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30 janvier 2022

The Power of the Dog

Il est toujours délicat de regarder l'adaptation d'un livre que l'on a tant aimé, d'autant plus quand ledit livre est encore assez frais dans notre esprit. Impossible de l'oublier, de prendre le film pour ce qu'il est, alors je ne vais même pas essayer et jouer cartes sur table d'emblée. Le film de Jane Campion ne me semble pas vraiment à la hauteur du roman de Thomas Savage, un classique de la littérature américaine contemporaine. On ne doute pas toutefois que Jane Campion l'a lu et l'a aimé aussi car elle en propose une adaptation relativement fidèle, une relecture ma foi intéressante, et en capture l'essentiel. Fort de notre connaissance pointue, une fois n'est pas coutume, des deux œuvres en présence, lançons-nous donc dans une analyse comparée...




Le bouquin fait 208 pages, le film dure 2h08. Jane Campion aurait donc pu consacrer une minute par page. Il n'en est rien. Via des ellipses parfois déconcertantes, elle occulte des pans entiers de l'histoire et quelques personnages passent tout simplement à la trappe. Ce choix pourrait se justifier si, par ailleurs, la réalisatrice néo-zélandaise parvenait à faire pleinement exister les quelques individus restants. Force est de constater que ce n'est pas tout à fait le cas. En réalité, Jane Campion se focalise sur le personnage de Phil Burbank (Benedict Cumberbatch), certes le plus complexe du lot, au point de sacrifier quasiment tous les autres. Ce sont surtout son frère George (Jesse Plemons) et sa belle-sœur Rose (Kirsten Dunst) qui trinquent : le premier doit avoir huit lignes de dialogues à tout casser et tire toujours la tronche, la seconde n'est bonne qu'à traîner ses cheveux sales et son air revêche quand elle ne picole pas en cachette derrière l'étable. Ils existent peu et leur relation est survolée, à l'exception d'une assez jolie petite scène où George verse une larmichette en faisant part à sa chère et tendre de sa joie de « ne plus être seul ». Malgré cela, leur couple est plutôt crédible, j'en veux pour preuve : les deux acteurs sont réellement mariés dans le civil, ils sont même les heureux parents de deux enfants (Ennis et James, respectivement âgés de 3 ans et 4 mois). Ayant conscience de la faiblesse de ce versant-là de son scénario, Jane Campion a peut-être cherché à s'appuyer sur la réalité du couple, à la manière d'un Stan Kubrick pour Eyes Wide Shut et Shining, afin que son alchimie dégage sur pellicule ce je-ne-sais-quoi de naturel mais ce n'est là qu'une supposition et, à une époque où il est si important de cloisonner vie professionnelle et vie privée, cela ne me surprendrait guère que la cinéaste ignore tout du ménage que forment les deux stars (soit dit en passant, je suis pour ma part surpris du choix esthétique de Dunst).




Revenons à nos moutons ou, plutôt, à nos vaches, car nous sommes en présence de cowboys, d'éleveurs bovins. Phil vampirise donc le long métrage comme il dominait le bouquin, mais cela apparaît ici au détriment d'un récit à l'impact émotionnel bien moindre que la musique ampoulée et parfois trop présente de Jonny Greenwood ne suffit pas à susciter. C'est qu'on a d'abord bien du mal à l'encaisser, ce Phil, il nous est longtemps dépeint sans la finesse de trait de Thomas Savage, Jane Campion en fait un pur fumier. Heureusement, plus le film avance, plus il gagne en nuance, en même temps que se précise le thème sur lequel se concentre la réalisatrice : les troubles sexuels et identitaires, ici destructeurs, provoqués par une homosexualité refoulée car incompatible avec le contexte de l'Ouest américain, plus propice à une virilité de rigueur. Pour donner corps à ce portrait intéressant, Jane Campion est bien aidée par l'interprétation assez irréprochable de Benedict Cumberstacht, que l'on avait jamais vu aussi bon, presque magnétique, devant une caméra. Sa sombre présence, sa démarche autoritaire, son regard dominateur, son aura intimidante et son charme vénéneux nous captivent et donnent une solide incarnation de Phil Burbank. A sa manière de le filmer travailler, manipuler ses cordes, lustrer ses selles, que certains pourront trouver trop appuyée, Jane Campion accomplit le plus difficile en réussissant à développer une certaine sensualité. C'est là que l'on reconnaît le mieux la patte de la réalisatrice de La Leçon de piano ; c'est là que son film se fait sien et exhale son charme noir et singulier. Les meilleures scènes sont les plus risquées, celles où l'érotisme, bien que toujours implicite, suinte du cadre, celles où l'atmosphère s'alourdit brusquement, trop chargée en non-dits soulignés par une mise en scène attentive et délicate. Dans ce registre aussi, Benedict Cucumberbach s'avère parfait et se montre à la hauteur, la cinéaste jouant très bien de son physique ambivalent, attirant et menaçant, charmeur et sauvage, fin et rustre, beau et sale. Face à lui, le jeune Kodi Smit-McPhee, que l'on avait déjà beaucoup apprécié dans Slow West, confirme que son allure frêle et sa tête lunaire se prêtent très bien au contexte du western : il pourrait tout à fait mourir d'une tuberculose prochainement, il est peu armé pour l'hiver qui s'annonce. Le jeune acteur australien s'en tire très honorablement, dans un rôle pourtant rendu plus difficile et trouble par l'autre choix décisif opéré par la cinéaste... 




Jane Campion a en effet choisi de supprimer l'un des passages les plus marquants du livre : la mort du mari de Rose et père de Peter, un docteur qui, après avoir été humilié par Phil en public, sombre dans l'alcool et finit par se pendre. Ici, nous n'en savons rien, cet épisode ne nous est jamais relaté. Je craignais jusqu'au bout le flashback explicatif qui serait venu étoffer les motivations de Peter et nous éclairer sur ses intentions, mais il n'arrive jamais. Jane Campion est plus fine que ça et assume son choix, à double-tranchant, jusqu'au bout. D'un côté, il participe hélas à amincir les personnages de Rose, fantôme constamment au bord des larmes d'un passé que nous ignorons, et Peter, dont les motivations paraissent bien plus légères que dans le roman quoique ses premiers mots, prononcées en voix off, s'avèrent très éclairants. De l'autre, il démontre la volonté de la cinéaste de s'éloigner intelligemment du carcan du film de vengeance, de ne jamais entrer dans ce schéma attendu et très classique dans le western, au profit d'une étude de caractère plus actuelle. L'histoire antérieure de Rose et Peter est ainsi sabrée, prise en cours de route, le père n'est qu'une pierre tombale, que l'on fleurit rapidement le temps d'une scène fugace, et le reste du film, de ce western pas comme les autres, ne s'attache guère davantage à le faire exister, à la différence d'un autre défunt, le vénéré Bronco Henry. L'ombre de ce dernier plane sur les personnages, et en particulier sur Phil, à jamais emprisonné dans la nostalgie d'un premier amour au deuil impossible et cerné par un décor aride, couverts d'ombres et de crevasses, qui l'y renvoie constamment. Des paysages d'une subtile étrangeté, asséchés, vidés, réduits à l'essentiel, sans autre horizon. Tourner en Nouvelle-Zélande un film dont l'action se déroule au Montana participe d'ailleurs de la même volonté de Jane Campion : brouiller le western via une modification sensible de son environnement si connu et familier aux spectateurs.




A la lecture des lignes de Thomas Savage, on ne peut s'empêcher de penser que son superbe roman pourrait donner un film du tonnerre tant la dramaturgie, et j'emprunte ici les mots si justes de mon acolyte, y est « précise et finement cousue. Le déroulement de l'histoire, bien que manifestement assez attaché à la causalité tragique tissée par le destin, y est constamment surprenant », maintenant tout le long le lecteur en alerte, tout attaché aux personnages qu'il l'est. En réfléchissant un peu plus, cependant, on se dit qu'une adaptation littérale, collant au plus près du texte, respectant la chronologie du récit, serait impossible ou aboutirait forcément à quelque chose de plat, d'insipide, qui ne fonctionnerait pas. Ce que l'on peut suggérer à l'écrit est moins évident à retranscrire à l'aide d'une caméra, même dernier cri... Il fallait donc faire des choix, et Jane Campion les a souvent effectués avec intelligence, courage et dignité. Mais je demeure circonspect. Et en fin de compte, je suis bien incapable de vous parler comme il faut de ce film, qui reste de la belle ouvrage mais ne peut que souffrir de la comparaison avec First Cow, autre western sensible, infiniment plus subtil et beau, que l'on doit à une autre grande réalisatrice, sorti à peu près à la même période. Je reconnais pourtant à ce Pouvoir du chien de vraies qualités, des défauts évidents aussi, mais je suis incapable de trancher et je ne peux vous dire ce que j'en aurais pensé si je n'avais pas lu le bouquin, si je l'avais découvert ex nihilo. Une chose est sûre : à mes yeux, il ne s'en affranchit pas totalement, le transcende encore moins. Je me demande comment on peut l'apprécier sans avoir lu le livre, et comment on peut l'aimer en ayant lu le livre. Et je regrette un peu d'établir ce si simple constat après les pénibles 8 000 caractères ci-dessus. 
 
