25 juin 2011

Lemming

Ce film-là, je suis passé à côté. C'était le deuxième Moll après le tremblement de terre intitulé Harry un ami qui vous veut du bien. Après ce premier film, la France pensait avoir trouvé son Hitchcock en la personne de Dominus Moll, et son Anthony Perkins sous les traits cubiques de Sergi Lopez. Mais surtout les dames avaient fait main basse sur un nouveau sex symbol digne de Cary Grant : Laurent Lucas. Un front barré par les soucis, un nez droit comme la justice, des sourcils en équerres et un menton volontaire. Des yeux d'un bleu vif et percutant, aussi, puis surtout une voix. Laurent Lucas a vite fait de recouvrir toutes les couvertures de ELLE magazine. Dominik Moll en a fait son égérie en le collant à l'affiche de son second film. On parle de Scorsese-De Niro, de Desplechin-Devos, de Cassavetes-Rowlands, de Ridley Scott et Russel Crowe, de James Cameron avec Bill Paxton et de Carpenter et Kurt Russel, désormais il faudra compter avec Moll/Lucas. 
 
Ici on retrouve ce goût de l'inquiétant cher à Moll dans l'expression faciale du Cary Grant bourguignon, dans cette assiette qui ne contient bizarrement que de la salade et dans le reflet inversé de cette assiette sur le verre concave du pot à eau : tant de maîtrise force l'admiration 
 
Lemming fait partie de ces films qui ont un titre tapageur pour pas grand chose, comme Cloverfield, Kaboom, Mammuth ou Synecdoche New-York. C'est typiquement le genre de film que Moll a mis en boîte avant de se demander comment l'appeler. Alors que le titre Harry un ami qui vous veut du bien lui était apparu comme une évidence, Lemming tarda à monter au cerveau du réalisateur. En fait ça désigne à la fois l'animal que Gainsbourg retrouve dans la cuvette de ses chiottes après le passage éclair de Rampling aux cabinets, et le jeu préféré du cinéaste sur Nintendo DS. Dominik Moll l'a prouvé, il est intarissable sur le gameplay de Lemming ou sur celui de Worms, quant à moi j'ai un pote qui est incollable sur Moll. Les autres réalisateurs préférés de mon ami sont Douglas Sirk, Frank Borzage (qu'il prononce comme il faut quitte à ne pas se faire comprendre en soirée : "Borzégui"), Kubrick, Bergman, Hitchcock ou Bong Joon-Ho, et contre toute attente il place Dominik Moll au même niveau. Pour lui c'est les Rois Mages. Tout réal dont le blaze finit par "ick" a une chance de lui plaire : Kubrick, Sirk, Moll Dominik et il s'est même forcé à aimer The Tree of Life de Malick. Il m'avait vraiment vendu Lemming, mais c'est aussi parce qu'il a des billes dans le projet : c'est lui qui a fait l'affiche, matez-la en grand format et rendez-vous compte qu'il n'est pas fan des mirettes de Rampling. Si vous souhaitez rencontrer cet ami, rendez-vous entre le 1er et le 5 juillet au festival de ciné de La Rochelle, il y est chaque année, il a ses petites habitudes, vous le trouverez en tongs à la terrasse d'un café en train de manger une saucisse enrobée dans de la salade, c'est son plat préféré, celui qui lui permet de tenir bon tout le long de ses marathons cinoche. 
 
Sur ce glaçant photogramme du film, tout est anxiogène : les bras ballants et les verres fumés de Charlotte Rampling, surprenant l'étreinte des tourtereaux ; l'auréole de sueur dans le dos de chemise de Lucas ; le profil de Charlotte Gainsbourg. Mais le Malin rôde dans un autre niveau de l'image, au second plan, au milieu et au fond de la pièce
 
Pour revenir au film, on n'a pas tenu plus d'une demi heure assis devant. J'ai du mal à être captivé par des films dont l'action se déroule dans des décors surréalistes comme des maisons de banlieue high-tech dessinées par des architectes illuminés, avec un mobilier ultra moderne estampillé Philippe Stark. Quant à la dimension "conflit de famille" à coup de dégâts des eaux, j'avoue avoir eu ma dose avec ma propre belle-mère, qui s'est servie de l'unique manuscrit de mon mémoire de fin d'année presque finalisé pour lessiver sa baignoire. Je vois qu'on n'a rien dit de Charlotte Gainsbourg, premier rôle du film, et je crois qu'on en sort grandis. Ne pas l'insulter relève du prodige, vu que c'est une merde.
 
 
Lemming de Dominik Moll avec Charlotte Rampling, Charlotte Gainsbourg, André Dussolier et Laurent Lucas (2005)

11 commentaires:

  1. A noter que le prochain Demi' Moll sortira au cinéma le 13 juillet, ça s'intitule "Le Moine", c'est avec Vincent Cassel, et ça fait envie !

    http://images.allocine.fr/r_760_x/medias/nmedia/18/82/49/19/19752382.jpg

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  2. Quand tu dis saucisse, c'est "de strasbourg" (aka "keunaki") ou bien genre une grosse merguez grillée ?

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  3. Il est aussi éclectique en matière de saucisses qu'en matière de cinéma.

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  4. Moi j'imagine une grosse saucisse dite "de Toulouse", suintante de gras.

    http://amablog.free.fr/images/la_meilleure_saucisse_de_toulouse_grillee_du_monde.jpg

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  5. Cet ami mollophile a l'air d'en tenir une couche tout en ayant une aura particulière à tes yeux.

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  6. Détrompe-toi, c'est un putain de génie !

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  7. Mon truc c'est plus la grosse saucisse toulousaine ouais.

    Et en fait Rems avec tes conneries je me rappelle même plus si je t'avais réellement dit du bien de ce film, qu'avec le recul je trouve effectivement bien problématique, mais que j'avais peut-être bien défendu à l'époque vu que c'est un des premiers sur lesquels j'ai bossé ce qui m'obligeait à une certaine bienveillance... (je précise quand même que non, je n'ai pas fait l'affiche)

    En tous cas pour avoir vu Le Moine je peux t'assurer qu'il te flinguera encore plus que Lemming !

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  8. Je crois pas me souvenir que tu l'aies vraiment défendu. Je pense que tu y étais déjà un peu indifférent. Et pour cause !

    "Le Moine" est chiant alors ? Celui-là par contre je crois que tu m'en as pourtant dit du bien, et ça date seulement d'il y a trois semaines !

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  9. En fait, je crois me souvenir qu'on lui avait dit qu'on avait pas tenu bien longtemps devant, et que cela l'avait naturellement un peu chagriné. C'est surtout ça je crois.

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  10. Bah Le Moine c'est du Moll au carré quoi. C'est-à-dire idées et des qualités visuelles (c'est mon avis quand même), mais une fâcheuse tendance à basculer dans le ridicule souvent. Et là le film est pas inintéressant mais tellement sérieux et dénué d'humour qu'on y bascule souvent. Un mélange de raideur et d'outrance assez chaud.

    En fait j'aime pas ses films mais lui il est tellement cool que j'ai envie de les défendre.

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  11. Ca se pige. En tout cas, scoop sur ce blog > Moll est un mec cool. De visu.

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