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10 décembre 2021

La Proie d'une ombre

Premier problème : ce titre complètement bidon. La Proie d'une ombre. A quel moment peut-on décider que ça sonne bien, que ça donne envie, que ça claque ?! On dirait un Karine Giébel... Notons que le titre original, The Night House, ne brille pas non plus par son originalité et qu'existait déjà L'Ombre et la proie, une association bien plus heureuse des mêmes mots pour un film au pitch et au casting autrement plus aguicheurs : Val Kilmer et Michael Douglas y chassaient des lions mangeurs d'homme au Kenya, à la fin du XIXe siècle (je l'ai vu, à la fin du XXe, et n'en garde aucun souvenir, si ce n'est celui du regard anxieux de Douglas derrière son fusil à lunette, un filet de sueur descendant le long de sa tempe, une marque de fabrique de l'acteur). Ce titre a pour seul mérite de coller au film, littéralement, et à son scénario qui se veut une subtile métaphore du deuil et de la dépression. Rebecca Hall incarne, avec un sérieux et une application qui participent à éviter le désastre total, une femme qui sombre peu à peu suite au suicide de son mari. Dans la grande baraque en bord de lac où elle habite désormais seule, elle est assaillie par des visions et des terreurs nocturnes qui l'amènent à enquêter le passé du défunt...


 
 
Deuxième problème, et celui-ci est de taille : ce scénario à la mords-moi-le-nœud. On peut pourtant y déceler de très louables intentions ; une volonté de donner dans le fantastique adulte et sérieux, à contrecourant de certaines tendances actuelles ; la perspective d'une horreur psychologique, plongée dans la tête d'un personnage en pleine descente aux enfers ; et la promesse d'un film de fantôme, de maison hantée, s'inscrivant dans la plus noble tradition du genre. Bref, on se dit pourquoi pas, on a envie d'y croire, d'autant plus que le précédent long métrage de David Bruckner, The Ritual, était plutôt correct ou en tout cas au-dessus de la moyenne actuelle (vous noterez toute la pondération qui alourdit mes phrases déjà bancales et atteste de l'estime très relative que je porte à ce réalisateur qui, s'il entreprenait un retour à la terre et optait pour le zéro déchet, ne constituerait pas une grande perte pour le cinéma et m'épargnerait quelques soirées).


 
 
Hélas, si The Night House recèle bel et bien une ou deux idées de mise en scènes intéressantes lors de scènes de trouille plutôt efficaces que nous vivons à travers les yeux de ce personnage qui perd pied, auquel Rebecca Hall apporte donc crédibilité et nuance, il cherche aussi à surfer avec opportunisme sur la vague #MeToo et s'avère au bout du compte beaucoup trop mal écrit et laborieux pour tenir la route. Avec ce personnage de mari disparu, absent mais omniprésent, que l'on croit d'abord coupable d'infidélités répétées puis que nous pensons être un stalker, un harceleur de femmes en puissance, voire bien pire encore, et dont l'esprit semble désormais hanter la demeure où vit notre pauvre héroïne, The Night House rappelle beaucoup trop la récente déclinaison de l'Homme Invisible par Leigh Whannell, autre thriller horrifique tenu à bout de bras par une actrice impliquée en la personne d'Elisabeth Moss.


 
 
Leigh Whannell puisait lui aussi son inspiration dans l'actualité à travers ce qui se voulait une métaphore horrifique, plus directe et moins tordue – bien que très balourde également –, de la masculinité toxique poussée à son paroxysme. Le scénar signé Ben Collins et Luke Piotrowski que s'applique à mettre en boîte David Bruckner se révèle encore plus fumeux et tellement maladroit que l'on peut même se demander si, en réalité, il n'est pas d'une terrible misogynie. Attention, divulgâchis en vue. Il s'avère en définitive que la femme est à l'origine de tous les maux : son propre démon, incarnation surnaturelle de sa dépression, de cette pulsion de mort dont son mari l'a longtemps sauvée, a poussé ce dernier à commettre l'impensable et à finalement opter pour un suicide en forme de sacrifice amoureux... C'est en tout cas ce que je comprends de cette horreur de film, quand bien même je préfère ne pas m'y éterniser car il n'en vaut pas la chandelle. La fin, assez expéditive, n'y invite guère non plus. Elle conclut un dernier tiers épuisant et bien plus démonstratif où David Bruckner marche encore sur les plates-bandes d'Invisible Man, avec ces mots écrits sur la buée d'un miroir de salle de bains par une force invisible qui finit par s'en prendre plus vertement à notre pauvre héroïne. Ce climax raté rappelle aussi les scènes choc du bien plus mémorable L'Emprise : le contexte est quasi identique et les effets visuels très similaires.


 
 
On reste au final dans un entre-deux bien pratique qui permet toutes les errances, approximations et absurdités. Tout était donc dans la tête du personnage, cette femme au deuil impossible qui sombre dans les affres de la dépression suite à la mort brutale de son époux. Ce mantra nous évite de chercher à tout comprendre et à démêler le vrai du faux. C'est ce que l'on peut se dire par facilité, comme pour chasser ce que l'on vient de voir de notre esprit et ne pas perdre plus de temps. C'est aussi une lecture que soutient l'interprétation irréprochable de Rebecca Hall, dont on se demande bien pourquoi elle s'échine à jouer dans de tels trucs (cette actrice doit aimer l'épouvante et peut-être un jour se mettra-t-elle au service d'un film valable – on le lui souhaite car elle le mérite). Enfin, cela permet accessoirement de dédouaner ces sagouins de scénaristes : ça ne les excuse pas, mais ça rend leur travail un peu moins dégueulasse. 
 