 
The Power of the Dog (Le Pouvoir du chien) de Jane Campion avec Benedict Cumberbatch, Kirsten Dunst, Kodi Smit-McPhee et Jesse Plemmons (2021)

29 mars 2021

Midnight Special

Souvenir d'une trahison. Qu'est ce film sur le papier ? Que nous avait-on annoncé ? Que nous promettait-on ? A quoi pouvait s'attendre le quidam en errant sur IMDb avant la sortie du film, loin de savoir qu'il allait bientôt se faire enfler de ouf. Avant la projo, Midnight Special c'était la réunion miraculeuse et jamais espérée, même dans nos rêves les plus fous, du cinéaste amérindien le plus prometteur de sa génération (Jeff Nichols), d'une poignée d'acteurs et actrices bien sous tous rapports (Michael Shannon, habitué des lieux, Adam Driver, espoir depuis largement confirmé, Kirsten Dunst, actrice sous-estimée, sous-exploitée, sous tous rapports, et Joël Edgerton, espoir depuis largement déçu), et de tout un pan de l'histoire du cinéma de genre qui a bercé nos enfances et nos années d'insouciance, à savoir la SF, et plus particulièrement la SF estampillée tonton Spielby (Rencontres du troisième type) et tonton Carpie (Starman, dont le film de Nichols est pour ainsi dire un remake déguisé).
 
 
 
 
Sur le papier, il y avait de quoi rêver, mais certains, comme Jeff Nichols, ne se servent du support papier que pour se torcher et ensuite nous montrer la trace de leur œuvre avec un petit sourire en coin, satisfaits. Cette séance de ciné, trauma indélébile, fut pour vos serviteurs l'occasion de constater une fois de plus à quel point la passion du cinéma peut être douloureuse, prendre une tournure dramatique, et transformer en chienlit bien plus qu'un week-end, toute une ère géologique. A mesure que nous nous enfoncions dans nos fauteuils de cinéma, absolument inertes et rabougris, et que défilaient sur l'écran de longues minutes de chiasse pure, nos voisins de strapontins se sont alarmés et sont allés quérir à l'accueil une paire de défibrillateurs vieux comme le monde pour nous prodiguer un triple-pontage non-consenti dans un feu d'artifice pyrotechnique d'éclairs bleus et de nuages de fumée qui resteront comme les meilleurs effets spéciaux du film (dont, rappelons-le, la séquence finale, inoubliable, a été intégralement tournée dans les coursives à ciel ouvert de la faculté Jean Jaurès du Mirail de Toulouse).




Midnight Special de Jeff Nichols avec Michael Shannon, Adam Driver, Kirsten Dunst et Joël Edgerton (2016)

5 décembre 2013

Bachelorette

Cette comédie américaine a cela de méprisable qu'elle nous fait vaciller sur nos propres certitudes. Le film fait le portrait de trois jeunes femmes, des trentenaires bien d'aujourd'hui, réunies pour le mariage de leur amie commune. La future mariée (Rebel Wilson) a semble-t-il, c'est film qui le dit, le défaut ultime d'avoir moins de sex appeal que ses camarades, et d'être notamment en surpoids. D'où la rage qui naît chez les trois pimbèches chargées d'organiser la fête, jalouses, indignées, révulsées que la moins sexy des quatre soit la première à se caser. Kirsten Dunst joue la working girl overbookée apparemment à l'aise dans sa peau mais à deux doigts de la crise de nerf et terriblement solitaire. Lizzy Caplan interprète la brune dynamique et imprévisible, restée coincée sur un échec amoureux datant du lycée mais incapable de le reconnaître pour ne pas froisser son amour propre. Et enfin Isla Fisher incarne la demeurée de la bande, hystérique nymphomane, suiveuse naïve et délurée qui multiplie les bourdes et les conquêtes pour faire illusion, quitte à sombrer dans une attitude autodestructrice qui l'empêche de voir le bonheur lorsqu'il se présente. Le scénario a l'air plutôt finaud dit comme ça, mais gardez à l'esprit qu'on veut seulement bien dépeindre ces trois personnages et que si un jour Leslye Headland, la réalisatrice et scénariste du film, lisait ces lignes, elle serait elle-même sur le cul, car à l'image vous ne trouverez que trois connasses rivalisant de connerie et impliquées dans une suite de péripéties minables au sein d'un film irritant, sans rythme, sans humour et sans intérêt.




Et pourtant ce triste film nous a bousculés dans nos convictions. D'abord concernant Kirsten Dunst, que nous respections jadis. Cette jeune femme de notre génération a réussi, joué dans quelques films intéressants, fait preuve d'intelligence dans ses choix (elle n'a jamais tourné avec Tarantino), mais elle se ridiculise ici et s'avère incapable de faire sourire son public. Ensuite, et surtout, ce pauvre film a questionné notre propre éthique et notre rapport aux femmes. Le spectateur mâle de cette daube peut finir par s'interroger sur lui-même et s'auto-soupçonner de misogynie si dès le départ, comme nous, il prend en grippe les trois énergumènes épuisantes qui s'agitent à l'écran, et se trouve surpris par une envie de tout casser devant leurs facéties régressives ô combien vulgaires. La pire, dans la course à la grossièreté, étant Lizzy Caplan, qui sort des insanités à intervalles réguliers et finit par créer un malaise palpable. Force est alors de constater qu'on ne supporte pas de voir et d'entendre ces grasseries à longueur de scènes, alors qu'on adore l'immaturité et le langage châtié des personnages incarnés ici ou là par Will Ferrell, John C. Reilly, Adam Sandler, Andy Samberg, Will Forte ou d'autres. Pourquoi rions-nous chez ces messieurs, et pourquoi pleurons-nous chez ces dames ? Au-delà du monde d'humour qui sépare un film comme Bachelorette de films comme Step Brothers, Crazy Dad, Hot Rod, ou MacGruber, ne serait-ce que sur papier, c'est-à-dire avant qu'un homme ou une femme n'interprète les dialogues et les situations en question, au-delà aussi d'un certain talent de comédien essentiel à la comédie (qui pourrait décemment comparer Will Ferrell et Lizzy Caplan ?), on en vient à se demander si une petite pointe de misogynie ne s'en mêlerait pas dès lors que nous ne tolérons pas la vulgarité crasse de ces demoiselles quand nous en redemandons à ces messieurs.




Sauf qu'il se trouve que nous sommes d'authentiques fans de la dénommée Melissa McCarthy qui, dans le registre de l'humour qui tache se place là. L'actrice n'a pas son pareil dans le domaine de l'obscénité débitée sur un flow presque incontinent. Vous nous direz peut-être, et nous y avons nous-mêmes pensé, que, dans notre prétendue misogynie, nous acceptons d'une femme moins immédiatement sexy ce que nous refusons chez des jeunes premières qui correspondent aux standards de beauté des podiums hollywoodiens (Dunst, Caplan, Fischer y correspondent toutes plus ou moins). Mais le fait est que nous rions aussi, quand elle nous y aide un brin, aux facéties de Kristen Wiig (dans Mes Meilleures amies, d'ailleurs aux côtés de Melissa McCarthy, ou dans Walk Hard), comme nous rions des pitreries de Sandra Bullock, actrice hollywoodienne-type (au même titre que Kirsten Dunst), qui a maintes fois élargi son registre à la comédie, souvent pour le pire, parfois pour le meilleur, comme dans Les Flingueuses, en side-kick de la sus-nommée Melissa McCarthy.




En définitive, le vrai problème d'un film comme Bachelorette n'est donc pas notre redoutée misogynie mais bien, d'une part, sa médiocrité (le film n'est jamais drôle), et, d'autre part, ses personnages, qui ne sont rien d'autre que trois parfaites ordures. Le film oublie, avouez que c'est dommage, de nous rendre son trio de trentenaires attachant. Bachelorette veut s'inscrire dans la mouvance du très médiocre Very Bad Trip en tournant le scénario au féminin, sauf que ce film modèle, si imparfait soit-il, pense à ne pas détester ses personnages et présente trois individus très différents mais pas forcément détestables. Si l'on aime certains personnages d'adolescents attardés, de machos débiles, de sales gosses, de prétentieux narcissiques, de grands naïfs ou de désespérés sentimentaux incarnés par Will Ferrell, Steve Carell, Zach Galifianakis, Adam Sandler, Will Forte, Will Arnett ou Jim Carrey, c'est parce qu'ils sont d'abord attachants, sympathiques, aimables et un peu humains. Impossible de rire avec les trois héroïnes infectes de Bachelorette, qui passent le film à mépriser leur amie obèse, à la jalouser, à ruiner consciencieusement son mariage et à sortir des horreurs sur elle sans discontinuer. On s'attendrait à ce que cette attitude ne soit que le point de départ de l'histoire, menant à un rachat quasi immédiat afin que les personnages récupèrent vite notre empathie, mais les trois débiles hautaines et méprisantes du départ sont toujours aussi pourries à la fin, et l'on se demande encore comment des auteurs de comédies (Apatow tombe aussi très souvent dans ce travers, par exemple avec le récent 40 ans mode d'emploi - et la France n'est pas de reste, de l'horrible Le Prénom à la série Platane d'Eric Judor) peuvent espérer nous captiver et nous donner envie de rire à gorge déployée en déployant sous nos yeux, et pendant des heures, une ribambelle de connards et de connasses imbuvables. C'est un peu comme aller à un one man show de Nicolas Bedos. Comment rire ?


