18 janvier 2011

D'Amour et d'eau fraîche

Ce film c'est comme le cimetière de Bône, l'envie de mourir il te donne. Je ne suis pas sûr d'avoir déjà vu film plus déprimant, et pourtant je suis du genre à m'envoyer pas mal de ces longs métrages français qui collent le cafard dès la première image, comme Partir ou Le Premier jour du reste de ta vie. Mais D'Amour et d'eau fraîche est hors-catégorie, c'est le film le plus glauque de la décennie, le plus gluant de l'année, le plus abattant qui soit, c'est un gros bourdon noir géant et morbide, c'est le spleen de paris sans la poésie, c'est la nausée sans Sartre, c'est la peste sans Camus et c'est le Necronomicon sans de l'arabe fou Abdul Alhazred. Rétrospectivement le plus douloureux c'est quand on songe à ce que le titre inspire avant d'avoir vu le film... On prévoit naturellement une romance à l'eau de rose avec de sympathiques jouvenceaux s'introduisant aux joies les plus élémentaires de la vie. Eh bien détrompez-moi. 
 
 
 
Au lieu de ça nous voilà condamnés à suivre à la trace les aventures d'une jeune femme déchirée entre mille et un emplois minables qui ne l'intéressent pas le moins du monde et qui sont autant d'occasions de se faire humilier par des patrons infects. L'héroïne s'appelle Julie Bataille (on notera le judicieux patronyme qui en dit long sur le personnage), elle est interprétée par Anaïs Demoustier (déjà aperçue en 2008 dans Les Grandes personnes), elle a 23 ans, Bac +5, des Converse aux pieds et elle en a ras-le-cul des petits boulots. Elle cherche un vrai travail. Déjà dégoûtée par l'existence de larbin qui semble nous être promise à tous, notre héroïne pleine d'énergie court cependant après une vie de merde sans issue. Et devant ce spectacle et encore les jours suivants on se sent démoralisé, dévalorisé, coupable, on perd son appétit et son intérêt pour toute activité, on est irritable et d'une émotivité excessive, un rien provoque des larmes, on est fatigués, on n'a plus du tout de libido et on a mal non seulement à la tête, mais au dos et au bide. Si j'en crois mon médecin traitant et pharmacien attitré, l'excellent Monsieur Doctissimo, ce sont là les symptômes précis d'une dépression. Tout ça à cause de ce film...
 
 
 
Alors j'ai bien compris le titre, je suis pas débile, j'ai bien pigé qu'après toutes ces péripéties gerbantes notre héroïne va tomber amoureuse de ce jeune homme qui depuis le début du film lui tourne autour à coups de vannes pas drôles mais qui ont le don de la faire pisser de rire. J'ai bien compris aussi, même si j'ai arrêté d'aimer la vie pile à ce moment-là du film, que ce type qui dégage une grâce inestimable parce qu'il vit au jour le jour de trafics minables (et aussi, admettons-le, parce qu'il a les traits charmants de Pio Marmai), va entraîner la fille à sa suite dans des combines putrides qui vont certainement les foutre dans la merde mais qui s'avèreront la seule alternative possible à une jeunesse inévitablement croupie par les trop hauts barreaux de taule érigés en société confortable qui nous encerclent tous (bam). J'ai saisi l'idée planquée derrière cette fable désenchantée et ce portrait au vitriol d'une jeunesse désespérée. N'empêche qu'il y a là de quoi vous faire vieillir... De quoi vous pousser au fond du trou bien plus vite que cette maudite société qui nous aliène et nous dévore, dépeinte par Czajka à grands coups de pinceaux et de ciseaux. Sous prétexte de se révolter contre la déprime ambiante le film vous colle la dépression carabinée la plus violente de votre chiennasse de vie. C'est un projet...
 
 
 
 
Dans ce film, avis aux amateurs et amatrices, Anaïs Demoustier et Pio Marmai sont nus, dénudés, en full frontal, ils sont naked, nude, in the nude, without clothing, c'est une celebrity compilation of nudes, un repaire à hot celeb action, on est in bed with Demoustier et Marmai. J'emploie tous ces termes assez spécifiques, hideux et sophistiqués parce que ça rameute toujours pas mal de monde sur le blog. Je suis bel et bien là pour faire du chiffre et c'est pas avec "#damour", "#et", "#deau" ou "#fraîche" (quequoi pour ce dernier) que je vais rentrer dans mes comptes. 
 
 
 D'Amour et d'eau fraîche d'Isabelle Czajka avec Anaïs Demoustier et Pio Marmaï (2010)