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25 octobre 2022

Jeu d'enfant

Terrible lacune de ma cinéphilie, je n'avais encore jamais vu le premier Chucky. C'est maintenant fait, et je me sens plus léger. Bon, je n'avais pas non plus ignoré pendant tout ce temps un grand classique de l'histoire du cinéma d'horreur, loin de là. Mais Jeu d'enfant, traduction littérale du titre original, n'en demeure pas moins un petit film plutôt agréable dont on peut comprendre qu'il soit à l'origine d'une longue saga tant le personnage de poupée tueuse, introduit ici par le réalisateur Tom Holland et inventé par le scénariste Don Mancini, est suffisamment bien étoffé pour mériter et justifier quelques retours. Chucky, c'est le sobriquet de Charles Lee Ray (contraction des patronymes tristement célèbres de Charles Manson, Lee Harvey Oswald et James Earl Ray), un tueur en série sévissant à Chicago et friand de pratiques vaudous qui parvient, au moment de sa mort, à transférer son esprit maléfique dans une de ces poupées "Good Guy" que s'arrachent les enfants. Andy, pour ses six ans, rêve que cette poupée lui soit offerte par sa mère, mais celle-ci, de condition modeste et élevant seule son fils, n'a pas les moyens de la lui offrir. Jusqu'à ce qu'un camelot peu présentable lui revende un exemplaire à bon prix. Elle ignore qu'elle a mis la main sur la poupée possédée, seule rescapée de l'incendie qui a ravagé le magasin de jouets frappé par la foudre lors du rituel vaudou improvisé par le serial killer dans les derniers instants de sa sinistre vie... 



 
 
Le film de Tom Holland a le mérite d'aller à l'essentiel, il débute ainsi par une scène d'action que l'on prend en cours de route : la course-poursuite nocturne dans les rues puis les rayons du magasin entre un flic, qui s'avèrera par la suite d'une inertie et d'une inefficacité déplorables (il est joué par Chris Sarandon qui avait pourtant entamé sa carrière sous les meilleures auspices en épousant Susan puis en épouse transgenre devant la caméra du grand Sidney Lumet pour Une Après-midi de chien), et le fameux psychopathe, auquel Brad Dourif prête ses traits étranges et, surtout, sa voix inquiétante. Une entrée en matière efficace qui nous annonce d'emblée que l'on ne va pas s'ennuyer et que le rythme sera plutôt soutenu, le tout resserré sur 87 minutes : une promesse globalement honorée. Le montage initial durait paraît-il plus de deux heures et Tom Holland, recommandé aux studios par Spielberg après son travail appliqué pour sa série Histoires fantastiques et encore auréolé du succès de Vampire, vous avez dit vampire ?, n'approuva guère les changements imposés par la production. Celle-ci, suite à une projection test désastreuse, suggéra que l'on voit Chucky le moins possible pour maintenir autour de la poupée tueuse un suspense similaire à celui axé sur les apparitions fugaces de l'extraterrestre d'Alien, du poisson des Dents de la mer ou de n'importe quel monstre de ces années où le numérique ne permettait pas encore ce qu'il rend désormais possible. 
  



 
En l'état, le film fonctionne et on comprend le succès de ce premier opus qui pose donc efficacement les jalons du personnage star de la saga. Chucky ne fait pas partie de ces croque-mitaines et autres vedettes de slashers qui se contentent de tuer à la chaîne sans mobile apparent (ou bien très vague et vite oublié). Ses intentions sont claires et sa démarche est méthodique : Chucky veut se venger du complice qui l'a trahi, puis du flic qui l'a envoyé ad patres et, accessoirement, réintroduire une enveloppe corporelle humaine, celle d'Andy (il n'a pas le choix, par respect pour une sombre règle vaudou), avant d'être définitivement enfermé dans ces cinquante centimètres de plastique rosâtre et ridicule. Le premier objectif sera atteint sans souci, avec la complicité ignorante du gamin, soucieux d'amener son jouet chéri là où celui-ci lui demande d'aller, quitte à faire l'école buissonnière le temps d'une collaboration dérangeante que, curieusement, le cinéaste n'exploitera guère davantage, Andy et Chucky devenant aussitôt ennemis. Pour le reste, Chucky aura beau redoubler d'ingéniosité et de cruauté pour surmonter les limites de son propre corps de jouet, ses deux autres objectifs seront bien plus compliqués à accomplir, en particulier le dernier, qui nourrira les intrigues des épisodes ultérieurs, concentrés sur la rivalité entre Chucky et Andy.



 
 
Ma curiosité d'amateur de cinéma d'horreur est à présent satisfaite, ma culture générale considérablement élargie, et... c'est à peu près tout. Mais il y a tout de même une scène que j'ai trouvée particulièrement intéressante là-dedans, de loin la meilleure du film, elle survient très tôt, juste après l'intro décrite plus haut : c'est celle où l'on découvre le petit Andy, seul devant la télé, le jour de son sixième anniversaire. Désireux d'aller réveiller sa mère de bon matin pour rapidement ouvrir ses cadeaux, il prépare un plateau petit-déjeuner qu'il lui amène au lit, avec la maladresse et l'empressement du petit garçon qu'il est. Tom Holland joue alors très astucieusement de cette peur naturelle et irrépressible que suscite l'imprévisible spectacle d'un enfant livré à lui-même. Le garçon, incarné par Alex Vincent, qui ignorait alors qu'il endossait déjà le rôle de sa vie, a une bouille adorable, vêtu d'une salopette en jean et d'un haut à rayures identiques à celle du jouet qu'il convoite tant et dont des publicités passent en boucle à la télé. Son allure lunaire et toute mignonne conviennent parfaitement à cette introduction où nous le voyons, danger ambulant, faire n'importe quoi. On tremble presque devant ce qui, à chaque instant, manque d'un rien de tourner à la catastrophe totale. On grimace malgré nous en le voyant gâcher autant de ces délicieuses céréales multicolores gorgées de sucre dont les américains ont le secret, ici versées dans le bol et sur le plateau avec la nonchalance et l'application d'un ouistiti aveugle. On craint la brûlure au troisième degré quand il emploie le grille-pain pour carboniser les tartines de sa daronne. On plaint la personne qui passera derrière lui en le voyant arroser de jus d'orange et de lait la moquette de l'appartement. Pas de doute là-dessus : cette petite scène a priori anodine de préparation de petit-déj olé olé est bien la plus tétanisante du film ! 



 
 
Cette peur instinctive d'adulte face aux agissements insensés d'un enfant, si vulnérable et innocent, sera légèrement reconduite lors du second meurtre commis par Chucky  où Andy, sous l'influence diabolique de la poupée, s'aventurera dans un quartier malfamé de Chicago  mais guère au-delà. Et seul l'ultime plan du film jouera sur le trouble, trop peu développé, entre les personnalités d'Andy et celle de son avatar-jouet. C'est dommage car le cinéaste tenait là quelque chose d'intéressant, qu'il aurait pu creuser. On se contente donc de s'interroger sur la correspondance exacte entre les tenues portées par la poupée et son jeune propriétaire, la première aurait pu être l'expression des pulsions du second ou que sais-je, le film s'embarrasse peu de cet aspect-là (peut-être le director's cut ?). En dépit de son manque de profondeur, Jeu d'enfant n'est pas déplaisant à voir et bénéficie du savoir-faire propre à ce genre de productions des années 80. Car par ailleurs, la mise en scène du réalisateur, alors au sommet de sa courte gloire, se joue assez bien des contraintes inhérentes à cette histoire de poupée tueuse. Les effets spéciaux sont simples et réussis, ils font appel à divers subterfuges, utilisés à bon escient, pour créer l'illusion. Un nain a été engagé comme doublure pour certaines scènes, des marionnettistes hors pair ont aussi été sollicités, et la mise en scène s'est chargée du reste. Des plans en steadicam nous font adopter la vue subjective de Chucky, ils sont accompagnés de ses bruits de pas rapides et presque stressants, assez bien pensés. Cela nous permet d'être avec elle, de la faire exister, sans la voir. 
 