 
La Proie d'une ombre de David Bruckner avec Rebecca Hall (2021)

31 août 2020

Adopt a Highway

Adopter une autoroute... Derrière ce titre étrange, qui fait référence à un programme américain de sponsorisation de segments d'autoroute pour garantir leur propreté (?!), se cache un très beau petit film signé Logan Marshall-Green, cet acteur souvent associé à Tom Hardy pour leur ressemblance physique troublante et que l'on a déjà vu être contaminé par un alien dans le pitoyable Prometheus de Ridley Scott et, avec plus de bonheur, devenir une sorte de surhomme dans le très cool Upgrade de Leigh Whannell. C'est d'ailleurs très vraisemblablement suite à sa participation dans ce dernier film, également produit par Blumhouse, que Marshall-Green a pu faire financer une œuvre personnelle par la désormais célèbre société de production spécialisée dans le cinéma de genre qui ajoute ainsi un titre plutôt atypique à son répertoire. Pour son premier long métrage en tant que réalisateur et scénariste, Logan Marshall-Green offre un rôle en or au grand Ethan Hawke qui, plus magnétique que jamais, fait ici étalage de tout son talent et de sa capacité exceptionnelle à porter un film à lui tout seul.




Ethan Hawke incarne Russell, un type qui vient de passer 21 ans en taule pour avoir dealé quelques grammes d'herbe, en vertu de l'application de la loi dite "des trois coups" (en vigueur en Californie, celle-ci permet aux juges de prononcer des peines de prison perpétuelle à l'encontre d'un prévenu condamné pour la troisième fois pour un délit, aussi mineur soit-il). Peu adapté à la vie en société et soucieux de ne plus faire de vague, Russell bosse avec le plus grand sérieux du monde à la plonge d'une sandwicherie et habite dans un motel. Sa vie, très morne et solitaire, se voit bousculée par la découverte d'un bébé abandonné dans une benne à ordures. Sous le charme du bambin, il va s'en occuper quelques jours...




Il n'est pas méprisant ou réducteur de dire d'Adopt a Highway qu'il s'agit d'un petit film : à peine un peu plus d'une heure au compteur, guère plus de 20 pages de scénar, un seul personnage principal... Mais Adopt a Highway est un beau petit film, vraiment, et si tous les films indé ricains étaient aussi jolis et sincères, je ne serais peut-être pas autant dégoûté par la chose. Logan Marshall-Green fait preuve d'une humilité tout à fait louable et confère à sa première œuvre prometteuse un rythme assez tranquille, tout doux, qui m'a mis à l'aise du début à la fin. J'étais dans mes chaussons... Son film a aussi cela d'agréable qu'il arrive toujours à prendre une nouvelle direction juste à temps. Pas de grand rebondissement ni de bouleversement à la clé, mais simplement une trajectoire intelligente, légèrement modifiée et inattendue, qui lui fait retrouver son souffle, si bien que notre intérêt pour ce personnage et son histoire n'est ainsi jamais perdu. Il est très plaisant de découvrir la tournure, plutôt heureuse et positive (spoiler), que prennent les choses pour ce pauvre gars, qui ne fait pas les conneries tant redoutées, refait surface peu à peu et qui est même promis à un avenir radieux grâce à un p'tit coup de pouce du destin. Et puis, évidemment, le gars en question est incarné par un comédien hors pair.




Dès les premières minutes, on est admiratif du jeu d'acteur au millimètre de l'aigle-fin d'Austin (Texas), dont les pas timides et hésitants, à la sortie de prison, nous plongent dans une compassion immédiate pour son personnage de marginal dont la moitié de la vie a été gâchée par un système judiciaire impitoyable. On a déjà qu'une seule envie : le voir kiffer, prendre du bon temps... Il faut ensuite admirer le géant Hawke jouer celui qui surfe pour la première fois sur internet, dans un web café, à la recherche d'information sur son père, dont il apprend la mort les yeux humides, à la lecture d'une banale nécrologie, lors d'une scène qui nous serre le cœur. Il faut aussi le voir mettre ses lunettes de presbyte, une monture assez dégueu à clipser par le devant, avec des verres bien épais qui lui grossissent les yeux mais ne gâchent en rien sa beauté naturelle et viennent même renforcer son adorable air de chien battu. Je préfère arrêter là l'inventaire de toutes ces scènes où Hawke en met plein la vue. Vous l'aurez compris : Adopt a Highway est un véritable festival, un récital, un must pour tous les fans de la star, sur un nuage et quasi de tous les plans. On se dit que Logan Marshall-Green doit également compter parmi ses premiers admirateurs pour lui avoir donné, sur un plateau d'argent, une telle scène d'expression. On l'en remercie au passage.




