En ce moment, Benoît Magimel est au top du top. L'acteur est à son zénith. Il est tout en haut, sur un nuage, et il nous contemple avec son si beau regard, aussi azuréen que bienveillant. A l’heure actuelle, il n'a selon moi aucun équivalent dans le paysage cinématographique mondial. Je le dis comme je le pense. Il était déjà le seul à sortir indemne voire grandi du fléau nommé Guillaume Canet, puisqu’il campait un homosexuel refoulé et convaincant dans Les Petits mouchoirs. L'acteur surdoué parvenait à ne pas trop se noyer dans la caricature, contrairement à tous ses partenaires, et ce malgré des cheveux d’une couleur carotte assez incongrue. Une nomination à l'Oscar aurait été amplement mérité pour l'ex de Juliette Binoche (rien que ça !) et sosie moins chevelu du footballeur Philippe Mexès. Plus récemment encore, il s'est illustré dans le téléfilm L'Avocat, un thriller efficace sur fond de mafia montpelliéraine qu'il porte à bout de bras ! Rappelons aussi que Benoît Magimel fait partie de ces nombreux talents découverts par Étienne Chatiliez, le véritable Arsène Wenger du septième Art, aux côtés d'autres poids lourds de l'actorat français comme Isabelle Nanty et Tsilla Chelton aka Tatie Danielle. Celui que l'on surnomme Magic'mel a explosé très tôt, dès l'âge de 6 ans, dans La Vie n'est pas un long fleuve tranquille, un titre qui aujourd'hui ne manque pas de faire sourire quand on sait à quel point la vie du jeune comédien, programmé pour triompher, semblait déjà écrite. Le pire, c'est que je ne pense pas un traître mot de ce que je suis en train de déblatérer, mais je vais un peu continuer sur ce ton, c'est le seul moyen que j'ai trouvé pour réussir à torcher un papelard sur ce maudit film qu'est Mon pote.
A gauche, Benoît Magimel avec le maillot de l'équipe de France lors d'un match de gala organisé au profit des victimes du earthquake japonais. A droite, Philippe Mexès en costard le 27 mai 2008 après avoir remporté pour la deuxième fois consécutive la coupe d'Italie.
Cette fois-ci, c'est à un film de Marc Esposito que Benoît Magimel donne des allures de classique instantané, à ranger aux côtés des plus grosses infamies françaises des années 2000. Le lauréat du prix d’interprétation masculine du 54ème Festival de Cannes incarne ici un taulard roi du "braquo", fan incollable de grosses cylindrées, qui se voit offrir l'occasion en or de regagner sa liberté à condition de devenir un pigiste sérieux au sein d'un magazine sur les quatre roues dirigé par un Édouard Baer au grand cœur. Comme tous les films signés Marc Esposito, LE cinéaste de l'amitié homme-mec, et comme son titre l’indique sans détour, Mon pote est le récit poignant de la relation unique qui va progressivement se nouer entre les deux personnages principaux, qui sont donc campés par un Ed Baer mortellement sérieux et l’incontournable Ben Magimel.
Preuve de la grande amitié qui s'est développée entre les deux hommes, ici Édouard Baer présente Benoit Magimel à son père (au centre) qui a l'habitude de porter constamment un casque autour du cou pour ne rien rater de son émission radiophonique préférée "Là-bas si j'y suis" de Daniel Mermet.
Dans ce dernier Esposito, il y en a littéralement pour tous les goûts. On est en présence d’un film multicéphale naviguant entre différents genres. Cela va du polar rugueux à la Michael Mann (on notera une scène de braquage à couper le souffle) au film social à la Dardenne (même si contrairement aux jumeaux belges, Esposito se paie le luxe de ne jamais tomber dans le misérabilisme) en passant par la comédie pure et la tragédie grecque. En outre, Marc Esposito nous gratifie de quelques plans fabuleux, véritables toiles mouvantes immortalisées par un as de la caméra en pleine possession de ses moyens faisant preuve d’un sens du cadre hors du commun. Avec ce film, le réalisateur français, par ailleurs fondateur de deux des plus grandes revues consacrées au septième art (Studio Magazine et Première), nous rappelle tous les possibles du cinéma. Son film est d’une laideur infinie. Voir ça sur grand écran doit littéralement rendre malade et donner envie de casser des rétroviseurs de bagnoles à la sortie. Pour ne rien gâcher à la fête, Esposito a fait appel à de véritables professionnels pour torcher la bande originale de son film. Un supplice récurrent, à base de banjos et autres instruments à cordes mal accordés, signé Calogero et son frère Giaocchino. On reconnaît immédiatement la patte folle du musicien natif d’Echirolles (38), accompagné par son frère cadet, vraisemblablement débile.
Benoît a profité du film pour faire découvrir l'une de ses grandes passions à son pote Édouard : la junk food. On les voit ici en train de déguster les pâtes cartonnées de la Mezzo di Pasta. Quick, FastSushi, Speed Rabbit, Mad Kebab, Domino's Pizza et l'inévitable McDo... tout y passe.
