

Déjà, les acteurs ont tous l'air à leur place, légitimes et appropriés. On n'a pas le sentiment qu'ils sont là histoire de rajouter à leurs filmographies un petit Woody Allen, ce qui fait toujours bien dans le milieu. Non, là, même le gros Josh Brolin, que je n'aime pas beaucoup d'habitude, s'avère crédible et juste dans son rôle d'écrivain raté qui n'éprouve plus rien pour sa femme, Naomi Watts, elle aussi très bien. Puis Antonio Banderas est nickel dans son petit rôle de beau vieux (avec juste deux scènes payées des clopinettes, si j'étais une meuf il m'aurait à l'aise, en tant que mec aussi je le dégomme). Quant à l'inénarrable Sir Anthony Hopkins, l'acteur a peut-être le rôle le plus grossièrement écrit mais il lui donne une certaine épaisseur en étant assez remarquable, plutôt subtil dans son jeu, et c'est assez exceptionnel pour être souligné. L'actrice indienne Freida Pinto, qui était vulgaire et insupportable dans Slumdog Millionaire sous la caméra de l'infâme Danny Boyle, est ici d'une beauté rare. On comprend que Josh Brolin perde ses moyens face à elle et qu'il se mette à lui déblatérer ses pires astuces de routier.
Quant au film, plus généralement, il est mené à un rythme très soutenu et je ne me suis ennuyé qu'un quart d'heure, ce qui est pas mal avec un Woody Wood Allen récent. Il est assez léger, tantôt grave, mais c'est la légèreté qui l'emporte clairement, et c'est tant mieux, ça donne au film un charme désuet que n'avaient pas certains des derniers Allen, parfois un peu trop démonstratifs, moralisateurs, schématiques. Ici Woody Allen donne davantage l'impression de nous faire croquer un bout de la vie de plusieurs personnages et il nous quitte même en laissant certaines intrigues en suspens, ce qui n'est pas plus mal. C'est rarement surprenant, mais je me suis laissé aller dans son récit sans souci. Je peux peut-être comprendre que ceux qui préfèrent les Woody Allen focalisés sur un personnage principal cynique incarné par lui-même ou un alter ego (comme c'était le cas dans Whatever Works, qui m'avait bien plu aussi) puissent être déçus par ce film. Mais pas moi. Après je ne cache pas que j'ai passé une super soirée quand je suis allé voir ce film au ciné. J'étais avec mes beaux-parents qui sont déjà vraiment sympathiques et puis on a terminé la séance avec un repas pantagruélique dans une taverne bavaroise qui sert tripes sur tripes, tripoux à l'entrée, andouillette AAAAA en plat de résistance, boudin blanc en sorbet béchamel au dessert, le tout noyé dans la choucroute et le pinard bouchonné, bref, le pied ! Or il se peut qu'une soirée si géniale, doublée d'une digestion compliquée, ait quelque peu influencé mon appréciation du film en bois de Woody Allen.
Parce qu'en y repensant avec du recul, et quitte à passer pour un indécis en complète contradiction avec lui-même ou pour un schizo, il faut bien dire que l'histoire ne présente aucun intérêt. On a déjà vu et entendu ça un bon million de fois, ces personnages pathétiques qui en chient avec leurs sentiments et qui remettent en cause leur vie affective... Le vieillard qui a peur de vieillir, qui fait du sport et qui épouse une playmate bodybuildée ; l'écrivaillon raté en jogging Reebok qui tombe dingue de sa voisine d'en face, une indienne qui a pris son intégration ibérique à bras le corps en apprenant à jouer de la mandoline, prompte à éveiller un besoin d'adultère chez l'écrivain raté qui la reluque, lequel se fout dans la merde en pompant le manuscrit de son ami dans le coma ; on a aussi droit à la trentenaire fanée par sa vie de couple peu trépidante qui tombe amoureuse de son patron et qui est triste parce qu'elle voudrait avoir un premier enfant avant d'être grand-mère ; la vieille mamie un peu tarée et déboussolée par son divorce qui fait caguer tout le monde avec sa voyante attitrée... Personnellement j'en ai rien à faire de leurs histoires. C'est la même soupe que nous vomissent tous les derniers Woody Alien depuis pas loin de dix piges. Une galerie de portraits sans intérêt, un mixte de personnes bavardes comme pas deux et aux dialogues sans saveur, le tout filmé le plus platement possible par un fantôme des plateaux qui nous fait suer chaque année en ouverture du festival de Cannes avec son nouveau navet printanier. C'est du théâtre de boulevard sans qualité, basé sur des personnages caricaturaux. L'histoire est vaine, la morale finale est foireuse. T'as fini Allen ?

Et si le film a quelque chose de "sympathique", s'il se laisse mater sans broncher (ce qui n'est certainement pas un gage de qualité), c'est uniquement parce qu'il est rythmé et qu'il semble enjoué, n'empêche que c'est jamais drôle ni subtil, et c'est pas un plan séquence de cinq minutes avec des acteurs qui s'engueulent dans le champ en nous rappelant toutes leurs années de labeur à l'Actor's Studio qui va sauver ce naufrage. On est en droit d'attendre mieux de Woody Allen (tous ses derniers films sont ratés si on y repense) que ce navet bourré de clichés et de facilités, comme la voix-off bien pratique pour s'éviter de mettre joliment en place le récit de ce qui n'est qu'un film choral de plus. C'est nul. Des derniers Woody Allen j'ai largement préféré Vicky Christina Barcelona (qui était complètement naze) !
Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu de Woody Allen avec Naomi Watts, Josh Brolin, Anthony Hopkins et Antonio Banderas (2010)