les grandes lignes de son grand projet cinématographique après son film sur la mort de Bobby Kennedy. Encore la mort, qui semble hanter Emilio Estevez, alors qu'il pourrait, comme tout le monde rêver qu'il décide de changer d'orientation professionnelle et devenir couvreur sous les ordres de Youri Djorkaeff qui serait l'un des 14 artisans couvreurs restants en France. Quatorze personnes pour plusieurs millions de toits! Au départ j'avais cru que ce film était une autre adaptation du livre On the Road de Jack Kerouac, car ça parle de route mais il n'y a pas Kristen Stewart qui dévoile sa poitrine dedans. Mais non c'est l'adaptation du livre Off the Road: A Modern-Day Walk Down the Pilgrim's Route Into Spain de Jack Hitt ! Un bon film d'ambiance, un bon film pour les fans des yeux fous de Martin Sheen. Pour les autres, je sais pas.


The Way, la route ensemble d'Emilio Estevez avec Martin Sheen, Deborah Kara Hunger, Yorick van Wageningen, James Nesbitt et Emilio Estevez (2010, sorti en France en 2013)