Bachelorette de Leslye Headland avec Kirsten Dunst, Lizzy Caplan, Isla Fisher et Rebel Wilson (2012)

23 août 2012

Jumanji

A la mi-août, quand on a déjà fait tous les trucs sympas à faire pendant les vacances et qu'on se retrouve un peu à court d'idées, on finit souvent autour d'un jeu de plateau. Paradoxalement c'est cette activité-là qui nous fait le plus suer alors qu'on vient de passer l'été à jouer au beach soccer, à faire des parties de ping-pong endiablées et à essayer de cacher sa gaule sur la plage. Lors de ces après-midi où le temps paraît s'être arrêté et où le soleil semble coincé à son zénith, bien décidé à nous griller la caboche, on a tous forcément rêvé d'échanger notre gros monopoly (aux billets de banque marqués au feutre par un tonton un peu à part qui a essayé de faire des mauvais coups à la boulangerie du coin) contre le jeu de plateau ultime : Jumanji (à prononcer "You-man-yee"). Quel est le nom du messie qui a réalisé le film du même nom et premier "film de plateau" de l'histoire du cinéma ? Est-ce que quelqu'un est capable de citer son patronyme sans chercher nulle part ? Nous on misait sur Chris Columbus, le yesman des 8/12 ans. En réalité ne cherchez pas c'est Joe Johnston, un saint homme, un sous-Columbus, un gros colombin. Homme de main de Spielberg, Johnston, contrairement à Robert Zemeckis, n'est pas à proprement parler son "poulain", Joe Johnston c'est de la pure main-d’œuvre, un ouvrier à la petite semaine, de la chair à canon. Spielberg l'envoie toujours sur les projets les plus bancals, et parfois banco ! Comme là.


Quelle famille, sur la route des vacances, ne s'est pas arrêtée sur le bas-côté pour boucler vite fait une partie de jeu de plateau ?

En 1995 on allait au cinéma deux fois l'an, une première fois pour mater Madame Doubtfire (le saviez-vous : le film devait d'abord s'intituler "Mademoiselle Doubtfire" pour coller au titre original "Misses Doubtfire", mais quand les distributeurs français ont maté le scénario de plus près pour s'apercevoir que c'était une vieux trans pédophile qui jouait le rôle ils ont viré de braquet pour mettre "Madame", ce qui ne change certes strictement rien), une autre pour voir Jumanji (combien de "i" et combien de "j" dans "Jumanji" ?). Quand les deux séances ciné de l'année c'est le Madame Doubtfire de Chris Columbo et le Jumanji de Joe Johnston, on peut parler d'une année noire et surtout se demander comment on a pu devenir les cinéphages numéro 1 de la région PACA après ça... En revanche rien d'étonnant à ce qu'on soit devenu des fanas de Robin Williams, qui était sur le toit du monde à l'époque.


Robin Williams était loin de se douter à l'époque que cette image du film résumerait bientôt son propre engloutissement dans une filmographie d'outre-tombe.

Après s'être séparé du groupe Take That (prononcez "Tik Tak"), Robin Williams a enchaîné les tubes et les hits au hit parade et au box office. En 91 il joue la fée clochette dans Hook de tonton Spielby, en 92 il obtient le Golden Globe du meilleur acteur pour son rôle de pécheur à la ligne dans Fisher King, la même année, celui qu'on appelait "la voix de génie" prête sa voix au génie d'Aladdin pour rester à jamais connu pour sa voix du génie. En 93 il explose dans Doubtfire où il ridiculise Pierce Brosnan d'un coup de pied dans le cul qui propulse James Bond droit dans l'eau, en 95 il s'écroule en jouant dans Neuf mois aussi, le remake ricain du chef-d’œuvre de Patrick Bradoué, mais il refait surface aussi sec dans un projet à priori peu engageant, basé sur un jeu de plateau, qui finira pourtant par emporter le morceau, j'ai nommé le fameux Jumanji. Il sombre après ce succès en prêtant ses "rides du rire" au prequel precog inversé de L’Étrange histoire de Benjamin Button dans le Jack de Coppola, mais se relève avec l'Oscar du meilleur acteur dans un second rôle grâce à Will Hunting avant de définitivement manger la poussière avec Flubber, le biopic américain de Gustave Flaubert, mais aussi avec Docteur Patch et mille autres films où on voit bien que l'acteur y met du cœur, sauf qu'au bout d'un moment ça ne suffit plus pour sauver les meubles.


La fameuse séquence de l'attaque des singes ! On ne s'en rend pas bien compte aujourd'hui mais ça à l'époque c'était le renouveau des effets spéciaux. Même s'il fallait faire un petit effort pour y croire, cf. ci-dessus.

Jumanji a également offert son premier gros rôle à Kirsten Dunst dans le rôle du dé à coudre sur le plateau de jeu. Pour incarner la vieille godasse trouée, un jeune acteur, Bradley Pierce, qui depuis joue encore à Jumanji mais sans caméras autour de lui, seul dans son grenier, matez sa page allociné, y'a de quoi faire déprimer un mort. Feu cet acteur connaît par cœur les règles du jeu de Jumanji, et pour cause puisque comme le personnage principal du film il est coincé dans un monde parallèle en pleine jungle, attendant que quelqu'un daigne jeter le dé et faire un six. Tout comme lui, nous attendons que Joe Johnston ou un autre trimard de base à son image relance les dés et nous ponde le Jumanji 2 que la fin très ouverte de l'original laissait espérer et que nous attendons depuis 17 ans maintenant. Selon google la suite existe bel et bien, réalisée par Jon Favreau, et s'intitule Zathura. Si c'est vrai, quelle idée de changer le nom ?! C'est comme si un type tournait la suite d'Avatar et l'appelait "Gros Bâtard", ou si le deuxième Memento s'intitulait "Agenda". C'est du Favreau dans toute sa splendeur... Bref, pour revenir au film et en dire quand même quelques mots, sachez que si on attendait à ce point une suite c'est qu'on l'avait forcément kiffé au ciné. On ne l'a pas revu depuis l'âge de huit ans mais à l'époque on avait pris un pied terrible. A cette époque où on ne voyait la lumière du jour que deux fois par an et où nos parents nous faisaient crécher dans le grenier, accrochés à un piquet avec une gamelle d'eau pour tout hobby et les côtes du jambon hebdomadaire pour tout amuse-gueule, croyez-nous, on attendait la suite de Yu-man-yee. J'espère qu'on vous a bien fait ressentir à quel point on avait aimé ce film, pas juste parce qu'il était sympa du coup, aussi parce que c'était un peu de lumière.


Jumanji de Joe Johnston avec Robin Williams et Kirsten Dunst (1995)

8 juin 2012

Wimbledon


On a cherché LE film sur Roland Garros, mais à part un docufiction d'Arte diffusé lors d'un théma sur le jeu de paume, de sinistre mémoire, on n'a rien trouvé qui colle véritablement au sujet : Roland Garros, les deux mots qui brûlent toutes les langues actuellement. A quand un film sur le plus grand tournoi de tennis sur terre brûlée ? Wimbledon a eu droit à son opus ! Quand on a su que Richard Loncraine avait choisi Paul Bettany et Kirsten Dunst pour incarner respectivement le deuxième du classement RATP et la N°1 mondiale au classement WTA, on s'est dit qu'il avait fait le bon choix. C'est le seul moment où on s'est dit ça. Qui en effet ne rêve pas que toutes les joueuses ressemblent de près ou de loin à Kirsten Dunst ? On a bien Sharapova aujourd'hui mais, préférant les podiums et autres stands de toilettage aux cours de badminton, en général elle n'est plus là en deuxième semaine, pile quand on apprend que le tournoi de Ronald Gavroche a débuté.

Djoko utilise ici la tactique classique du type qui force sur son genou avec son bras pour calmer et planquer sa gaule infernale, provoquée par la vue des beaux cuisseaux de Maria.

