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24 juillet 2019

The Program

Quand bien même le cyclisme et le cinéma ont rarement fait bon ménage (à part, à ma connaissance, dans le superbe Breaking Away de Peter Yates), Lance Armstrong aurait pu faire l'objet d'un biopic passionnant du fait de sa personnalité trouble et de son parcours si singulier. Spécialiste du biopic provocateur, l'anglais Stephen Frears s'est courageusement attelé à cette tâche épineuse quelques mois après les aveux très médiatisés du champion déchu, en adaptant le livre du journaliste sportif et d'investigation irlandais David Walsh. Ce dernier, incarné ici par Chris O’Dowd, a très tôt douté des performances hors normes de l'américain et s'est rapidement lancé à la chasse aux preuves pour révéler aux yeux du monde entier ses pratiques frauduleuses. Pendant ce temps, Lance Armstrong (Ben Foster, impeccable) enchaînait les succès sur la Grande Boucle, en s’appuyant sur son mental d’acier, une équipe entièrement à sa merci et, surtout, un « programme » parfaitement bien huilé, inspiré par les pratiques douteuses du médecin italien Michele Ferrari (Guillaume Canet !). En plus d’intéresser les américains au cyclisme, Lance Armstrong s’engageait financièrement dans la lutte contre le cancer, qu’il avait lui-même vaincu avant son ascension phénoménale, et redonnait aussi espoir à quelques malades, qui voyaient en lui le symbole d’une guérison possible.




D’une durée relativement courte compte tenu des modes actuelles, de la période couverte par le scénario et de la profusion des sujets et événements à traiter ici, The Program est une œuvre assez bâtarde, qui ne se présente ni comme un véritable biopic d'Armstrong ni comme un pur film d'investigation. Peu à l’aise, et c’est compréhensible, quand il s’agit de filmer les courses, Stephen Frears s’appuie sur quelques images d’archives et ne se focalise jamais vraiment sur les performances sportives, aussi peu éthiques soient-elles, ou sur la compétition même. Nous ne sommes jamais pris dans le suspense d’une course ni placé dans la peau d’un spectateur qui assisterait, béat, aux exploits paranormaux d’Armstrong. Les victoires au Tour de France s’enchaînent comme des vignettes qui défilent rapidement à l’écran. On est plus concentré sur l’enquête du journaliste irlandais, quand bien même celle-ci n’est pas retranscrite dans des détails assez riches pour se suffire à elle-même. En bref, The Program est un film assez bizarre, orphelin d’une identité claire, ce qui explique sans doute l’accueil plutôt frileux dont il a bénéficié à sa sortie en 2015, mais, fort du savoir-faire de son auteur, il parvient tout de même à captiver.




Ne sachant peut-être pas trop sur quel pied danser, Stephen Frears a vraisemblablement opté pour la vitesse et la légèreté, avec un traitement assez « pop » de son sujet, si l’on peut dire. Son film trouve son salut dans son rythme assez enlevé, son efficacité relative et l'interprétation très solide de Ben Foster. L’acteur américain n’a pas l’air obsédé par le mimétisme généralement de mise dans ce type de films et met très bien au service du personnage son physique ambivalent, à la fois charmeur et vipérin. Bien que la ressemblance physique ne soit pas évidente, il apparaît comme un choix de casting judicieux, plus malin, en tout cas, que les Matt Damon et Jake Gyllenhaal directement évoqués dans le film, quand Lance Armstrong, alors au sommet de sa gloire, évoque plein d'arrogance avec ses coéquipiers les grands noms qui circulent à Hollywood pour l’incarner dans une future hagiographie qui, en fin de compte, ne verra jamais le jour. Les scènes où Ben Foster doit faire face aux médias ou à ses partenaires récalcitrants sont sans doute les plus réussies. L’acteur dégage une espèce de charisme négatif assez fascinant, on tient donc à le saluer, lui qui n’a, semble-t-il, pas été très honoré pour sa prestation, là où d’autres récoltent des prix pour, par exemple, singer ridiculement Winston Churchill ou salir impunément la mémoire de Freddie Mercury. Son interprétation permet à The Program de ne pas être complètement superficiel et juste divertissant puisque l’on devine le monstre humain qui se cache derrière les traits de ce cycliste à la détermination et à la mentalité folles.


