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19 février 2023

Le Vieux fusil

Revu ce film récemment. Ou plutôt enfin vu ce classique. Je n'en avais aperçu que quelques extraits un soir que mes parents le regardaient à la télé, à l'époque. Mais cette fois-ci je l'ai vu et bien vu. C'était important. Je me souviens, il y a une quinzaine d'années, d'un vendeur de la fnac vociférant dans son rayon qu'il était scandaleux que "le plus grand film français" n'existât pas en dvd... Bon. Le plus grand vigilante français, à la rigueur ? Et encore, ça m'étonnerait. Mais soit. Robert Enrico a fait son travail, il faut le reconnaître. Je ne dirais qu'une chose sur ce film : il porte mal son titre. Le vieux fusil éponyme c'est celui que Noiret utilise pendant une bonne partie du film pour dégommer un par un les SS de la division Das Reich qui peuplent son château du Quercy et qui, sentant venir la débâcle, ont massacré tout le village en contrebas, mais aussi la jeune épouse et la fille du chirurgien montalbanais. Mal leur en a pris car l'autre a décidé de devenir un serial killer, une machine de mort, le Rambo du Tarn-et-Garonne, de se venger et de tous les fumer, avec donc son vieux fusil. 
 
 

 
Mais la pétoire du père Noiret n'a finalement que peu d'intérêt en soi. Non, l'arme qui prend toute la place dans ce film, c'est le lance-flamme des nazis. C'est avec lui qu'ils ont foutu le feu à Romy Schneider après l'avoir violée (cf. l'affiche). On le sait grâce à un des mille (pénibles) flashbacks qui scandent le film. Un flashback du reste incohérent car si tous les autres montrent des souvenirs de Noiret (la rencontre avec sa femme, les bons moment passés au château, etc.), celui-ci lui vient de nulle part quand il découvre les cadavres de sa femme et de sa fille à quelques pas des SS qui s'échinent à réparer leur véhicule semi-blindé, étant donné qu'il était absent au moment des meurtres, mais peu importe. C'est avec ce même lance-flamme que les assassins traquent Noiret dans les sous-sols et catacombes de son château sans parvenir à lui mettre le grappin dessus. Et c'est toujours ce lance-flamme que Noiret récupère à la fin du film, après avoir oublié son vieux fusil près du puits où il vient de noyer les deux derniers soldats de la compagnie, pour s'en aller finir le travail : il se retrouve derrière le miroir sans teint du salon, qui laisse voir la pièce depuis une coursive secrète creusée dans le mur (installation qui révèle chez le personnage de Noiret un probable malade vicieux espionnant ses invités en douce...), et observe face à lui, de l'autre côté du miroir, l'officier ennemi responsable de la chienlit, incapable de le voir quant à lui, occupé à s'ôter un bout de rôti d'entre les dents avec une fourche de paysan décrochée du mur du salon. 
 
 

 
Noiret déclenche le lance-flamme, fait fondre le miroir et crame son ultime ennemi à travers la vitre explosée, foutant le feu à tout le château par la même occasion. Tout ça pour dire que si j'avais été Robert Enrico, j'aurais appelé mon film Le Gros lance-flamme plutôt que Le Vieux fusil. Et, quinze ans en arrière, écoutant le vendeur de la fnac complètement à cran hurler à qui ne voulait pas l'entendre : "C'est une honte que Le Gros lance-flamme, plus grand film français de tous les temps, n'existe pas en dvd !", je n'aurais peut-être pas attendu quinze piges pour rejeter un œil à l'affaire.
 
 
Le Vieux fusil de Robert Enrico avec Philippe Noiret et Romy Schneider (1975)

18 avril 2021

First Man – le premier homme sur la Lune

Au moment de faire le bilan ciné des années 2010, cet inventaire indispensable que nous nous devons d'établir à présent que cette décennie est (enfin !) entièrement révolue, il y a un film dont nous n'avons dit mot et qui nous avait pourtant marqués au fer rouge. Trêve de suspense, ce film, c'est évidemment le First Man du sorcier Damien Chazelle, le fils prodigue du cinéma contemporain. Sorti à l'automne 2018, ce métrage est une épopée sensorielle, puissante et même lyrique : First Man ou quand le cinéma devient cosmique. Il y a tant et à la fois si peu à dire de cette œuvre que je vais me risquer à une titrologie analytique. "First Man : le premier homme" : cette double répétition dans le titre complet, suggéré par l'auteur lui-même (dont on rappelle au passage les racines françaises – cocorico !), en dit long sur le projet artistique visant à nous livrer un double portrait de cet homme, premier marcheur sur la Lune, dans l'espace et au foyer. Plutôt confiant et sûr de lui dès qu'il passe la porte de ses bureaux à la NASA et qu'il s'envoie en l'air avec ses petits copains en tenue de bibendum Michelin, Neil Armstrong s'avère être une larve amorphe, impuissante et inexpressive quand il rentre chez lui, où il doit affronter la colère de sa femme et la maladie de sa fille, débiles de naissance. Damien Chazelle nous place sur orbite, non sans oublier de nous faire tourner sur nous-mêmes : il révolutionne l'intime et l'Histoire, mêle l'utile à l'agréable, dans un film-miroir, comme son intitulé intégral, qui n'a pour reflet que ce que nous acceptons de révéler à nous-mêmes. First Man : le premier homme, c’est aussi l'exemple-type d'un titre éponyme concentré sur la dualité du personnage éponyme de ce film éponyme. Vertigineux.
 
 
 
 
Ce film éponyme est une expérience amniotique, fœtale même (en tout cas, c'est bien dans la position du fœtus que je me souviens m'être surpris, à la fin de la séance). Je n'ai pas touché terre de toute la projo, mais quelque chose de plus mou... de plus doux... le sol de la Lune ? Non, simplement le fauteuil de la rangée de devant, à laquelle un filet de bave me reliait ! Loin d’être un trip régressif, les stimulis qu’active Chazelle sont de toute nature. On tient là un film qui a besoin de décanter 2-3 jours, mais pas plus, surtout pas, il pourrait tourner... Sur le coup, on est un peu sonné. First Man ne ressemble à rien, et il est assez compliqué de situer Chazelle sur l'échiquier cinématographique actuel où il a pris tant d'importance. C'est un peu du Kubrick easy-listening, le melon en moins, ou du Bergman réactualisé, à la portée de la plèbe. Un homme dont on attend aussi des réponses... Alors qu'il était attendu au tournant comme le messie, le film ne prend pas parti sur un sujet encore polémique : pied droit, pied gauche ? On ne saura pas. On ne saura jamais. Satellite ? Planète ? Le film laisse aussi cette autre question en suspens, plus désireux d'ouvrir de nouvelles pistes que d'en baliser d'anciennes, dans un grand chamboule-tout des repères spatio-temporaux. Ivre de la superbe de son film étincelant, épaulé par un Ryan Gosling de nouveau synesthésique, Chazelle laisse place aux rêveries : on en a même oublié notre alarme le lendemain matin ! C'est peut-être le cinéma d'après-demain, et il est encore impossible d'en mesurer l'impact ; c'est une expérience physique hors du commun en termes d'immersion et de submersion. Tétanisant, bouleversant, renversant, malfaisant et d'une beauté sans égal, on en ressort avec une gerbe terrible, et un goût de reviens-y... Dans l'espace, personne ne nous a entendu pleurer. 