Qui n'a pas triqué sur les jambes de Steffi Graff avant que la caméra de Fred Godard (le plus mauvais réalisateur sportif ?) ne pivote sur sa façade qui rappelle les plus sombres heures de l'architecture communiste, à coups de gros blocs de béton armé bien austères, renfermant les pires tortures. Une fois le panoramique de Fred Godard arrivé sur ce blockhaus infernal, qui n'a pas débandé violemment, d'un coup sec, tout en regrettant que la tenniswoman cependant techniquement injouable sur gazon n'ait pas le faciès de son compagnon : l'Adonis des smach court tennis, j'ai nommé André "le boloss" Agassi. Nous avons appris récemment qu'il était américain et pas français (on croyait que comme Platini il était issu de la vague migratoire ritale des années 30/50 et qu'il avait été naturalisé français...) et ça nous a fait revoir à la baisse tout un pan des résultats sportifs français de ce dernier siècle. Idem quand on a appris (le même jour maudit !) que Mary Pierce était un joueur français et non américain, on était dégoûtés que ce sale type ait entaché notre nation en Coupe Davis.

Sam Neill, absorbé dans ses pensées, se demandant sans doute comment en finir avec son gendre, celui qu'il surnomme "the thing that should not be" en référence à l'une des chansons de son groupe préféré.

Mais revenons à Dick Loncraine et à son choix que nous avons trouvé judicieux parce que crédible. Paul Bettany est un mix parfait entre Andreï Kafelnikov et Andy Murray. Soit dit en passant tous les plus grands voleyeurs sont-ils condamnés à porter un prénom qui commence par "hand" ? Dès qu'on se rapproche de notre sujet, le film, on repart aussi sec. Alors parlons de quelque chose qui nous y amène avec plaisir : Sam Neill, qui joue le rôle crucial du papa poule et ultra protecteur de Kirsten Dunst. Il fait tout dans ce film, tout ce qu'on a vu nos beaux-papas faire à l'annonce d'une sieste anticipée un dimanche après-midi. Ce regard-là du père de famille qui n'y croit pas une seconde à cette sieste de merde, qui veut y croire, qui aimerait y croire, mais qui, rappelé par l'autre regard, celui crasseux, lubrique et déjà lubrifié de son gendre, aimanté par le cul de sa propre gamine, se colore d'un noir sans vie, celui qu'avait Anders Breivik en faisant son salut anar lors du mass murder d'Oslo. Sam Neill a toujours un œil sur Bettany dans ce film. Il ne se passe pas un plan sans qu'il apparaisse au fond de l'image en train d'inspecter le vautour qui fait des cercles de plus en plus étroits autour de son enfant. Quand il n'est pas papa-gateau Sam Neill est aussi coach perso de sa fille, manager de son équipementier, porteur de raquettes, grouillot à la petite semaine, juge de ligne, ramasseur de balles maladroit et commentateur pour CNN. Chacune de ces fonctions est un clin d’œil à la propre vie de Sam Neill qui, avant de se lancer sur scène, a dans le désordre été entraîneur, manager, racketteur, arbitre de chaise et pigiste indé sur CE, quand il ne s'adonnait pas à sa propre passion : le tennis, parfois de table.

On a souvent parlé des yeux globuleux des requins (Marion Cotillard a la même particularité oculaire), ces billes noires qui roulent sur elles-mêmes au moment de passer à l'acte, quand parlera-t-on du regard noir de ces tarés qui ont franchi le pas ?

Mater cette comédie romantique de dernière zone ayant pour toile de fond les gazons maudits londoniens, c'est comme suivre un match d'un bleu, au hasard Jo-Wilfried Tsonga (dont on aimerait qu'il soit plutôt congolais, ça placerait un joueur de ce beau pays dans le Top Ten mondial et ça nous enlèverait une épine du pied), autrement dit c'est s'assurer d'être déçu. J'ai un ami qui aime Jo-Wilfried Tsonga parce qu'il est manceau, comprendre originaire du Mans, et qu'au collège c'était l'attraction. Moi je ne suis pas manceau et dans mon collège l'attraction c'était Luka Rocco Magniola, le dépeceur canadien de Montréal, qu'on appelait Magnéto à l'époque parce qu'il enregistrait toutes ses horreurs au fond de la salle de classe avec une caméra Super 8 pas si discrète que ça. Quand je l'ai vu à la télé récemment je l'ai pas plus apprécié que ça juste parce qu'on était dans le même bahut, faut pas déconner. Tout comme le dépeceur bien que dans un autre registre, Tsonga brille dans les médias sans réussir sa vie et il n'engendre que larmes et désespoir. Comme la plupart des français, hormis ceux qui se sont tout simplement blessés la veille du tournoi (et à part Paulo Mathieu, qu'une propagande virale intensive a su nous rendre ô combien sympathique, au point qu'on l'appelle Paulo Rithon Mathieu maintenant), Tsonga a vite fait de jeter l'éponge, les poches déjà pleines de thunes. Demandez à Santoro aka Fabulous Fab tout ce que ça rapporte les inscriptions abusives non pas à la fac mais dans les tournois, il est dépositaire aujourd'hui d'un butin de 10 milliards d'euros qui sommeillent tranquillement dans une malle au fond du Lac Léman, à l'abri de tout. Les joueurs de tennis français ont tous quelques tristes points communs : habiter en Suisse, aimer l'argent, et surtout ne pas avoir de tripailles. Devant ce film on est comme Tsonga, on renvoie la balle au départ, on fait l'effort même si on s'écrie "Faute !" à chaque échange, puis on abandonne au bout de 10 minutes, sauf que nous on n'a pas empoché des milliards pour enfiler un short et attendre de voir venir.


Wimbledon de Richard Loncraine avec Paul Bettany, Kirsten Dunst et Sam Neill (2004)

2 octobre 2011

Spider-Man 3

Aujourd'hui nous accueillons à nouveau Arnaud, le blogueur décalé et fin limier du blog ciné Donc Acte !, pour une dernière intervention dans ce dossier à propos du troisième volet des aventures de Spider-Man. A cette occasion nous nous joignons à lui pour donner nous aussi notre avis sur cet ultime épisode. Suite et fin d'un article-ricochet sur la saga de Sam Raimi !


Arnaud :

Le troisième opus au budget pharaonique rassemble la tyrannie Raimi. Sam et Ivan Raimi ont creusé leur cerveau commun pour trouver l'histoire et ont réengagé Alvin et les Chipmunks pour l'écrire. Ils se sont renvoyés la balle devant un Alvin Sargent dépité. Ils répétaient à tour de rôle lors de l'écriture du scénario automatique : "c'est toi mon double", "non c'est toi mon double", "non c'est toi mon double", "non, c'est toi mon double". Quand ils en avaient marre, ils inversaient : "c'est moi ton double", "non, c'est moi ton double", "non, c'est moi ton double !"... et ainsi de suite. Alvin Sargent reprit donc le script du second opus. Il s'est dit que les deux frères n'y verraient que du feu s'il inversait juste les pôles évolutifs de Parker et de Watson.

Tout repart comme au début de Spider-Man 2. Sauf que, cette fois, tout roule pour Peter et rien ne va pour Mary-Jane. Harry en veut toujours à Spider-Man/Peter d'avoir tué son psychopathe de paternel. Alvin Sargent a rajouté des doubles ; l'influence des Raimi s'est faite sentir. Ainsi Mary-Jane a une rivale. Peter a un rival. Vénom existe en double. Harry reprend le rôle de bouffon vert de son père. Deux nouveaux méchants au compteur : Vénom (un méchant vraiment très con) et l'homme-sable (le méchant qui nous tire une larme) qui reprend la fonction de Dr. Octopus.



Retour au résumé : après avoir attaqué Parker dans une ruelle, Harry subit un choc à la tête. Commotion cérébrale. Il ressort dans la journée, devient le type le plus gentil du monde et peint des natures mortes. Pendant ce temps, Vénom, entité néfaste extra-terrestre, s'accroche au vélomoteur de Parker (en présence de Mary-Jane Watson). Double opportunité ratée d'infecter du monde. Peter passe faire un tour chez sa tante. Encore raté pour Vénom. Il traîne dans l'appartement de Parker et a l'occasion d'infester Peter et Mary-Jane (alors qu'ils sont seuls) sans le faire. Il préfère se planquer dans le placard et y rester deux jours. Il en ressort lorsque Spidy fait son cauchemar. Songez que si Peter n'avait quelque responsabilité dans la mort de son oncle, Vénom se serait installé confortablement dans une penderie et y serait encore. Vénom a donc décidé de tourner en dérision le photographe. Sous son influence, Peter se plaque une mèche de cheveux sur le front. Il se trouve un nouveau costume de héros tout noir. Lorsqu'il marche dans la rue, il adopte une démarche de frimeur et pointe du doigt les filles. Peter dévoile l'imposture de son rival en photographie (ce qui n'est pas un crime) et se fait apprécier de son proprio (quelle mauvaise influence ce Vénom !). Certes, Spidy finit ses combats plus violemment qu'à l'accoutumée : il croit tuer l'homme-sable et fait exploser une bombe près du visage d'Harry... rappelons que dans le premier opus, Peter avait déjà laissé tomber de quelques étages celui qu'il croyait être le meurtrier de son oncle. Peter joue au méchant dans une scène où il essaie de ridiculiser Mary-Jane dans un café-bar tout acquis à sa cause (elle ne se laisse pas faire ; le mal n'est pas bien grand). Ce qui constitue d'ailleurs le retour en grâce de Parker qui a des remords et se débarrasse de la boue pétrolifère à coup de sons de cloche (dans un clocher d'église). Bref, toute l'affaire se finit sur un chantier de construction (étape que le script de Spider-Man 3 n'a jamais connue).