The Program de Stephen Frears avec Ben Foster, Chris O'Dowd et Jesse Plemons (2015)

6 octobre 2018

Leave no trace

Il y aurait un jeu de mots tout trouvé à faire avec le titre, mais il serait un peu cruel. Car certes, Leave no trace ne laissera pas une marque indélébile dans cette année de cinéma, ni même dans ma semaine, mais il ne m'a pas pour autant fait passer une mauvaise soirée ! Le nouveau film de Debra Granik, qui s'était déjà faite remarquer en 2010 pour Winter's Bone, a bénéficié d'un excellent accueil à Sundance et fait partie des rares à avoir une approbation des critiques à 100% sur Rotten Tomatoes, au même titre que des classiques comme Paddington 2 et Chocolat (avec Omar Sy !), pour vous donner une idée. Leave no trace, dont le titre n'a vraisemblablement pas su être traduit pour sa sortie française, est l'adaptation d'un bouquin de Peter Rock intitulé L'Abandon paru en 2009. Au bout de quelques minutes, l'histoire m'étant étrangement familière, je me suis souvenu avoir lu ce livre dont la lecture ne m'avait pas vraiment marqué, sans être désagréable.


Rien de tel qu'un petit moment de lecture sous la pluie. 

Le tronc d'arbre symbolise le fossé entre la fille et la civilisation...

On suit donc un père (Ben Foster) et sa fille (Thomasin McKenzie), âgée de 15 ans, qui vivent clandestinement dans les forêts bordant Portland, Oregon (place forte de la zik et du ciné indé US). Ils restent à l'écart d'une société avec laquelle ils évitent tout contact, jusqu'au jour où, évidemment, on leur met le grappin dessus et où ils sont plus ou moins forcés de retourner à la civilisation. Après un temps d'observation, histoire de s'assurer qu'il n'y a pas d'inceste ou quoi que ce soit de glauque là-dedans, les services sociaux les installent dans une petite baraque en périphérie, permettant au père de trouver un job dans l'exploitation forestière et incitant sa fille à aller au collège. Définitivement inadapté à la société, le père, dont on peut comprendre qu'il est un vétéran de la guerre d'Irak, veuf de surcroît, décide de repartir vivre au grand air avec sa gamine.


2 mois d'arrêt pour Ben Foster suite à cette scène réalisée sans trucage et décrite, selon ses propres termes, comme "la plus difficile à tourner de toute sa putain de carrière" (sic)  

P'tit-déj frugal... 

Quand on est malgré soi un abonné du bitume, que l'on passe ses semaines dans les tristes bureaux de tours grises sans âme ou dans les couloirs souterrains dégueulasses du métro parisien, à des années lumière de la nature et de toute verdure, voir un tel film peut peut-être apparaître comme un événement exceptionnel et salvateur, un sacré bol d'air frais, une belle respiration, aussi nécessaire que bienfaitrice. Les critiques américaines, qui ont couvert ce film d'éloges, comme en attestent ces phrases dithyrambiques copiées sur l'affiche US, ont peut-être besoin de se mettre au vert. Mais on peut aussi les comprendre : un tel film, avec sa nature omniprésente, son rythme très doux et son regard délicat porté sur ses personnages, passe sans souci pour une vraie curiosité et une pure merveille entre un Batman vs Superman et un Equalizer 2 ! Manque de pot, en ce qui me concerne, je vis dans les bois, je dors à la belle étoile, je bois l'eau de pluie, je me nourris de vieilles racines et, quand je regarde un flm, j'évite désormais comme la peste les pires saloperies US.


 Thomasin McKenzie est la révélation du film.

Ben Foster n'a pas fermé l’œil de la nuit et avouera plus tard en interview qu'il s'agissait "du tournage le plus difficile de toute sa putain de carrière" (sic)

Malgré tout, cela ne m'empêche pas d'avoir conscience des modestes qualités de l’œuvre trop modeste de la si modeste Debra Granik, qui est une sorte de sous-Kelly Reichardt, réalisatrice autrement plus importante du cinéma indé américain qui s'intéresse elle aussi aux marginaux et adore les espaces verts. Debra Granik joue sa petite musique sans faire de vague, de façon très simple, plutôt intelligemment, en évitant tout pathos et en filmant tout ça comme si c'était franchement pas grand chose, et c'est ce que devient son film : une petite chose mignonne et gentille mais inoffensive et presque insignifiante. C'est aussi ce qui fait son charme, paradoxalement. L'aspect le plus réussi est le portrait de cette adolescente curieuse, désireuse de s'épanouir, quitte à rompre le lien sacré qui l'unit à son paternel. L'actrice est très bien et la cinéaste la filme avec une certaine sensibilité. On ne trouve pas ça ridicule quand la gamine s'émerveille de la découverte d'un élevage de lapins ou d'une ruche d'abeilles, cela compte au contraire parmi les meilleurs moments.


Le regard-caméra de X-tro le lapin n'a pas pu être évité... 

Aucune abeille n'a été blessée durant le tournage.

