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12 juillet 2023

The Covenant

Voilà un film que la plupart des observateurs ont découpé en deux parties, préférant généralement la première, jugée efficace et prenante, à la deuxième, considérée plus brouillonne et convenue. Je suis plutôt d'accord avec ça mais j'apporterai plus tard ma contribution à cette analyse pointue. Dans la première partie, qui se déroule entièrement en Afghanistan, en mars 2018, le sergent américain campé par Jake Gyllenhaal essaie de débusquer et démanteler les dépôts de munitions et de construction de bombes des talibans à l'aide de son interprète, qui dépasse largement ses fonctions en s'avérant être un sacré opérateur de terrain quasi doué d'un sixième sens. Suite à une intervention qui tourne mal, lors de laquelle la petite troupe menée par Gyllenhaal est presque totalement décimée, ce passable film d'action et de guerre tourne au survival pur et simple puisque notre interprète deluxe, joué par un acteur charismatique (Dar Salim), se donne pour mission de sauver le sergent fort mal en point, en le ramenant à sa base. Pour cela, il lui faudra traverser en toute discrétion et en vitesse le territoire hostile, escarpé et désertique des talibans, ce qui ne sera pas une mince affaire. Cette première partie est menée tambour battant, elle nous accroche forcément, malgré quelques fautes de goût notables de la part d'un Guy Ritchie que l'on a toutefois connu capable de bien pire, et en dépit d'un traitement des scènes d'action assez digne du plus sommaire des jeux vidéos, avec ces talibans qui arrivent par vagues successives et tombent comme des mouches sous les tirs plus précis et létaux des américains. Une ellipse de plusieurs semaines nous mène vers la deuxième partie, qui nous propose d'assister aux efforts monumentaux entrepris par Jake Gyllenhaal pour rendre justice à son interprète zélé : il ira pour cela jusqu'à le retrouver en Afghanistan afin de le rapatrier en Amérique avec un visa pour toute sa famille, comme promis initialement. Il faut bien que l'américain se montre héroïque, lui aussi !


 
 
Au milieu de ces deux grandes parties que les plus fins cinéphiles ont su repérer, je tiens pour ma part à mettre en avant le pont qui les sépare et qui constitue, à mes yeux, le meilleur moment de ce film, un film qui vous fera passer une soirée mais dont vous pouvez très bien vous passer. Je veux par là mettre en lumière ces longues minutes d'un comique involontaire discret mais salvateur où Jake Gyllenhaal se perd dans un véritable cauchemar bureaucratique, noyé sous des démarches administratives pénibles qui vont même l'empêcher de trouver le sommeil. C'est qu'il se bat pour obtenir un visa à son sauveur puis pour avoir le droit de retourner en personne le dénicher en Afghanistan. Il faut voir notre sergent revenu d'entre les morts essayer de garder son calme au téléphone, où il est renvoyé d'un standard à un autre, avant de perdre totalement ses nerfs et d'hurler des menaces terribles à ses pauvres interlocuteurs ! Lui qui a flirté avec la Grande Faucheuse ne s'attendait sans doute pas à ce que la pire épreuve l'attende dans l'intimité et le calme apparent de son salon, au bout du fil. Ce passage-là a placé mon père, qui a gentiment regardé ce truc-là à mes côtés (c'est le genre de film à voir en bonne compagnie), face au si douloureux souvenir de ses propres démarches administratives auprès d'Agirc-Arrco et sa longue bataille pour faire valoir l'intégralité de ses droits à la retraite. Jake Gyllenhaal nous propose une prestation habitée comme il en a le secret. Drôle d'acteur, d'ailleurs, que ce Jake Gyllenhaal, auquel un bel avenir était jadis promis lorsqu'on le voyait évoluer devant la caméra, faussement prometteuse aussi, de Richard Kelly, et qui perd hélas son temps aujourd'hui dans des collaborations au mieux anecdotiques avec des pointures du cinéma au rabais tel que Antoine Fuqua, Michael Bay et donc Guy Ritchie. Notons toutefois que sa présence ici permet au piètre réalisateur britannique et ex boyfriend de Madonna de torcher un de ses films les plus matables. Bien entendu, je ne vous le conseille pas pour autant. On est simplement toujours un peu surpris, aujourd'hui, quand on arrive au bout d'une telle production américaine, sans avoir eu envie de tout arrêter, et en ayant été relativement captivé.
 