Même si Spidy the Third s'est avéré rentable financièrement, les studios Marvel et Sony ont préféré relancer la franchise du départ (un reboot) plutôt que de signer avec la même équipe pour un Spider-Man 4. On peut espérer que les méchants ne soient plus aussi naïfs que dans la trilogie de Raimi (Doc Ock excepté). Mais les studios ont choisi le pote au compte bancaire et au long pif du "héros" de The Social Network pour incarner Peter Parker, ce fameux nerd fan de sciences et merdier humain le jour qui se transforme en justicier arachnide la nuit. Le casting de Peter Parker n'est pas chose aisée mais il ne faut pas non plus s'avouer vaincu. Un jour peut-être, on pourra espérer un acteur qui n'a pas un visage ridicule à afficher sur grand écran. Heureusement, ils portent un masque la moitié du temps.


Rémi :

Je n'ai pas vu ce film au cinéma parce que je refuse de donner mes rares euros aux salops qui font ce genre de sale boulot. C'est un énorme tas de fientes, ce film, "un gros tas de merde" pour reprendre l'expression de Jeff Goldblum dans Jurassic Park. Parmi les scénarios les plus ridicules jamais montés à Hollywood, et pourtant... A ceux qui se demandaient encore : "Sam Raimi est-il un nullard ?", en se frottant la tempe, le réalisateur répond lui-même "Oui !" avec ce film. Tobey MacGuire et le comédien qui joue le bouffon vert (je ne le nommerai pas) ne sont pas supportables. Après, oui, je dînerais avec eux, Kirsten Dunst et Brice Dallas Howard avec un sourire en zigzag jusqu'aux lobes des oreilles, parti de Yaoundé pour rejoindre Adis-Abeba en passant par Rouffiac d'Aude. On entend dire des choses extraordinaires sur Spider-Man 3 : "C'est l'épisode le plus sombre de la série", "Beaucoup d'autodérision", "Tobey MacGuire devient émo et c'est fun". Vaaaaaaaaaaaaaaaaa chier... Les scènes d'action maintenant, elles sont censées être superbes et sont hideuses, stricto sensu. Pas un plan qui soit tourné sans ces effets venus le rendre plus joli, et pourtant c'est affreusement laid, pire, on ne croit à rien. Le passage avec la grue... que je ne résumerai certainement pas pour la simple raison que je n'en garde aucun souvenir : je vous défie d'y croire et de prétendre sans croiser les doigts de pieds dans votre dos : "Oui j'y ai cru, c'était impressionnant". Plus ils ont les moyens de faire "beau", plus c'est laid, et plus on se croit devant notre télé à écran bombé et à tube cathodique branché sur notre console Xbox pendant une scène cinématique de Hunter The Reckoning Wayward. Et les scènes de combat, par pitié épargnez-moi ça. Des scènes qui durent dix minutes avec deux tristes types qui se tapent sur la gueule alors qu'ils savent très bien qu'ils n'arrivent pas à se faire mal. Et puis ce qui n'a pas marché pendant tout le film finit par tuer le méchant à la fin, dieu sait pourquoi. Allez vous faire foutre Monsieur Raimi. Votre film est en-dessous de tout ce qui se trouve déjà en-deçà du niveau de la merde. Monsieur Sam Raimi je vous fous mon pied au cul, avec les orteils en éventail.


Félix :

Ça y est, je voue une haine tenace à cet imposteur de Sam Raimi. A vrai dire, je me rends compte que si j'ai pu apprécier un peu ce type, c'était seulement à cause de la VF d'Evil Dead 3, autant dire qu'il n'y était déjà pas pour grand chose. Car avec du recul, les deux premiers Evil Dead sont deux grosses bouses largement surestimées dont j'ai jamais pigé le statut de film culte. Voir le premier s'apparente à une torture, et quand on sait que le second en est un remake déguisé avec plus de moyens, ça fait pas rêver. Quant au reste de sa filmographie, ça pue la merde à 10km à la ronde et c'est pas son frère Ivan qui se bougera le cul pour acheter du Fresh Air. En plus de ça, les frères Raimi sont des proches amis des frères Coen, avec lesquels ils partagent l'art de faire des films chiants que la majorité des gens apprécient beaucoup. Cette même majorité qui a foutu Copernic derrière les barreaux après avoir lu en diagonale sa thèse intitulée "De la place du soleil dans l'univers". Bref. Spider-Man 3. D'ores et déjà estampillé "pire film vu Rue du Rempart", alors qu'il y a pourtant une sacrée concurrence. La meilleure chose de Spider-Man 3, c'est la fille de Ron Howard. Je n'imaginais vraiment pas dire ça un jour. Le film m'a littéralement emboucané l'esprit. Il appartient à cette catégorie de films tellement détestables que, plus tard, je ferai tout pour que mon futur gosse n'ait jamais la sale idée de le voir. En étant optimiste et en espérant que ce film ne m'ait pas rendu stérile, car je suis en effet persuadé que quelque chose d'aussi débile, c'est forcément contagieux. C'est rempli d'idées crétines et tout est ignoblement laid. C'est tout récent mais déjà extrêmement vieux. Avec un tel scénario c'est dingue d'avoir filé du fric pour le tourner. Et c'est encore plus dingue que tant de monde aime et aille payer pour voir ça. Creusez. Les frères Raimi ont déjà bien commencé et ont malheureusement trouvé un sacré paquet d'oseille.


Spider-Man 3 de Sam Raimi avec Tobey Maguire, Kirsten Dunst et Bryce Dallas Howard (2007)

28 septembre 2011

Spider-Man

Dans le cadre de notre dossier spécial super-héros, nous avons demandé à l'insaisissable Arnaud, du super-blog Donc Acte !, de traiter le film de son choix, avec sa plume légendaire. Il n'a pas fait ça à moitié puisqu'il s'est emparé à bras-le-corps du cas Spider-Man ! Voici donc le premier volet d'une série d'articles signés par notre très cher confrère :

Réalisateur des trois Evil Dead, de Darkman, de Mort sur le grill et de Mort ou vif, Sam Raimi, qui ne s'était jamais coiffé de sa vie, a sorti le costard pour faire propre sur les tournages des trois Spider-Man. Il voulait être pris en compte par les executives des studios Marvel et Sony pour faire partie de la promotion des films. Auparavant, Sam Raimi était un boucher du cinématographe. Il traînait sur les plateaux en t-shirt, baskets et jean, taché de sang des pieds à la tête ; il aurait pu être confondu avec Ed Gein si ses frères (Ted et Ivan) ne lui avaient pas rappelé qu'il avait une famille à charge (eux) et qu'il valait mieux faire des films gores que planquer des cadavres de femmes sous son lit. Fan de comics, de télé, et déjanté, Sam a mis l'horreur au goût de Tex Avery dans une série de films excités exposant tripes, sueur et cris gutturaux. Sa caméra manquait de peu d'éborgner les acteurs et se perdait souvent toute seule en forêt sur une moto lors d'une pause pipi d'un de ses frangins qui la conduisait. Sam traitait avec passion des thèmes de l'isolement, de forces spirituelles néfastes, d'aliénation poussant au massacre, de découpage de bien-aimées, de sexe avec la nature, de duels en lunettes noires, de Liam Neeson recouvert de bandages, de Bruce Campbell en frimeur se vantant de ses mérites de tueur de démons au supermarché où il travaille et de népotisme. Mais, Sam avait des ambitions. Il voulait filmer Spider-Man ou quelque chose comme ça.



Depuis le milieu des 1990's, Sam a donc tourné trois œuvres pour des spectateurs sains d'esprit et produit deux séries télévisées pour se laver de son infamie des 1980's. Ainsi naquirent un film de base-ball avec Kevin Costner (qui reste 2h15 sur un monticule pour nous expliquer en flash-back comment il est arrivé là depuis le banc de touche), Xena, Hercule, The Gift et Un Plan simple. Ayant prouvé qu'il était bankable et capable de faire croire que Keanu Reeves avait des talents d'acteur, Sam a été choisi par Sony à qui il a donné son nom complet Samuel Marshall Raimi pour signer la trilogie Spider-Man.