Qui, aujourd'hui, peut s'assoir à la table d'Ethan Hawke ? Quel autre acteur peut se targuer de faire cohabiter sur son CV des noms comme Peter Weir, Hirokazu Kore-Eda, Bob Redford, Joe Dante, Sidney Lumet, Paul Schrader, Dick Linklater, les frères Spierig ou encore le jeune Ti West ? Combien ont tourné pour de telles pointures ? Tous les talents des cinq continents et de toutes les générations sont réunis en une seule et même filmographie. Soyez sûrs que des types comme Sidney Lumet et Kore-Eda, qui comptent parmi mes cinéastes chouchous, ne font pas tourner n'importe qui. Tous se bousculent pour travailler avec eux, et c'est Hawke qu'ils choisissent d'appeller au beau milieu de la nuit pour lui proposer un rôle. Un chapitre entier et inédit du célèbre ouvrage de Sid' Lumet, Making Movies, est consacré à l'effet galvanisant qu'eut la collaboration avec la star sur le réalisateur des 12 hommes en colère. Combien, aussi, peuvent attester d'une telle longévité ? C'est grâce à des choix de carrière audacieux, une loyauté et une fidélité à toute épreuve envers des types valables que notre homme a su demeurer si longtemps au premier plan. Combien de jeunes éphèbes sont devenus de beaux vieux en vieillissant si bien que lui ? Ne cherchez pas. Aucun. Ethan Hawke est le faucon maltais du cinéma américain, qu'il survole avec une grâce sans pareille et contemple d'un œil supérieur mais bienveillant. Son plus gros souci aujourd'hui, c'est que notre homme mange seul à tous les repas. Car personne ne peut s'assoir à sa table...




Passez donc outre son drôle de titre, qui fait métaphoriquement sens avec les thèmes abordés par le cinéaste mais peut effectivement dérouter quand on connaît mal la législation californienne et toutes ses subtilités, et donnez vite une chance à Adopt a Highway : vous passerez 78 minutes de bonheur auprès d'un acteur au sommet de son art qui parvient à donner vie à un personnage que l'on n'oubliera pas de si tôt. 


Adopt a Highway (New Lives) de Logan Marshall-Green avec Ethan Hawke (2020)

26 mars 2020

Invisible Man

Cette resucée de L'Homme invisible, décidément peu gâté par le cinéma, se veut dans l'air du temps. Par simple opportunisme, ou par réelle conviction, nous lui laisserons le bénéfice du doute, Leigh Whannell fait donc de son nouveau thriller de science-fiction une métaphore sur la condition des femmes abusées, harcelées, étouffées par leur conjoint. L'homme invisible est ici un dangereux maniaque, ingénieur pionnier en optique, qui profite de sa dernière innovation pour persécuter la femme qui a osé le quitter, fuyant ainsi la relation toxique dont elle était prisonnière. Sur le papier, on se dit pourquoi pas et, après le sympathique Upgrade, petit film de SF divertissant qui parvenait intelligemment à se départir de son maigre budget, nous étions sincèrement curieux de découvrir le nouveau bébé de Whannell. Il y avait de bonnes raisons d'y croire et la présence d'Elisabeth Moss en tête d'affiche annonçait tout le sérieux du projet. L'actrice, qui en a vu d'autres, campe donc avec dévouement cette femme traumatisée qui va vivre une terrible descente aux enfers, le pire étant son extrême solitude dans toutes les épreuves qu'elle traverse. Personne ne la prend au sérieux, quand elle ne passe pas tout simplement pour une folle aux paroles délirantes, même aux yeux de ses proches. La reprise du mythe à ces fins n'est a priori pas bête du tout et permet une mise en relation pertinente, qui trouve un bien triste écho aujourd'hui.





Malheureusement, force est de constater que l'on a tout de même bien vite fait le tour de cette idée de départ maligne. Le scénario finit rapidement par accumuler les retournements trop énormes, au prix de la cohérence globale, Leigh Whannell s'appuyant un peu trop sur notre suspension of disbelief. Alors certes, le film est prenant, tendu et parfois oppressant. On se demande bien comment notre pauvre héroïne réussira à se sortir de là, on veut connaître le fin mot de cette histoire, aussi tordue soit-elle. Alors on regarde, assez bêtement. Car côté mise en scène, il n'y a franchement pas grand chose à se mettre sous la dent, malgré le sujet choisi, éminemment cinématographique. Il n'y a, à vrai dire, rien que l'on ait pas déjà vu mille fois, à savoir des personnages malmenés par une force invisible, traînés sur le sol et tout le tintouin. Leigh Whannell n'en est qu'à son troisième film en tant que réalisateur, mais il fait déjà dans la redite : les scènes d'action reprennent les mêmes idées que celles d'Upgrade, avec ces mouvements de caméra, à la fois fluides et brutaux, qui épousent les chutes ou les coups des personnages, le tout accompagné par des effets sonores électro barbants.





Par mansuétude, on retiendra tout juste ces quelques plans trop rares, et surtout situés au début du film, qui traînent habilement en longueur. La caméra panote lentement et s'attarde ou s'arrête sur des espaces vides, nous invitant à mieux les scruter, à essayer d'y déceler une présence invisible. Pour le reste, c'est donc très pauvre... L'univers de Whannell paraît tourner à vide, avec notamment cette baraque high tech hideuse, antre de l'homme invisible, qui ressemble à s'y méprendre à celle du méchant d'Upgrade (soulignons toutefois que ce dernier film était infiniment plus convaincant que celui-ci dans sa peinture d'un monde futuriste). Tous les louables efforts d'Elisabeth Moss ne servent à rien, elle est peut-être la seule à la hauteur, et l'on pourra d'ailleurs s'étonner du choix d'un acteur si transparent pour jouer l'homme invisible (le fade et mauvais Oliver Jackson-Cohen)... En définitive, cet Invisible Man nous rappelle surtout que Leigh Whannell est d'abord un grand copain de James Wan. Son dernier film a la même allure que ceux de celui dont il était jadis le fidèle acolyte. Un tour de manège, un train fantôme, certes plutôt captivant, mais trop long, assez creux et qui mettra certainement à rude épreuve la patience des moins friands de ce type d'expérience. Pour les autres, c'est l'assurance d'une soirée vite passée, mais on est tout de même en droit d'espérer mieux, non ? La sensation horrifique de ce premier trimestre ne pèse finalement pas lourd et on attend à présent plus grand chose du remake à venir d'Escape From New York sur lequel planche désormais Whannell...


