2 mai 2008

La Vérité ou presque

Jusqu’à la sortie du film La Vérité ou Presque, Sam Karmann était pour nous un type tout ce qu’il y a de plus sympathique. L’un de ces nombreux artisans du cinéma français dont on aurait serré la pince avec plaisir ou à qui l’on aurait adressé un sourire complice si un jour on avait eu la chance de le croiser au détour d’une rue. On ne se serait également pas privé de lui donner une grande tape dans le dos, en s’amusant de voir son corps maigrelet encaisser le coup avec difficulté. Sam Karmann, c’était un chic type. On aimait sa gueule de con ordinaire, sa tête de prof de maths en ZEP qui rêve d’une mutation ; sa vieille tronche de beau-père fatigué, avec lequel on est obligé d’être cool parce qu’on apprécie tellement s’envoyer sa bonnasse de fille. Sam Karmann avait vraiment tout l’air d’un type cool. On se souvenait l’avoir croisé aux côtés des Nuls dans La Cité de la Peur, et on l’avait apprécié dans Cuisines et Dépendances, où il collaborait avec ses amis, le couple Bacri-Jaoui. On l’avait aimé encore davantage grâce à son premier long-métrage, Kennedy et moi, un très sympathique film où l’on retrouvait un Bacri à son top dans le rôle principal.




Mais on avait commencé à émettre des doutes sur la personne de Sam Karmann en le croisant par hasard un soir, sur France 2, dans l’une de ces émissions consacrées aux courts-métrages, où il présentait avec une fierté ostentatoire ses premières œuvres, ses premiers essais : des trucs complètement nazes, allant du bête film de vacances tourné à St Jean de Luz jusqu’à une blague Carambar simplement mise en image, avec à chaque fois un twist final merdique expliquant les 10 minutes qu’on venait déjà de se taper en douleur. Bon, on s’était dit que, peut-être, ce type au carnet d’adresse si enviable avait temporairement pris la grosse tête, rien de bien grave. Et puis est sorti l’année dernière son dernier long-métrage : La Vérité ou Presque.




Doté d’un casting composé d’acteurs plutôt sympathiques (François Cluzet, André Dussollier, Karin Viard), La Vérité ou Presque donnait l’espoir d’une petite comédie rigolote et légère, le genre qu’on aime se mater entre amis, un soir de pluie, avec un kébab dans chaque main. Sauf que voilà, Sam Karmann est un putain d’imposteur ! Pour vous donner une idée précise du script en présence, voici le résumé transmis par Sam Karmann himself pour en faire la tagline de sa jaquette : "Anne est mariée à Thomas, qui a un faible pour Caroline, la jeune femme de Marc, l'ex-mari d'Anne, elle-même sensible au charme de Vincent, terriblement jalousé par Lucas". Je suis à moitié tenté de vous faire un schéma sous powerpoint pour vous expliquer tout ça. Karmann a donc voulu faire un nouveau film choral, en réduisant l’intrigue à trois ou quatre pauvres personnages, et en maintenant le nombre d’enchevêtrements entre ces différents personnages à 369 en seulement 1h25, ce qui les amène bien vite à oublier leurs orientations sexuelles respectives. Ainsi, dans le climax, dans une scène qui échappe à toute analyse, à tout visa de contrôle, à toute censure du CSA, nous assistons, tenez-vous bien, nous assistons donc, médusés, à l’enculade du pauvre Cluzet par un Dussollier survolté. Dussollier, spécialiste ès Lyon, ville dont Karmann dresse une terrible carte postale d’1h25, fait visiter à Cluzet les plus sombres ruelles gallo-romaines de la cité, et en profite pour lui raconter de façon imagée les pratiques ancestrales et barbares de nos ancêtres quand, sans crier gare, armé d’un clin d’œil ravageur accompagné d’un mouvement mouliné du bras gauche sans équivoque, il invite un Cluzet relisant le script avec horreur à la recherche d’une coquille, à le suivre dans une des bâtisses, où pourra avoir lieu le coït le plus brutal et inattendu du 7ième Art, dont aucun détail ne nous est épargné. Rangez vos snuff movies, oubliez vos Joe D’Amato, effacez toutes vos vidéos amateurs, liquidez votre historique internet, videz le cache, rayez vos cookies, supprimez tous vos liens vers les sites internet les plus dégueulasses ; vous avez ici les minutes les plus écœurantes jamais filmées.




En assistant à ça, le spectateur, quand il a la chance de ne pas être seul et menotté dans une pièce plongée dans le noir, sera forcément amené à demander à son compagnon de déroute s’il a bien vu ce qu’il a vu. Et oui, mon dieu oui, Sam Karmann est bel et bien un sacré malade et cette scène atroce est hélas la plus représentative d’un film où s’amassent les manifestations de ses plus terribles symptômes.


La Vérité ou presque de Sam Karmann avec André Dussollier, Karin Viard et François Cluzet (2007)

4 commentaires:

  1. J'ai presque vu ce film. J'adore le moment où José Garcia et Bruno Solo arrivent presque à l'aéroport, que José Garcia sort un "VICE CHAMPIONS DU MOOONDE", que l'autre sort "Dit lui qu'elle a les yeux qui sentent la cuisse". Richard Anconina a presque eu un fameux role dans ce film.

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  2. Le commentaire de Vincent est limite plus drôle que la review !

    Ceci dit, la scène d'enculade est-elle réelle ? Ou bien l'as tu ajoutée au script original, au mépris du fion de Cluzet ?

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  3. La scène de l'enculade est bien réelle, et elle se déroule bien comme ça. Le commentaire de Vincent est chouette, on y avait pensé, mais on a opté pour autre chose. Et l'article est fameux.

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  4. Il a l'air fameux ce film, dites-moi.

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