David Koaaaap, le boy de Spielby, son go-to-guy (son type chez qui aller), qui lui fait le ménage, sort les enfants, signe les papiers de divorce, fait le tri dans les idées pourries du grabataire tonton et détruit Indiana Jones au passage a été drafté pour signer le script d'un premier opus bancal. Kirsten Dunst, pour son parfait minois de fille d'à côté qu'on rêve tous d'avoir, Vern Schillinger de la série OZ, pour son expérience de l'autoritarisme, et Willem Dafoe pour son sourire plein de dents de cannibale, sont de la partie. Il ne manquait qu'une paire de faux adolescents ayant été adolescent ou ayant joué un adolescent : Tobey Maguire allait nous imprimer sur pellicule sa sale tronche de merde (son expressif air de niais écarquillant ses yeux mouillés, souriant pour dévoiler son énorme pif au bout tout rond, laissant ses oreilles remplir les bordures du cadre cinémascope, traînant sa voix pénible et plaintive, rentrant la tête dans les épaules et ces dernières dans le corps, se tenant les bras longés contre son buste comme s'il prenait trop d'espace) et fut choisi pour incarner l'homme-araignée entre deux longs métrages tournés avec des chevaux ; quant à James Franco, il n'avait rien de mieux à faire. Alvin Sargent a signé un impeccable second script grâce à un superbe vilain, nommé Doc Ock (Alfred Molina) pour les intimes. Sam s'est chargé avec son tâcheron de grand frangin impérialiste Ivan le terrible Raimi et Alvin Sargent de plomber la série avec un troisième opus budgété pour des gosses qui n'en ont pas redemandé depuis.



Le premier opus traite du cas de Spidy de superbe façon. Il est opposé au bouffon vert. Les films de super-héros ont besoin d'un super-vilain ; la qualité de l'ouvrage en dépend. Dans Spider-Man, Spider-Man est évidement la superstar. Son évolution est réussie (faut-il supporter le faciès de Maguire). L'emphase est totale envers Parker. Malheureusement, la schizophrénie de Osborn est sacrifiée aux convenances du calendrier de l'homme araignée. Sur la première demi-heure, les traitements alternant les parcours de l'adolescent studieux et du scientifique poussé à bout se valent jusqu'à ce que l'évolution de Peter Parker soit privilégiée. Le bouffon vert reste alors en attente, comme s'il attendait que Spider-Man soit à la hauteur pour l'affronter. Une profonde bêtise et de nombreuses incohérences s'ensuivent :

  1. La schizophrénie du bouffon vert aurait pu donner lieu à des attaques plus violentes et imprévisibles. Cette psychose aurait pu créer une formation intéressante lors d'un combat pour un Spider-Man encore tendre.
  2. Le bouffon vert tente pitoyablement de corrompre Peter en se la jouant cool et fun sur un toit de New York. Ils ont apparemment élevé les cochons ensemble. Bouffy raconte à Spidy que les peuples brûlent leurs idoles. C'est son seul argument. Bouffy compte sur la peur d'un vaillant héros pour le faire tomber. C'est pas brillant. Bouffon vert est le pauvre pendant de Jekyll & Hyde façon combinaison verte mouleboule dont le masque tient sur un haut de fauteuil et il est le versant couillon du riche scientifique qui l'a vu naître.
  3. Pour représenter sa folie, Willem Dafoe parle à un fauteuil. Même Abel Ferrara, David Cronenberg, Alan Parker et Lars von Trier ne lui ont pas demandé chose aussi étrange en tant qu'acteur.
  4. D'où sort Bouffy dans le building en feu ? Comment savait-il que Spidy passerait par là ?
  5. Le repas de Thanksgiving est une farce : Peter, nerd qui passe son temps le nez dans les bouquins, annoncé futur prodige en science, ne comprend pas la réaction d'Osborn quand il voit la coupure sur son bras. Réaction qui dévoile pourtant totalement l'identité de Bouffy à Spidy... mais, heureusement pour Bouffy/Osborn/Dafoe, il faut que sa tante soit attaquée pour que Parker comprenne que le bouffon vert connait son identité, même s'il ne fait pas le raccord neuronal pour soupçonner Osborn d'être le méchant.
  6. La fin : Bouffy tient une nacelle remplie d'enfants dans une main et Mary-Jane Watson dans l'autre. Il propose un choix idiot pour corrompre Spidy en comptant sur l'échec de sauvetage d'un des deux partis lâchés qu'il tient à deux mètres de distance l'un de l'autre. Là où Nolan dans The Dark Knight mettait Batman face à un tel choix (Harvey Dent et l'ex de Bruce Wayne), le joker avait l'intelligence de mettre quelques kilomètres entre les deux points où ils étaient retenus captifs. Spidy, qui tire des toiles d'araignée de ses poignets, sauve donc les enfants et son amour secret.

Ce premier opus manque cruellement d'un bon méchant. Dans Spider-Man 2 l'équipe du film a travaillé à l'élaboration d'un sublime vilain, comme nous le verrons dans un prochain article !


Spider-Man de Sam Raimi avec Tobey Maguire, Kirsten Dunst et Willem Dafoe (2002)

20 août 2011

Melancholia

Malgré la plaie ouverte par le terriblement médiocre Antichrist, et au préalable entaillée par la plupart des autres films de Lars Von Trier, nous nous sommes laissés attiser par ce fameux Melancholia, avec sa pluie de critiques élogieuses, décrit par la majeure partie de ses spectateurs comme absolument sidérant, et nous sommes donc allés le découvrir au cinéma. Félix nous a accompagnés mais il ne s'exprime plus que par râles depuis qu'il est sorti de la séance. Ça va faire trois jours, on commence donc à s'inquiéter. Mais pour l'heure, Nônon Cocouan et moi-même allons vous donner nos impressions sur ce "chef-d’œuvre" du cinéaste danois, et à cette occasion nous allons spoiler tout ce qui peut l'être.

Le film est scindé en deux parties. La première sur Justine (Kirsten Dunst), le soir de son mariage, qui, alors qu'elle s'apprête à vivre une superbe fête pour célébrer son union avec un mari fou d'amour, est terrassée par la mélancolie (qui ne semble pas la submerger pour la première fois puisqu'on lui intime de ne pas "recommencer") au point de régulièrement s'éclipser et de rendre folle de rage sa sœur, qui a tout organisé. La deuxième partie est consacrée à la sœur donc, Claire (Charlotte Gainsbourg), dans son château et au sein de sa famille (Kiefer Sutherland et leur petit garçon), qui recueille la neurasthénique Justine, complètement abattue par la maladie mélancolique, tandis que tous attendent le passage de Melancholia, une planète qui va bientôt faire le tour de la Terre. Sauf que Claire est angoissée, persuadée que la planète ne va pas faire que passer et puis s'en va, mais qu'elle va bien s'écraser sur son monde.




Il y a bien quelques trucs pas mal dans ce film, mais globalement c'est plutôt mauvais, disons raté, assez plat malgré le fort potentiel d'un grand nombre de scènes. Toute la première partie ressemble à une sorte de Festen (Thomas Vinterberg) plein aux as, sauf que Lars Von Trier ne prend pas le temps de bien saisir les petits travers de chacun de ses personnages, il nous les balance par à-coups et les veut très caricaturaux. On se fout assez rapidement d'eux puisque tout tombe à plat (Cf. le père avec ses blagues sur les cuillères), ou n'a aucune saveur (Cf. les coups de gueule de la mère, la brève séquence de dispute avec le patron, etc.). Ceci dit ça peut fonctionner un temps, si on aime beaucoup les acteurs. Et on aime plutôt bien John Hurt, Kiefer Sutherland (malgré le triste tour qu'a pris sa carrière), Stellan Skarsgard et Udo Kier. Même Charlotte Gainsbourg tient bien son rôle de grande sœur rigide et pas gaie... Et puis il y a surtout Cannes Film Festival Award Winner Kirsten Dunst. Elle a une présence assez fascinante, il faut bien le dire, puis elle est extrêmement jolie avec son petit sourire, ses moues espiègles, ou son regard qui s'éteint soudainement quand la mélancolie la rattrape, et elle est en outre assez bonne, soyons clairs (Cf. la dernière image de l'article). Ce qui est fort dommage en revanche et qui plombe royalement le film, c'est qu'au bout de quelques scènes Von Trier la traite avec aussi peu d'égards et de cohérence que ses autres personnages : de mélancolique elle devient rondement conne, comme quand elle baise soudain avec un inconnu (à cheval sur lui, usant d'un mouliné de l'épaule qui évoque les scènes où elle est sur son canasson noir, cette analogie vous fait une belle jambe, hein ?), en plein milieu du jardin (un terrain de golf 18 trous qui passe soudain à 19 trous), dans sa robe de mariée, séquence placée là pour traduire le besoin qu'éprouvent les mélancoliques de ressentir une jouissance corporelle niant l'autre... ou encore quand elle envoie chier son patron dans un règlement de compte à la Festen donc, qui n'est pas franchement passionnant.