Invisible Man de Leigh Whannell avec Elisabeth Moss, Aldis Hodge, Oliver Jackson-Cohen et Harriet Dyer (2020)

2 octobre 2018

Upgrade

Leigh Whannell était surtout connu jusqu'à présent comme le co-scénariste régulier de James Wan, notamment pour le premier Saw et la saga Insidious, dont il a signé le troisième chapitre. Il nous livre ici son premier long métrage original en tant que réalisateur et scénariste. Upgrade est également une nouvelle production Blumhouse (Get Out, Split...), une société en plein boom spécialisée dans le cinéma de genre et les films à petit budget dont le contrôle artistique est laissé aux cinéastes. Malgré quelques franchises sans grand intérêt mais très lucratives, force est de reconnaître que l'on doit à Blumhouse un dynamisme appréciable pour le genre et quelques titres de qualité qui lui permettent à présent de jouir d'une certaine crédibilité artistique, parmi lesquels ceux qui ont permis la résurrection de notre ami Shyamalan. En réalisant ce "vigilante film" de science-fiction, teinté d'horreur et d'humour, Leigh Whannell s'inscrit quant à lui dans la pure série b pleinement assumée et vise le plaisir du spectateur avant tout. Bonne surprise : le cinéaste réussit plutôt bien dans sa noble entreprise.





On suit donc la vengeance de Grey, un homme dévasté devenu tétraplégique suite à une agression terrible et gratuite lors de laquelle il a dû assister, impuissant, au meurtre de sa femme. Il est accompagné dans son désir de justice par une puce implantée au sommet de sa moelle épinière, la dernière innovation en matière d'intelligence artificielle, qui lui permet de retrouver l'usage de son corps et même d'exploiter toutes ses capacités en contrôlant chacun de ses gestes, au point de le transformer en une sorte de robot inarrêtable. Autre détail, et non des moindres, cette intelligence artificielle, prénommée Stem, s'avère assez causante et se met à dialoguer avec le héros, qui est le seul à pouvoir l'entendre. Ces dialogues intérieurs et les décalages qui les caractérisent offrent les quelques moments plutôt amusants de ce film dont le premier objectif, atteint haut la main, est donc de nous divertir.





Le scénario d'Upgrade pourrait être l'origin story réussie d'un nouveau super-héros (ou super-vilain...) au sombre background ou l'adaptation d'un comic book méconnu avec ce personnage mi-humain mi-machine doté de capacités exceptionnelles, assoiffé de vengeance ou de pouvoir et évoluant dans un monde cyberpunk mal famé où les truands dissimulent des armes à feux dans leur chair. On pense aussi inévitablement au Robocop de Paul Verhoeven, ne serait-ce que pour la scène traumatique initiale qui précède la transformation du héros, mettant en scène une bande de malfrats cruels et sans pitié. Cette histoire est en tout cas un solide prétexte à quelques scènes d'action plaisantes (on regrettera juste une poursuite en voiture assez molle), et l'ensemble est mené à un rythme soutenu qui fait que l'on ne s'ennuie jamais. Dans un contexte peu évident, Logan Marshall-Green, longtemps réduit à ce statut ingrat de Tom Hardy du pauvre pour leur ressemblance physique troublante, prouve qu'il vaut bien mieux que ça et qu'il a les épaules assez solides pour porter de tels films. L'acteur ressort en effet comme l'un des grands gagnants du projet.





L'univers futuriste cohérent et malin dans lequel nous plonge d'emblée Leigh Whannell et la très bonne allure générale d'un film qui ne paraît jamais fauché participent très largement à nous rendre Upgrade immédiatement sympathique. Car le plus grand mérite du réalisateur australien est d'avoir pondu un film de science-fiction qui, malgré son budget de 5 millions de dollars, n'a rien à envier aux plus gros blockbusters actuels, bien au contraire. C'en est même surprenant. On croit sans souci à ce futur indéfini que l'on se plaît à découvrir, dans lequel l'assistance permanente de l'intelligence artificielle, de la robotisation et autres drones de surveillance ont pris une place prépondérante. On retrouve là-dedans quelques idées toutes simples mais bien trouvées comme la disparition des claviers d'ordinateurs, ceux-ci enregistrant et exécutant ce qu'on leur dit oralement. Bien que la réflexion sur l'IA n'atteigne pas non plus une grande profondeur philosophique, l'aspect très séduisant de cette pourtant modeste production nous permet d'être indulgent à l'égard de son scénario simple et ludique dont la conclusion s'avère peut-être un peu trop prévisible. On pardonne également les petites incohérences d'une histoire qui s'annonce comme divertissante avant tout et invite à ne pas chercher la petite bête.