Le cliché ci-dessus en dit long sur la complicité qui régnait entre les désormais meilleurs amis du monde, puisque c'est à ce moment précis que Benoît Magimel demande un conseil crucial à Édouard Baer et que celui-ci lui répond : "Canet te propose de jouer un homo refoulé dans son film une bande de gros connards qui passent des vacances de beaufs au Cap-Ferret pendant que leur pote est en train de clamser à l'hôpital de la Pitié Salpêtrière et qui se font remettre les idées en place par un producteur d'huitres à la manque et bourrées d'hydrocarbures aromatiques polycycliques ? Fonce mec, ne te pose même pas la question, fonce !" Chose à relever également dans Mon pote : le générique, qui ravira ces grands écumeurs du quotidien à la recherche d’endroits où s’étale leur police préférée, j’ai nommé le Comic Sans MS. Les premières minutes du film rendent en effet hommage à cette typographie bien connue et contenteront tous ces passionnées ayant 2.0 de QI qui collectent ses moindres apparitions, les immortalisant quand ils en croisent dans la rue sur des panneaux publicitaires, l’APN toujours autour du cou, ou sur l’internet, l'index de la main gauche constamment rivé sur la touche « Imp Ecr ». Avis aux amateurs, donc, vous tenez là une petite perle.
Ci-dessus, un aperçu de la scène-clé du film que je vous spoile sans vergogne : le personnage joué par Benoît Magimel décide de changer de sexe (c'est effectivement lui ci-dessus à droite grâce à l'aide exclusive du célèbre maquilleur-prothésiste Rob Bottin) pour pouvoir vivre pleinement sa passion pour Édouard Baer. Ce dernier s'avouera "bluffé et troublé" par ce travestissement réussi.
Mon pote est truffé de moments que je me suis surpris à me repasser en boucle, comme pour me pincer et m’assurer que je n’avais pas halluciné ce que je venais de voir. Je ne ferai pas l’énumération de toutes ces scènes rendues mémorables par leur bêtise, les couacs présents à l’écran, ou leur profonde connerie, autant d'aspects chers au cinéma d'Esposito. Ce serait trop long et bien laborieux. J’évoquerai donc rapidement ces passages où apparaît la femme d'Édouard Baer (campée par Diane Bonnot, une actrice au sourire ignoble, y'a pas d'autre mot), un personnage vulgaire et con qui donne un aperçu effroyable de la haute idée que doit avoir Marc Esposito du sexe opposé. Je ne peux pas passer sous silence cette longue scène de dialogue filmée en plan-séquence, dans un travelling arrière laborieux, anéantie par le frottement du blouson en cuir de Benoît Magimel. On n’entend strictement rien à cause de ce goof ridicule provoqué par la volonté tenace d’un comédien bien décidé à ne pas quitter son blouson préféré. Enfin, comment ne pas évoquer ce moment terrible où Magimel sort définitivement de taule ? On a alors droit à tous les vieux clichés pourris. On le voit être aveuglé par le soleil (alors qu'il prenait l'air quotidiennement), prendre une grande inspiration et lâcher, soulagé, "Je suis sorti putain...". Une scène navrante qui rappelle les plus belles tirades de Romain Duris dans le chef-d’œuvre de Klapisch, Paris. Sachez que l’on a aussi droit à un passage aussi court qu’exquis où Magimel se met à raper, improvisant un morceau de slam qui annonce une belle carrière d’acteur-chanteur. Je m’arrêterai là.
Pour la petite histoire, sachez que j'ai maté ce film en iDTGV, sur un écran 4 pouces. Ça valait pas mieux. Plus exactement, je l'ai maté en compartiment iDZAP, espace soi-disant propice à la convivialité, aux rencontres et aux échanges. Y'avait un homme d'affaire qui se seiguait non loin de moi. Je le lui ai fait remarquer. "Hé, tu te seigues là ?!". Et il m'a juste répondu "Bah on est en iDZAP, reste tranquille, respire, sors ta teub et fous-toi à poil". Chaud... Vous comprenez bien pourquoi je me suis aussitôt replongé dans ce film dégueulasse, une daube sans nom dont la morale douteuse lui fait paradoxalement éviter le pire : être encore plus prévisible dans son extrême nullité.
Mon pote de Marc Esposito avec Benoît Magimel, Édouard Baer, Atmen Kélif et Diane Bonnot (2010)
Superbe film ! La complicité des deux acteurs est ici à son paroxysme, c'est un paradigme. J'ai voté "à chier".
RépondreSupprimerCette phrase "Son film est d’une laideur infinie" c'est la "petite boite bleue de Mulholland Dr." de votre article.
RépondreSupprimerAhah pas mal Joe G Spot !
RépondreSupprimerBelle chronique, quel style!
RépondreSupprimerPerso, je range Magimel avec Cornillac dans le renouveau des acteurs français transparents.
La ressemblance Mexes/Magimel est frappante!
RépondreSupprimerFormidable critique. Je peux pas rire sinon mes geôliers me bastonnent mais le coeur y est.
RépondreSupprimerOui Mexes...
RépondreSupprimermerci :)
RépondreSupprimerAu top les légendes !
RépondreSupprimer:)
RépondreSupprimerBenoît Magimel a l'air de prendre son pied là-dedans :
http://cinephiliquement-votre.blogspot.com/2011/01/freeze-me-in-ju-la-bete-dans-lombre.html