Ce qui est stupide là-dedans, c'est que tout cela va presque à l'encontre de sa mélancolie. Non pas que ces agissements ne soient pas dignes d'un personnage atteint de cette affliction - Von Trier semble s'être lourdement renseigné sur son sujet (étant par ailleurs lui-même mélancolique, selon ses propres dires) et son film égraine toutes les informations scientifiques que vous dénicherez en vous penchant à votre tour sur la question - mais dans la mesure où le trouble de Justine serait plus pesant et plus intriguant si tout autour d'elle n'était pas si misérable, car en l'état on ne peut que comprendre qu'elle ait les boules, et dès lors son angoisse n'est plus inexpliquée : elle a une vie de merde, basta. Enfin sauf en ce qui concerne son mari, qui est gentil et sympathique, trop pour Von Trier qui l'éjecte de son film en deux coups de cuillère à pot, c'est plus simple. Le cinéaste, qui avoue de façon assez remarquable que son film est un copié-collé de choses vues, entendues, et "volées" (des peintures de Bruegel au Tristan et Isolde de Wagner en passant par le château shakespearien et le terrain de golf de La Notte), se revendique d'Antonioni et de Bergman, et autant dire qu'il a de gros gros progrès à faire concernant le traitement de la psychologie de ses personnages...




On a donc une première partie pas totalement mauvaise, avec une structure d'ensemble qui fonctionne à peu près, des petits trucs d'acteurs, quelques jolis plans, des répliques cinglantes, ça se regarde, mais finalement tout est assez inconséquent, ça reste des trucs scénaristiques vus et revus (ou qu'on aurait préféré ne pas voir, comme quand la mariée va pisser en soulevant sa robe sur le green du parcours de golf...), et quand le jeune marié finit par se barrer, on a presque envie d'en faire autant. Cette tout de même accablante cérémonie bourrée de clichés et de fatuité (Von Trier dit s'être probablement et involontairement inspiré de la scène d'introduction de Voyage au bout de l'enfer, il y a de quoi rire), déplie un éventail de personnages têtes-à-bouffes, de la mère hystérique interprétée par l'affreuse Charlotte Rampling à ce personnage joué par Udo Kier qui se cache la vue dès qu'il passe devant la mariée parce qu'elle lui a soi-disant ruiné son mariage quand elle était enfant (gimmick d'une nullité totale...), jusqu'à l'époux de la sœur, Jack Bauer, qui ne pense qu'au fric dont il regorge et qui ne supporte pas les frasques de sa belle-famille (on le comprend). Après quoi nous passons à la deuxième partie.




Et le film se concentre alors sur Claire, Charlotte Gainsbourg, la pauvre Gainsbarre, qui n'est déjà pas un canon de beauté d'ordinaire mais dont on croirait ici qu'elle n'a pas dormi depuis trois mois. Encore faut-il avouer qu'elle n'est pas du tout insupportable, ce qui relève déjà de l'exploit la concernant. Une aubaine d'ailleurs que les rôles ne soient pas inversés, car Gainsbourg dans le rôle d'une mélancolique neurasthénique nous aurait achevés. Son problème à elle n'est pas d'être mélancolique mais de se faire de la bile dès qu'elle pense à l'immense planète jadis cachée par le soleil qui se rapproche de la Terre et qui fascine son mari et son gamin, impatients de découvrir ce qui s'annonce comme le plus grand moment de l'Histoire de l'humanité. A noter une bonne idée de scénario quand Sutherland est tout fier de présenter à sa femme l'invention dérisoire mais ingénieuse de leur fils qui consiste en une simple boucle de fil de fer destinée à évaluer à l’œil nu la distance de la planète approchant. Et donc on passe de Festen à euh, peut-être une sorte d'Antichrist pas dégueulasse, dans le grand manoir situé à l'écart de tout et entouré de nature. La catatonie de Justine se mélange alors à l'angoisse sourde et tenace de Claire, et il y a quelques trucs pas mal là encore, mais franchement, tout ça ne va pas bien loin. On régresse même quand Justine acquiert une sorte de prescience des choses, prétendant qu'elle "sait tout" et prouvant ses talents d'oracle en donnant à sa sœur et au chiffre près le nombre de grains de maïs contenus dans un pot, que les invités devaient deviner à l'issue de la cérémonie de son mariage. Il parait que dans l'Antiquité, les mélancoliques étaient effectivement considérés comme des sortes de devins, Von Trier a tout prévu, on l'a dit, il a tout lu sur ce thème et tout casé dans son film, mais là ça ne fonctionne pas du tout, ça rend simplement le personnage de Justine très con, voire infiniment désagréable, et ce don rendu exagérément explicite annule les pensées du spectateur qui songeait grâce au film à la mélancolie comme forme de lucidité impénétrable (Justine désirant la fin de tout et niant de façon autoritaire la possibilité de l'existence d'une vie ailleurs dans l'univers), pour leur opposer un très peu crédible et inutile talent de divination fort dommageable pour l'adhésion au personnage et au propos même de la fiction. Puis il faut bien le dire, tout ça est assez chiant. Toute la fin est un peu bâtarde : parfois Lars Von Trier saisit bien les derniers instants ambivalents censés précéder la fin du monde (enfin à priori, puisqu'on a peu de témoignages de cataclysmes), dans un mélange de frayeur et d'apaisement, un amalgame de foi absolue (la cabane de l'enfance en opposition au désastre) et de nihilisme, souvent il tue l'ensemble par les réactions bidons des personnages (la crise de larmes de Gainsbourg entre autres) et par un regard pas très fin sur son sujet.




L'ensemble donne vraiment l'impression que Lars Von Trier est certes un cinéaste pour le moins atypique, plus doué qu'un certain nombre de ses congénères, qui a des idées et un savoir-faire non-négligeable mais qu'il s'embourbe dedans, essayant d'être à la fois un grand symboliste et une sorte de naturaliste classieux. Il s'empare bien de l'angoisse et de la mélancolie, mais on a le net sentiment qu'il n'y a pas grand chose derrière, et après une scrupuleuse et esthétisante mise à plat du sujet, ne reste qu'un ennui assez profond. Le cinéaste, qui prétend ne pas tellement aimer son propre travail, dit que si le film touche les mélancoliques et leur paraît juste, ce sera déjà une réussite. Mais l'objectif semble un peu facile. L'idéal serait plutôt de toucher ceux qui sont étrangers à ce sentiment accaparant et destructeur. Y'en a-t-il seulement ? Ne sommes-nous pas tous, un jour ou l'autre, mélancoliques ? A des degrés variables bien entendu. Mais tout un chacun, et le cinéaste l'affirme, a déjà éprouvé les affres de la mélancolie, ne fût-ce qu'un instant, aussi n'y a-t-il aucun mal pour le quidam à se reconnaître par bribes dans les sentiments dépeints par le film ou à se laisser vaguement happer par celui qu'il provoque et que son titre ne laisse pas d'annoncer. On dit souvent que le rire est plus difficile à obtenir chez le spectateur que les larmes, aussi l'abattement quêté par Von Trier est-il plutôt aisément atteignable, ce qui ne fait que retirer du mérite au cinéaste. Qui plus est, hormis quelques moments de torpeur ainsi facilement provoqués par l’œuvre, on s'emmerde un peu, ou du moins reste-t-on relativement indifférent. C'est dommage parce que Von Trier, en touchant du doigt ces craintes ou ces angoisses injustifiées, incompréhensibles mais opiniâtres qu'on connait tous plus ou moins, pourrait aller beaucoup plus loin, imaginons-le ! mais non, ça s'arrête là.




