
Car si j'attendais d'un pied si ferme Les Winners, c'est surtout parce que je suis le fan number one de cet acteur, et je le revendique haut et fort, au point de parfois choquer en soirée et de me sentir bien seul. Je vous ai déjà parlé de mon attachement particulier pour Paul Giamatti quand je vous ai dit quelques mots du tout récent Le Monde de Barney dans lequel il n'a malheureusement pas l'air dans son assiette. J'aime cet acteur que j'ai découvert dans le superbe Sideways et qui est le sosie de mon frère Glue III. J'ai l'impression qu'il est un peu de ma famille tant je vois dans son allure simiesque, son physique digne des Simpson, et sa vielle tronche fatiguée le reflet flippant des traits communs à tous mes autres frères et hérités de notre propre père ! Je trouve donc qu'il me ressemble. Et en disant ça, je sais bien que je ne m'envoie pas des fleurs. Ni à moi ni à toute ma famille. Mais c'est comme ça, on ne choisit pas ! Évidemment, j'aurais préféré Brid Patt, Bof Redbord ou Smill With !
J’ai donc regardé Les Winners très machinalement, en bon fan de Paul Giamatti, tout comme j'ai écouté assez intensivement le dernier Radiohead à sa sortie. Et j'ai forcément fini par aimer ce maxi, tout comme j'ai pris mon pied devant le long métrage de Thomas McCarthy ! Je suis peut-être ce qu'on appelle un "fan aveugle" du quintet d'Oxford et de Paul Giamatti, mais j'en ai bien conscience et je préfère jouer cartes sur table. Je ne peux donc pas décemment me lancer dans une véritable critique des Winners. Je ne serai pas du tout objectif. Je sais bien qu'on ne l'est jamais vraiment, que l'on juge toujours une œuvre par le biais de notre ressenti personnel et de notre expérience propre. Mais il y a objectivité et objectivité, et en tant que blogueur ciné intègre, j'essaie toujours de dépasser le seul ressenti personnel. Là, impossible. Mon ressenti prend forcément le dessus quand j'aborde le cas Giamatti : je lui voue un amour inconsidéré, point barre. C'est comme si je vous disais "écoutez Black Bug, c'est un super groupe" alors que le sens commun me susurre à l'oreille que ce groupe a définitivement un pied dans la tombe de l'originalité et de la créativité. Mon goût d'humain unique prend cependant le dessus parce que j'aime les sons cradingues de ce groupe tout pourrave. Mais sûrement que mon exemple ne vous dis rien, car personne, à part quelques fondus de fondues, ne connaît ce groupe de garage rock psyché lo-fi. Je vais donc vous raconter une anecdote plus parlante...
Un ami à moi est fan de Wesley Snipes, c'est l'acteur par lequel il a appris à aimer le cinéma, les sports de combat, etc. Bon. Il n'est absolument pas objectif, il a je-sais-plus-combien d'exemplaires de ses dvds, il a par exemple toutes les éditions existantes de la trilogie Blade, dont Blade Trinity (qui est objectivement à chier). Lorsque son dernier film est sorti, il est allé le voir en avant-première, le soir de France-Brésil (en match amical, pas la finale de 98 ni le quart de 2006, il n'est quand même pas malade mental, sinon ça serait pas mon pote !). Pour lui faire plaisir, je l'ai accompagné, et pendant toute la séance, je l'ai observé. Sur son visage on pouvait lire l'expression d'un homme qui vient de découvrir que sa femme le trompe, la déception et l'incrédulité toutes deux mêlées : il haïssait ce film et le jeu de son idole, qui n'était pour lui que l'ombre d'elle-même ! Et à raison, car The Art of War 2 est très loin du niveau des premiers films de la star, son talent n'affleure pas un seul instant quand bien même sa maîtrise des arts martiaux est à nouveau étalée à l'écran. A la sortie du ciné, mon pote était tout à fait d'accord avec moi et il a même essuyé quelques larmes, sachant bien qu'il ne reverrait pas de si tôt un film de sa vedette, incarcéré jusqu'en 2013 pour fraude fiscale. Sauf que ! Sauf que quelques mois plus tard, j'ai surpris mon ami à la fnac, aux caisses, avec deux dvds de The Art of War 2 sous le bras, et l'intégrale de Michel Polnareff sous l'autre (mais ça, c'est un autre souci qu'il a). Content de le croiser par hasard, je suis allé le voir, et il m'a alors dit, pour justifier son achat : "Oh tu sais ça y est j'adore ce film hein, c'était à prévoir" et j'ai bien aimé sa lucidité sur son cas de fanatisme. Ce n'était donc qu'une question de temps avant que le fan en lui ne parvienne à lutter contre sa raison et son objectivité pour "enfin" adorer un film qui ne le mérite pas mais qui est "le nouveau film de Wesley Snipes, son acteur préféré" et donc trop bien PARCE QUE c'est Snipes. Pour le plaisir de s'envoyer une rasade supplémentaire et inédite de la filmographie de son acteur fétiche, il est prêt à faire l'impasse sur tout un tas de données pourtant essentielles (originalité, talent, fiabilité du propos, valeur intrinsèque, qualité, etc) ! Nier ces critères admis par le sens commun, c'est être un teubé ! Et je parle de ce pote-là, mais j'aurais pu prendre un autre exemple, je connais aussi un fan de Sandra Bullock (entre eux, ils se font des soirées Demolition Man).

Me voilà donc avec la crainte de tomber dans l'un des travers que je suis le premier à dénoncer ! Mais je vous rassure : de mon côté, je ne suis pas totalement teubé, je pense garder une certaine lucidité et je n'ai pas l'impression de m'être forcé à aimer Les Winners. Je considère aussi que je m'en tire pas trop mal en étant fan de Paul Giamatti, qui a au moins le mérite de ne pas être un taulard et de ne pas avoir volé d'Oscar. D'autant plus que Les Winners est un vrai chef d’œuvre du cinématographe à côté de Miss Détective ou Blade Trinity. C'est en tout cas pile poil ce que j'attendais : un film de Thomas McCarthy avec Paul Giamatti. Ni plus ni moins. Les Winners fait partie de ces rares films indé américains sympathiques. Son auteur porte un regard très humain et très tendre sur les personnages dont il nous dépeint modestement les petites vies, les petits tracas, et auxquels on s'attache inévitablement, surtout quand ils sont joués par des acteurs éblouissants, à commencer par le grand, l'inoubliable, le merveilleux Paul Giamatti.
Les Winners de Thomas McCarthy avec Amy Ryan, Bobby Cannavale, Burt Young, Jeffrey Tambor et surtout Paul Giamatti ! (2011)