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3 juin 2021

Nobody

Si vous n'êtes pas encore complètement dégoûté par ce que je nommerai ici "la formule John Wick" et dans le cas où vous suivriez de près la carrière de l'acteur Bob Odenkirk, notamment apprécié pour son incarnation de Saul Goodman dans les séries Breaking Bad et Better Call Saul, alors peut-être que Nobody pourra vous satisfaire. En ce qui me concerne, je crois que j'ai eu ma dose de John Wick, qui m'avait même sérieusement gonflé la dernière fois que j'ai croisé sa route, et je n'ai jamais maté un seul épisode de Breaking Bad (ne me jetez pas la pierre, je suis blogueur ciné à temps quasi plein). Pourquoi j'insiste sur John Wick ? Parce que Nobody, produit par David Leitch (co-réalisateur du premier John Wick) et surtout écrit par Derek Kolstad (créateur et scénariste de la saga), en est un duplicata à peine modifié. Le programme de Nobody est le même, très simple donc, vous pouvez laisser vos méninges au repos : un personnage au passé trouble est contraint de sortir de sa torpeur, ici familiale et professionnelle, et de reprendre les armes, de nouveau pour un prétexte débile. Dans le premier John Wick, Keanu Reeves s'engageait dans une croisade vengeresse suite au meurtre de son chien, la goutte d'eau faisant déborder le vase. Cette fois-ci, le brillant Derek Kolstad a voulu aller encore plus loin dans l'humour absurde (ou dans l'absurdité tout court tant l'humour est totalement inopérant) puisque le personnage campé par Bob Odenkirk voit rouge après le vol accidentel, lors d'une tentative de cambriolage avortée, du collier du chat de sa fille (un chat qui, je précise, n'existe pas encore mais qu'il lui a promis pour bientôt, en bon père de famille aimant qu'il est). 


 
 
Avec un détachement surjoué, l'air en permanence impassible, le port altier, Bob Odenkirk, ce nobody du titre (devenu en version québécoise un "moins que rien"), retrouve vite ses vieux réflexes et démonte un à un, ou tous en même temps, les premiers tocards venus. Il déclenche alors malgré lui une réaction en chaîne puisque ses talents de justicier zélé amènent à l'hosto le rejeton débile du grand baron de la drogue local, un russe pas commode qui va donc vouloir se venger à son tour... Bref, c'est passionnant ! A l'instar de son modèle Keanu Reeves, Bob Odenkirk encaisse les coups sans broncher, mais se relève encore et toujours, amoché mais invincible, freiné mais inarrêtable, usé mais infatigable. Je ne vous cache pas que le spectacle de ces scènes d'action pas spécialement bien troussées, alignées les unes derrière les autres entre deux ou trois moments plus calmes consacrés à nous révéler peu à peu le passé du héros, ne m'a que très peu emballé. Le cinéaste russe Ilia Naïchouller s'applique visiblement, mais ça n'a pas suffit à retenir mon attention. Il convoque également une imagerie de cinéma d'action usée jusqu'à la corde, bien moins intrigante que ne peut l'être, en faisant certes preuve d'indulgence, l'univers de John Wick. On se tape donc des gangsters venus de l'Est, des boîtes de nuit où ça sniffe à tout va, etc etc. Calquant jusque dans les moindres détails la recette à succès de John Wick, sont également présents au casting quelques vieilles tronches bien connues, histoire d'en appeler à la sympathie du spectateur, caressé dans le sens de la nostalgie. Ici, les guest stars s'appellent Christopher Lloyd et Michael Ironside, pour des rôles très secondaires. Notre plaisir de les retrouver n'égale pas la peine éprouvée à la vue de ce qu'est devenue la jadis si jolie Connie Nielsen, désormais toute boursoufflée au botox. Faut-il que nos exigences d'amateur d'action soient au plus bas pour se contenter d'un tel film... 
 
 
Nobody d'Ilia Naïchouller avec Bob Odenkirk, Connie Nielsen et Christopher Lloyd (2021)

13 avril 2015

The Equalizer

Dans son for intérieur, Denzel Washington estime sans doute qu'il doit son Oscar chéri à Antoine Fuqua, le réalisateur de Training Day. En réalité, il le doit surtout à un gros malentendu et à cette hypocrisie ambiante, favorable aux minorités visibles, qui était de rigueur à Hollywood suite aux attentats du 11 septembre et qui a également provoqué le couronnement hâtif d'Halle Berry. Mais n'abordons pas les sujets qui fâchent... C'est donc parce qu'il se sent redevable envers Antoine Fuqua que notre ami Denzel accepte facilement les scénarios que le cinéaste lui propose, quitte à se retrouver dans d'abominables navets tels que cet Equalizer. C'est en tout cas comme ça que je m'explique rationnellement la situation. Car si le monde tournait rond, c'est un type comme Steven Seagal, aka Saumon Agile, qui incarnerait le héros infaillible et invincible d'un tel actioner de seconde zone.




