On accueille à nouveau Thomazinette, désormais habitué du blog, pour fusiller à bout portant le dernier film de Mélanie Laurent dans un article à lire "avec une pince à linge sur le nez", selon ses propres mots. Vos deux serviteurs n'ont pas eu le courage de s'infliger le bébé de Mélanie Laurent et sont heureux de laisser la place à leur acolyte, qui s'en charge avec brio :
Dans l'élan masochiste du dernier article du blog sur Mélanie Laurent (Je Vais bien ne t'en fais pas), j’ai maté Les Inadaptés, de la seule façon dont on peut mater ce film, c'est-à-dire de loin et en avance rapide. J'ai passé la durée du film le nez plongé dans le manche d'une guitare, à gratouiller trois accords pour couvrir le bruit, relevant de temps à autre la tête pour mieux la détourner à nouveau.
Dans l'élan masochiste du dernier article du blog sur Mélanie Laurent (Je Vais bien ne t'en fais pas), j’ai maté Les Inadaptés, de la seule façon dont on peut mater ce film, c'est-à-dire de loin et en avance rapide. J'ai passé la durée du film le nez plongé dans le manche d'une guitare, à gratouiller trois accords pour couvrir le bruit, relevant de temps à autre la tête pour mieux la détourner à nouveau.
Lorsqu'on lui demande la définition de l'égoïsme, M.L. répond : "Un égoïste, c'est quelqu'un qui ne pense pas à moi !" |
Premièrement, et pour laisser tout de suite derrière soi les questions épineuses de propriété intellectuelle, je tiens à faire remarquer que ce film est un cas sans précédent de « plagiat de plagiat », et cela à deux reprises. Je laisse les juristes s’arracher les cheveux là-dessus, je leur laisse le soin de rabibocher la loi face à ce cas complètement hors-norme, et me cantonnerai au rôle de « whistleblower », du troufion qui indique la faille puis se barre en se tapant les mains. D’une part, une des protagonistes est libraire et se fait draguer éhontément par un illettré réfugié dans sa tanière de papier pour soi-disant éviter la pluie. Cette scène est un plagiat de Mes amis mes amours, film qui a lui-même plagié Coup de foudre à Notting Hill. D’autre part, cinq minutes après cette première rencontre, les deux protagonistes ont bien évidemment déjà fait l’amour pendant toute une nuit. On pourrait penser à un plagiat de Les Bien-aimés, puisque ce dernier film est une partouze géante où les amorces d’occasions de pratiquer le sexe sont réduites au « string minimum ». Mais le plagiat est ailleurs, au réveil, où la libraire se croit délaissée et découvre en fait un jeu de pistes, concocté à l’aide de slips et de capotes, qui l’emmène depuis son plumard jusqu’à une table basse où il y a une lettre. Vous aurez reconnu le plagiat, c’est bel et bien Amélie Poulain qui nous est douloureusement donné à revivre, Amélie Poulain qui est lui-même un plagiat d’Alien 4, un « film-jeu-de-piste » où les pancartes sont remplacées par de la bave d’alien. Plagiats au carré donc pour Mélanome Laurent, doublés d’un auto-plagiat de Jean-Pierre Jeunet, qui s’était attaqué lui-même en justice il y a quelques années, et avait réussi l’exploit de perdre à la défense comme à l’accusation. Mais je m’égare et il y aurait légitimement lieu de se paumer dans la généalogie de toutes les « inspirations » de Les Adoptés, tant il est perméable à tout ce qui se fait de pire en cinéma – et quand ce n’est pas ce qui se fait de pire, Mélenchon Laurent s’occupe avec aisance de bousiller l’idée, comme avec ce découpage artificiel en « chapitres » qui chacun s’attardent sur un des trois attardés peuplant le film.
Je ne m’attarderai pas non plus sur la nullité des rôles et des acteurs, qui vient contredire l’idée mathématique universelle selon laquelle « moins par moins donne plus ». |
Disons qu’avec cette cueillette aux petits effets clipesques, Les Avortés s’inscrit dans une sale lignée de « films à gadgets », qui remplissent leurs nonante minutes en petites séquences de jouets dans le bain, de maquillage à la mousse au chocolat et autres cache-cache sous le bureau. Quand la première protagoniste se fait choper par une bagnole en sortant de sa librairie, l’effet est le même : oh, non, encore un de ces gadgets… range donc tes jouets Thierry Roland… Mais ce dernier gadget va durer les deux-tiers du film, le temps qu’il faut à cette libraire pour passer l’arme à gauche, et aux autres pour exposer leur égoïsme hystérique face à la situation. Si j'ai bien pigé c'est l'effet Donzelli, effet qui consiste à faire clamser un personnage duquel tous les autres tirent leur gloire en étant trop forts car trop soudés dans la mort du sacrifié – alors qu’ils passent exclusivement leur temps à soit 1) se plaindre, soit 2) avoir la classe parce qu’ils ont arrêté de se plaindre. Passons outre le fait que ce type de comportements inscrit quant à lui Les Trépanés dans la lignée des films hystériques comme Et soudain tout le monde me manque, où la moindre attention donnée à quelqu’un, même à ton plus proche parent, est perçue comme un acte de bravoure infini pour dépasser ta petite personne, engendrant une dette irréparable pour son bénéficiaire, et donc une dispute. Maladie Laurent nous avait habitués à cela depuis belle lurette, et on encaisse la reprise tant bien que mal.
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Ce gamin "trop mignon trop con" est un peu le spectateur fantasmé par M.L., qui voudrait qu'on accepte qu'elle nous tartine de merde en en redemandant ! |
Plus révoltant, il y a l’usage récurrent de ces personnages morts ou malades dans le cinéma des trentenaires français. Ça en dit long sur ce à quoi sont prêts ces cinéastes, appelés "nouvelle nouvelle vague", pour donner une bonne image d'eux-mêmes. Ils sont prêts à buter leurs plus proches amis, à faire sauter par dessus-bord leur propre mère s'il le fallait, pour ensuite jouer les endeuillés à toute épreuve qui ont tout vu tout connu et que ça a rendus sages. C’est la kénose à l’envers, c’est-à-dire que plus les gens meurent autour de vous, plus vous êtes entourés de défaillants dénués et de comateux irrécupérables, plus vous bénéficiez de leur sacrifice comme d’un regain d’aura personnelle. Ça fait un peu penser à Sarkozy l'endeuillé vis-à-vis des tueries de Montauban & Toulouse, c'est tout aussi gerbant, sauf que dans ces films, les ficelles sont en outre indubitablement tirées par ceux qui en retirent de la "gloire". Les Petits mouchoirs : Jean Dujardin crève et tout le monde en est glorifié (sauf François Cluzet) ; La Guerre est déclarée : le gamin survit mais il a beau en avoir chié, ce sont ses parents les héros ; Les Adoptés : la sœur crève après une agonie qui dure les deux-tiers du film, et la plus forte c'est Mélanie Grosland, actrice de son propre film, personnage irréprochable de connerie, petite fille de trente ans qui rétrécit sur elle-même au lieu de penser à ce qu'elle est en train de faire, et qui reproduit spontanément, disons même innocemment, les horreurs qui sont véhiculées autour d’elles.
Les Adoptés de Mélanie Laurent avec Mélanie Laurent (2011)