 
The Covenant de Guy Ritchie avec Jake Gyllenhaal et Dar Salim (2023)

26 juillet 2022

Black Phone

Parmi les si nombreuses qualités de notre idole Ethan Hawke, il en est une qui se retourne trop régulièrement contre lui : sa fidélité en amitié. Sur la plage de Coney Island, une journée particulièrement chaude de juillet 2011, Ethan Hawke a rencontré Scott Derrickson, tout à fait par hasard. Le premier, son esprit d'artiste de nouveau perdu dans des divagations poétiques, avait oublié sa crème solaire pour protéger sa peau particulièrement fragile et douce, le second, plus prévoyant et calculateur, était équipé d'un superbe parasol Isotoner flambant neuf doté d'un revêtement argent Anti UV UPF50+ qui bloque au minimum 95% des rayons UV et rafraichit l'ombre de -2 à -3 degrés. Alors qu'il lisait, en diagonale, quelques mauvais scénarios de thrillers horrifiques de seconde zone – sa spécialité –, le cinéaste a levé les yeux, sans doute alerté par une subtile et appétissante odeur de poulet rôti venue de sa gauche, puis a immédiatement reconnu, en tournant ses globes oculaires dans cette direction, l'un de ses acteurs de cœur, en bien mauvaise posture, sis à quelques mètres de lui. Le bel Ethan rougissait à vue d'œil, le dos recourbé sur sa serviette de plage, une vapeur étrange émanant de sa tête baissée reposant en étau entre ses deux genoux violacés, ses longs cheveux dégoulinants d'une sueur épaisse. Scott Derrickson, piètre cinéaste mais être humain recommandable, soucieux de son prochain et sachant réagir en cas d'urgence vitale, a alors immédiatement traîné le corps quasi inerte de Hawke sous son parasol, puis l'a aussitôt hydraté, en lui tamponnant notamment le visage avec sa serviette humide et en lui aspergeant le crâne du seul liquide à sa disposition, du Schweppes Agrumes. Plus tard, en interview, le réalisateur a reconnu être resté un temps figé, impressionné par la beauté d'Hawke, éclatante malgré la situation critique, avant de lui prodiguer les premiers soins. Ces gestes salvateurs, effectués avec maladresse mais beaucoup d'espoir et d'amour, ont scellé l'amitié entre les deux hommes puisque, enfin revenu à lui, Ethan Hawke fit preuve d'une reconnaissance infinie, se passionna pour chaque mot et chaque proposition du réalisateur désireux de nouer une relation amicale et professionnelle prometteuse. C'est ainsi, lors de ce moment de faiblesse, que la star de Bienvenido à Gattaca, aux facultés mentales encore endommagées par une insolation sévère, a consenti de jouer le premier rôle de Sinister, comme pour remercier Derrickson de lui avoir sauvé la vie. Pour le résultat que l'on sait...
 
 
 