Pendant la promo française du film, je me souviens que Denzel Washington avait été accueilli en grandes pompes par un Laurent Delahousse complètement gaga, n'oubliant jamais de brosser son invité dans le sens du poil, comme si celui-ci l'honorait de sa présence divine. Et pourtant... Quand on sait quel affreux produit la star venait nous vendre... Dans quel spectacle ridicule et totalement débile celle-ci s'adonnait pour toucher le jackpot... Denzel Washington, dont j'ai déjà ciré les godasses avec ardeur pour sa performance dans Flight (je ne le regrette pas, il l'avait bien cherché, j'étais consentant), mérite ici le plus grand mépris. Quand on a sa stature, quand on jouit de la liberté de décision qui doit être la sienne, il faut vraiment avoir un sérieux grain pour venir faire le guignol dans une telle mascarade. C'est le genre de film qui peut faire perdre tout son crédit à un acteur, toute sa crédibilité, même quand celle-ci est solidement établie. On ne peut plus être sérieux avec quelqu'un qu'on a vu là-dedans.




Denzel Washington incarne donc le héros ultime, capable de tout, comme je croyais qu'on osait plus en faire, sans une once d'autodérision. Certes, j'ai pouffé une fois ou deux devant les facéties de l'acteur, notamment lors de ce face-à-face tendu avec le très méchant, dans un resto chicos, entre deux verres de rouge. Denzel invite alors son ennemi à se plonger dans ses yeux pour lui dire s'il y décèle réellement quelque chose d'un peu humain, après avoir lentement énoncé ce qu'il devinait dans le regard de son vis-à-vis, lui récitant sans se tromper les grands faits marquants de sa biographie. A ce moment-là, l'acteur sort le grand jeu, nous délivre son regard le plus noir et inexpressif, et je ne peux pas croire qu'il se prenne véritablement au sérieux. Hélas, tout le film démontre le contraire. Denzel est The Equalizer (le mot n'est jamais prononcé mais convient tout à fait), un homme mystérieux, au passé trouble et méconnu, mais vraisemblablement très riche en aventures et expériences. Ses techniques de combat et d'infiltration mettent sur le cul tous ses adversaires. "Ce type-là est surentraîné, regarde les choses en face...", "Les cinq costauds qu'il a abattus tout seul, en une poignée de secondes, et quelques mouvements bien précis, démontrent clairement que nous n'avons pas affaire à n'importe quel connard...",  "Regarde-moi ce désastre, ce gars-là est un vrai renard...", "Mais quel gros enculé, sérieux !" sont autant de répliques que l'on entend dans la bouche de ces pauvres russes tatoués de la tête au pied, qui servent de chair à canon.




Vieux loup solitaire au cœur sensible, Denzel aime prendre sous son aile la veuve et l'orphelin. Surtout l'orpheline. Il s'attache ainsi à Chloë Grace Moretz qui incarne avec beaucoup de difficultés une prostituée mineure originaire de l'Est et exploitée par ces vilains russes (le film nous apprend d'ailleurs que la jeune actrice est bâtie comme un petit camionneur ; sa croissance n'étant pas tout à fait terminée, on peut encore garder l'espoir qu'elle évolue dans le bon sens). Quand Denzel retrouve la gamine couverte de bleus, il voit rouge et se lance dans une vendetta méthodique et irrésistible qui le mènera jusqu'en Russie, et plus exactement dans la salle d'eau du grand commanditaire, qu'il liquidera avec une facilité déconcertante, après avoir refroidi ses hommes de main et s'être introduit chez lui peinard (une ellipse bienvenue nous épargne ces nouvelles mises à mort, on voit simplement Denzel repartir du grand manoir en enjambant les cadavres qu'il a semés sur son passage - pris d'une lucidité très tardive, le réalisateur a comme soudainement conscience que l'on a bien assez vu notre héros dézinguer et tordre des cous à tout-va...).




Mais Denzel n'est pas seulement un type devant lequel Jack Bauer, John McClane, James Bond et même Superman pourraient aller se rhabiller fissa. C'est aussi un homme de lettre aux goûts raffinés quoique très classiques. Il dévore les bouquins, qu'il feuillette délicatement et, de préférence, dans des collections anciennes et poussiéreuses, sans doute achetées à prix d'or sur eBay (il ne doit pas supporter le Folio de base). Denzel s'enfile les vieux classiques et nous sort ensuite des résumés d'une lourdeur sans nom. Il faut entendre sa synthèse pour les nuls du Vieil homme et la mer et le voir mimer les derniers instants de Gatsby le Magnifique. Je ne vous parle même pas de ses larmes lorsqu'il en vient à aborder le dernier chapitre de l'autobiographie de Schwarzenegger, celui intitulé A Too Big Secret... De temps à autre, Denzel recrache des citations sibyllines, ô combien ridicules sorties de leur contexte mais qui laissent toujours songeurs ses interlocuteurs ("Yes, I banged the housemaid when you were away with the kids, and now I have a 6-foot-tall 14 years son who looks like a puerto-rican oak, but I'm just a man..." est sa préférée).