 

 
 
Autre point amusant, que les volets ultérieurs useront jusqu'à la corde et nous offre ici une amusante conclusion aux soubresauts interminables, l'irréductibilité de Chucky, qui nous fait immanquablement penser à un Terminator miniature animé de la même folie meurtrière qu'un Jack Torrance. Flingué, brûlé, découpé en morceaux, Chucky revient toujours à la vie, sous un aspect de plus en plus révulsant et éloigné de sa forme originelle. Manifestement comique et clairement horrifique, c'est l'essence même de Chucky, objet propice aux clins d'œil à l'échelle réduite aux classiques. De mémoire de cinéphage, sachez tout de même que Jeux d'enfants, au pluriel, le film homonyme franco-belge (dans ces cas, il faut partager les responsabilités), réalisé par Yann Samuell en 2003, avec Guillaume Canet et Marion Cotillard dans les rôles principaux, était beaucoup plus traumatisant. Beaucoup plus.


Jeu d'enfant (Child's Play) de Tom Holland avec Alex Vincent, Brad Dourif, Chris Sarandon, Catherine Hicks et Ray Oliver (1988)

11 juillet 2017

Rock'n Roll

Je pourrais me lancer dans une longue critique à charge contre ce film merdeux, mais je n’en ai guère envie. A quoi bon revenir sur ce projet hyper mégalomane de Guillaume Canet, qui sous couvert d’autodérision n’arrête pas de parler de lui, de lui, et encore de lui (entre trois parenthèses où il parle de sa femme, de ses amis, de son métier, et compagnie) ? Sous prétexte de raconter la difficulté de vieillir chez les comédiens et comédiennes, Guillaume Canet, pour résumer, s’admire en se plaignant, ce qui fait toujours un peu beaucoup. Faut-il supporter ça ? Faut-il encaisser Marion Cotillard qui parle avec un accent québécois ignoble pendant la quasi-totalité du film juste parce qu’elle doit jouer un rôle dans le prochain Xavier Dolan ? Faut-il accepter d’entendre parler de Gilles Lellouche comme du Robert Redford français à tout bout de champ ? Faut-il tolérer ces acteurs ô combien antipathiques qui jouent horriblement mal à chaque seconde, Yvan Attal en tête ? Faut-il vraiment ?




Bon, il y a peut-être des choses à sauver dans ce cauchemar. Je préfère me rattacher à ça pour ne pas sombrer dans l’ultra-violence. Je pense en particulier à la séquence chez Johnny Hallyday, plus en forme que jamais. Johnny Smet surnage parmi une petite foule de caméos insipides (on finit par ne plus savoir qui est censé être « célèbre » ou pas, tant les célébrités convoquées sont sans saveur et chlinguent la mort). Johnny débarque en se ramassant la tronche dans son grand escalier. Déjà ça pose le rôle. Puis il passe toute sa scène à appeler Guillaume Canet « Jérôme ». Rien que ça, c’est énorme. C’est ce qu’on rêverait de faire si on croisait la Cane. Johnny met d’ailleurs un zèle particulier à interpeller l'autre enclume d'un petit « Jérôme » dans chaque phrase ! Il coupe ensuite un dialogue embarrassant pour aller « allumer le feu », et il chante ces trois mots mythiques en allumant la cheminée, d’une voix de castrat improbable. Magique. La scène se termine quand Canet quitte le château de Laetitia et Johnny, mais ce dernier nous offre un petit rappel inespéré en hélant « Jérôme » depuis les barreaux d’un soupirail, d'où il lui chante « Les Portes du pénitencier », presque en entier. Dieu sait que je me fous de Johnny Hallyday comme d’une guigne, mais il est un petit rayon de soleil dans ce film si terne.





La toute fin du film, et par toute fin j'entends l'ultime séquence avant générique de clôture, est vaguement sympa aussi. A ce moment-là Canet est totalement transfiguré après mille séances de chirurgie esthétique et d'injections de stéroïdes (effets spéciaux plutôt réussis pour le coup, big up aux gens qui en sont responsables, où qu'ils soient), et il part à Miami tourner dans une série qui se veut une sorte de réécriture de Rintintin avec un crocodile à la place du chien. Sa femme et leur fils, après une séparation, rejoignent finalement Canet, et mari et femme jouent ensemble dans le programme tv à deux dollars. Le générique nous présente ainsi quelques scènes de ladite série, où l'on voit Jérôme Canet marcher à côté de son crocodile, qui porte son sac à dos à sa place ; il lui indique aussi une route à suivre en le tirant par la queue pour le retenir, sans réaction de l'animal ; traverse un fleuve à dos de croco, et ainsi de suite. C'est ce film-là que Canet aurait dû réaliser. En cinq ou six plans il enterre lui-même tout le film, irritant, répétitif, trois fois trop long, sans intérêt et presque jamais drôle qu'on vient de subir. Ceci étant dit, j'essaie d'être positif, pour tenir le coup, mais c'est pas une raison pour endurer cette fange filmique. Non. Faites pas les cons.


Rock'n Roll de Guillaume Canet avec Guillaume Canet, Marion Cotillard, Yvan Attal, Gilles Lellouche et Johnny Hallyday (2017)

8 octobre 2015

Des Saumons dans le désert

Après Le Cochon de Gaza, De l'eau pour les éléphants et Les Chèvres du Pentagone, voici Des Saumons dans le désert, qui s'ajoute à la liste de ces films qui par leur seul titre dégoûteraient même un cinéphile tel que Laurent Weil du cinéma de quartier. Que fait-on avec des saumons dans le désert ? Un gros casse-dalle peut-être mais pas un film. Les saumons dans le désert sont chose rare, dans la flotte un peu moins, et sur l'affiche on peut voir que McGregor n'est pas en reste pour les pêcher avec ses deux gros panards épilés de près, que des saumons auront tôt fait de prendre pour des congénères : c'est l'une des meilleures scènes de ce long métrage. Dès qu'il sent que ça mord à l'hameçon, McGregor, en digne héritier de Chris Waddle, fait un retourné acrobatique pour se ramener le poiscaille dans le gosier, à la Gollum (à la Cotillard, synonyme), avant de hurler : "Des saumons pour le dessert !" Afin d'un peu retirer le voile de désagréable mystère planant autour de ce titre, on va vous révéler l'origine d'un tel intitulé : 59ème minute du film, après s'être tourné autour pendant 58 minutes, Ewan McGregor et Emily Blunt finissent par se retrouver assis à la Daurade, les pieds dans l'eau, quand le bellâtre McGregor s'étonne de cette étrange destinée qui est la leur et lâche à sa future partenaire sexuelle : "On est un peu comme deux gros saumons dans le désert", à quoi la belle répond : "Pas faux". En effet, McGregor, incarne un Erasmus issu de la riche aristocratie, étudiant dans le désert, tandis qu'Emily Blunt joue une orpheline de père en fille, roturière de son état, qui gagne sa vie en cousant de beaux tapis persans et propose du thé vert aux passants dans le désert.


Du saumon dans le dessert...

