23 janvier 2012

Contagion

Film sans aucun intérêt, sans tension, sans idée, sans parti pris, sans scénario, sans mise en scène, qui se regarde sans effort et c'est déjà beau vu ce qu'on attendait mais qui, au final, est plus chiant qu'autre chose et, surtout, oubliable dans la minute ! Soderbergh ne parvient même pas à nous rendre parano le temps d'un long traj'mé. Certains rétorqueront : "Tu ne l'as pas vu en salles ! Dès que mon voisin toussait j'avais envie de le tuer", et s'il est vrai que je ne l'ai pas vu en salle, il est vrai aussi que j'ai envie de tuer mes voisins de séance quel que soit le film que je vais voir au ciné, mais j'ai quelques soucis. Ceci dit ça se regarde à peu près, a fortiori sur une télé, avec l'entière liberté de se foutre de la gueule du film en permanence. Ca se mate malgré une bande originale techno-electro-teuchio insupportable, et c'est moins horrible que les critiques ne l'avaient dit. Quoique... Au bout d'un petit moment passé devant ce film dépourvu de scénario, et encore plus quand on y repense après l'avoir fini, on se dit que c'est quand même une belle merde, ce film. Pourquoi ?


La meilleure scène du film, cramée par la bande-annonce, celle où un docteur annonce à Matt Damon que sa femme est morte, et Damon de répondre : "D'accord... Je peux lui parler ?"

D'abord parce que ce film n'est rien de précis, il joue aux chaises musicales et ne se décide jamais à poser son cul huileux ici ou là. Je parle de cul huileux parce que du début à la fin Soderbergh filme des gens malades, liquéfiés, couverts de sueur et vaseux, soit exactement dans l'état critique où se trouve mon frère à chaque fois qu'il mange un peu trop de saucisson ou qu'il abuse des danettes au chocolat dont il raffole, à chaque fois qu'il mange en fait, à la fin d'à peu près chaque repas, aussi ce film fut-il douloureux pour moi. Contrairement aux longs séjours quotidiens de mon frère aux cabinets, Contagion n'est pas vraiment un film catastrophe, toute cette affaire de virus mortel à la vitesse de propagation démentielle ne semble être prise en charge que par cinq personnes dans le monde entier, un peu comme dans Alerte !, ce film de Wolfgang Petersen où Dustin Hoffman avait la courante. Les 6 499 999 995 autres êtres humains sur Terre, dont le sort tient entre les mains de cette poignée d'américains dévoués et peu connus, ne sont que des chiffres auquel le film fait référence de temps en temps ("4ème jour de contamination, 30 000 morts") avec une indifférence qui annule tout sentiment de panique. Et une seule scène (ratée) d'apocalypse à la The Road ne suffit pas à rattraper cet échec. Faute de catastrophisme, Contagion aurait pu devenir un bon film de genre quand le virus est considéré - dans une drôle de scène où une des héroïnes explique à un des héros les avancées de ses recherches sur le virus en faisant tout un laïus incompréhensible sur les chauves-souris et les cochons - par ceux qui le traquent comme un xénomorphe alien dangereux et mutant que chacun peut porter sur soi sans s'en rendre compte, mais en fait non, la maladie est aussitôt ramenée à ce qu'elle est : un gros rhume ultra contagieux qui fait chier le monde et qui fait suer du front ses victimes avant de les faire tomber comme des mouches en dix minutes.


Laurence Fishburne a l'air d'espérer une bonne nouvelle concernant la pandémie, mais un contrechamp nous révèle qu'il est sur L’Équipe.fr et qu'il attend le tirage au sort de la Ligue des Champions pour voir si Lyon va encore tomber sur le Real Madrid et se faire ramasser en beauté à domicile.

Aucun sujet n'est vraiment traité, pas même la grande idée de Soderbergh qui consiste en une parabole brillante sur le thème de la "contagion", la vraie contagion virale n'étant pas celle de la maladie mais celle de l'information, qui serait bien plus meurtrière. Sauf que rien n'est tiré de cette idée très bateau, et devant le film on se dit que c'est bel et bien la maladie qui bute tout le monde, pas internet. Tout ce que tente Soderbergh tombe à l'eau, comme sa grande idée de faire crever des stars hollywoodiennes à toute allure. Au fond c'était ça l'audace faramineuse de ce film en bois : foutre en l'air le tout Hollywood. Or on s'en tape royalement, pour commencer, et ensuite ce n'est même pas assumé puisque Paltrow, qui clamse mochement au bout de cinq minutes (voir le photogramme en bas à droite sur l'affiche) habite quand même tout le reste du film grâce aux images des caméras de surveillance observées par Marion Cotillard, qui passe sa vie à chercher l'origine du virus, ce dont on se fout tout autant, et pour ce faire se tape l'intégrale des vacances de Gwyneth Paltrow à Hong-Kong.


Quitte à choper une maxi chiasse dans la minute qui suit, moi aussi j'aurais un gros smiley en me faisant souffler sur les crayons par Gwyneth Paltrow.