On sort donc d'Upgrade assez amusé, l'humeur au beau fixe, en bref, dans cet état caractéristique après la vision d'une bonne petite série b, un terme qui n'a ici rien de péjoratif, mais qui définit bien une œuvre comme celle-ci, faite avec le cœur et une ambition réelle mais mesurée, consciente de ses limites et portée par de nobles objectifs, comme on aimerait vraiment en voir plus souvent. On espère une suite du même acabit et on est heureux de désormais compter Leigh Whannell parmi les nouveaux cinéastes spécialisés dans le genre digne de respect, au contraire de son ancien acolyte James Wan, dont les films gagneraient sans doute à être animés par la même humilité, toujours source de bienveillance chez le spectateur aguerri.


Upgrade de Leigh Whannell avec Logan Marshall-Green, Melanie Vallejo et Betty Gabriel (2018)

9 octobre 2013

Conjuring : les dossiers Warren

Véritable phénomène au box office mondial cette année, The Conjuring est l’œuvre d'un cinéaste qui semble avoir compris ce que recherchent aujourd'hui les spectateurs de films d'horreur. Je ne me lance pas dans de grandes déductions, je m'appuie seulement sur le buzz provoqué à sa sortie et les chiffres, qui font de The Conjuring le plus grand succès du cinéma d'horreur depuis des lustres, derrière L'Exorciste et Le Projet Blair Witch. James Wan avait déjà su engranger les dollars et conquérir les foules avec Insidious, son précédent film, où les fantômes, les démons et les maisons hantées servaient aussi de décorum. Insidious s'insérait dans la même logique, le même schéma, souvent résumé, chez les critiques francophones, par l'expression bien pratique et assez juste de "train fantôme". La surenchère tape-à-l’œil, l'accumulation frénétique d’effets-chocs et l'empilement jusqu’au-boutiste de poncifs usés jusqu'à la corde sont en effet le fond de commerce de James Wan, qui ne vise rien d'autre que le sursaut immédiat.


Quand je vous dis qu'il faut se méfier des cinéastes qui font trop gaffe à leurs looks... Visez un peu la chevelure de James Wan, je veux la même !

N'étant pas spécialement amateur de ce cinéma d'horreur-là, c'est naturellement avec une certaine crainte que j'ai lancé The Conjuring. Force est pourtant de reconnaître que la première heure du film fonctionne plutôt bien. Passée une scène d'introduction inutile qui, à la manière du sous-titre français ("les dossiers Warren"), laisse envisager un film d'horreur à sketchs - format qui serait d'ailleurs peut-être plus approprié au savoir-faire et au style de James Wan - on suit les déboires d'une famille nombreuse venue s'installer dans une ferme isolée qui s’avèrera méchamment hantée. Durant, disons, les trois premiers quarts d’heure, nous quittons rarement la demeure et strictement tous les incontournables du film de maison hantée se succèdent à un rythme trépidant. C'est une énumération sans faille. Tout y passe.


Manque le clebs. Pour vous donner une idée, il a le regard du père et la tignasse de la mère.

C’est d’abord le iench de la famille qui ne veut pas rentrer dans la maison, s’agrippant de toutes ses forces sur le perron et aboyant à en perdre haleine, comme s’il sentait une présence néfaste. C’est d’ailleurs le seul point noir d’un déménageot qui se passe sans souci. Une fois la famille emménagée, par contre, les choses se gâtent rapidement. Des portes qui claquent, le parquet qui grince, des horloges qui s'arrêtent toujours à une heure fixe, des cadres qui tombent des murs avec fracas, on découvre un sous-sol caché (il suffisait de faire le tour de la maison pour découvrir les énormes soupiraux et suspecter sa présence, mais il faut croire que les nouveaux proprios n’ont jamais eu cette curiosité…), des gros bleus apparaissent pendant la nuit sur le corps de la maman (Lili Taylor, qui n’a pas besoin de ça), on croise des reflets étranges dans les miroirs et on trouve de drôles d'objets près de cet arbre mort à la forme ultra menaçante planté non loin. Bref, je pourrai continuer longtemps, mais je ne souffre pas de la même maladie que James Wan. C'est bien simple, ce dernier n'oublie strictement aucun des effets attendus dans un tel contexte. Tout y passe, je vous dis !


"On vient de gagner 150m² de surface habitable, chérie ! On a une putain de cave ! Les enfants, dites adieu à vos lits superposés."

James Wan paraît tout à fait conscient que son audience a certainement déjà vu tout ça ailleurs, il fait parfois même des clins d’œil innocents et pas méchants, mais il vise l'originalité par cette accumulation acharnée et ce rythme rapide, sec, sans temps mort. Si vous aimez les films d'horreur psychologiques, qui prennent le temps de construire une ambiance étouffante et apportent un soin particulier à leurs personnages, alors The Conjuring n'est clairement pas fait pour vous. C'est au bout de 45 minutes de film que je me suis rendu compte que la famille en proie aux phénomènes paranormaux comptait cinq enfants. Cinq filles qui sont de simples pantins que James Wan aime placer ici ou là selon la situation et l'effet recherché. J'étais pourtant prêt à faire mon mea culpa car si tout cela n’a rien d’original et encore moins de génial, ça se suit sans déplaisir. Le "train-fantôme" fonctionne à plein tube. Les résultats faramineux au box office me sont expliqués par cette première partie.