Tout ça pour ça. Alors qu'on croirait à une référence littéraire haut perchée, c'est juste un dialogue de la clique Apatow, sorti par un personnage masculin en pantacourt. McGregor déballe cette ligne en se roulant un gros bédave assis en terrasse, sous la castagne et sans parasol. Zoom avant sur Emily Blunt, qui sur l'affiche est photoshopée au maximum, apparaissant presque en noir et blanc à force de retouches, d'anti-cernes et autre anti-yeux rouges. Voilà trois ou quatre ans qu'Emily Blunt gâche les films. Sur cette affiche (j'y reviens), elle est tellement retouchée qu'elle ressemble à un jellyfish humain sur lequel on viendrait de péter. En dehors de ce poster, l'actrice a son vrai petit charme, indéniablement, avec ce regard en biais, cet air ahuri et sa raie du cul au menton (ça peut être beau sur certains hommes aussi : Aaron Eckhart, Cary Grant ou Kirk Douglas, le roi du pot d'échappement au menton, du tout-à-l'égout perso). Et puis l'accent anglais à couper au couteau, l'accent cockney, pour être pointu, ça peut passer, même doublé d'une voix suraigüe de vieillarde qui te fera sursauter à chaque mot à coups de remarques chiantes, une voix faite pour pomper l'air en résumé, ce n'est plus possible, et notre réquisitoire se justifie d'un seul coup. Pure pendaison de crémaillère, crucifixion gratuite pour mini délit de sale tronche sur un poster, mais ce petit délit devient gigantesque sur une affiche comme celle de ce film, format A5.


Des Saumons dans le désert de Lasse Hallström avec Ewan McGregor et Emily Blunt (2011)

21 mai 2014

Le Prestige

Jusqu'à présent, il y avait pour moi une anomalie dans la filmographie de Christopher Nolan, cinéaste que je méprise cordialement. Je me souvenais avoir apprécié Le Prestige ! Soucieux de me l'expliquer, j'ai donc entrepris de le voir une nouvelle fois. J'ai alors pu constater que je m'étais simplement fait avoir. Le point de départ intriguant, hérité du roman de Christopher Priest dont le film est une adaptation, et l'emballage parfois séduisant, comme l'attestent certaines images sélectionnées pour illustrer cet article, m'avaient floué. Il y a en effet quelque chose d'assez plaisant et original dans cette histoire de rivalité entre deux magiciens, prêts à tout pour se dépasser l'un l'autre dans l'Angleterre du début du XXème siècle. La magie est rarement traitée ainsi au cinéma, de façon si frontale et terre-à-terre, elle est d'ailleurs rarement traitée tout court. L'élément de science-fiction est lui aussi plutôt aguichant, il est introduit par la mystérieuse machine à téléportation conçue par le scientifique Nikola Tesla (incarné par un charismatique David Bowie) auquel fait appel l'un des magiciens. Enfin, Christopher Nolan dote son film d'une narration des plus alambiquées, malmenant la chronologie du récit afin de ménager les effets de surprise. On l'accepte d'abord sans trop de difficulté, pour le plaisir de se faire duper et comme pour respecter le "pacte" existant entre le réalisateur et le spectateur, le magicien et son public...




Hélas, la narration non-linéaire et imbriquée choisie par Nolan apparaît à la revoyure comme un procédé assez bancal, peut-être efficace pour nous égarer jusqu'aux révélations finales mais qui ne suffit pas à masquer le vrai problème : l'incapacité totale du réalisateur à nous faire vibrer pour ce qui aurait pu être un drame humain captivant, voire passionnant (celui raconté par le livre : cette haine héréditaire et irraisonnée entre deux hommes mesurés, sains d'esprit, qui font donc tout pour réprouver leur ressentiment mais qui se retrouvent emportés dans une inimitié aux conséquences surréalistes, dont ils seront les premières victimes). La subtilité de l'ouvrage de Christopher Priest est totalement bafouée par le cinéaste britannique. L'adaptation appauvrit considérablement un récit puissant et d'une vraie ampleur. On perd toute sa dimension fantastique et dramatique, pour n'en conserver qu'un squelette incomplet. Le basculement tardif et génial dans l'épouvante et le surnaturel, inventé par l'écrivain anglais, passe ainsi à la trappe. Les passages les plus cinégéniques du bouquin sont ignorés et, à vrai dire, cela n'étonne qu'à moitié quand on connaît l'imaginaire extrêmement limité de sieur Nolan. Le cinéaste et son frère, tous deux au scénario, donnent la très désagréable impression d'avoir seulement conservé ce qui les arrangeait, ce qui leur permettait de pondre une histoire au service de leur art de l'esbroufe et au retournement final grotesque mais forcément renversant.




Et quand ils s'éloignent de l’œuvre de Christopher Priest, les frères Nolan ont tout faux. Leur scénario se développe sur des bases bien trop fragiles pour que l'on se sente véritablement concerné par cette guéguerre entre magiciens. La rivalité des deux hommes naît ici d'un acte totalement incompréhensible, injustifié, Christopher Nolan ne sachant pas filmer l'invisible, le ressentiment et les motivations secrètes de ses protagonistes. Le mal que se donnent Christian Bale et Hugh Jackman ne suffit pas à donner un peu d'intensité à tout ça. Il faut dire que Wolverine est tout de même assez peu crédible en prestidigitateur du début du XXème siècle. On se demande bien pourquoi un tel personnage aurait besoin d'être bodybuildé, même si les demoiselles sauront certainement apprécier cette scène totalement gratuite où la star retire le haut pour nous dévoiler ses abdos d'enfer. Bien qu'il fasse visiblement de son mieux, Hugh Jackman démontre encore une fois qu'il est un acteur limité.




Scarlett Johansson est une autre erreur de casting, même si l'on se réjouit qu'elle soit réduite à un rôle d'accessoire, littéralement, puisqu'elle est l'assistante des deux magiciens. Ce rôle nécessitait une jeune femme souple et plutôt mince, capable de se contorsionner dans les boîtes à double-fond des magiciens. Soyons un peu réaliste, que diable, l'assistante d'un illusionniste ne peut pas avoir le cul et la bouche de Scarlett Johansson, ça finirait forcément par coincer un jour ! Quant à Christian Bale, il est celui qui s'en tire le mieux, même s'il tutoie parfois le ridicule quand il doit se mettre en colère ou que Nolan l'oblige à déballer un long monologue explicatif assommant à la toute fin, une conclusion évidemment ponctuée par de lourdauds flashbacks eux aussi éclairants. Car twist il y a, et Nolan emploie les méthodes les plus faciles pour nous le faire comprendre. On repense alors au final pathétique de The Dark Knight Rises, quand notre Marion Cotillard nationale, au fond du trou, dévoile sa réelle identité à l'Homme Chauve-souris, sous les yeux d'un Bane dans le même état que les spectateurs : à l'agonie. Pas de doute, nous sommes bien devant un film de Christopher Nolan !




On peut aujourd'hui légitimement se demander si cette adaptation n'est pas survenue beaucoup trop tôt. Considérée comme une franche réussite par le plus grand nombre (je m'appuie tout bêtement sur les notes ahurissantes récoltées par le film sur des sites tels que IMDb, Vodkaster ou SensCritique), elle a très largement dépassé la modeste notoriété du roman. Un roman dont la réputation mériterait pourtant de dépasser le cercle des initiés et qui devrait être considéré comme un véritable classique de la littérature fantastique contemporaine. En parcourant ses pages, que l'on dévore avec délice, on pense plutôt aux belles images des Frankenstein de James Whale, aux productions de Val Lewton (notamment Le Récupérateur de cadavres) ou à certains films de la Hammer, avec lesquels le livre partage plus de thématiques et, surtout, une ambiance gothique à souhait qu'un médiocre cinéaste comme Christopher Nolan est bien incapable de retranscrire convenablement à l'écran.


Le Prestige de Christopher Nolan avec Christian Bale, Hugh Jackman, Scarlett Johansson, Rebecca Hall, Michael Caine, David Bowie et Andy Serkis (2006)

28 décembre 2013

The Immigrant

Les affiches remarquablement laides du film et la présence de Marion Cotillard sur ces affiches rappelant les récentes affinités de James Gray et Guillaume Canet (sans parler de leur collaboration pour le scénario du premier film américain de notre nullard national) : tout cela laissait présager le pire. Réjouissons-nous donc, The Immigrant n'est pas la débandade tant redoutée, et s'il n'est pas à la hauteur de Two Lovers, qui reste à ce jour le chef-d’œuvre de son auteur, le film est digne de James Gray et lui ressemble bien. Il lui ressemble pour le pire (même si le mot est trop fort), dans une scène relativement grossière, ou disons surlignée, qui rappelle, en très atténués, les défauts des premiers films du cinéaste (notamment ces effets sur-dramatiques, avec ralentis à la clé, qui alourdissaient le néanmoins remarquable La Nuit nous appartient), mais il lui ressemble surtout pour le meilleur.