First Man – le premier homme sur la Lune de Damien Chazelle avec Ryan Gosling et Claire Foy (2018)

16 avril 2021

Dark Waters

On a connu Todd Haynes moins engagé mais plus délirant. On l'a croisé une ou deux fois en soirées à Cannes ou chez lui à Brooklyn, et d'habitude y'a qu'à lui servir un martini blanc et l'écouter déblatérer pour littéralement décoller de son siège. Todd a toujours eu ça pour lui. Cet art du récit, ce souci du détail, ce sens de l'anecdote qui n'en finit plus, cette grande chaleur humaine et cette conscience aiguë de l'autre. Et puis, mon dieu, on se marre avec lui ! Il est pétri d'humour et d'amour à gogo. Pourtant, pourtant... son dernier film en date, Dark Waters, lancé directement depuis le canapé dans la platine, en un jet du disque plein de certitude et d'effet boomerang, nous a sapé le moral et cloués au tapis pour des jours et des jours. Autopsie d'une dépression. Plongée en eaux troubles.

Tout grand cinéaste américain a au moins un film-dossier à son actif, un film à charge, un film coup de poing, un film engagé qui remet les compteurs à zéro, les pendules à l'heure et l'église, la mosquée, la synagogue et le temple au centre surchargé du village. Chaque scandale américain ou international possède son film-signature, son mémorandum filmé qui le fait directement entrer dans les archives de la mémoire collective et l'établit en affaire classée dans les caboches de celles et ceux qui l'ont maté. La Amistad par exemple. Qui se souviendrait de la traite négrière sans le film de Steven Spielberg ? Pentagon Papers ? Qui se souviendrait du mic-mac des pentagone papiers sans la piqure de rappel de, une fois de plus, Steven Spielberg ? Lincoln ? Qui aurait eu vent de la carrière de cet avocat de renom sans le vaccin double-rappel de, on vous le donne en mille, Steven Spielberg ? La Liste de Schindler ? Qui aurait la moindre idée de la notion de génocide, ou d'ailleurs le réflexe d'établir des listes (ne fût-ce que de courses), sans le pense-bête de, bam, Steven Spielberg ? Réponses : personne. Et on pourrait continuer avec 1941, La Couleur prepou, L'Empire du soleil, L'Empire contre-attaque, Munich, ... Tous les grands scandales de l'Histoire ont eu un grand cinéaste américain pour s'occuper d'eux, et c'était souvent Steven Spielberg.
 
 

 
Il ne restait que le Téflon à torcher (bientôt viendront le temps d'AstraZeneca et de Pfizer). Et Todd Haynes, en grand cinéaste américain, s'y est collé. Petit rappel de son CV ? On a tendance à oublier ses faits d'armes et à minimiser ses réussites, ses prouesses. Tout ça parce qu'il n'est pas du genre à la ramener (à part en soirées où il monopolise la parole, l'attention, les vivats mais aussi tous les empanadas à portée de main, et de façon plus générale tout ce qui se gobe). Tout ça parce qu'il est gentil, discret, humble, généreux. C'est un amour d'homme qui passe le plus clair de son temps. Il le passe, tout simplement. Il n'emmerde personne avec ça. Il n'est pas du genre à signer son film d'un ronflant (et imprononçable) Todd Haynes's Teflon, ou Todd Haynes's Scarole, pour citer son précédent film magnifique sur les amours de deux femmes dans le New York des années 50. Les gens sont d'autant plus virulents avec les innocents, les non-violents, les êtres pacifiques qui ramassent les coups en se pliant en boule. Combien ont déféqué sur Le Musée des merveilles, que nous tenons pour un bien beau film. L'homme, Todd Haynes, est pourtant visionnaire, ayant signé bon nombre de films d'hier qui parlent potentiellement de demain (exemple canonique : Safe).
 
 

 
Les soirées chez Todd, c'est bruitiste. On ne s'entend pas penser. On n'entend que lui, qui aboie au milieu de la pièce parmi les décibels et distorsions de Sonic Youth. Non pas que les vinyles tournent sur la platine, non, le groupe vient jouer chez lui chaque week-end. Il a quasiment inventé Sonic Youth et leur a suggéré d'ajouter "Sonic" à "Youth", ou l'inverse. Le groupe mythique devrait même s'appeler Todd Haynes's Sonic Youth. C'est aussi à lui qu'on doit l'avènement Julianne Moore, dont il a cerné la personnalité hors-normes et le toupet face caméra. C'est aussi à sa majesté Haynes qu'on doit la carrière de Kelly Reichardt, qu'il produit, et qu'il a sortie des ronces à ses débuts. Todd Haynes porte en lui-même quelques unes des plus grandes carrières du cinéma américain d'aujourd'hui. On pourrait le comparer au James Stewart du film de Capra, La Vie est belle, victime parfois de coups de blues pas possibles mais qui régale en soirée et distribue les billets allers pour la joie et le kiff sans escale quitte à parfois se mettre en danger. Quand Todd est au fond du seau, en général le surlendemain de ses soirées de légende (le lendemain il n'est pas , on peut lui parler mais dans le vide complet, et on peut facilement s'y tromper car il a cette particularité de garder les yeux grands ouverts dans ces moments-là, deux yeux qui ressemblent à des clous de girofle), on aimerait pouvoir lui montrer l'état du cinéma américain s'il n'avait pas existé ces trente dernières années et s'il ne s'était pas démené pour l'embellir de sa si délicate et précieuse façon.
 
 

 
Il lui fallait donc, comme tous les grands, son film-dossier. C'est un peu la faute du fort louable Mark Ruffalo, homme doté de toutes les qualités, qui n'aime rien tant qu'accumuler les films-dossiers, considérant par là qu'il allie l'utile et l'agréable, le politique à la fiction. Ruffalo avait chez lui cette batterie de casseroles en téflon qui lui faisait littéralement pisser du plomb après chaque repas, mais qui ont permis quand même toutes ces scènes où il se transforme en Hulk en un claquement de doigts dans la saga Avengers, et l'acteur avait à cœur d'en faire quelque chose d'utile. Après avoir revendu ses poêles à frire à prix d'or sur e-bay, le comédien, alerté des dangers du téflon par son médecin traitant inquiet de le voir régulièrement tripler de volume et changer de couleur de peau, a donc forcé la main à l'un des plus grands cinéastes américains de son temps, Todd Haynes, qui lui en devait "une belle" (le prix de la came pour une soirée, lors de laquelle Todd a mis à sac la baraque de son ami comédien : il y a parfois des soirées qui tournent mal pour Haynes, quand il n'est pas "dans son monde", comprendre embué par la musique de Sonic Youth venue le canaliser et calmer ses nerfs à vif). 
 