Il faut garder à l'esprit qu'il n'existait pas encore de lampe de poche dans les années 70.

Et puis vers l'heure de film, quand les Warren, c’est-à-dire les véritables chasseurs de fantômes incarnés par Patrick Wilson et Vera Farmiga, débarquent dans la maisonnée pour commencer leur enquête, tout se délite et part en vrille. Le film bascule définitivement dans un grand n’importe quoi terriblement agaçant. Ce triste basculement s’opère à cet instant crucial où, en général, un film de maison hantée classique doit trouver une explication, en levant progressivement le voile sur les évènements terribles survenus dans ladite maison, jusqu’à leur résolution dans le présent. Mais ça, ça n’est pas du tout ce qui intéresse James Wan. En un clin d’œil, Lorraine Warren regroupe coupures de journaux et vieilles photos pour expliquer toute l’histoire à son compagnon, apparemment habitué, et à nous autres, sur le cul ! Une sorcière sataniste vachement rancunière est dans le coup ; comme quoi, nous avons bien fait de les noyer. Le scénario est totalement manichéen. Une fois débarrassé de cela, James Wan peut alors continuer son train-train habituel, dans un déluge de scènes de trouille qui iront crescendo jusqu’à la fin, et réussiront à atteindre des sommets de ridicule. Il s’engage sur les terres savonneuses du film de possession démoniaque, en embrassant encore une fois tous ses clichés, et cela commence à faire beaucoup. Une force invisible traîne l’une des filles par les cheveux. Patrick Wilson improvise un exorcisme pathétique en lisant du latin avec toutes les difficultés du monde et un accent dégueulasse. Lily Taylor campe une bien vilaine possédée. Un duo de techniciens (avatars du cinéaste lui-même et de son scénariste habituel, Leigh Whannell), engagés pour filmer les Warren, viennent ajouter leurs cris au brouhaha général. La suggestion qui dominait la première partie du film est définitivement abandonnée au profit du grand guignol. On pourrait en rire, on est surtout très gênés.


Drôle d'époque où les abat-jours faisaient par contre office de jupe longue... Notez la tronche de cake de Patrick Wilson en plein cours magistral, faisant tout pour être pris au sérieux dans son costume de magicien.

Le film perd alors toute sorte d’impact et devient d’une superficialité assommante, à l'image de cette reconstitution maniaque des années 70. En plus de voler la photographie des films d'horreur de cette période, James Wan surmaquille, surdéguise et suréquipe ses acteurs. Déjà fort peu charismatique au naturel, Patrick Wilson est ainsi condamné à porter des rouflaquettes ridicules et à conduire un Volkswagen Type 2 flambant neuf (vous savez, ce fameux van tant apprécié des hipsters). Tous les habits des comédiens ont l'air de fraîchement sortir de la friperie Groucho (une super adresse à Toulouse que je vous recommande chaudement, soit dit en passant !) ou d'avoir été spécialement conçus pour l'occasion. Aucun n'a l'air à l'aise à l'intérieur, à commencer par le père de famille et sa collection de chemises à carreaux trop cintrées. Sans parler des traces de pli dues à l'acharnement des techniciens au fer à repasser... Tous les décors visent aussi à faire immédiatement penser aux années 70, des tapisseries de mauvais goût en passant par la grosse télé à l'écran bombé placée bien en évidence. La musique vient évidement renforcer cet effet, bien qu'elle aurait pu être encore plus présente. Cette reconstitution est en fin de compte aussi superficielle et fabriquée que la peur suscitée par ces jumps scares incessants que James Wan met en scène. Elle contribue à nous éloigner du film, à nous placer en tant qu'observateur de la mécanique mise en place et à constater le soin apporté dans l'attraction créée par le réalisateur. L'étiquette "inspirée d'une histoire vraie", pourtant lourdement rappelée au début du film et lors du générique final, où de véritables photos des personnes impliquées dans ce fait divers apparaissent à l'écran avec le nom des acteurs les incarnant à côté, n'a ainsi aucune espèce d'incidence. Tout sonne si faux et calculé...


Vera Farmiga a de beaux yeux et prend un plaisir évident à les rouler dans tous les sens.

The Conjuring est également doté d’une propagande religieuse franchement embarrassante, qui pourrait passer sans vrai souci si elle n’était pas aussi grossièrement amenée. Quand le père de famille avoue, un peu honteux, qu'ils ne sont pas croyants et qu'aucune de ses filles n'est baptisée, Patrick Wilson lui répond du tac-o-tac "Revoyez votre copie", lui expliquant ensuite en une paire de phrases lapidaires que quelques crucifix, un peu d'eau bénite et une foi chrétienne retrouvée pourraient bien les sauver. C’est un aspect très secondaire dans l’ensemble, mais il mérite tout de même d’être pointé du doigt car il est représentatif de l'extrême manque de finesse de James Wan. Il faut aussi dire que son film n'est pas non plus aidé par des dialogues lamentables, parfois assez gênants. Comment peut-on avoir peur d'un esprit démoniaque quand celui-ci est comparé, de la bouche du démonologue en personne, à un vieux chewing-gum qui serait bien décidé à rester collé à la semelle de votre godasse ? On a connu plus flippant, on a connu des monologues un peu plus inspirés. Mais il faut croire que James Wan ignore totalement que l'on peut aussi faire peur par le seul langage, par les mots, quand ceux-ci sont correctement écrits et prononcés par des acteurs doués. Je ne lance toutefois pas la pierre à Patrick Wilson, qui fait ici beaucoup d’efforts, ça se voit.