Le film brille par un certain nombre d'idées de mise en scène très fines réalisées avec un talent inestimable. On repense longtemps, par exemple, à la représentation de l'ivresse d'Ewa - incarnée par une Marion Cotillard ici excellente - quand la caméra glisse lentement, pesamment, sur les miroirs déformants du cabaret. Surgit aussi de l'ensemble du film le jeu excessif et maîtrisé du cinéaste sur la figure monstrueuse de Joaquin Phoenix, à la fin du film, quand, le dos voûté, le visage défoncé et la voix détruite, il s'incrimine auprès de sa victime et protégée, devenant soudain un "monstre d'humanité", pour reprendre cette expression plus que fanée dans un sens quasi-littéral, après avoir fait étalage d'une humanité monstrueuse, en particulier dans la scène où il accusait Ewa de vol pour aussitôt la pardonner et refermer son piège sur elle. Mais sans focaliser sur ces moments prégnants, c'est de l’œuvre entière que se dégage un sentiment bien rare et appréciable : cette douceur singulière du cinéaste, qui, ici comme ailleurs, et en particulier dans Two Lovers, joue dans le feutré, réalise un film sage et secret.




On oublie vite la séquence contrariante du meurtre, où l'accès de bêtise du beau personnage de Jeremy Renner dénote au même titre que les excès de la bande sonore et que le jeu alors outré de Marion Cotillard, que ses mauvais réflexes rattrapent brièvement à ce moment-là, on oublie tout cela pour ne retenir que la musique tourmentée et consolante à la fois que nous joue James Gray du début à la fin du film. La force de The Immigrant est de parvenir à rendre un juste hommage au cinéma muet américain des années 20 : ne rien céder au pastiche façon The Artist (ces mains maladroitement posées sur son visage par Marion Cotillard viennent quand même de là), non pas reproduire des procédés anciens ou se limiter à la citation à n'en plus finir du cinéma de Griffith, Borzage et Chaplin, ne pas cligner de l'oeil en somme, mais tenter de recouvrer et de se réapproprier une forme de mélodie rythmique propre au cinéma des premiers temps, la grâce de ces mélodrames tout en visages et gros plans expressifs, débordant d'émotions quoique parfaitement pudiques, une certaine poésie consubstantielle de l'éclairage, de la composition et du montage, portée à une forme d'incandescence dans les grands chefs-d’œuvre de ce temps-là. James Gray a l'intelligence de cet hommage, qui précisément n'en est pas seulement un, mais le dépasse pour devenir pure inspiration, et révèle donc (une fois encore) ce que cela suppose d'intelligence et de sensibilité.


The Immigrant de James Gray avec Marion Cotillard, Joaquin Phoenix et Jeremy Renner (2013)

30 octobre 2013

Les Petits mouchoirs

Mille fois évoqué, jamais critiqué. Jusqu'à aujourd'hui... Les Petits mouchoirs de Guillaume Canet fait partie de ces serpents de mer insaisissables que nous avons souhaité placarder au mur des dizaines et des dizaines de fois sans jamais sauter le pas. C'était jamais le bon soir pour vider un sac si plein à ras bord de ressentiment et, disons-le très simplement, de haine. Ces sentiments-là, on essaie de les chasser quand ils se pointent, comme tout bon citoyen européen. Mais là il faut mettre des mots sur ces émotions qui nous assaillent quand on prononce les mots "petits", "mouchoirs", "Guillaume" ou encore "Canet". Il faut appeler un chat un chat, et mettre toute cette bile noir sur blanc. Sauf que la question demeure, et qu'elle est double : comment peut-on concentrer autant de merde en 2h34 de film, et comment, en réponse, parvenir à concentrer toute la chaux que le film a accumulé en nous depuis trois ans maintenant afin de la déverser dans un seul article (et pire, dans les 140 caractères permis par Twitter pour faire l'annonce de cet article) ? On ignore comment c'est possible, mais on tente le coup, histoire de se sentir un peu plus légers demain matin au moment de planter nos louches dans nos bols de Weetabix. Juste un mot sur les Weetabix en passant, ces plaques de blé complet compacté, ces petits pavés de foin séché, concentré et pressurisé : si un jour nous était confiée l'occasion d'échanger quelques paroles avec le dénommé Guillaume Canet, nos mots seraient aussi secs, cassants et peu digestes qu'un paquet de Weetabix oublié au soleil sur l'asphalte du parking d'un vieux Lidl désaffecté en plein mois de juillet, ce fameux jour où il a fallu abandonner une provision pour pouvoir fermer le coffre.




Par où commencer ? Peut-être par le commencement. Le film s'ouvre, rappelez-vous, par un véritable plan-séquence de haute volée qui suit Jean Dujardin (Ludo dans le film), en boîte avec son ami Gilles Lellouche (zéro dans la vie), où il enchaîne les mojitos jusqu'au petit matin, drague trois pétasses, se pisse sur les bottes, fait deux pas chassés sur le dancefloor puis, la caméra toujours collée à ses épaules de brocard, titubant vers la sortie, portable à la main, dit "A demain !" au videur - et faut-il être paumé pour sortir ça en sortant de boîte à 6h du matin - avant de rejoindre son scooter, frêle deux roues qu'il chevauche laborieusement tout en continuant à dodeliner des hanches... et le fameux Ludo de s'éloigner à toute berzingue, tandis que les pulsations sonores de la boîte de nuit s'estompent et que le bruit strident de sa vespa au pot trafiqué nous perfore les tympans (l'acteur en rajoute une couche en imitant les accélérations de son moteur avec des bruits de bouche qui produisent sur son visage un rictus à la fois benêt et démoniaque ; il pousse aussi des cris de supporter dans un Paris encore endormi, meuglant au rythme de Seven Nation Army des White Stripes en tendant son poing aux quelques boulangers déjà sur le pied de guerre), jusqu'à ce qu'au détour d'un croisement basique au possible (deux routes qui se croisent perpendiculairement), mais venu à point nommé, un six tonnes (dont le chauffeur sort lui aussi vraisemblablement de boîte de nuit, puisqu'il conduit également à toute allure et une sandale dehors en chantant la même chanson célèbre) éjecte notre homme hors du plan et le condamne au hors-champ à une vitesse supersonique (il n'est pas impossible que les habitants de Mars, s'ils existent, aient vu l'événement pratiquement en simultané tant sa vitesse est fulgurante - ceci expliquerait a fortiori le silence de plomb qui continue d'émaner de Mars, dont on comprend qu'elle soit "not interested").




