11 février 2008

Demons

"Avec Demons, je voulais repousser les limites du supportable" voici ce que déclara le réalisateur italien Lamberto Bava, visiblement très fier de lui, lors d'une interview accordée à une journaliste française tétanisée. Dans la carrière du vieux briscard Lamberto Bava, il y a clairement un avant et un après Demons. Dans la vie de ceux qui l'ont vu également.

Véritable fiasco lors du dernier festival de Cannes où le film, enfin édité, fut rejeté par tous les distributeurs et provoqua malaises et évanouissements, Demons fait partie de ces rares œuvres maudites que seuls les vrais connaisseurs se refilent sous le manteau, à l'abri des regards. Il est donc tout à fait logique qu'il ait terminé dans mon lecteur dvd, où je l'ai regardé deux fois de suite : la première normalement, et la seconde accompagnée des commentaires goguenards d'un réalisateur toujours sous le charme du fessier rebondi de son actrice (on en mangerait !). Il se déclare même très fier d'avoir réussit à l'inscrire sur son tableau de chasse durant le tournage ! Un tournage qui fut apocalyptique : inondations, fonte des glaces, neige, chute de boue, dénivellation de terrain impromptue, soleil, gel qui affecta les récoltes de maïs... tous les éléments semblaient être déchainés, unis contre Bava pour que son film affreux ne voie jamais le jour. Mais des conditions aussi chaotiques ont peut-être participé malgré elles à ce que le film ait cette ambiance si poisseuse et désagréable !  




Combinaison d'Evil Dead et de La Couleur Pourpre : le premier pour le choix d'une caméra en roue libre, le second pour l'omniprésence de noirs à l'écran (soyez rassurés, tous finissent en petits morceaux), Demons annonce la couleur dès les premières minutes, lors d'une scène d'introduction à vous glacer le sang qui aura le mérite d'éliminer très tôt les spectateurs non-avertis. Une jeune fille est dans sa chambre, elle étudie en écoutant de la musique. C'est alors que son père entre en défonçant la porte, armé d'un scie-sauteuse dernier cri, du type de celles que l'on ne trouve qu'en Amérique, dans l'un de ces magasins de self-defense qui suffiraient à anéantir le Pérou sans difficulté. Suite à un véritable carnage filmé sans complaisance, le père attend ensuite la maîtresse de maison avec impatience...




Stop, j'arrête là, je vous ai déjà partiellement spoilé ce film en vous dévoilant l'arme du premier crime, alors je préfère ne pas en dire plus. Sachez-juste que c'est personnellement le premier film où je vois une octogénaire enceinte se faire avorter sans utilisation de forceps ou autre ustensile médicinal. Cette scène harcèle littéralement les yeux et je ne fus pas étonné d'apprendre par la suite, en regardant le making-of, qu'ils avaient réellement perdu l'actrice sur le tournage (de toute façon à deux pas du trépas). Le film, ou du moins cette scène, lui est d'ailleurs dédicacée puisque lors du fondu au noir (qui enchaîne sur une scène non moins affreuse qui invite le spectateur à assister à une opération chirurgicale sur une personne non anesthésiée), on peut lire "In your memory, Fabiola Toledo". Une scène d'anthologie pour un film coup de poing, qui entraina de nombreuses poursuites judiciaires à l'encontre de Bava qui dû, entre autres, se tenir éloigné d'une distance d'au moins 50 mètres de toutes caméras pendant une période de 5 ans. Cela ne l'a pas empêché de remettre ça très vite, en signant le haïssable Tortures Ancestrales l'année suivante, seul film que les autorités italiennes ont interdit avant même l'achèvement du scénario. Crash, de Paul Haggis, est enterré et oublié... 

 
Demons de Lamberto Bava. Genre : gore hardcore, sous-genre : enucleation movie (1985)