 
C'est encore cette loyauté sans faille qui a poussé l'aiglefin du cinéma hollywoodien à accepter ce rôle à contre-emploi de tueur en série et séquestreur d'adolescents à l'exact opposé de sa véritable nature (Hawke aime les animaux, les enfants et les adolescents, dans les limites autorisées par la bienséance). Masqué, l'acteur fait ici son travail, poliment, dignement, comme toujours, sans toutefois sauver le film de la plus crasse médiocrité. Il s'agit de l'adaptation d'une nouvelle de Joe Hill, le fils de Stephen King, qui a donc choisi le même métier que son papa. Sur le papier, et à l'écran, ça ressemble effectivement à une histoire qu'aurait pu inventer un avorton de Stephen King. C'est même typiquement ça. On y retrouve donc un papa ultra violent qui aime picoler dès le p'tit dèj et cravache ses enfants dès qu'ils émettent un son supérieur aux 20 décibels autorisés. L'action se déroule à la fin des seventies dans une de ces banlieues pavillonnaires américaines aux secrets bien enfouis mais que l'on connaît par cœur, cet espace si familier au cinéma US des années 80 qui, 40 ans plus tard, occasionne encore cet inévitable plan, guidé par une nostalgie rance, d'un gamin pédalant sur son Raleigh Chopper pile au milieu des rues lentement parcourues. Parmi les personnages principaux, une gamine, en pleine adolescence, dotée de pouvoirs surnaturels, de rêves et de visions prémonitoires. Enfin, on retrouve aussi là-dedans des ados humiliés par d'autres, des têtes de turc et des terreurs de quartier, des bandes rivales qui s'affrontent lors de bastons d'une violence inouïe où le sang gicle et où les os craquent. En bref, nous sommes en décor archi connu et, ce décor, Scott Derrickson n'en fait donc strictement rien de neuf, s'appuyant surtout, comme pour tous ses autres films, sur ce que des cinéastes infiniment plus doués ont réalisé avant lui, les copiant sans panache, comptant sur la bienveillance d'un public également nostalgique et avide de simples thrillers efficaces. Si le manque criant d'originalité était le seul défaut de Black Phone, ce serait déjà pas mal. Le souci, c'est surtout que ce thriller vaguement horrifique ne captive jamais vraiment, malgré son scénar de séquestration classique pimenté ici de fantastique (les précédentes victimes du serial killer viennent tour à tour en aide au jeune héros par le biais d'un téléphone noire, et sa sœur l'épaule aussi via ses visions prémonitoires) qui aurait pu donner lieu à une série b au minimum accrocheuse. Hélas, Black Phone ne décolle jamais, en dépit de rebondissements saugrenues et trop énormes. Ce nouvel effort de Derrickson dans le genre n'a, au bout du compte et encore une fois, aucun intérêt. Par respect pour son égérie, le fan d'Hawke regarde ça jusqu'au bout, mais difficilement. Que c'est laborieux, que c'est prévisible, que c'est idiot. Du temps perdu, pour le spectateur et pour l'acteur. Non, vraiment, Hawke aurait mieux fait de se casser une jambe le jour où il a croisé la route de Scott Derrickson. Une admission aux urgences pour soigner une déshydratation sévère aurait été une bien meilleure chose pour la carrière de l'acteur aux mille talents...
 
 
 
 
La loyauté joue donc trop souvent de mauvais tours à notre ami Hawke dont la filmographie, tout de même remarquable, en pâtit. C'est la même vertu qui l'a amené à tourner dans huit films de Richard Linklater (huit !), quatre d'Antoine Fuqua (quatre !), trois d'Andrew Niccol (trois !) et deux des frères Spierig (deux !). La petite histoire raconte même que Hawke aurait refusé un rôle chez Stanley Kubrick pour honorer une vieille promesse faite à son ami Andy Niccol. Selon la légende, le couple Ethan Hawke / Uma Thurman devait en effet tenir les rôles finalement échus à Tom Cruise et Nicole Kidman dans Eyes Wide Shut... A la recherche du couple le plus glamour du moment, Kubrick, immense fan du Croc-Blanc de Randal Kleiser, voulait absolument tourner avec le "prodige à gueule d'ange venu d'Austin", il rêvait de le filmer au moins une fois avant de disparaître. On le comprend ô combien... Non, vraiment, que de temps perdu !
 
 
Black Phone de Scott Derrickson avec Ethan Hawke (2022)

16 janvier 2016

La Rage au ventre

Il faudra un jour que l'on m'explique comment des acteurs en vogue finissent encore devant la caméra d'Antoine Fuqua. Visez un peu le CV de ce type ! The Equalizer, La Chute de la Maison Blanche, Les Larmes du Soleil... C'est un amoncellement d'ignominies. Et il nous prépare un remake des Sept Mercenaires... Toute sa carrière paraît construite autour de l'Oscar du Meilleur Acteur que Denzel Washington a réussi à remporter grâce à sa ""performance"" (notez les doubles guillemets) dans Training Day. Un vaste malentendu... Quand il signe pour le rôle de cet écorché vif qui adore en prendre plein la gueule, Jake Gyllenhaall pense forcément à la statuette dorée tant convoitée. Quand, à la sueur de son front, au prix d'un entraînement quotidien et de nombreux efforts, il échange 10 kilos de graisse contre autant de muscles, l'acteur n'a évidemment qu'une chose en tête : le sacrosaint Oscar. Quand il troque ses cheesburgers habituels contre des boîtes de sardines éco+, il n'a que la prestigieuse récompense en tête. Et il ne l'aura pas, parce que le film n'est pas sorti entre le 31 octobre et le 31 décembre ! C'est con pour lui ! Il aura d'autres occaz'... 




