
Le rôle d'une vie pour le jeune autiste assis sur votre gauche
Soyons clairs : contrairement aux œuvres cultes d'Alexandre Payne et Thomas McCarthy, ce film est loin de rentrer dans le cercle pas si fermé que ça de mes all-time favorite. Mais je reconnais avoir passé un très bon moment à le regarder, sous le charme bien connu que peut dégager un film de cet acabit quand il est bien exécuté et, surtout, quand il est autre chose que le simple véhicule d'un acteur minable qui cherche à démontrer son talent dramatique dans une histoire chiante pleine de personnages insupportables couverts de problèmes merdiques et qui pensent pouvoir les régler en se regardant le nombril (c'est une allusion à Ben Stiller mais ça marche avec plein d'autres) ou en baisant comme des otaries.
Ci-dessus, on peut se rendre compte que Zach Galifianakis maîtrise réellement le ping-pong, son revers étant terriblement authentique. Par contre, l'autiste en face est mal barré. Si le revers est smashé, il n'a aucune chance.
Le personnage principal est ici un jeune ado dépressif et suicidaire qui choisit de se rendre de son propre chef dans un institut psychiatrique pour se refaire une santé, persuadé que sa place est là-bas. Le film est le récit de son séjour dans cet hôpital, où le jeune homme est amené à faire des rencontres qui lui ouvriront un peu les yeux et lui permettront de remonter la pente. Il croisera notamment la route d'un quadragénaire désespéré (Zach Galifianakis) et d'une charmante jeune fille de son âge également dépressive (Emma Roberts vue dans le déplorable Scre4m), deux individus qui auront un impact décisif sur sa perception des choses. Le premier de ces deux personnages offre effectivement à un acteur habituellement abonné aux rôles comiques l'occasion de prouver qu'il peut briller dans un autre registre. Et Zach Galifianakis y parvient tout à fait, je dirai même que sa présence est l'un des atouts majeurs de ce petit film sympatoche. Jusqu'alors, j’avais toujours vu ce comédien à la tronche d’ours mal luné dans des rôles de types gentiment débiles et allumés (Very Bad Trip), parfois même infréquentables (Date Limite, Dinner for Schmucks), sans qu'il parvienne jamais à me faire vraiment marrer. Il nous offre ici un très bon numéro d'acteur, bien plus subtil qu’à l’accoutumée, grâce à ce personnage assez singulier, dont l'humour pince-sans-rire lui va comme un gant, qu'il réussit à rendre crédible et attachant.
Trivia : ce plan du film est un plan volé de Zach Galifianakis en train de refuser de jouer dans Very Bad Trip 2 avant que son interlocuteur n'ajoute un 0 à son paycheck.
Avec sa galerie de personnages plus ou moins atteints mentalement et le lieu particulier dans lequel se déroule toute l'action du film, It's Kind of a Funny Story peut aisément rappeler Vol au-dessus d'un nid de coucou, dont il serait une sorte de version teens, allégée, garantie sans idée noire. On pourrait en effet quasiment qualifier le film de « feel good movie », étant donné le déroulement très optimiste de l’histoire. Le sort réservé au personnage principal est ainsi à mille lieues de celui que connaît le personnage inoubliable incarné par le génial Jack Nicholson dans le chef d’œuvre de Milos Forman. La similitude entre les deux films est donc finalement assez superficielle.
Emma aux gros Roberts...
Alors certes It's Kind of a Funny Story possède bel et bien toutes les manies habituelles du petit cinéma indépendant américain actuel. On y trouve notamment des références musicales extrêmement appuyées et même une bande-originale clairement conçue pour plaire au public visé, faite de morceaux qu'il saura reconnaître sans mal. En outre, le film est parasité par des petits effets de mise en scène assez lourds mais heureusement peu envahissants, par une voix off trop présente et pas toujours utile, et peut-être par un trop plein de bons sentiments à la fin. Mais malgré cela, le film fonctionne, et ce, y compris assez miraculeusement lors de moments très périlleux et osés comme la reprise fantaisiste d'Under Pressure, le tube de Queen featuring David Bowie. Ce petit film m’a donc vraiment plu. La jeune Emma Roberts, qui parvient avec charme à contrôler son terrible strabisme du début à la fin, peut donc déjà se targuer d'avoir dans sa maigre filmographie de débutante un meilleur film que tous ceux qui composent la carrière de son imbuvable tante Julia, a.k.a. "la jument". Quoique y'a Hook. Il est cool Hook. Enfin, toutes proportions gardées.
It's Kind of a Funny Story de Ryan Fleck et Anna Boden avec Keir Gilchrist, Zach Galifianakis, Emma Roberts, Zoë Kravitz et Aasif Mandvi (2011)