La phrase ci-dessus, qui mesure bien ses six pieds de long, vous paraît peut-être un poil lourde, mais elle est là pour prouver à Canet qu'on peut tous en faire autant. Avec un peu de patience et en plaçant les articulations au bon endroit tout en déguisant plus ou moins la technique (chez nous, une simple question de ponctuation), on peut faire une phrase-séquence, dite "phrase-paraphet" en littérature, sans le moindre souci ! On sent que Guillaume Canet a tourné ce plan-séquence avec un œil rivé sur la définition la plus minimale possible de la mention "plan-séquence" dans Le Petit Robert 2004, comme le médiocre acteur autoproclamé réalisateur, cinéaste, auteur même, qu'il est, en quête de reconnaissance et sûr d'obtenir ses galons de metteur en scène génial par un soi-disant morceau de bravoure, en l’occurrence ce triste plan-séquence de pure épate ne réclamant qu'une longue coordination, quelques techniciens collaboratifs et une poignée de biffetons mal dépensés (sans oublier un routier frais et dispo, et c'est peut-être ce qui suscite le plus d'admiration chez nous). La scène ne nous a tiré qu'un rire franc et massif, à la manière d'un autre accident de scooter dans un autre film français réalisé par un autre nullard, à savoir celui de Julie Ferrier dans Paris de Klapisch. Dès l'ouverture de son grand œuvre définitif sur le thème de l'amitié, Canet nous montre tout l'amour qu'il a pour ses personnages, de la pure et simple chair à canon destinée au pare-buffle d'un camion tel qu'on n'en croise que dans certains bleds perdus de l'Arizona. C'est une chance qu'on ait pouffé lors de cet épisode immanquable de "Paf le iench", car le reste du film nous a déprimés pour des semaines. Après cet éclat inaugural, nous sommes restés collés au fond du canapé avec un dégoût ultime pour tout ce qui allait s'étaler à l'écran pendant les deux heures et trente minutes (...) à venir.




Le don de Canet c'est de parvenir à nous rendre détestables des gens qui nous sont d'habitude tout acquis. En l'occurrence on parle uniquement de François Cluzet, déjà sali par son implication dans Ne le dis à personne, le précédent Canet. Dans Les Petits mouchoirs on a envie de l'étrangler, de lui tordre le cou, comme à tous les autres acteurs en présence, sauf que pour Cluzet cette envie est née devant les films de Canet et s'est à chaque fois éteinte avec (même si elle a tendance à se repointer en douce quand l'acteur, en interview, qualifie son jeune ami de "meilleur réalisateur du monde"), alors qu'elle était déjà bien installée et a tranquillement perduré en ce qui concerne tous les autres membres du casting. Tous ces gens, les Dujardin, Lellouche, Cotillard, Magimel, Lafitte, Bonneton, Arbillot et compagnie, qui se présentent avec ce film et tant d'autres comme les jeunes pousses du cinéma français, les jeunes artistes en merde du nouveau millénaire, les étendards de toute une génération, méritent de se réveiller chaque matin face à un cobra venimeux tenu difficilement par un marabout africain fatigué et en manque de sommeil, sur le point de piquer du nez. Ils incarnent tous - sauf Dujardin qui joue le cadavre exquis de l'affaire, véritable prétexte aux superbes vacances de ses meilleurs amis - de purs sacs à merde, des nids d'inhumanité et de connerie qui nous font regretter la genèse du soleil. Cluzet est clairement le connard en chef de la bande, qui traite avec mépris et insultes son meilleur ami homosexuel, maltraite ses enfants, malmène des animaux, hurle sur ses camarades, défonce des cloisons à coups de tête, dédaigne sa femme et ne respecte aucune règle du bien vivre ensemble. Son personnage est une enflure absolue, et tous les autres, qui ne valent guère plus cher, gravitent autour comme autant de vermisseaux misérables et d'ascaris lumbricoides aimantés par la pourriture et le mal. Ce qui n'a pas empêché la France de se rendre en masses dans les salles pour assister à ce sous-feuilleton tv choral empesté d'idées marécageuses, de personnages infects, de sentiments médiocres, le tout enveloppé dans une mise en scène sordide qui nous fait revoir avec amertume ce jour sombre où un homme des cavernes s'est levé le cul en disant à ses potes : "On sort de la routine, on va tenter un truc !"




Il est des films qui permettent de faire le tri dans son entourage. Nous espérons de tout cœur que celui-ci n'en fasse pas partie, sans quoi c'en serait fini de la vie sédentaire, des espaces urbains et des salles des fêtes ; l'humain s'en retournerait à une existence solitaire et nomade faite de cueillette, de chasse et de pêche, ainsi que de projets sur le très court terme. Depuis ce film, Guillaume Canet n'a cessé d'évoluer sur tapis rouge. On lui a ouvert les portes de Cannes et celles de l'Amérique. James Gray l'a accueilli chez lui, a partagé son pain avec lui. James Caan lui a obéi en acceptant de foutre le feu à sa carrière pour un second rôle minable dans Blood Ties. Le réalisateur frenchy promu artiste international est reçu sur tous les plateaux télé français tel le messie. Si Canet venait à caner, sa place au panthéon est toute réservée. Pire que tout, il existe un coffret dvd "Guillaume Canet". Avec Les Petits choirmous, cet individu a pourtant commis l'un des pires crimes cinématographiques qui soient. Un "phénomène" selon la presse, ou plutôt un monument érigé à la beaufferie, la profession de foi d'une génération maudite et éternellement salie, le manifeste d'une bande d'acteurs qui s'est insolemment installée au cœur de la maison du cinéma français, s'est essuyé les pieds sur le tapis et n'est pas près de rendre les clés, pire, qui a érigé la complaisance, l'auto-satisfaction, le mépris des autres et la lourdeur en principes.


Les Petits mouchoirs de Guillaume Canet avec François Cluzet, Gilles Lellouche, Jean Dujardin, Marion Cotillard, Pascale Arbillot, Benoît Magimel, Laurent Lafitte, Valérie Bonneton et Mathieu Chédid (2010)

13 mai 2013

De rouille et d'os

De Rouille et d'os, comme Un Prophète en 2009, a su émerveiller public et critique à sa sortie, dans une grande orgie dégueulasse et insupportable dont Jacques Audiard, cinéaste salué comme le plus important de sa génération dans notre beau pays, était l'élément central, récipiendaire de nombreux cumshots verbaux et tapuscrits. Je m'étais arrêté au bout de la première demi-heure de son précédent film, j'étais allé suffisamment loin pour savoir que je ne mangeais pas de ce pain-là et pour tout de même comprendre comment cela avait pu plaire à ce point. En ce qui concerne De Rouille et d'os, par contre, c'est un grand mystère ! Je lis les extraits des critiques presse sur Allociné, et ça me fout les chocottes... Comme pour Looper, les seuls qui soient lucides, ce sont les Cahiers du Cinéma, qui le traitent comme il se doit ! Je peux aisément comprendre que des personnes regardant peu de films et habituées aux documentaires racoleurs qui passent à la télé puissent être touchées par un tel film. Mais la critique et les cinéphiles de tous poils, comme toutes les personnes ayant une haute estime de l'art cinématographique, devraient logiquement enfoncer ce film et son réalisateur à la noix, cet escroc qui passe pour un génie... Sa dernière livraison pèse des milliards de tonnes. C'est bête et laid, c'est plein de tics de mise en scène qui se veulent beaux (Audiard adore notamment filmer le soleil et faire des effets de lumières super cons dignes d'un adolescent qui découvre à peine la photographie) et la bande originale vous proposera un bel aperçu des chanteurs qui étaient à la mode au premier semestre 2012 et dont on ne se souviendra même plus dans six mois. C'est ultra too much dans le mélo, le pathos, tout ce que vous voulez, tout est surligné par la musique quand ça ne l'est pas par autre chose, c'est vraiment, vraiment, mais vraiment nul.


Quelle idée d'avoir mêlé à ce désastre cet animal si noble et majestueux qu'est l'orque, "la baleine tueuse" ? Il y avait mille autres façons de perdre ses jambes !