Rappelons que le jeune acteur est un habitué des performances de ce genre, lui qui avait déjà suivi un régime drastique pour son rôle de reporter rachitique dans le lourdingue Nightcrawler (aka Night Call en vf...) et qui avait insisté pour réellement gravir l'Everest dans le film éponyme de Baltasar Kormákur. Mais nous n'applaudirons guère ses efforts tant qu'il n'aura pas appris à mieux s'entourer. Règle numéro 1 : éviter Antoine Fuqua. Règle numéro 2 : lire et relire les scénarios proposés. La Rage au ventre est une énième histoire de rédemption par la boxe thaï. Billy Hope (Gyllenhaal), un tocard fini, sombre dans la rancœur et la drogue après avoir perdu sa femme (McAdams), flinguée par un adversaire un brin zélé lors d'un petit échauffourée post-combat. Au bord du gouffre, Billy finit par plonger : il perd tous ses biens et, surtout, la garde de sa gamine binoclarde. Pour la récupérer et pour se racheter à ses yeux dissimulés derrière d'impressionnantes loupes, une seule solution s'impose : réapprendre à boxer, repartir de zéro, et redevenir fréquentable.




"Son plus grand combat se joue hors du ring" nous annonce l'affiche. Étant donné comment Antoine Fuqua choisit de filmer les matchs de boxe, il ne pouvait pas en être autrement... Le réalisateur croit bon multiplier les gros plans tremblotants, les caméras embarquées, scotchées aux épaules ou aux poings de ses acteurs, voire collées sur le nez disgracieux de sa vedette, pour nous plonger au milieu du ring. Ça ne fonctionne pas, mais cela a au moins évité à Monsieur Fuqua quelques prises de tête, puisqu'il n'a jamais eu à réfléchir à ses cadrages, à sa mise en scène, il a apparemment composé un peu à l'aveugle, avec le "found footage" que ses GoPro vissées aux cous de ses acteurs lui avaient ramené. Je croyais qu'il s'agissait d'une histoire vraie. Il n'en est rien. Ce film ne m'aura même pas permis d'enrichir ma culture boxe. C'est une perte de temps à tous points de vue. 


La Rage au ventre d'Antoine Fuqua avec Jake Gyllenhaal, Rachel McAdams et Forest Whitaker (2015)

13 avril 2015

The Equalizer

Dans son for intérieur, Denzel Washington estime sans doute qu'il doit son Oscar chéri à Antoine Fuqua, le réalisateur de Training Day. En réalité, il le doit surtout à un gros malentendu et à cette hypocrisie ambiante, favorable aux minorités visibles, qui était de rigueur à Hollywood suite aux attentats du 11 septembre et qui a également provoqué le couronnement hâtif d'Halle Berry. Mais n'abordons pas les sujets qui fâchent... C'est donc parce qu'il se sent redevable envers Antoine Fuqua que notre ami Denzel accepte facilement les scénarios que le cinéaste lui propose, quitte à se retrouver dans d'abominables navets tels que cet Equalizer. C'est en tout cas comme ça que je m'explique rationnellement la situation. Car si le monde tournait rond, c'est un type comme Steven Seagal, aka Saumon Agile, qui incarnerait le héros infaillible et invincible d'un tel actioner de seconde zone.




Pendant la promo française du film, je me souviens que Denzel Washington avait été accueilli en grandes pompes par un Laurent Delahousse complètement gaga, n'oubliant jamais de brosser son invité dans le sens du poil, comme si celui-ci l'honorait de sa présence divine. Et pourtant... Quand on sait quel affreux produit la star venait nous vendre... Dans quel spectacle ridicule et totalement débile celle-ci s'adonnait pour toucher le jackpot... Denzel Washington, dont j'ai déjà ciré les godasses avec ardeur pour sa performance dans Flight (je ne le regrette pas, il l'avait bien cherché, j'étais consentant), mérite ici le plus grand mépris. Quand on a sa stature, quand on jouit de la liberté de décision qui doit être la sienne, il faut vraiment avoir un sérieux grain pour venir faire le guignol dans une telle mascarade. C'est le genre de film qui peut faire perdre tout son crédit à un acteur, toute sa crédibilité, même quand celle-ci est solidement établie. On ne peut plus être sérieux avec quelqu'un qu'on a vu là-dedans.