 

 
C'est sans la passion qui le caractérise au quotidien que Todd Haynes s'est lancé dans le tournage (long et laborieux, selon ses dires, et dieu sait qu'il ne supporte pas de tourner dans un autre ordre que chronologique : sans ça, il "ne suit plus"...) de ce film-dossier sur les méfaits du téflon. Petit manque de motivation de la part du maestro pour ce film de commande, cette dette de jeu à un pote de longue date, vite transformé en manque d'inspiration, qui touche jusqu'à l'affiche : on a attendu la course-poursuite jusqu'au bout du générique de fin, espérant une scène post-générique ultra nerveuse dans laquelle Mark Ruffalo allait appuyer à fond sur le champignon. Et jusqu'au titre du film, Dark Waters, qui est déjà le titre d'au moins trois autres films, dont deux films d'horreur portant sur le même sujet, le téflon, et un porno reptilien à vous glacer le sang. Le résultat du travail de Haynes et de Mark Ruffalo est certes terne, lent, gris, vert, lourd, monotone et vite expédié, il n'en reste pas moins un film-dossier qui peut en remontrer à bien d'autres films-classeurs et autres films-chemises beaucoup moins rigoureux et définitifs. 
 
 

 
Todd Haynes a vidé le dossier, essoré le fichier, nous donnant l'impression, d'un bout à l'autre de la projection, d'être , dans notre salon, d'ouvrir les archives l'une après l'autre, de les éparpiller sur le carrelage et de nous balancer au visage les preuves les plus accablantes sur les dangers du téflon, nous gueulant au visage "Et vise un peu ce document ! Et jette un œil sur celui-là ! Tu me crois maintenant ? C'est pas du lourd ça ?" Si. Vous ne pourrez plus rien nier après avoir vu ce film, même si vous faites actuellement fortune dans le téflon, même si vous êtes plongé jusqu'au cou dans l'affaire et si vous en avez retiré des bénéfices. Personne ne peut plus rien réfuter. Qu'on soit sur le banc des accusés ou victime, on baisse la tête et on plaide coupable. Même si on trouve ça bien pratique quand l’œuf surfe à ce point sur la poêle sans la moindre goutte d'huile ou de beurre, lévitant au-dessus du revêtement noir auquel il ne veut surtout pas accrocher (toujours trouvé ça chelou...). Nous, depuis ce film, c'est bien simple, on cuisine et on mange à même la plaque vitro-céramique. Et en fait ça passe. A condition de sortir le matos du carton d'emballage et de déballer des vivres consommables. Il faut dire qu'on ne bouffe que de saison : les knackis balls c'est de janvier à décembre, faut pas se mentir.

 
Dark Waters de Todd Haynes avec Mark Ruffalo (2020)

22 janvier 2021

Quien a hierro mata

Le titre mérite une petite explication. Ceux qui ont deux trois notions d'espagnol sauront à peu près le traduire mais seront tout de même embêtés : on dirait qu'il manque un bout. En effet, l'expression espagnole complète est "Quien a hierro mata a hierro muere", l'équivalent de notre un peu plus tranchant "Celui qui vit par l'épée périra par l'épée". Remplacez "l'épée" par "la drogue", "la came" ou "l'héroïne" et vous obtiendrez un résumé succinct mais très fidèle du film de Paco Plaza. En anglais, le titre de ce thriller, au scénario si tordu qu'il pourrait effectivement conquérir le monde, est devenu Eye for an eye, soit "œil pour œil", ce qui en change et réduit sensiblement le sens. Mais l'idée est là, car Quien a hierro mata est un film de vengeance, ni plus ni moins. Un assez bête, de surcroît.




Un infirmier en maison de retraite est amené à prendre soin du vieux baron de la drogue local, fraîchement sorti de taule et atteint d'une grave maladie dégénérative. Ayant perdu son frère il y a des années des suites d'une overdose, l'infirmier met au point une vengeance aussi terrible que minutieuse : il va injecter chaque soir à son patient impuissant une perfusion d'héroïne aux doses croissantes pour le faire clamser à petit feu du même mal que son frangin. Ce petit manège finira bien évidemment par se retourner contre lui... 




Comme vous pouvez le constater, Paco Plaza s'attache donc à illustrer l'expression éponyme. Il l'illustre lourdement, avec une multitude d'exemples à l'appui. Son thriller captive mais pèse une tonne. Le réalisateur espagnol n'a pas beaucoup progressé depuis Rec. Bien que l'on soit jusqu'au bout curieux de découvrir où le film va nous mener, et désireux de connaître tous les aspects de son scénario de malheur qui ne tient d'ailleurs pas trop debout, on ne peut pas faire l'impasse sur la laideur visuelle régulière de la mise en scène. Paco Plaza ne fait pas dans la dentelle, notamment lors de ces flashbacks inutiles, véritables flashs aux couleurs faisandées, qu'ils nous assènent brutalement pour nous rappeler le passé douloureux du personnage principal. Cela ne nous aide guère à mieux comprendre ses motivations, à compatir avec lui, mais si le but était de produire des images moches et pénibles, il est atteint haut la main.




Dans le rôle de l'infirmier, nous retrouvons, heureusement, Luis Tosar, un acteur galicien doué qui ne choisit hélas pas toujours bien ses rôles au point d'avoir tourné, consécutivement, pour Jaume Balaguero puis Paco Plaza, l'association de malfaiteurs derrière les deux premiers Rec. Il y a peut-être du masochisme là-dedans... Luis Tosar fait ce qu'il peut dans un rôle très mal écrit. Son personnage d'abord intriguant finit par nous blaser sévère. Il fait tout simplement nawak, allant jusqu'à mettre sa femme enceinte en danger pour satisfaire son insatiable besoin de vengeance. On suit d'un œil de plus en plus critique ses faits et gestes imbéciles et Luis Tosar apparaît comme le malheureux pantin d'un Paco Plaza bien déterminé à nous faire comprendre que la vengeance ne résout pas tout. Message reçu.




C'est dommage car l'idée de départ, qui consiste à délocaliser l'intrigue habituelle dans un milieu inédit (la maison de retraite) et à faire du plus grand salop en présence un homme âgé vulnérable et grabataire, n'est pas mauvaise. On imagine déjà le remake américain s'en saisir et peut-être en faire quelque chose d'encore pire. Le suspense est parfois au rendez-vous et les acteurs sont bien choisis. Le vieux baron, campé par Xan Cejudo, est très loin des clichés associés à ce genre de personnages. Ses deux cons de fils, qui essaient de maintenir son commerce à flot malgré leur QI limité, sont crédibles et joués par deux acteurs aux grosses tronches amusantes qui mettent du cœur à l'ouvrage (l'un deux, Enric Auquer a même été récompensé d'un Goya). Ils ont presque quelque chose de pathétique et le fort amour fraternel qui les unit les empêche d'être complètement négatifs et haïssables. On préfèrera retenir ces petites qualités là, si l'on retient vraiment quelque chose de ce thriller balourd.


Quien a hierro mata de Paco Plaza avec Luis Tosar, Enric Auquer et Xan Cejudo (2020)

3 août 2018

Mother !