Ce qu'il y a de dingue à constater, c'est que ça ne donne pas du tout envie de s'en prendre à Marion Cotillard (une cible qu'on adore pourtant !). On ne peut rien lui reprocher de spécial, si ce n'est que c'est évidemment ridicule de la retrouver dans ce rôle taillé sur mesures où elle joue sans maquillage, sans soutien-gorge, sans jambes, sans rien, où elle se met totalement à nu pour aller à l'envers d'une glamourisation hollywoodienne qui lui tend les bras. Le choix est trop voyant et ça rend le tout assez risible. Mais dans le film, la faute ne lui revient pas, elle fait son travail ; et si son principal conseiller s'appelle Guillaume Canet, on comprend qu'elle aligne les choix les plus attendus. A la limite l'acteur belge Matthias Schoenaerts est plus énervant... Faut dire que son personnage de crétin complet ne l'aide pas. Il joue un père incapable de s'occuper de son gosse albinos. Vers la fin du film, son beau-frère lui amène son fils pour qu'il puisse passer une après-midi avec lui. Ni une ni deux, il décide que la meilleure chose à faire est d'aller s'amuser à glisser avec le gamin sur un lac gelé. Avant que ça n'arrive, j'ai dit à voix haute : "Si la glace craque et que le gosse se noie dans l'eau glacée, c'est l'un des piiiiiiiires films au monde". A peine j'avais fini de dire le mot "pire" que le gosse se neiguait ! Au cinéma, je pense que j'aurais réagi comme devant le Paris de Klapisch au moment où l'ignoble Julie Ferrier chute en scooter après avoir pris quelques virages inutiles le sourire aux lèvres, c'est à dire en m'esclaffant bruyamment. C'est du même niveau ! Klapisch, Audiard, même combat ! Bref. Le gosse passe donc cinq bonnes minutes dans l'eau glacée, jusqu'à ce que son enflure de père brise la glace à l'aide de ses poings (lui qui, au quotidien, gagne de l'argent au black grâce à des combats de rue ridicules - ses poings lui servent enfin à faire le bien, c'est beau, snif !). Mais le gosse ne crève pas, on parvient à le réanimer à l'hosto après "3 heures de coma" (sic). C'est l'avant-dernière scène du film et c'est du lourd lourd lourd !


Je me suis toujours méfié de David Lynch, Tim Burton, Jim Jarmusch et tous ces autres cinéastes qui font trop gaffe à leur style...

Il faut traiter Audiard comme il se doit : mal. Ma "critique" en révoltera certains, d'où les guillemets. C'est un cri du cœur. Je suis le cinquième "hater" de Jacques Audiard sur Vodkaster. Nous sommes 5 face à ses 127 fans, et c'est un site encore mal connu, il sont des milliers et des milliers dans la nature ! C'est pas normal. Si je pouvais concevoir que ce cinéaste de pacotille réussisse à faire illusion avec ses précédents films, l'arnaque aurait dû éclater au grand jour avec celui-ci. Je répète à qui mieux mieux qu'il faut toujours se méfier des cinéastes qui prêtent trop attention à leur look, qui soignent trop leur allure. Il y a quelques contre-exemples dans l'Histoire du cinéma, comme Jean-Luc Godard et ses petites lunettes de soleil rondes (ce qui explique toutefois la photographie trop lumineuse de quelques-uns de ses films), Eric Rohmer et ses pantalons de velours à grosses côtes (l'homme avait simplement du goût !), Ron Howard et ses pulls sans manches... C'est vrai, vous en trouverez d'autres, même outre-Atlantique, mais ce sont autant d'exceptions qui confirment la règle ! Un grand réalisateur se doit d'avoir l'air d'un chien, d'un clodo à peine présentable, il demeure derrière la caméra, et non sous le feu des projecteurs, il peut magnifier ses acteurs dans ses propres films, mais non sa propre personne sur les tapis rouges. A partir du moment où un cinéaste se soucie trop de son apparence, j'éprouve naturellement beaucoup de méfiance à son égard. Au dernier festival de Cannes, où son film fut très justement ignoré par un Jury par ailleurs totalement à côté de la plaque, Jacques Audiard s'est présenté le sourire jusqu'aux oreilles, gagnant d'avance, naïf, idiot, en smoking trois pièces bien ajusté, des lunettes à grosse monture noire sur le bout du nez, écharpe rouge autour du cou à la Jean Moulin, crâne rasé de près à la Lénine, le tout surmonté d'un chapeau melon noir du plus bel effet à la Emma Peel, avec pour ne rien gâcher le petit bouc poivre et sel à la Gérard Jugnot des grands jours. Bref, Jacques Audiard avait toute la panoplie du pur salop qui étale enfin la vaste mascarade qu'il incarne sur le devant de la scène. Quand je l'ai vu accoutré comme ça, je n'ai pas du tout été étonné. Cela faisait sens. Un tel guignol se doit de parader avec des habits de luxe et de soigner son image avec la minutie d'un dangereux criminel ; mais par pitié, n'en faites pas le plus grand cinéaste hexagonal actuel, car en réalité, c'est peut-être l'un des pires !


De Rouille et d'os de Jacques Audiard avec Marion Cotillard et Matthias Schoenaerts qui devra changer de nom s'il veut réussir à Hollywood (2012)

19 avril 2013

Le Hobbit : un voyage inattendu

A déconseiller fermement à tous les réfractaires au Seigneur des Anneaux, qui auront envie de se pendre et trouveront le temps de mettre leur plan morbide à exécution avant le début de la fin du film, qui est très long. Mais comme ce n'est pas vraiment mon cas je l'ai maté, avec quand même une petite appréhension. Je vais commencer par vous faire la liste de mes craintes. J'ai eu un peu peur au départ des nains. D'abord parce que j'ai un peu peur des nains dans la vie, ensuite parce que ceux de Peter Jackson sont éminemment laids et qu'ils chantent, deux ou trois fois au début du film, or les chansons débiles dans les films ça me fusille l'humeur à bout portant. J'ai eu peur aussi parce que j'ai cru dans la première scène que le film s'adressait très directement, voire exclusivement, aux gosses, la faute aux nains avec leurs gros nez en plastique et leurs perruques de prisunic, à leurs chansons à la con bien sûr et aussi à Gangstarap le black, petit magicien accro à la ganja qui se fait littéralement tirer par des lapins surexcités.


Je reste un peu déçu par le design de Smaug, le grand dragon de feu, j'avoue.

J'ai cru enfin que Le Hobbit, voyage inattendu dans lequel j'ai embarqué sans paquetage et sans m'être renseigné sur la destination ni sur les escales (et encore moins sur le prix du billet si vous voyez ce que je veux dire), avait été réalisé avec la moitié des moyens du premier épisode de LOTR, vu que dans l'introduction, où un dragon de feu fout la merde, Peter Jackson filme à peine le bout de la queue (et un bout de son autre queue aussi, si on met l'image au ralenti au bon moment on peut la voir se balancer de droite et de gauche dans l'écran) de l'immense Smaug (aka "Bill Callahan", en langage elfique), dragon supposé immanquable qui vient cramer le cul des nains dans leur montagne bourrée de dollars. Mais en fait non, le film est rempli de fric comme ladite montagne des nains et c'est une grande fresque d'aventure pleine à gueule-que-veux-tu d'effets spéciaux, de bastons et de tout ce qu'il faut pour occuper les fans pendant près de 3 jours de métrage.



 Et ça c'est censé être un nain ? Je rappelle aux premiers intéressés que Warwick Davis, qui s'actualise chaque mois très assidument au Pôle Emploi depuis 1996 et son rôle pitoyable dans Leprechaun 4 : In Space, vient de créer son millième "espace candidat" sur le site de l'organisme.

Et quand on ne perd pas les eaux devant Le Seigneur des anneaux, on mate ça comme on mate Le Seigneur des anneaux, c'est-à-dire qu'on le mate comme s'il n'y avait rien de mieux à foutre, like there was no tomorrow. C'est plein d'histoires là-dedans, ça regorge d'épisodes, des géants de pierre qui se bastonnent gratos au milieu d'un orage (on s'interroge quand même sur le fait que des montagnes portent des slips et des gants de boxe et qu'une troisième caillasse fasse l'arbitre…), des trolls transformés en pierre par le soleil, des aigles qui sauvent les gentils nains grâce à Gandalf, qui souffle son haleine putride dans un petit papillon jusqu'à ce qu'il gonfle suffisamment pour pouvoir porter une poignée de nabots en armures sur son dos, pareil que dans la trilogie, et puis on se régale des aventures du fameux magicien fumé aux oinjs qui s'est fait chier dessus par une mouette d'envergure et qui se trimballe avec du guano séché sur la joue pendant tout le film. J'en passe et des meilleures.