Denzel Washington incarne donc le héros ultime, capable de tout, comme je croyais qu'on osait plus en faire, sans une once d'autodérision. Certes, j'ai pouffé une fois ou deux devant les facéties de l'acteur, notamment lors de ce face-à-face tendu avec le très méchant, dans un resto chicos, entre deux verres de rouge. Denzel invite alors son ennemi à se plonger dans ses yeux pour lui dire s'il y décèle réellement quelque chose d'un peu humain, après avoir lentement énoncé ce qu'il devinait dans le regard de son vis-à-vis, lui récitant sans se tromper les grands faits marquants de sa biographie. A ce moment-là, l'acteur sort le grand jeu, nous délivre son regard le plus noir et inexpressif, et je ne peux pas croire qu'il se prenne véritablement au sérieux. Hélas, tout le film démontre le contraire. Denzel est The Equalizer (le mot n'est jamais prononcé mais convient tout à fait), un homme mystérieux, au passé trouble et méconnu, mais vraisemblablement très riche en aventures et expériences. Ses techniques de combat et d'infiltration mettent sur le cul tous ses adversaires. "Ce type-là est surentraîné, regarde les choses en face...", "Les cinq costauds qu'il a abattus tout seul, en une poignée de secondes, et quelques mouvements bien précis, démontrent clairement que nous n'avons pas affaire à n'importe quel connard...",  "Regarde-moi ce désastre, ce gars-là est un vrai renard...", "Mais quel gros enculé, sérieux !" sont autant de répliques que l'on entend dans la bouche de ces pauvres russes tatoués de la tête au pied, qui servent de chair à canon.




Vieux loup solitaire au cœur sensible, Denzel aime prendre sous son aile la veuve et l'orphelin. Surtout l'orpheline. Il s'attache ainsi à Chloë Grace Moretz qui incarne avec beaucoup de difficultés une prostituée mineure originaire de l'Est et exploitée par ces vilains russes (le film nous apprend d'ailleurs que la jeune actrice est bâtie comme un petit camionneur ; sa croissance n'étant pas tout à fait terminée, on peut encore garder l'espoir qu'elle évolue dans le bon sens). Quand Denzel retrouve la gamine couverte de bleus, il voit rouge et se lance dans une vendetta méthodique et irrésistible qui le mènera jusqu'en Russie, et plus exactement dans la salle d'eau du grand commanditaire, qu'il liquidera avec une facilité déconcertante, après avoir refroidi ses hommes de main et s'être introduit chez lui peinard (une ellipse bienvenue nous épargne ces nouvelles mises à mort, on voit simplement Denzel repartir du grand manoir en enjambant les cadavres qu'il a semés sur son passage - pris d'une lucidité très tardive, le réalisateur a comme soudainement conscience que l'on a bien assez vu notre héros dézinguer et tordre des cous à tout-va...).




Mais Denzel n'est pas seulement un type devant lequel Jack Bauer, John McClane, James Bond et même Superman pourraient aller se rhabiller fissa. C'est aussi un homme de lettre aux goûts raffinés quoique très classiques. Il dévore les bouquins, qu'il feuillette délicatement et, de préférence, dans des collections anciennes et poussiéreuses, sans doute achetées à prix d'or sur eBay (il ne doit pas supporter le Folio de base). Denzel s'enfile les vieux classiques et nous sort ensuite des résumés d'une lourdeur sans nom. Il faut entendre sa synthèse pour les nuls du Vieil homme et la mer et le voir mimer les derniers instants de Gatsby le Magnifique. Je ne vous parle même pas de ses larmes lorsqu'il en vient à aborder le dernier chapitre de l'autobiographie de Schwarzenegger, celui intitulé A Too Big Secret... De temps à autre, Denzel recrache des citations sibyllines, ô combien ridicules sorties de leur contexte mais qui laissent toujours songeurs ses interlocuteurs ("Yes, I banged the housemaid when you were away with the kids, and now I have a 6-foot-tall 14 years son who looks like a puerto-rican oak, but I'm just a man..." est sa préférée).