Il y a déjà un souci avec le titre. Je ne l'écrirai pas "mother!" comme le souhaiterait Darren Aronofsky. Je commence par une majuscule, parce que l'on met une majuscule aux titres. J'accepte, difficilement, de le ponctuer d'un point d'exclamation, mais je le précède d'un espace. Car en France, c'est comme ça, nous n'avons pas les mêmes règles de typographie que nos amis anglo-saxons : nous mettons un espace entre le mot et la ponctuation quand celle-ci est un point virgule, un point d'interrogation, un double-point ou un point d'exclamation. Je suis en cela étonné que les québécois aient traduit par "mère!", c'est un laisser-aller inhabituel de leur part. C'est peut-être une question d'habitude, mais je préfère nos règles, je les trouve plus claires et agréables à la lecture. Mother ! Autre difficulté, et non des moindres : comment fallait-il prononcer le titre lorsqu'on se présentait à la caisse au ciné ? Cela ne m'a pas encouragé à me déplacer... Bref, pour moi, ce titre est une source de problèmes importante. Sans parler de son manque absolu d'originalité... En cela, il est vrai que seule la ponctuation participe à le rendre un tant soit peu unique.




Il faut aussi reconnaître à ce titre une autre qualité, plus inattendue. Une qualité discrète mais essentielle qui réside justement dans ce point d'exclamation et, plus exactement, dans sa façon d'apparaître à l'écran au tout début du film. Le mot "mother" s'écrit sous nos yeux, dans cette écriture caractéristique, puis surgit le point d'exclamation, accompagné d'un petit motif sonore digne d'un dessin animé qui rompt d'emblée avec le sérieux et la noirceur annoncée. C'est cette fantaisie, cet esprit plaisantin, qui vient sauver Darren Aronofsky du naufrage complet. Visiblement, le cinéaste s'amuse et veut nous emporter dans son délire. Ça ne fonctionne pas du tout, mais il a le mérite d'essayer, le sourire aux lèvres, quand d'autres que lui font ça avec un sérieux infiniment plus plombant et méprisable. Cela invite à un peu plus de bienveillance à son égard.




En nous dépeignant les mésaventures de cette jeune femme, incarnée par Jennifer Lawrence, qui habite seule avec son mari, Javier Bardem, écrivain en panne d'inspiration, dans une immense baraque et voit celle-ci être progressivement envahie par des inconnus, Mother ! prétend être une allégorie assez finaude que l'on pourrait s'évertuer à interpréter de plusieurs manières (au moins quatre, d'après les nombreux sites ayant décrypté le film, bien que l'une d'elles me paraisse un brin plus évidente — en gros, la maison = la Nature, brillant...). Le résultat à l'écran n'est hélas pas à la hauteur de l'ambition du cinéaste, dont on sent un peu trop qu'il veut absolument signer une œuvre clivante, vouée à devenir culte. Son film pèse des tonnes et peine à nous captiver malgré sa progression crescendo dans l'horreur et l'intensité.




Nous ne nous intéressons pas une seconde au personnage central, quand bien même l'actrice fait tout son possible et ne démérite pas, avec une caméra qui la colle de très près. Cette femme paraît vide et désincarnée, tout comme son agaçant époux. Ils ont simplement l'air d'être là pour servir et illustrer les petites idées du cinéaste, simples pantins, tristes rouages de sa machine pas si bien huilée. Quand arrivent les invités, joués par des revenants comme Ed Harris et Michelle Pfeiffer, cet effet est d'autant plus fort. Il est toujours agréable de revoir le trop rare Ed Harris mais, ici, nous voyons justement "le trop rare Ed Harris", au charisme intact, venir nous faire un petit coucou dans un film de Darren Aronofsky, et strictement rien d'autre. On constate les nouvelles rides apparues sur son front, on espère que sa santé est au beau fixe, mais on ne croit en rien à son personnage.




En outre, si Aronofsky paraît faire tous les efforts du monde pour rendre son film organique, lui donner de la chair, du corps (les murs suintent, les corps souffrent, les parquets s'ouvrent, tout est susceptible de saigner, s'effriter, se casser, s'inonder), il échoue cette fois-ci totalement dans cette entreprise (il y avait pourtant excellé dans Black Swan et The Wrestler). La faute notamment à des effets spéciaux ratés, beaucoup trop lisses, sans âme. En cela, Mother ! nous rappelle les dérapages visuels de quelques uns de ses précédents films comme The Fountain ou Noé (sans doute le plus proche voisin de Mother ! de par les thèmes abordés). C'est parfois d'une laideur assez gênante. C'est bien dommage car, à côté de ça, il y a tout de même quelques idées. J'aime que le seul décor du scénario, cette maison qui se veut un personnage à part entière, d'abord cocon familial accueillant, se transforme tour à tour en un lieu de culte, en un espace de débauche puis, littéralement, en zone de guerre. Tout cela dans un mouvement fluide et naturel, Aronofsky ne filmant pas en plans-séquences mais parvenant à nous en donner l'impression. Hélas, la maison aussi manque de réalisme et paraît ne pas exister, on se croit dans un studio en carton et nulle part ailleurs... Comment peut-on croire, d'ailleurs, que la frêle Jennifer Lawrence est censée l'avoir retapée entièrement ?!




De nouveau hanté par le cinéma de Roman Polanski (on pense assez inévitablement à Répulsion et Rosemary's Baby), sans ce coup-ci lui arriver à la cheville, Mother ! apparaît en fin de compte comme une pitrerie plutôt inoffensive, non totalement dénuée d'intérêt mais à des années lumière de l'effet escompté. La pirouette finale, en forme d'ultime pied de nez, appuie cette impression. Malgré tout, Darren Aronofsky continue son petit bonhomme de chemin et poursuit sa carrière de manière cohérente. On doute, cependant, qu'il revienne un jour à des œuvres plus humbles et maîtrisées comme l'étaient The Wrestler ou Black Swan, mais on continue d'espérer. 


Mother ! de Darren Aronofsky avec Jennifer Lawrence, Javier Bardem, Ed Harris et Michelle Pfeiffer (2017)

20 juin 2018

Rester vertical

Hypothèse : le titre du dernier film d'Alain Guiraudie, Rester vertical, serait une sorte de manifeste poétique. Rester vertical pour dire : choisir, aussi souvent que possible, ce qu'en linguistique structurale on nomme l'axe paradigmatique. L'élargir au maximum, en tout cas, au détriment de l'axe syntagmatique. Ne pas tant faire des phrases, discours ou narration, que jouer avec la chaîne des possibles, peut-être pas jusqu'au cadavre exquis cinématographique, mais jongler avec le virtuellement disponible, peut-être dans la veine des Cent mille milliards de poèmes de Queneau. Aller piocher dans ce qui pourrait être là. Que ce soit en matière de désir, de sexualité, de couple, d'amour. Ou simplement quand il s'agit de faire apparaître un personnage ici et maintenant, quand bien même c'est improbable, uniquement parce que c'est possible, parce que dans la "phrase" de la séquence (parallèle toujours douteux certes), on peut remplacer ce nom propre par un autre, faisant fi des distances qui séparent leurs porteurs ou de la vraisemblance qu'ils se trouvent là à tel moment donné (exemple : la scène où Jean-Louis et Yoan, qui ne se sont peut-être bien jamais croisés avant, sauvent Léo de la horde de sans-abri).




