

Quid de celui qui à la station essence se paye, fier de lui, et à 70 centimes la tasse, un bon café avec supplément de sucre bien mérité après 9 heures de route, et constate que son gobelet n'est rempli qu'au tiers, pire, qu'un tiers de ce tiers est un bloc de sucre figé au fond du récipient, lui rappelant immédiatement le fond de ses chaussettes. Qui n'a pas fait une partie endiablée mais quand même chiante sur la fin de Pyramide avec son chiard impatienté par le trajet ? Qui n'est pas tombé en panne sous des trombes d'eau sur la bande d'arrêt d'urgence de l'autoroute, contraint de s'abriter du déluge avec son manteau pour aller téléphoner à un connard depuis la borne située trois kilomètres plus loin ? Qui n'a pas eu envie d'étriper son propre moutard en se cognant le petit doigt contre le genou moite de ce dernier au moment de passer la cinquième, après bien sûr le tête à queue occasionné par ce petit contre-temps ? Bref, tout y est, tout y passe dans ce petit guide du routard illustré. Pour faire un film pareil, si prolixe en détails au plus proche des petites gens, il faut nécessairement qu'il soit un peu autobiographique. Donc, si j'en tire de trop hâtives conclusions, je dirais que s'il n'est pas vraiment boxeur, Barthelemy s'identifie en tout cas à un type qui a buté son fils. Car c'est ça qui se trame derrière cette histoire de bagnoles et de petites cylindrées. Entre quatre vannes qui tombent forcément à plat et que la bande-annonce avait déjà révélées, condensées sur trente secondes, Barthélémy nous fusille l'esprit avec cette histoire de deuil impossible teinté de culpabilité et cette relation homme-fils crevante.

Le soupçon d'autofiction déguisée est alimenté par le caméo, à la toute fin du film, de Judith Godrèche, alias Madame Pulpipi et désormais Pulpipi à la ville comme l'écran, qu'Alain Chabal et son fils retrouvent enfin en quittant leur bagnole adorée après un voyage de 180 jours autour du monde pour retrouver le chemin des filets. Le deuil est une pilule plus facile à avaler pour cette femme propre sur elle qui, étant enceinte d'un troisième enfant doté d'après l’échographie d'un siège rehausseur collé au cul, a moins de mal à oublier. Elle est d'autant plus sereine que son compte en banque n'est pas dévalisé par les 40000 euros de péage que Chabat a déboursé d'un bout à l'autre du film. A la fois c'est peut-être parce qu'elle voit arriver Chabat au lieu de Barthélémy que Godrèche a l'air si jouasse à la fin du film, oubliant son rôle par la même occasion. Chabat est vraiment très très laid quand on le regarde bien sous certains angles (je me permets ce coup bas car ce rôle sérieux et "mignon" a contribué à me le rendre détestable), mais à côté de Barthélémy, c'est un boulevard. Godrèche a pour ligne de conduite de s'enfiler tous les comiques très petits et puant le pipi de la place publique : de Dany Boon à Barthélémy et à quand Mimie Mathy ? Ce film m'a tout de même ému, notamment quand on voit Chabat verser une larme dans le rétro, derrière ses lunettes de soleil, car il m'a rappelé ma propre vie. Quand mon chien Über-Jason est mort, mon père a dit : "Je vais faire un ride en bagnole", il n'est jamais revenu...
Papa de Maurice Barthélémy avec Alain Chabat et Judith Godrèche (2005)