S'il paraît assez évident que Peter Jackson s'est lancé dans une nouvelle trilogie de l'anneau pour à nouveau perdre quelques millions de kilos et gagner quelques millions de millions de pesos, il n'est pas impossible que les spectateurs du film, aidés par les déguisements antidatés des nains, perdent quelques années et regagnent leur enfance via un voyage inattendu vers quelques films tels que L'Histoire sans fin ou Willow (avec Warwick Davis, qui arrive au bout de ses droits !).

Et de la même façon qu'on retrouve les "meilleurs" acteurs de la trilogie, on retrouve aussi les "meilleures" scènes de la trilogie. Peter Jackson nous refourgue la même pitance et comme pour bien nous le signifier il est allé récupérer tous les décors du Seigneur des anneaux pour filmer à nouveau dedans à moindres frais (y compris les fonds bleus voués à être recouverts des mêmes CGI aux formats .jpeg et .png). Soit Jamel Radagast Reykjavik (J.R.R. pour les non-initiés) Tolkien tournait lui-même méchamment en rond sur son stylo bic quatre couleurs, soit c'est Pierre Jackson qui nous la refait à l'envers, mais le coup de la nuit passée sur le sommet d'une vieille ruine, celui de la bataille contre les gros chats sauvages dans la plaine ou celui de la baston contre les orques et les gobelins sur les escaliers de la mine, c'est du réchauffé, sans parler de Gandalf le gland qui n'arrête pas de hurler "Run, da fools !" comme dans chaque épisode du Seigneur des Anneaux (et il le refait ici au moins dix fois !).


Énième film dont les fans nous diront qu'il "fallait le voir avec...". En l'occurrence il fallait peut-être mater ce gros film d'écolo avec Cécile Duflot en guise d'accoudoir et avec quelques champignons hallucinogènes mortels dans l'estomac. (En tout cas pas avec Warwick Davis, qui a officiellement mis la tête de Peter Jackson à prix d'or).

Bref, je ne vais pas faire le résumé. Et je ne vais pas le faire parce que ça prendrait la journée vu que le film est putain de long. C'est son gros défaut. Il dure une éternité qui en parait le triple, même si c'est bourré d'action. La faute à des séquences qui durent et qui durent au-delà du nécessaire et du raisonnable, et pour rien en prime : on observe les nains qui mangent et qui font la vaisselle pendant vingt minutes, de même qu'on subit la mort dans l'âme le jeu de devinettes entre Bilbo (interprété par un Martin Freeman dénué de tout charisme, Morgan Freeman eût fait un bien meilleur hobbit) et Gollum (toujours campé par l'infatigable Marion Cotillard without make-up), qui dure une bonne plombe et n'impressionnera que le Père Fourra. On sent que Jackson a étiré pour étirer, pour faire trois films au lieu d'un très long à partir d'un bouquin de trente pages à tout casser (dans la traduction de Daniel Lauzon et Michael Laudrup), et c'est chaud. Mais ça se mate. Quand on n'est pas encore vacciné contre les grands mouvements d'appareil épiques opérés depuis un hélicoptère en rase-motte sur des kilomètres de tapis vert par Andrew Lesnie, et contre la musique ronflante d'Howard Snore, ça se mate tranquillement, comme si c'était fin août début septembre (pas le film d'Assayas) et qu'on ne voulait surtout pas rentrer à l'école, quitte à perdre ses cheveux devant trois plombes de grappes de nains maquillés par un alcoolique anonyme et filmés par un cachalot devenu sardine avant que de retourner cachalot.


Le Hobbit : un voyage inattendu de Peter Jackson avec Martin Freeman, Ian McKellen, Christopher Lee, Ian Holm, Hugo Weaving, Cate Blanchett et une chiée plus quinze de nains hideux (2012)

2 février 2013

The Impossible

Attention, chaud devant ! Tous aux abris ! Grosse merde en vue ! La bande-annonce laissait présager d'un film larmoyant au possible et vraiment insupportable. Ne me demandez donc pas pourquoi je m'y suis risqué. Pure curiosité mal placée de blogueur ciné. En fin de compte, le film est moins affreux que je ne l'imaginais, mais il est tout de même très mauvais et ne présente surtout à mes yeux aucune sorte d'intérêt. Nous sommes fin décembre 2004 et la petite famille d'Ewan McGregor et Naomi Watts a donc la chic idée de s'envoler pour la Thaïlande pour passer des fêtes de Noël bien tranquilles, au soleil, sous les palmiers. Dans l'avion, la jolie Naomi s'inquiète : "Es-tu sûr d'avoir bien mis en marche l'alarme avant de partir, chéri ?" demande-t-elle à Ewan McGregor, rassurant, le brushing impeccable, la mèche bien relevée sur le côté, nickel. L'espagnol Juan Antonio Bayona nous montre d'emblée une maman qui s'inquiète d'un petit souci banal du quotidien, nous qui savons bien que ce quotidien sera bientôt totalement bouleversé par un raz-de-marée sans précédent. A leur arrivée dans leur superbe résidence de vacances, Naomi, intransigeante, refuse une canette de Coca à l'un de ses fils, pourtant pas bien gros, et lui conseille de se contenter d'un verre d'eau, c'est meilleur pour la santé. Là encore, nous aurons facilement compris l'allusion. Quand ils auront tous reçu une gigantesque vague d'eau sur la tronche, on se dit que la sévère Naomi regrettera d'avoir privé son fils de ce petit plaisir sucré. C'est fin, c'est bien senti, c'est signé Bayona, merci.




Tout le début du film est de cette eau-là. Cela suffit sans doute à titiller les cordes sensibles des spectateurs les plus faciles, impatients de sortir les kleenex, désireux de verser leur petite larme hebdomadaire. En ce qui me concerne, j'étais déjà passablement agacé, me demandant très tôt ce qui m'avait poussé devant un spectacle si pauvre, si convenu et prévisible. C'est qu'on la sent drôlement venir cette vague... Bayona ne fait pas dans la dentelle. Son film, d'une lourdeur sans nom, ne flotterait pas, il coulerait à pic. Il baigne dans la plus totale médiocrité. Et je vais arrêter là mes jeux de mots minables. L'idole de Bayona, sa principale influence ici, est sans conteste Steven Spielberg. Il tente, comme le papa d'ET a déjà pu le faire quelques fois, de nous proposer un drame familial poignant, larger than life, ponctué de quelques scènes spectaculaires et d'autres intimistes, mêlant les deux registres dans un alliage qu'il espère réaliser avec la même habileté que son modèle. Mais Bayona n'est pas tonton Spielby, et comment ! The Impossible ne ressemble même pas à un side project qu'aurait mené un Spielberg fatigué et en mode pilote automatique, car occupé à tourner deux autres films plus ambitieux en même temps.




Que dire de la scène tant attendue, celle dite de la grosse vague bleue ? On ne peut pas dire qu'elle soit ratée. On la mate les yeux grands ouverts, saisis, il est vrai, mais non sans trouver assez ridicules les poses  prises par chacun des personnages voyant arriver la flotte déchaînée, déjà visibles dans l'affreux trailer. Ceci dit, quel est réellement le talent du réalisateur espagnol là-dedans ? Tous les films catastrophe, même les plus mauvais (et ils le sont trop souvent !), ont ce pouvoir d'attraction sur le spectateur lors des scènes chocs. On aime tellement quand tout pète et explose dans tous les sens ! Même à la télé, aux infos, on attend que ça, un petit tremblement de terre ou, plus inoffensif et agréable à l’œil, une mignonne éruption volcanique. Notons que les effets spéciaux sont ici très bien faits, le mélange entre images réelles et ajouts de synthèse fonctionne parfaitement, on n'y voit que du feu. Pour le reste, le petit suspense mis en place par Bayona consiste à voir à quel point il va oser s'en prendre à son actrice vedette, par des plans aquatiques où nous voyons son corps fragile agressé par des branchages et autres détritus déchaînés par la vague.