Et parfois les deux se conjuguent, disponibilité dans le lieu et l'espace et disponibilité dans le couple : Yoan est avec Marie quand Léo revient voir leur fils. Puisque l'auteur semble libre de placer n'importe quel sujet dans la phrase qu'il est en train d'écrire, pourquoi pas Yoan. Et pourquoi pas réunir Léo, son beau-père et potentiel amant Jean-Louis, et l'enfant, une famille, au milieu des loups, à la fin. C'est cette jouissance de l'axe paradigmatique, synonyme de liberté, que les journaux réfutent (à la devanture d'un tabac-presse, durant la cavale de Léo) pour faire du syntagmatique pur, du récit tout fait, une phrase, lapidaire, mensongère, qui réduit la relation de Léo et du vieux Marcel à un fait divers sordide écrit en gras pour simplifier et vendre. Alain Guiraudie, lui, l'explore au maximum pour un maximum de liberté, avec tout ce que cela peut avoir de déroutant.


Rester vertical d'Alain Guiraudie avec Damien Bonnard, India Hair, Raphaël Thierry et Laure Calamy (2016)

29 juin 2017

Ce qui nous lie

D'entrée, petite titrologie : Ce qui nous lie est le nouveau long métrage de Cédric Klapisch, qui avait commencé sa carrière par un court métrage très remarqué en son temps (à vérifier) intitulé Ce qui me meut. Ce qui nous lie, ce qui me meut, tout Klapisch réside dans ces deux phrases. La boucle est bouclée. Parce que pour Klapisch, grand maître du "film de groupe", nous sommes tous liés et nous avançons tous vers un destin inéluctable, les mouvements de l'un dictent ceux de l'autre, tels les battements d'aile d'un papillon, dans un monde 2.0. Toute la philosophie de Klapisch est là. Il était le réalisateur tout désigné pour signer la saga symbole d'Erasmus. Solidarité, fraternité, colocation, échange, voyage, village-monde, repas partagés, frigo commun... voici le champ lexical de la Klap. Accessoirement, on parle de "lie de vin" pour qualifier une couleur verdâtre, celle des vignes, clin d’œil astucieux au métier des personnages principaux du film, tous viticulteurs.




La sortie d'un nouveau Klap est toujours un événement. Un événement auquel on ne répond pas toujours présent, parfois par lâcheté. Un rendez-vous que nous n'honorons pas systématiquement, faute de courage. Mais la sortie d'un Klap ne nous laisse jamais indifférent et cela arrive que nous la subissions de plein fouet. Ici, le cinéaste de 55 ans, arrivé à un tournant de sa vie et de sa filmographie, s'intéresse au monde viticole, à la terre, pour pondre un nouveau film de groupe, nous expliquant encore à quel point la vie est ouf mais vaut tout de même la peine d'être vécue. Que parfois on pleure, parfois on rit, mais que c'est toujours le panard, surtout quand on bosse dans le pinard et qu'une grosse zik trip hop, chère à un Klapisch coincé dans les 90s, accompagne et souligne tous ces moments.




Fâché avec Romain Duris, dont il a oublié de souhaiter le dernier anniversaire par sms, et désireux de trouver un plus jeune étendard à son cinéma, Cédric Klapisch a cette fois-ci embauché Pio Marmaï, un acteur détestable mais qui est parvenu à faire sa place, que l'on a fini par tolérer grâce à son bagout et à sa bonhomie. On a appris à faire avec. Il faut se le farcir, mais avouons-le, il n'est pas bien méchant et dispose d'un naturel à l'écran que peu d'acteurs français de sa génération réussissent à dégager. Il est entouré par Ana Girardot (nous avons apprécié ce plan fugace où, jambes nues, la jeune actrice tasse le raisin dans des fûts) et François Civil, un jeune comédien en plein boom que l'on avait déjà croisé dans Dix pour cent, l'assez triste série créée par la Klap sur le monde des agents d'acteurs. Nous devons à François Civil les meilleurs moments comiques du film. Il faut reconnaître qu'il s'en tire pas mal et réussit presque à être drôle quand il doit surmonter sa timidité et dire ses quatre vérités à son interlocuteur, sans jamais finir ses phrases. Petit coup de flip lors de ma séance ciné : un couple de vieux s'est même mis à applaudir vigoureusement après l'une de ses répliques, comme pour me rappeler qu'un Klapisch se vit au cinéma, avec un public réceptif, pour être pleinement apprécié. Mon acolyte et moi gardons un souvenir inoubliable de la fois où nous étions allés voir Paris, la fleur au fusil. 




On regrette toutefois que Klaspich soit toujours aussi mauvais, aussi lourdingue, pour croquer des moments de vie supposés poignants, touchants. Il est clairement plus doué dans le registre de la comédie pure, où sa mise en scène et sa lourdeur font moins de dégât. Les scènes de dégustation de vin sont aussi des passages difficiles à encaisser, qui nécessitent un self control à toute épreuve. Il faut voir les comédiens débiter leurs banalités et leurs phrases toutes faites après avoir enfin avalé leur gorgée et, surtout, il faut supporter d'entendre ces bruits de bouche abominables qui donnent véritablement envie de tuer, de passer à l'acte. Je reprocherai aussi à la Klap son goût trop prononcé pour la carte postale. On croirait que son film est fait pour être vendu à l'étranger et mettre en valeur, péniblement, les paysages de la Bourgogne. Cette mauvaise tendance klapischienne se ressent aussi quand nous admirons notre trio d'acteurs, toujours beaux, en pleine forme, jamais fatigués, tirés à quatre épingles, portant des vêtements bien assortis, lorsqu'ils travaillent la vigne, comme s'ils faisaient un défilé ridicule, tels des gravures de mode de la campagne. Ça n'est pas crédible pour un sou, à l'image de ces dialogues lamentablement sibyllins où les personnages débattent du moment le plus opportun pour démarrer les vendanges. Un viticulteur audois ne supporterait pas ce spectacle une seconde et irait dans la foulée faire exploser à la dynamite artisanale le domicile du cinéaste.




Le moment tant redouté des vendanges est aussi une sacrée épreuve. Klapisch en profite évidemment pour nous montrer combien le travail des vignes est merveilleux, fait en groupe, dans la bonne humeur. Tout le monde vit et dort ensemble, comme une grande famille, se couche et se lève avec le sourire et, là encore, le cinéaste parvient à titiller nos plus bas instincts, nos envies pyromanes et sociopathes. Autre constat assez dingue à la sortie du film, qui en dit sans doute long : le Klap ne m'a pas du tout filé envie de boire du vin. J'ai un bon rosé tout frais dans le frigo, je n'ai même pas envie de m'en glisser un verre. C'est assez fou, c'est encore une belle performance de la Klap. Après Super Size Me, on s'est tous tapé illico presto un bon gros McDo. Un film sur l'élevage de poulets, je suis sûr qu'à la sortie je m'en tape un ou deux. Là, rien du tout. Malgré cela, mon honnêteté de blogueur ciné m'amène à vous avouer qu'il ne s'agit pas, loin de là, de l'un des pires Klapisch puisqu'il évite certains écueils attendus et éloigne de justesse ses personnages de la caricature. Cependant, je ne peux m'empêcher de penser qu'une telle histoire, sur ces frères et sœur qui se réunissent après le décès du père pour gérer son héritage et son domaine, de tels thèmes, avec l'enchaînement des saisons et le travail de la terre, abordés par un cinéaste français plus fin, comme Assayas ou Kechiche, cela aurait pu donner un bien beau film... 