C'est Papy Wilson qui a dû tirer la tronche en découvrant où était passé son fameux gilet jacquard.

James Wan multiplie les effets de manche, les angles impossibles, les mouvements de caméra étonnants et les plans-séquences. C'est souvent osé et l'effet recherché est parfois atteint, cela correspond tout à fait à ce cinéma d'horreur qui s’échine à en mettre plein la vue et à ne laisser aucun répit à son audience, mais ça n'est pas fait avec une réelle vision de cinéaste. Cela vise seulement l'effet immédiat, il n'y a rien que l'on puisse retenir, il n'y a aucune image à laquelle on repensera en fermant les yeux avant de se coucher, ou dans le noir lors d'une de ces escapades nocturnes, animé par une fringale tardive, avec le frigo comme objectif. Ces films-là ne laissent pas de trace. Ils font peut-être peur sur le moment, mais ne laissent aucune marque dans l'imagination ni ne l’émoustillent. Pour cela, il faut être plus talentueux, plus patient, plus ambitieux, et viser un peu plus haut que le porte-monnaie du public.


Le grand Max Von Sydow peut pioncer tranquille, la relève ne lui arrive pas à la cheville.

S'il y mettait plus d'humour, plus de relâchement et plus de folie, James Wan pourrait un jour réaliser un film d'horreur véritablement sympathique. Il lui faudrait pour cela trouver cet équilibre qui lui manque cruellement, ou choisir son camp une bonne fois pour toutes. Il pourrait se placer aux côtés d'un Peter Jackson ou d'un Sam Raimi, produire l'équivalent d'un Braindead ou d'un Evil Dead. Il ne grimperait pas spécialement dans mon estime, car il persisterait dans un registre que je n’affectionne pas beaucoup, mais il trouverait au moins à mes yeux une certaine cohérence. Pour l'instant, je le perçois surtout comme un imposteur, opportuniste et malin, sans réel intérêt, bien plus proche du forain que du cinéaste. C'est tout de même dommage car, aujourd'hui, aucun autre réalisateur spécialisé dans le genre ne jouit d'un tel statut et ne peut bénéficier d'une telle marge de manœuvre. Alors il y a un léger mieux, il faut l'avouer. Mais quand on part de zéro, c'est toujours plus facile et, avec The Conjuring, James Wan finit tout de même par retomber complètement dans ses insupportables travers et semble même vouloir faire sien ce style si lucratif. En fait, il s'installe progressivement comme le réalisateur préféré de ceux qui n'aiment pas le cinéma d'horreur.


Conjuring : les dossiers Warren de James Wan avec Vera Farmiga, Patrick Wilson, Lili Taylor et Ron Livingston (2013)

23 juin 2011

Insidious

Que dire ? Il y a parfois des films dont l’extrême nullité laisse sans voix et, surtout, dont on ne parvient même pas à s’expliquer le succès qu’ils ont rencontré auprès du public. Insidious est de ceux-là. Je suis atone mais mes doigts prennent le relais pour votre plus grand plaisir. Insidious est la troisième collaboration entre le réalisateur James Wan et le scénariste et acteur Leigh Whannell. Après Saw, c'est leur deuxième film qui réussit à faire trembler le box office US et à ramasser le pactole, récoltant des millions (76M$ and counting !) à partir d’un budget pourtant dérisoire (1,5M$ dont une grande partie dépensée en Comté "Nos régions ont du talent" pour satisfaire les desiderata du comédien Pat Wilson). Si la qualité de Saw était ma foi toute relative, son succès m’était au moins compréhensible, notamment grâce à son twist final débile mais qui surprenait forcément. Là... Mystère ! On est en présence d’une daube d’envergure internationale, que j’ai pourtant vue dans les meilleures conditions possibles, bien accompagné, et avec la simple envie de voir un film d’horreur divertissant, sachant remplir le cahier des charges. Que nenni ! Passez votre chemin !


James Wan et Leigh Whannell découvrant les propriétés euphorisantes des liquides riches en bicarbonates.

Insidious est un film d’horreur ridicule de bout en bout, le genre de film qui conforte le cinéma d’horreur dans le tiers-monde du 7ème art, qui le rabaisse tout entier et vient nous rappeler que le genre est bel et bien composé à 99% d’infâmes saloperies. Pour vous donner une idée, dites-vous qu’Insidious est une sorte de parent dégénéré du déjà très mauvais Jusqu’en enfer de Sam Raimi. Les deux films m’ont l’air similaire sur bien des points. On sent la même volonté chez les deux metteurs en scène d’embarquer les spectateurs dans une pauvrette attraction de fête foraine mise sur pellicule, dans un train fantôme avançant laborieusement et manquant tristement d’inspiration pour surprendre son voyageur, cachant cela dans un déluge d'effets indigestes. Le genre est ici abordé de façon old school et très frontale, avec des objectifs que l’on sent très modestes (faire peur, divertir salement) et justement annihilés par des ambitions de bas étage, jamais transcendées par la volonté toute simple de torcher un bon film avec un minimum de prétentions artistiques.