Le comble du ridicule est toutefois atteint quand Denzel se chronomètre. Il n'est pas the equalizer pour rien. Il aime égaliser les trucs. Que les choses soient carrées. Quand il se lève, il égalise sa coupe de cheveux, un coup de tondeuse par-ci, un coup de cisaille par-là, et on nous rappelle au passage que le gaillard a le poil grisonnant, ce qui met encore davantage en valeur son aisance sur le tatami. Quand il se met à table, à ce bistrot où il recroise cette jeune tepu qu'il affectionne, il a ses petits tics qu'il exécute systématiquement : il déplace son verre de la droite vers la gauche, secoue sa serviette tel un dangereux maniaque, se remonte les manches prêt à en découdre, range ses couverts dans un ordre que lui seul connaît... Il égalise à sa façon quoi. Mais, surtout, il a ce gros tic gênant qui consiste à chronométrer ses moindres faits et gestes de façon tout à fait aléatoire. Par exemple, avant de passer à l'action et de s'en prendre à des russes, il pense à voix haute et annonce d'un ton monocorde "18 secondes" puis lance son chrono. Il est toujours un peu contrarié quand, les malheureux truands baignant dans leur sang, il se rend compte qu'il a dépassé d'une petite paire de secondes le temps qu'il s'était imparti. Il chronomètre aussi des actes beaucoup plus triviaux et s'impose d'étranges défis. On le voit ainsi se rendre chez son buraliste, constater en matant sa montre "Ah, 58 secondes...", et repartir tête basse. On le retrouve aussi à la sortie des chiottes : "Putain, une demi-plombe !". C'est assez spécial, ça vaut le coup d’œil, croyez-moi.




Habituellement, dans ces films-là, on apporte un soin particulier au grand méchant. Il s'agit ici d'un homme de main particulièrement belliqueux, mais tout aussi ridicule, incarné par un véritable inconnu sans charisme (Marton Csokas ?!). C'est attristant. Par exemple, dans Qui veut la peau de Roger Rabbit ? (perso, je préfèrerais le blu-ray collector car je suis un gros fana !), qui n'est pas du tout un film du même genre, le méchant est sacrément réussi. Ce Chrisopher Lloyd, quel acteur ! Difficile à croire que le même gars jouait l'adorable Doc et répondait tous les soirs patiemment aux auditeurs de Fun Radio ! Lui et sa fameuse trempette ont traumatisé des générations entières de cinéphiles ! On ne pourra pas en dire autant de Marton Cskoas (?!). Même sa mort est totalement ratée. Il clamse fixé au sol par un Denzel impitoyable qui fait une utilisation toute personnelle d'une cloueuse pneumatique surpuissante (travailleur docile au BricoMarché du coin quand il n'est pas super-héros, Denzel en connaît un rayon dans le domaine du bricolage et, notamment, dans l'outillage dit de fixation définitive).




Je dois tout de même faire preuve d'honnêteté et vous avouer que je n'ai pas souffert tout du long. Une scène de torture sort clairement du lot et m'a beaucoup plu. Denzel y enferme un flic ripou dans sa propre bagnole avec le gaz d'échappement relié à l'habitacle par un tuyau d'arrosage. Denzel l'interroge, confortablement installé dans une chaise-longue, tout en descendant et remontant la vitre électrique de la voiture, le pauvre gars s'étouffe, et ainsi de suite, ça n'en finit pas ! Face à un spectacle si plaisant, on ne prend même pas le temps de s'interroger sur ce mystérieux modèle d'automobile dont on peut télécommander l'ouverture des vitres depuis l'extérieur mais guère de l'intérieur. Et tout ça est d'une lenteur très gênante. Sur le papier, la scène devait être brillante, mais à filmer, c'est une autre paire de manches... Quand la vitre s'active, le temps s'arrête... Et la pauvre victime n'a jamais l'idée de casser la vitre ou d'y coincer son bras, quitte à le paumer (mais si c'est le prix à payer pour respirer plus frais et ne pas crever, le choix est vite fait...). Malgré ces petits couacs, cette scène reste, de loin, la meilleure du film. Et je me devais de vous la faire partager après vous avoir fait subir tout le reste !


The Equalizer d'Antoine Fuqua avec Denzel Washington, Chloë Grace Moretz, Marton Csokas (?!) et Melissa Leo (2014)

4 août 2013

La Chute de la Maison Blanche

Les films Antoine Fuqua, des films qui fondent dans le cul, pas dans les doigts.


La Chute de la Maison Blanche d'Antoine Fuqua avec Gerard Butler, Aaron Eckhart et Morgan Freeman (2013)