Bon, je me glisse quand même un verre sous le colbac... mais Klap, tu n'y es pour rien ! J'ai juste soif.


Ce qui nous lie de Cédric Klapisch avec Pio Marmaï, Ana Girardot et François Civil (2017) 

8 octobre 2015

Des Saumons dans le désert

Après Le Cochon de Gaza, De l'eau pour les éléphants et Les Chèvres du Pentagone, voici Des Saumons dans le désert, qui s'ajoute à la liste de ces films qui par leur seul titre dégoûteraient même un cinéphile tel que Laurent Weil du cinéma de quartier. Que fait-on avec des saumons dans le désert ? Un gros casse-dalle peut-être mais pas un film. Les saumons dans le désert sont chose rare, dans la flotte un peu moins, et sur l'affiche on peut voir que McGregor n'est pas en reste pour les pêcher avec ses deux gros panards épilés de près, que des saumons auront tôt fait de prendre pour des congénères : c'est l'une des meilleures scènes de ce long métrage. Dès qu'il sent que ça mord à l'hameçon, McGregor, en digne héritier de Chris Waddle, fait un retourné acrobatique pour se ramener le poiscaille dans le gosier, à la Gollum (à la Cotillard, synonyme), avant de hurler : "Des saumons pour le dessert !" Afin d'un peu retirer le voile de désagréable mystère planant autour de ce titre, on va vous révéler l'origine d'un tel intitulé : 59ème minute du film, après s'être tourné autour pendant 58 minutes, Ewan McGregor et Emily Blunt finissent par se retrouver assis à la Daurade, les pieds dans l'eau, quand le bellâtre McGregor s'étonne de cette étrange destinée qui est la leur et lâche à sa future partenaire sexuelle : "On est un peu comme deux gros saumons dans le désert", à quoi la belle répond : "Pas faux". En effet, McGregor, incarne un Erasmus issu de la riche aristocratie, étudiant dans le désert, tandis qu'Emily Blunt joue une orpheline de père en fille, roturière de son état, qui gagne sa vie en cousant de beaux tapis persans et propose du thé vert aux passants dans le désert.


Du saumon dans le dessert...

Tout ça pour ça. Alors qu'on croirait à une référence littéraire haut perchée, c'est juste un dialogue de la clique Apatow, sorti par un personnage masculin en pantacourt. McGregor déballe cette ligne en se roulant un gros bédave assis en terrasse, sous la castagne et sans parasol. Zoom avant sur Emily Blunt, qui sur l'affiche est photoshopée au maximum, apparaissant presque en noir et blanc à force de retouches, d'anti-cernes et autre anti-yeux rouges. Voilà trois ou quatre ans qu'Emily Blunt gâche les films. Sur cette affiche (j'y reviens), elle est tellement retouchée qu'elle ressemble à un jellyfish humain sur lequel on viendrait de péter. En dehors de ce poster, l'actrice a son vrai petit charme, indéniablement, avec ce regard en biais, cet air ahuri et sa raie du cul au menton (ça peut être beau sur certains hommes aussi : Aaron Eckhart, Cary Grant ou Kirk Douglas, le roi du pot d'échappement au menton, du tout-à-l'égout perso). Et puis l'accent anglais à couper au couteau, l'accent cockney, pour être pointu, ça peut passer, même doublé d'une voix suraigüe de vieillarde qui te fera sursauter à chaque mot à coups de remarques chiantes, une voix faite pour pomper l'air en résumé, ce n'est plus possible, et notre réquisitoire se justifie d'un seul coup. Pure pendaison de crémaillère, crucifixion gratuite pour mini délit de sale tronche sur un poster, mais ce petit délit devient gigantesque sur une affiche comme celle de ce film, format A5.


Des Saumons dans le désert de Lasse Hallström avec Ewan McGregor et Emily Blunt (2011)

20 août 2015

James et la pêche géante

Henry Selick n'a pas seulement inspiré le dessinateur Maurice de Bevere, aka Morris, le père de Lucky Luke, pour le design de son fameux croque-mort. Henry Selick a également réalisé L’Étrange père Noël est une ordure de Monsieur Jack et, on ne le rappelle jamais assez, Jacques et la pêche géante, fabuleux film d'animation réalisé image par image, avec une patience et une minutie incroyables. Par erreur, on a longtemps assimilé cette œuvre unique en son genre à des produits purement commerciaux comme Gang de requins et Little Nemo, tristes dessins animés en milieu océanique fait pour séduire le jeune public littoral amateur de dauphins. Il est grand temps de rétablir la vérité... Attention, il s'agit ici d'une pêche géante, le fruit que l'on aime savourer accompagné d'un verre de rosé bien frais, et non d'une partie de pêche du tonnerre, celle qui consiste à capturer des animaux aquatiques (poissons, mais également et notamment crustacés et céphalopodes - dont le fameux brochet-bière, croisement insolite d'un brochet et d'une canette de 1664, qui vit tranquillement dans les eaux douces du plan d'eau du Vieil-Baugé) dans leur milieu naturel (océans, mers, cours d'eau, étangs, lacs, mares, flaques). Selick met en scène une très grosse pêche, que ça soit dit, une bonne fois pour toutes.




Pour que cet amalgame tragique appartienne définitivement au passé, revenons sur le synopsis du chef d’œuvre d'Henry Selick. La morne existence de James sur la côte anglaise subit un sacré bouleversement lorsque ses parents sont écrasés net par un rhinocéros échappé d'un parc animalier. Orphelin, James part vivre avec ses deux horribles tantes : Sponge Bob et Belle Piquette. Installé dans le Yorkshire, James fait la connaissance d'un vieillard sénile qui, pour l'amadouer, lui donne des langues de crocodile magiques. Mais, en rentrant chez ses tantes, James se ramasse en chemin et fait tomber toutes les langues au pied d'un arbre. Soudain, un fruit gigantesque apparaît dans l'arbre ! L'apparition de ce fruit énorme marque le début des aventures pour James, qui se lance alors dans un voyage initiatique au cours duquel il découvrira les vertus de l'entraide et de l'amitié.




On tient tout d'abord à saluer Henry Selick (salut, Henry) et ses distributeurs francophones ainsi qu'à souligner une nouvelle particularité propre à ce film étonnant. En France, l'énorme fruit magique est une pêche, mais sachez que la nature du fruit varie selon les pays ! De l'autre côté des Pyrénées (en Espagne...), le titre devient "José y la Naranja fatal", et l'histoire est un poil différente (plus gaie, selon certains). En version originale, le film s'intitule "Jack & the giant pineapple", pour une fin bien plus pessimiste. Pour l'exploitation wallisienne du film, cas unique : le fruit a été remplacé par une patate, met plus largement apprécié et consommé en quantité phénoménale par nos amis insulaires (le scénario, très minimaliste, prend ses distances avec Roald Dahl et se contente de nous montrer une patate, filmée sous tous les angles possibles, pendant 1h30). Plus étonnant encore, nos amis ukrainiens ont droit, quant à eux, à une belle pastèque. Ces variations s'expliquent sans doute par le souci de se mettre à la portée du jeune public de chaque pays. C'est bien connu : les routes d'Ukraine sont véritablement jonchées de pastèques, l'équivalent de nos garennes en France, voire de la pêche, un fruit très familier, dont le choix s'avère donc très judicieux aussi.