L'autre star qui meurt c'est Kate Winslet, et elle meurt en héroïne s'il vous plaît. Elle fait partie des quatre ou cinq personnes sur Terre chargées d'endiguer ce fléau qui bute un million de pékins à la minute et elle meurt infectée dans l'exercice de ses fonctions, courageuse et sacrifiée, en véritable martyr de la bonne cause. Le dernier plan sur elle nous la montre agonisante sur un lit de camp, effectuant son dernier geste avant la mort : tendre une couverture à un type en meilleur état qu'elle... Tous les ricains sont des saints and soldiers dans ce film. Le vrai message délivré par Soderbergh c'est que les catastrophes sanitaires qui frappent le globe sont la faute aux Chinois qui ne respectent pas les règles élémentaires d'hygiène (à la fin on voit le départ de feu du virus, une chauve-souris tombée dans un enclos à cochons à côté d'un resto cantonais, je rêve...), mais fort heureusement de brillants et valeureux chercheurs américains, docteurs et doctoresses et autres directeurs de lobbys pharmaceutiques mettent tout en œuvre pour nous sortir à chaque fois de la panade au péril (jaune) de leur vie.


Dans une longue séquence géniale et inutile, Elliott Gould, qui incarne un docteur, est assis dans un bar, tout seul, un jour après le début de la contamination, et il regarde les gens dans la salle qui s'embrassent, se serrent la main, sentent leurs doigts, boivent dans le même verre, se torchent avec la manche et ainsi de suite, avec une tronche absolument indescriptible.

Elliott Gould, le papa de Monica dans Friends, qui dans chaque épisode n'en revenait pas d'avoir mis au monde une fille aussi bien bustée, fait un caméo de tous les diables dans le rôle d'un chercheur qui outrepasse ses droits pour trouver un remède contre le virus coûte que coûte et qui, ayant le choix entre vendre sa trouvaille à des entreprises pleines aux as ou le refiler gratos aux gentils, fait le choix de la vertu bien entendu. Lawrence Fishburne est lui aussi un grand homme qui veut sauver tout le monde et qui commet une bévue en prévenant sa fille de foutre le camp en silence d'un lieu infesté, sa fille aussi conne que lui s'empressant bien sûr de répéter à tout le monde qu'il faut partir, générant un mouvement de foule meurtrier. Mais Fishburne ne sera pas inquiété parce que sa bourde partait d'un bon sentiment, il voulait juste sauver sa fille, et puis à la fin il transgressera aussi la loi en ne se pliant pas à l'agenda national des piqûres de vaccins pour soigner sa fille avant tout le monde, et aussi le fils du type qui balaie son bureau tous les matins et qu'il aime bien. Car cet homme-là a un cœur d'or et les lois ne peuvent pas le retenir de faire le bien autour de lui. Idem pour Marion Cotillard qui part seule à Hong-Kong pour trouver l'origine du virus et qui finit par être prise en otage par des types dont le village est décimé par la maladie, qui veulent des vaccins en échange de Cotiflax. Quand ils les obtiennent (encore une scène remarquable où les Chinois testent le vaccin livré sur leur otage, Cotillard, qui n'est pas malade : ils lui font ingérer le remède, attendent deux secondes, et constatant qu'elle n'est toujours pas malade ils en concluent que le vaccin fonctionne !), ils la libèrent, mais arrivée à l'aéroport elle apprend de la bouche de son libérateur que c'était des placebos et elle quitte tout pour rejoindre les malades et les aider quand même, aide qui consistera à crever avec ses nouveaux potes en puant méchamment du front, mais c'est si héroïque. J'en passe et des meilleures.


Steven Soderbergh, le double ricain de Mathieu Kassovitz, est décidément un bien triste type.

Le seul salop ce n'est pas le patron d'une entreprise pharmacologique (ces gens-là sont des crèmes qui ne veulent que le bonheur du monde), c'est un blogueur qui veut dénoncer ce qu'il croit être une conspiration des magnats de l'empire pharmaceutique. Jude Law incarne le seul rôle merdeux de ce film, et Soderbergh lui a collé de fausses dents tordues pour le rendre ingrat comme un internaute et laid comme un enfoiré paranoïaque qui a tort de mettre en doute les bienveillantes institutions américaines, car il cause du tort à tout le monde avec son esprit critique infondé... Dieu soit loué les héros de l'ombre nationaux font fi du principe de contradiction des gêneurs paranos qui insultent leur courage et dénoncent à tort les soi-disant dérives du système et les fausses mauvaises méthodes des grands groupes. L'esprit critique scandaleux du grand public à l'égard des puissants est une plaie, nous dit Soderbergh. Le véritable cancer de notre planète, selon le cinéaste, c'est l'information, la communication, l'esprit critique, qui créent des bains de sang et empêchent les efforts des nobles et bienveillants puissants de ce monde. Édifiant. Vous aussi vous pensiez que Soderbergh n'avait pas de talent mais qu'il avait au moins deux trois idées ? Vous aussi vous pensiez qu'il avait des couilles au cul faute d'être doué de ses dix doigts ? C'est triste pour lui mais en plus d'être si peu doué Soderbergh vient de nous prouver qu'il est niais comme un manche à balais.


Contagion de Steven Soderbergh avec Matt Damon, Gwyneth Paltrow, Kate Winslet, Lawrence Fishburne, Marion Cotillard, Elliott Gould et Jude Law (2011)