Pour le côté "sidérant" du film, sur lequel à peu près tout le monde s'accorde avec un enthousiasme débordant, il concerne principalement le début de l’œuvre, les premiers plans, dont nous vous ferons la grâce tant nous sommes épuisés de les croiser dans les journaux et partout sur la toile, de longs plans très ralentis et très composés qui illustrent le récit à venir (prémonitions de Justine, ces images ouvrent le film et en donnent le ton). Ça dure assez longtemps, sur un morceau de Wagner, et effectivement ça peut paraître "beau", car le ralenti, la longueur des plans et l'étrangeté des images leur confère une persistance sur tout le reste du film assez troublante, en tout cas on peut trouver ça sublime jusqu'à ce ça fasse franchement penser à (coucou Malick) de grosses pubs pour parfums. Ok, Justine est publicitaire, et c'est censé justifier cette imagerie grossière, mais si elle avait été productrice d'engrais à base de fientes, ces images auraient donné quoi ? Peut-être quelque chose de plus beau remarquez, ou bien des plans comme ceux qui nous présentent des insectes grouillants sortant de leurs terriers à l'approche de la catastrophe et que Von Trier laisse, eux aussi, tomber à plat. Parmi ces motifs ou idées énoncées, voire énumérées, lancées en l'air au petit bonheur la chance par le cinéaste et qui ne retombent jamais, quid du cheval de Justine qui refuse de passer outre le pont vers la forêt, et de mille autres étapes du scénario qui s'accumulent sans donner suite. A vrai dire ce n'est que pire quand l'idée retombe, dans un gros plat décevant, comme cette séquence où la jeune femme semble s'offrir, nue sur le rivage d'un lac, à la planète Melancholia, scène dont Von Trier ne tire qu'un beau tableau (ou un beau cliché à la Helmut Newton, plastique et glacé), rien d'autre, aucune puissance, aucun souffle, aucune implication, aucune émotion, rien. Mais pour en revenir aux plans matrice du début du film, malgré tout reconnaissons que c'est presque séduisant, que c'est un peu fascinant, surtout pour les attitudes qu'ont les personnages, leur mouvement étiré jusqu'au malaise. Mais c'est trop léché, trop affecté pour que cela "sidère" véritablement. Donc l'un dans l'autre ce Melancholia n'est pas franchement une réussite. Il y a des choses, des plans, des bribes d'idées, un bréviaire psychologique sur le phénomène de la mélancolie, un symbolisme brut de décoffrage, du romantisme allemand, des acteurs, des attitudes, mais plof. Comme toujours chez LVT quoi, rien de nouveau sous le soleil, même s'il abandonne à bon escient le côté dégueulasse d'Antichrist ou le misérabilisme de Breaking the Waves. Ce cinéaste n'est sans doute pas le génie qu'on dit et Dogville reste la vague exception dans sa filmographie qui confirme la règle.


Melancholia de Lars Von Trier avec Kirsten Dunst, Charlotte Gainsbourg, Kiefer Sutherland, Charlotte Rampling, Udo Kier et John Hurt (2011)

19 février 2011

The Messenger

The Messenger est un énième film américain sur la guerre en Irak, cette fois-ci vécue depuis l'intérieur, par deux soldats chargés d'aller informer les familles de la mort de leur proche. Ces deux soldats sont incarnés par Ben Foster, un acteur à gueule de rat que l'on voit de plus en plus dans des premiers rôles alors que son faciès repoussant l'avait jusque-là cantonné aux personnages de traîtres et de méchants en tout genre, et Woody Harrelson, qui nous sort donc un grand numéro d'acteur, dans son rôle de vieux soldat sans cœur qui en a vu d'autres mais qui se découvre de nouvelles sensibilités aux côtés de son jeune loup moins aguerri. Ben Foster est le fils illégitime de Jodie Foster et de Splinter le maître-rat des tortues ninja. Il arrive à s'envoyer les pires salopes parce qu'il a acquis, grâce à son père et à ses frères de lait Leonardo, Raphael, Michelangelo et Donatello une parfaite connaissance du monde underground. A son tableau de chasse, Kirsten Dunst, Kristen Stewart et Ellen Page, ce qui lui a valu un "Limite !" de la part de son père quand il a été mis au courant, vu la juvénilité de ces deux dernières conquêtes, imaginez un rat de taille humaine vous tancer car vous franchissez la ligne jaune du détournement de mineur...




Pour en revenir au film, il paraît bien long, mais il se laisse tout de même regarder. Ce qu'il y a de plus captivant, ce sont les histoires que l'on devine à peine lorsque nos deux personnages vont annoncer les sales nouvelles chez les familles qui viennent de perdre l'un des leurs. Toutes ces scènes où l'on rentre à peine chez elles, dans leur intimité, pour en ressortir aussitôt. Hélas, ces moments sont quasi systématiquement filmés caméra au poing, avec petits mouvements parfois assez disgracieux pour capter la tristesse de ces familles endeuillées, et c'est assez dommage... A part ça, ce que vit le jeune soldat campé par Ben Foster, tiraillé entre une première meuf dont il était amoureux qui va se marier avec un autre et une seconde meuf moche dont il a annoncé la mort de son gars et qui voit en lui une source de réconfort, on s'en cogne pas mal. Du coup je l'ai maté d'un oeil en vitesse lente parce que je matais Les Petits mouchoirs de l'autre œil en vitesse rapide sur mon netbook premier cri ! Et pourtant, j'en viens à dire que c'est pas trop mal. Je l'ai pas vu en vitesse réelle, et je dis que c'est pas mal ! C'est dire où en est mon indulgence envers les gros mélos hollywoodiens...


The Messenger d'Oren Moverman avec Ben Foster, Woody Harrelson et Jena Malone (2009)

14 février 2008

Marie-Antoinette

Jusqu'à ce soir ce film était un vaste point d'interrogation pour moi, désormais c'est un grand panneau sens interdit. C'est pas tout à fait vrai, j'avais déjà une certaine idée de l'ampleur du désastre. Sofia Coppola n'a pas pépom Quentin Tarantino pour rien. Elle a la même obsession que lui : tâcher de prouver dans chaque film son bon goût. Et alors les petits fans de musique sont tout enjoués de reconnaître quelque chose dans un film, il leur suffit de savoir le nom d'un groupe utilisé dans la bande originale pour adorer ce qu'ils voient à l'image, la vie de ces gens est semble-t-il un blindtest permanent. "Putain fatche j'ai reconnu New Order et Air, ce film est vraiment puissant !". C'est d'une tristesse accablante. S'ils aiment ces musiques ils n'ont qu'à les écouter sur leur ipod et qu'ils se fassent pas chier à foutre le dvd du film dans leur platine pour les entendre sur un clip écoeurant... Si le même film, très exactement, était sorti en France, réalisé par, mettons Laurent Tirard, sans New Order et Sparklehorse dans la BO, peu de gens seraient allés le voir, ou en tout cas peu de gens auraient aimé. C'est assez tragi-comique.



À part ça le film est d'un ennui prodigieux. Kirsten Dunst est jolie mais Sofia Coppola filme plus volontiers les lustres quand elle est nue, puis elle baisse sa caméra une fois la robe enfilée. Pourquoi ne pas la filmer directement habillée donc ? J'aurais fait un porno assez salace à sa place croyez-moi. L'acteur qui joue Louis XVI, le jeune type de Rushmore, Arthur H je crois, je sais plus son nom, ressemble à Dustin Hoffman s'il avait été laid. Y'a un petit caméo de Mathieu Amalric qui indique que Coppola, l'ayant vu chez Spielberg, l'a tout de suite contacté pour son unique film se déroulant en France. Bref le podcast fait pas toujours rêver. Le chef décorateur non plus, puisque tous les plans où on aperçoit les extérieurs de Versailles sont faits par ordinateur ou simples effets spéciaux à la con, ça se voit très nettement et c'est d'une laideur peu commune. Y'a même toute une scène où Jason Bourne (l'acteur de Rushmode qui incarne Louis XVI) cause à un éléphant dans le parc du château, et un grand portail en inox le protège de ses assauts répétés. Ledit éléphant est un gros effet spécial dégueulasse et saccadé comme les hologrammes avec lesquels ils communiquent à distance dans Star Wars New Episode. Le gros connard de Jason Molina (l'acteur de Mushroom qui joue Louis XVI) agite les bras devant un fond bleu, c'est pathétique.



En parlant d'animaux de compagnie, y'a au minimum un clebs dans chaque plan de ce film, quand c'est pas trois, une épreuve pour les yeux car ce sont des charpets, clébards hideux qui selon Wikipédia n'ont été inventés que bien plus tard. Le dirlo de la photo a fait son boulot, y'a rien à redire, il a suivi les indications de Coppola, c'est son film qui pue la merde pas le vieux dirlo. Et puis elle nous fout du Français de temps en temps, pour faire couleur locale, qu'on adhère un peu, mais Marie-Antoinette d'Autriche parle anglais, comme semble-t-il tous les Autrichiens dont la langue maternelle selon Sofia est l'Anglais. Et puis très vite comme c'était chiant de faire parler Ahston Cutcher (Louis XVI) en Français, vu qu'il sait pas, elle a décidé que tous les Français parleraient tout le temps anglais, même quand la Reine autrichienne qui parle anglais n'est pas là, même le peuple français de France quand il hurle qu'il veut de la farine. Ils ont foiré leur coup au mixage parce qu'il reste des bouts de français un peu partout et tout ça ressemble largement à du gros foutage de gueule.



C'est un film vraiment très très bête. On nous dit que Marie-Antoinette était une pauvre jeune fille comme les autres, exactement comme celles d'aujourd'hui (étonnant pour une Reine de France autrichienne en 1765, non ?), qui ne voulait qu'une chose, se faire niquer une fois convenablement. Et pour nous démontrer cette insignifiance Sofia Coppola nous fait chier pendant deux longues plombes. Putain vous pouvez pas savoir comme je me sens léger, enfin débarrassé, et de ce film de merde, et de ce que j'en pense.


Marie-Antoinette de Sofia Coppola avec Kirsten Dunst et Jason Schwartzman (2006)