Entre l'abricot, la pêche et la poire, notre préférence va à la pêche. L'abricot est un super fruit ... d'été ! La poire a plusieurs qualités : celle de nous rappeler la forme majestueuse des plus beaux attributs féminins, et celle de pouvoir se préparer en dessert, avec une généreuse coulée de chocolat chaud. Mais la pêche a des avantages indéniables (qu'on ne peut échanger contre quelques deniers). On peut se faire une pêche "comme ça", pour le plaisir et à toute heure. Pensez à ce jus qui vous suinte des mains et, surtout, à ce noyau. Mon morceau préféré, le noyau. Infini... Infiniment rempli de pêche. Ça fait travailler la langue, les dents, les muscles de la mastication... Un vrai régal. Un éveil des sens ! Et, on l'oublie trop souvent, la pêche peut aussi faire office d'entrée de premier choix : la pêche au crabe, par exemple. Vous m'en direz des nouvelles. Testez donc la pêche au crabe. Y'a que ça de vrai... L'expression "ça fout la pêche" ne vient pas de nulle part...


James et la pêche géante d'Henry Selick (1996)

29 septembre 2014

Dos au mur

Après une journée fatigante, j'éprouvais le besoin naturel mais difficilement avouable de me "vider la tronche" devant un film peu exigeant intellectuellement parlant. J'ai donc fait le pari Dos au mur en espérant avoir affaire à un thriller efficace et divertissant. Hélas j'ai encore une fois assez rapidement regretté mon choix. Malgré un pitch a priori correct et des retournements de situation parfois un brin inattendus au début, Dos au mur est un vrai faux caper movie qui peine très vite à maintenir l'attention. On imagine pourtant aisément qu'il y a quelques années, ce scénario basique mais astucieux aurait pu accoucher d'un film honnête et capable de nous faire passer un bon moment. S'il avait été réalisé dans les années 80 ou 90, Dos au Mur aurait sans doute été porté par un acteur charismatique et cool, d'une part, et il aurait forcément été ponctué par quelques touches d'humour bienvenues, que le doublage français aurait su magnifier. Aujourd'hui, on a simplement droit à un thriller mollasson et ultra premier degré, qui se prend au sérieux du début à la fin et échoue totalement à nous scotcher au fauteuil.




Niveau casting, on se tape le si fade Sam Worthington dans le rôle principal du couillon agrippé et la toujours transparente Elizabeth Banks dans celui de la négociatrice chargée de lui faire quitter sa corniche. Gravitent autour d'eux des personnages sans saveur campés sans conviction par l'effroyable Jamie Bell, le navrant Edward Burns et le pauvre Ed Harris (subir ce film est d'ailleurs uniquement la triste occasion de constater que ce si sympathique acteur a pris un sacré coup de vieux récemment). Un top model latino apparemment peu intéressée par le 7ème art, nommée Génesis Rodriguez, tente aussi d'apporter une petite touche sexy à ce long métrage et ne cesse d'agiter ses seins devant la caméra. Avec un peu de discernement, on notera que la taille de ses deux atouts est considérablement grossie par des Wonderbra surpuissants qui me feraient moi-même passer pour une bombe. A part ça, circulez, il n'y a rien à voir.




Petit retour sur le titre : Dos au mur, en version française, Man on a ledge, "l'homme sur un rebord", en version originale. Désormais, à Hollywood, les titres sont à l'image des films : tout ce qu'il y a de plus terre-à-terre et premier degré. Il n'y a aucun aspect métaphorique ou imagé à y déceler. Quand il y a un double-sens possible, il paraît totalement fortuit. Un film ayant pour titre "L'homme sur un rebord" nous mettra forcément en présence d'un homme passant tout le film sur le rebord d'un bâtiment, littéralement. A la belle époque, il aurait pu s'agir d'un superbe film noir, qui sait. Sam Worthington est ici suspendu sur la corniche du 36ème étage d'un building de Manhattan et menace de se jeter dans le vide. Il passe près de 2h à faire des petits pas chassés très disgracieux et à s’agripper à l'aide de ses bras, s'abîmant les ongles au passage, par des mouvements assez ridicules, dignes d'une petite bestiole apeurée, comme si l'acteur craignait réellement pour sa vie. En VF, "Dos au mur" respecte tout à fait l'esprit du titre original puisque Worthington passe également tout le film dos au mur. Rien de plus logique. Pour être totalement fidèle au scénario, le film devrait même avoir pour titre complet "L'homme dos au mur sur un rebord" ou "Man back to the wall on a ledge". Et pourquoi pas ?




Ces titres idiots ont au moins le mérite d'être tout à fait à l'image des films. Pas de place pour la complexité et encore moins pour la poésie. Non, il faut tout de suite annoncer aux spectateurs de quoi il s'agit exactement, pour ne jamais prendre le risque de le tromper sur la marchandise. Dans Buried, on suivra les mésaventures d'un type enterré. Un exemple choisi parmi tant d'autres.* C'est tout de même dommage. Vous imaginez si Die Hard, aka Piège de Cristal, s'était appelé "Barefoot and stuck with terrorists in a building" ? Quequoi... Ce n'est que lorsqu'il s'agit de remakes que le risque de désorienter le public en changeant le titre du film freine les décideurs et prend l'avantage sur la règle consistant à coller au plus près du scénario. Ainsi, And Soon the Darkness n'a pas bougé, alors qu'il aurait cette fois-ci été sans doute plus judicieux de l'intituler "Two hot curvy babes in bikinis sugaring the pill get chased by morons" et être pour le coup totalement fidèle au déroulé de l'histoire. C'est un peu long, certes, mais avec un titre pareil, moi je suis installé au premier rang dès l'avant-première du film, les lunettes 3D solidement vissées sur le nez !




*A ce propos, si vous connaissez d'autres exemples, justement, n'hésitez pas à me les communiquer, soit en commentaire à cet article, soit en me les envoyant par mail à l'adresse électronique indiquée sur la page "A propos". Vos nouveaux apports me permettront d'étayer un peu mon propos, d'appuyer et renforcer mon argumentation. Cette petite note est un appel à l'aide.