Le comble du ridicule est toutefois atteint quand Denzel se chronomètre. Il n'est pas the equalizer pour rien. Il aime égaliser les trucs. Que les choses soient carrées. Quand il se lève, il égalise sa coupe de cheveux, un coup de tondeuse par-ci, un coup de cisaille par-là, et on nous rappelle au passage que le gaillard a le poil grisonnant, ce qui met encore davantage en valeur son aisance sur le tatami. Quand il se met à table, à ce bistrot où il recroise cette jeune tepu qu'il affectionne, il a ses petits tics qu'il exécute systématiquement : il déplace son verre de la droite vers la gauche, secoue sa serviette tel un dangereux maniaque, se remonte les manches prêt à en découdre, range ses couverts dans un ordre que lui seul connaît... Il égalise à sa façon quoi. Mais, surtout, il a ce gros tic gênant qui consiste à chronométrer ses moindres faits et gestes de façon tout à fait aléatoire. Par exemple, avant de passer à l'action et de s'en prendre à des russes, il pense à voix haute et annonce d'un ton monocorde "18 secondes" puis lance son chrono. Il est toujours un peu contrarié quand, les malheureux truands baignant dans leur sang, il se rend compte qu'il a dépassé d'une petite paire de secondes le temps qu'il s'était imparti. Il chronomètre aussi des actes beaucoup plus triviaux et s'impose d'étranges défis. On le voit ainsi se rendre chez son buraliste, constater en matant sa montre "Ah, 58 secondes...", et repartir tête basse. On le retrouve aussi à la sortie des chiottes : "Putain, une demi-plombe !". C'est assez spécial, ça vaut le coup d’œil, croyez-moi.




Habituellement, dans ces films-là, on apporte un soin particulier au grand méchant. Il s'agit ici d'un homme de main particulièrement belliqueux, mais tout aussi ridicule, incarné par un véritable inconnu sans charisme (Marton Csokas ?!). C'est attristant. Par exemple, dans Qui veut la peau de Roger Rabbit ? (perso, je préfèrerais le blu-ray collector car je suis un gros fana !), qui n'est pas du tout un film du même genre, le méchant est sacrément réussi. Ce Chrisopher Lloyd, quel acteur ! Difficile à croire que le même gars jouait l'adorable Doc et répondait tous les soirs patiemment aux auditeurs de Fun Radio ! Lui et sa fameuse trempette ont traumatisé des générations entières de cinéphiles ! On ne pourra pas en dire autant de Marton Cskoas (?!). Même sa mort est totalement ratée. Il clamse fixé au sol par un Denzel impitoyable qui fait une utilisation toute personnelle d'une cloueuse pneumatique surpuissante (travailleur docile au BricoMarché du coin quand il n'est pas super-héros, Denzel en connaît un rayon dans le domaine du bricolage et, notamment, dans l'outillage dit de fixation définitive).




Je dois tout de même faire preuve d'honnêteté et vous avouer que je n'ai pas souffert tout du long. Une scène de torture sort clairement du lot et m'a beaucoup plu. Denzel y enferme un flic ripou dans sa propre bagnole avec le gaz d'échappement relié à l'habitacle par un tuyau d'arrosage. Denzel l'interroge, confortablement installé dans une chaise-longue, tout en descendant et remontant la vitre électrique de la voiture, le pauvre gars s'étouffe, et ainsi de suite, ça n'en finit pas ! Face à un spectacle si plaisant, on ne prend même pas le temps de s'interroger sur ce mystérieux modèle d'automobile dont on peut télécommander l'ouverture des vitres depuis l'extérieur mais guère de l'intérieur. Et tout ça est d'une lenteur très gênante. Sur le papier, la scène devait être brillante, mais à filmer, c'est une autre paire de manches... Quand la vitre s'active, le temps s'arrête... Et la pauvre victime n'a jamais l'idée de casser la vitre ou d'y coincer son bras, quitte à le paumer (mais si c'est le prix à payer pour respirer plus frais et ne pas crever, le choix est vite fait...). Malgré ces petits couacs, cette scène reste, de loin, la meilleure du film. Et je me devais de vous la faire partager après vous avoir fait subir tout le reste !


The Equalizer d'Antoine Fuqua avec Denzel Washington, Chloë Grace Moretz, Marton Csokas (?!) et Melissa Leo (2014)