Naomi Watts passe ensuite 80% du film en position allongée, recouverte d’hématomes et de blessures en tous genres, à demander dans quel état est sa jambe la plus amochée les rares fois où elle trouve la force de prononcer quelques mots. C'est donc aujourd'hui ce qui suffit à être en position de favorite pour l'Oscar de la Meilleure Actrice. Hollywood aime décidément les femmes, de préférence séduisantes, qui osent s'amocher méchamment pour les besoins d'un rôle taillé sur mesure. C'est pour cela qu'il n'aurait pas du tout été étonnant de retrouver à nouveau Marion Cotillard parmi les nominées, pour son rôle de cul-de-jatte dans l'atroce De Rouille et d'os. On se réjouit de son absence ! Naomi Watts aura toutefois fort à faire face à Emmanuelle Riva, également en lice pour la prestigieuse récompense en toc, et qui la dépasse largement en terme de souffrances subies par Amour pour le sage tyran Haneke.




Mais revenons à l'Impossible. Quand la famille, déchirée par la vague, se découpe en deux, nous sommes sans doute supposés attendre avec le cœur serré qu'ils se retrouvent enfin. Personnellement, je n'avais qu'une hâte : que la sympathique Watts retrouve ses guibolles et aille piquer une ou deux têtes en monokini ! Non en réalité, je n'étais pas si naïf, j'attendais tout simplement qu'on en finisse, que le papa ours retrouve enfin maman ours, et que leurs trois petites enflures de gosses puissent enfin s'embrasser à nouveau, en chialant en harmonie, avant d'aller jouer au ballon en attendant la rentrée. Ça a bien fini par arriver, mais je dois vous avouer que j'ai eu eu recours à un dispositif particulièrement pratique, de taille réduite, fonctionnant par infrarouge ou ondes radio, permettant d'assister aux pires catastrophes sans perdre son temps, le séant bien enfoncé dans son fauteuil. Faut dire que j'en avais ras-le-cul !




Le film nous annonce fièrement dès le générique d'ouverture qu'il se base sur ce qu'a réellement vécu une famille espagnole ayant miraculeusement survécu au tsunami du 26 décembre 2004 qui a ravagé l'Asie du Sud Est. Dans un souci de rendre l'histoire du film plus universelle et donc encore plus dénuée d'identité propre, la nationalité espagnole des protagonistes a été purement et simplement gommée. Nous savons que le fantomatique Ewan McGregor (qui garde sa chevelure parfaite avant, pendant et après le tsunami !) bosse au Japon, mais qu'il a le mal du pays, et la famille projette de déménager, on ne sait où, et à vrai dire, on s'en fout. C'est une famille sans charme, sans attache, sans identité, sans caractère, incarnée par des acteurs plus lisses que jamais nageant dans un film qui leur ressemble affreusement. On préférait Bayona orphelin.


The Impossible de Juan Antonio Bayona avec Naomi Watts, Ewan McGregor et des gosses sur lesquels je ne mise pas un kopeck (2012)

11 décembre 2012

Le Seigneur des anneaux : Les Deux tours

Le deuxième épisode de la trilogie de l'anneau a déçu quantité de fans pour la seule et unique raison qu'il n'a ni début ni fin. En effet, véritable épisode de transition, le film démarre sur des chapeaux de roue pile poil là où La Communauté de l'anneau se terminait, et se finit en queue de poisson exactement là où commencera le troisième film, sur une scène où des arbres se bastonnent avec un immeuble. Les défenseurs du film en revanche ont mis en avant son sous-texte politique, le titre imaginé par le précog Tolkien en 1954 faisant directement référence à l'attentat du World Trade Center survenu en 2001, année de sortie du premier épisode. C'est dans ce film que Gandalf fait une lessive et porte des fringues blanches après s'être trimbalé en guenilles grises pour obtenir la promotion canapé de sa vie. C'est là aussi que Gimli se découvre des affinités avec Legola, le nain et l'elfe faisant du skate en plein milieu d'une bataille cruciale pour l'avenir de leur monde, la bataille du goof de Helm. C'est ici que les hobbits apprennent à aimer Gollum, soit Marion Cotillard dans son meilleur rôle à ce jour, et que nous apprenons quant à nous à le (la) détester violemment. C'est encore là que Brad Dourif a mis un terme public à sa carrière dans le rôle insupportable de "Langue de pute", un odieux personnage aux sourcils rasés à la serpe. Mais surtout, la première demi heure du film est entièrement consacrée à une randonnée avec sac-à-dos quetchua à la clé pour tous les membres de la communauté, rando durant laquelle Legola affirme : "Une aube rouge se lève, beaucoup de sang a été versé dans la nuit", dévoilant là à des compagnons de marche qui n'en désiraient pas tant qu'il vient d'avoir ses premières ragnagnas.


Gollum est le personnage central de cet opus, cherchant à récupérer à tout prix l'Anneau, dont il se sert comme "sphincter magique" lui permettant de palier son incontinence fécale qui l'avait forcé à vivre reclus dans les montagnes.

Dans ce deuxième épisode, Peter Jackson confirmait aussi qu'il allait bel et bien apparaître dans chaque film, comme Hitchcock himself. Rappelons que dans le premier opus, Peter Jackson incarne un Uruk-hai, ces énormes créatures sorties de la boue et puant la merde, sans aucun maquillage. Dans le deuxième, il galope sur ses quatre pattes velues parmi les Ouargues, ces espèces de fauves effrayants qui s'en prennent aux chevaux et aux cheveux des cavaliers du Rohan, toujours without make-up. Dans Le Retour du Roi, c'est l'un des mammouths énormes, les Thimothy Oliphants, le troisième en partant de la droite lors de la bataille décisive des champs du Pelennor. Mais le vrai rôle joué par Peter Jackson avec cette trilogie est celui du Santa Claude puisqu'on a tous eu droit aux dvds des films de la trilogie pour Noël en 2002, 2003 et 2004, dvds ramenés au Gibert Occasion dès le 26 décembre pour s'acheter à manger.


Les trois caméos légendaires de Peter Jackson dans chaque épisode de sa trilogie.

Le point d'orgue des Deux Tours, c'est la bataille du Gouffre de Helm, tellement point d'orgue qu'elle dure 1h30 et se voit entrecoupée par des séquences interminables où un arbre discute philo, débat de Rousseau et praxise à mort face à deux hobbits assis en cercle qui se revendiquent plutôt de Voltaire. La bataille du Gouffre de Helm se déroule de nuit, dans le noir complet, sous la pluie, comme dans le bouquin sauf qu'à l'image on ne voit rien et que l'action est aussi illisible que dans les scènes de combat de la trilogie Batman de Nolan, et c'est pas un compliment. N'est pas McT qui veut... Un chien de berger bourré et myope aurait mieux réalisé cette séquence. D'ailleurs, anecdote vraie de vraie, Peter Jackson a avoué qu'il soufflait un vent terrible sur le Rohan à ce moment-là du tournage et que ses lunettes ont foutu le camp, d'où peut-être le flou terrible de l'image. Plus terrible encore, l'affiche du film, un de ces rejetons des posters de Star Wars où s’agglutinent toutes les tronches des acteurs en présence. Mais ce que nous reprochons personnellement à ce film, c'est l'absence d'humour, de touche slapstick, bref d'un comique de répétition qui soit enfin volontaire.


Le Seigneur des anneaux : Les deux tours de Peter Jackson avec toujours les mêmes cons (2002)