Dos au mur d'Asger Leth avec Sam Worthington, Elizabeth Banks, Jamie Bell, Genesis Rodriguez et Ed Harris (2012)

28 août 2013

L'Aube rouge

Il était temps qu'Hollywood réchauffe un peu la guerre froide. C'est chose faite avec ce remake d'un film de propagande anticommuniste oublié de John Milius, sorti en 84, avec Patrick Swayze et Jennifer Grey (le couple phare de Dirty Dancing) mais aussi Charlie Sheen, Léa Thompson (l'éternelle maman de Marty McFly) et Harry Dean Stanton. L'aube "rouge" du titre ne désigne donc pas les menstruations de Légola, l'elfe de Peter Jackson, qui dans le 2ème épisode du Seigneur des Anneaux annonçait fièrement à ses camarades la venue de ses premières règles par cette phrase inoubliable : "Une aube rouge se lève, beaucoup de sang a été versé dans la nuit". Le "rouge" de "l'aube" du titre désigne bien la grande menace coco. Au début du film, la Corée du Nord envahit les États-Unis avec l'aide de la Russie. Au départ c'était censé être un coup des Chinois, mais les droits de distribution faisant loi, la production a préféré se donner la Corée comme ennemie, mieux vaut se fâcher avec 24 millions de spectateurs potentiels qu'avec un 1 milliard et demi.




Tout au long du générique d'ouverture, un petit topo réalisé à partir d'images réelles nous explique que les USA sont affaiblis par la crise économique et que l'armée américaine est disséminée dans le monde entier pour résoudre des tas de conflits internationaux. Les très belliqueux Coréens, alliés aux Russes, en profitent pour lancer une grande opération d'invasion et d'occupation des États-Unis. Des parachutistes pleuvent sur le pays et en un coup de baguette à riz la "bataille" est terminée. On ne saura rien de la réaction européenne, ni de toutes les complications en chaîne qu'un tel événement pourrait provoquer. Trop compliqué. Le film se concentre sur une petite ville du Nord-Ouest des USA, et plus précisément sur une poignée de lycéens, nommés les Wolverines, du nom de l'équipe de football locale, qui vont former la résistance...




Les Américains n'ont aucune histoire personnelle de résistance à l'envahisseur à mettre en images à grand renfort de drapeaux sanctifiés et d'auto-masturbation patriotique. Ils ont péroré sur l'attaque subie à Pearl Harbor, et sur celle du World Trade Center, mais, dans sa courte et dense histoire, leur pays n'a jamais subi l'occupation. Il ne leur reste donc plus qu'à fantasmer. Fantasmer la jeunesse rebelle, le maquis, les embuscades, le sabotage, les représailles, les camps de concentration, les messages radio codés ("John a de longues moustaches !"), la guérilla urbaine, les collabos, etc. Et qui sont leurs héros imaginaires ? Des adolescents, évidemment, miroirs de ceux, assis dans la salle, que le film se tue à abrutir. Des sportifs et leurs copines pom-pom girls (tous incarnés par des sous-acteurs majoritairement fort laids, le bien nommé Josh Peck en tête), dirigés par un ancien soldat de retour d'Irak (Chris Hemsworth, qui trimballe toujours sa gueule de gigantesque abruti), lui-même fils d'un flic héroïque (opposé au maire noir de la ville qui est un vendu, et dont le fils, le seul membre noir des Wolverines, sera bien sûr la brebis galeuse sacrifiée avant la fin).




Finalement c'était pas si con cette guerre en Irak : toute une génération de formée en cas d'invasion, et prête à former les gamins du pays. Pas un mal non plus que tous les enfants du pays jouent en masses à Call of Duty (le jeu manque même à l'un d'eux dans la montagne, alors qu'il le vit en vrai), car ces petites gens, hauts comme trois pommes, manient la mitrailleuse de guerre comme des chefs avant même d'avoir siroté leur première bière. De toutes façons ils préfèrent le coca, pour accompagner leurs repas quotidiens au fast food, c'est donc également une chance que le pays fourmille de Subways, puisque les résistants peuvent s'y ravitailler discrètement, le service étant particulièrement rapide et les prestations peu onéreuses. Et puis une veine qu'on trouve tout un arsenal de guerre dans le moindre chalet de vacances dans ce beau pays pas du tout paranoïaque que sont les États-Unis, c'est idéal pour faire face au potentiel débarquement des armées de l'envahisseur communiste.




Dans ce flot d'idéologie gerbante, on trouve aussi quelques répliques, au milieu des scènes d'action à la con, qui laissent vraiment songeur, et qui parviennent à faire regretter l'original signé Milius, teen movie guerrier tourné sous Reagan par un type aussi fin et serein que le papa de Conan le barbare, et pourtant moins crétin, moins extrémiste et moins unilatéral que le remake qui nous est présenté aujourd'hui, encore plus pur dans sa propagande. En matière de réplique catastrophe, le grand discours de Chris Hemsworth à ses jeunes recrues, formées à l'art de la guerre en trois heures et quart, se place là : "On s'en sort pas mal pour une bande de gamins. On va se battre, et on va continuer à se battre, parce que c'est plus facile maintenant. On y est habitués. Vous autres par contre vous allez devoir faire un choix difficile. Parce qu'on ne va pas vous vendre la guerre. C'est trop laid pour ça. Mais quand on combat dans son propre jardin, quand on combat pour sa famille, c'est un peu moins douloureux, et ça fait un peu plus sens. Parce que pour eux, c'est juste un endroit. Mais pour nous, c'est notre patrie." On ne va pas vous vendre la guerre mais on va quand même vous la vendre un peu, et dans un film qui la montre quand même bien belle.




Après des lustres d'invasion, de colonisation et de guerres sales, l'Amérique rêverait-elle d'une guerre propre, légitime, défensive, héroïque ? Combattre enfin pour défendre dignement son beau pays et sa belle liberté, sans intérêts mal placés et sans arrières-pensées ? Il faut bien se donner des raisons d'être patriotique... Red Dawn assouvit le fantasme d'inverser les rôles et vient couronner sans détour l'entreprise de ce cinéma hollywoodien qui se donne bien du mal pour faire pleurer le monde sur le sort tragique (fictif) des États-Unis et faire régner la peur en prévoyant une apocalypse imminente venue d'un Orient quelconque, apocalypse rouge dont, in fine, la sacro-sainte Amérique increvable, elle et elle seule, finirait par nous sauver. Et le film se clôt très délicatement sur l'image d'un groupe de prisonniers courant au devant de leur liberté le Stars and Stripes dressé bien haut en évidence.





Le scénario pousse loin son désir de voir l'Amérique devenir la victime glorieuse de l'affaire et repousse les limites de la connerie dans une belle scène où Chris Hemsworth dit de sa voix d'outre-tombe poussée dans les graves pour se donner de l'aplomb, et du haut de son charisme de catcheur trépané : "Les viêtcongs nous ont appris comment la petite mouche peut rendre le buffle taré". Véridique. Et le pire c'est que le film pourrait devenir vaguement intéressant si ses auteurs osaient présenter ces chers américains comme des salopards de longue date conscients de ce statut et espérant qu'on les attaque vraiment afin de finalement obtenir l'opportunité rêvée de faire amende honorable et de renverser la vapeur. Mais dans une autre séquence, particulièrement émouvante elle aussi, Hemsworth, toujours lui, ajoute : "Avant nous étions les gentils en mission à l'étranger, maintenant c'est à nous de foutre le chaos dans leur organisation, c'est à nous d'être les méchants !" Et voilà que je saigne du nez.


L'Aube rouge de Dan Bradley avec Chris Hemsworth, Josh Peck, Adrianne Palicki, Josh Hutcherson, Isabel Lucas, Jeffrey Dean Morgan et Edwin Hodge (2013)