Un caméo aussi flippant qu'écolo : celui de Nicolas Hulot

Un peu à la manière de Jusqu’en enfer, mais de façon peut-être encore plus flagrante et embarrassante, Insidious a le vilain défaut de ne pas savoir sur quel pied danser. On navigue entre la parodie maladroite et pas drôle du film de maison hantée, avec un second degré mal maîtrisé et un humour qui tombe toujours à plat ; et le sérieux le plus mortel et pathétique d’une série-b tout juste bonne à être diffusée en deuxième partie de soirée sur RTL9. Vous savez, ces téléfilms sur lesquels on zappe malencontreusement, dont on se moque gentiment 2 minutes, puis qu’on oublie aussi sec en se disant que la télé c’est de la merde et qu’on a vraiment la rage de payer une redevance. Les prestations des acteurs sont tout à fait dignes d’un téléfilm. Ils sont tous lamentables et ne semblent pas du tout concernés, à commencer par le si fade Patrick Wilson, un acteur ô combien transparent que j’avais déjà rapidement égratigné quand je vous avais parlé de Morning Glory et sur lequel je ne m’acharnerai donc pas davantage. Quoique… Le fantôme du film, c’est lui ! Il est à ranger dans la catégorie des Steven Seagal et autres Vin Diesel, les muscles, le charisme et l’art de la baston en moins (il ne lui reste donc pas grand-chose sur son CV !). Quant à Rose Byrne, son charme est ici largement insuffisant pour faire abstraction des limites qu'affiche son jeu si maussade et peu inspiré. Si Nicole Kidman avait profité du film Les Autres pour étaler tout son talent et jouer la peur comme personne, donnant à elle seule de l'intérêt à ce film, on est très loin de pouvoir en dire autant sur sa compatriote australienne, en mode pilote automatique, subissant des vents latéraux et autres turbulences désagréables.


Rose Byrne ne supportait pas l'haleine effroyable de son collègue fan de fromages à pâte pressée cuite, d'où certaines scènes de dialogues où l'actrice évite manifestement le face-à-face.

Il faut voir ce couple vedette sans relief réagir impassiblement quand une vieille médium au profil de lévrier afghan lui explique enfin, vers l’heure de film, l’origine des phénomènes surnaturels qui sont survenus dans leur première baraque et qui ont continué à se manifester après avoir pris refuge chez la mamie, incarnée par une Barbara Hershey faisant peine à voir. Une histoire sans queue ni tête qui reprend cette vieille légende urbaine comme quoi il existerait des personnes (dont Pat Wilson et son fils dans le coma font partie) capables de sortir de leurs enveloppes corporelles et de errer dans un univers parallèle : un monde infesté d'esprits évidemment maléfiques qui cherchent à revenir dans la réalité pour faire le mal. Entre parenthèses, moi je pensais que cette faculté de sortir de son corps pour mieux se mater de l’extérieur était réservée aux plus grands acteurs pornos et pouvait être à la portée du gars lambda lors d'une bonne partie de jambe en l’air durant laquelle le point G est touché du doigt. Mais bref passons sur ce détail...


Après ce film, vous ne regarderez plus les babyphones de la même façon

Le film est truffé de clins d’œil appuyés à une petite pelletée de films fantastiques, on pense par exemple à Paranormal Activity, Poltergeist, Shining, La Malédiction, Shutter, Amityville et même SOS Fantômes. Des références pas toujours très heureuses qui constituent une accumulation fatigante sans doute destinée à placer le spectateur en terrain connu et à se le mettre dans la poche. Sauf que ça ne marche pas. Au sein d’une telle saloperie, toutes ces références ont plutôt l’air d’être autant d’insultes adressées à un cinéma de genre trainé dans la boue. Insidious accomplit même l'exploit de faire passer tous ces films pour des purs chefs-d’œuvre (Paranormal Activity exclu, n’exagérons rien). Ici, il n’y a donc rien à sauver, ou si peu... Soyons sympa et évoquons deux passages assez réussis : cette scène où Rose Byrne découvre le fantôme d’un gosse dansant bizarrement sur une vieille musique diffusée par un gramophone ; et ces apparitions de jeunes femmes en petites robes gothiques, étrangement figées et ne gesticulant que par à-coups (apparitions qui s'incluent lors de l'errance finale dans l'univers des morts, qui rappelle les jeux vidéos Silent Hill et même Max Payne, c'est dire jusqu'où James Wan est allé piocher...). Deux moments très fugaces, complètement noyés par le reste, et dont je suis bien généreux de me rappeler. Car à part ça, tout m'est apparu complètement raté dans ce film qui, en outre, cristallise toutes les pires rengaines des films d'horreur merdiques actuels, comme par exemple ces inévitables effets sonores stridents qui essaient de faire sursauter et accompagnent chaque scène-choc, la mise en scène étant bien incapable d’effrayer autrement (elle est de toute façon incapable de créer quoi que ce soit).

Je ne regrette quand même pas de l'avoir vu, je n'ai pas passé un si mauvais moment devant de tels sommets de ridicule, et une daube pareille mérite qu'on y jette un coup d'œil, on en croise pas si souvent. Aussi, faut dire que j’ai passé la majeure partie du film à faire des commentaires pourris où je tentais systématiquement de placer le mot « insidieux », tout en sifflotant Alpha Beta Gaga de Air, au grand dam de ma compagne...


Insidious de James Wan avec Patrick Wilson, Rose Byrne et Leigh Whannell (2011)