La plus belle scène du film ne concerne toutefois ni la gamine ni son père. Elle survient dans la dernière partie, quand le père et la gamine ont temporairement trouvé résidence dans un mobil-home au sein d'une petite communauté de marginaux fort sympathiques et accueillants. Il s'agit d'une très belle parenthèse musicale durant laquelle Debra Granik filme le plus simplement du monde un vieil homme qui chante, accompagné de sa guitare et d'une amie gratteuse. Il s'agit en fait de Michael Hurley, un folkeux digne du plus grand respect, qui pousse la chansonnette depuis plus de 50 ans et qui joue ici une des plus jolies chansons de son riche répertoire, "O my stars" (sortie en 1980 sur l'album Snockgrass). J'étais agréablement surpris par ces minutes de flottement, hommage amplement mérité à cet artiste discret. Ne serait-ce que pour ça, Leave no trace mérite d'exister.


 Michael Hurley (à doite), accompagné par Marisa Anderson (à vérifier)

On s'éclate comme on peut sans wifi...

C'est quand le film se consacre à nous dépeindre la (sur)vie des deux personnages dans la nature qu'il s'avère le moins intéressant. Pourquoi ? Parce que nous ne sommes pas venus là pour voir ça et, surtout, parce qu'on l'a déjà vu des milliards de fois ailleurs... Qu'il est compliqué de faire du feu quand tout est trempé. Comme il est important de mettre tout à l'abri quand la pluie recommence à tomber. Qu'il est bon de manger des vieilles conserves de flageolets mijotés au réchaud après avoir passé toute la journée à se les geler. Qu'il est nécessaire de se coller l'un à l'autre pour se réchauffer quand on a choisi de passer la nuit dans un tronc d'arbre en forêt par -15°C... Merci des tuyaux Debra, en ce qui me concerne, je reste chez moi bien au chaud pour mater ton petit film sympa en m'envoyant une bonne grosse pizza base crème fraîche.


Leave no trace de Debra Granik avec Ben Foster et Thomasin McKenzie (2018)

19 février 2011

The Messenger

The Messenger est un énième film américain sur la guerre en Irak, cette fois-ci vécue depuis l'intérieur, par deux soldats chargés d'aller informer les familles de la mort de leur proche. Ces deux soldats sont incarnés par Ben Foster, un acteur à gueule de rat que l'on voit de plus en plus dans des premiers rôles alors que son faciès repoussant l'avait jusque-là cantonné aux personnages de traîtres et de méchants en tout genre, et Woody Harrelson, qui nous sort donc un grand numéro d'acteur, dans son rôle de vieux soldat sans cœur qui en a vu d'autres mais qui se découvre de nouvelles sensibilités aux côtés de son jeune loup moins aguerri. Ben Foster est le fils illégitime de Jodie Foster et de Splinter le maître-rat des tortues ninja. Il arrive à s'envoyer les pires salopes parce qu'il a acquis, grâce à son père et à ses frères de lait Leonardo, Raphael, Michelangelo et Donatello une parfaite connaissance du monde underground. A son tableau de chasse, Kirsten Dunst, Kristen Stewart et Ellen Page, ce qui lui a valu un "Limite !" de la part de son père quand il a été mis au courant, vu la juvénilité de ces deux dernières conquêtes, imaginez un rat de taille humaine vous tancer car vous franchissez la ligne jaune du détournement de mineur...




Pour en revenir au film, il paraît bien long, mais il se laisse tout de même regarder. Ce qu'il y a de plus captivant, ce sont les histoires que l'on devine à peine lorsque nos deux personnages vont annoncer les sales nouvelles chez les familles qui viennent de perdre l'un des leurs. Toutes ces scènes où l'on rentre à peine chez elles, dans leur intimité, pour en ressortir aussitôt. Hélas, ces moments sont quasi systématiquement filmés caméra au poing, avec petits mouvements parfois assez disgracieux pour capter la tristesse de ces familles endeuillées, et c'est assez dommage... A part ça, ce que vit le jeune soldat campé par Ben Foster, tiraillé entre une première meuf dont il était amoureux qui va se marier avec un autre et une seconde meuf moche dont il a annoncé la mort de son gars et qui voit en lui une source de réconfort, on s'en cogne pas mal. Du coup je l'ai maté d'un oeil en vitesse lente parce que je matais Les Petits mouchoirs de l'autre œil en vitesse rapide sur mon netbook premier cri ! Et pourtant, j'en viens à dire que c'est pas trop mal. Je l'ai pas vu en vitesse réelle, et je dis que c'est pas mal ! C'est dire où en est mon indulgence envers les gros mélos hollywoodiens...


The Messenger d'Oren Moverman avec Ben Foster, Woody Harrelson et Jena Malone (2009)