
La première partie, très enfantine, a du charme malgré une esthétique parfois proche de celle de Jean-Pierre Jeunet dans la peinture du Paris folklorique des années 30. Les visions d'ensemble de la capitale comme d'un grand mécanisme sont pourtant heureuses, mais contrebalancées par des clichés un peu grossiers sur le microcosme de la gare avec sa jolie vendeuse de fleurs, son gardien à jambe métallique flanqué d'un chien terrible, ses musiciens de bal musette à moustaches et favoris et autres gros personnages truculents. Hormis ce décor boursouflé, le film ne contient rien de visuellement laid, et même si le long travelling à 100km/h tout en effets spéciaux qui ouvre le film dans la gare est inutile et plutôt désagréable, Scorsese le fait vite oublier ensuite par des effets très simples mais plutôt jolis, comme quand Hugo et Isabel ouvrent la boîte à dessins de Papa Georges et que les illustrations s'envolent pour révéler autant de créatures et de fées en mouvement. Autre point positif, les personnages sont intéressants et agréables, de Papa Georges au bibliothécaire incarné par Christopher Lee en passant par l'historien du cinéma adorateur de Méliès (incarné par le Michael Stuhlbarg de A Serious Man en double de Scorsese) et Isabel (campée par la remarquable Chloë Grace Moretz, sosie juvénile de Virginie Ledoyen dans L'Eau froide !), à l'exception du gendarme incarné par Sacha Baron Cohen, peint à gros traits et fatiguant à la longue avec ses attributs physiques lourdingues et sa psychologie de faux méchant estampillé Walt Disney.
Le film n'ennuie jamais, sauf quand il s'éternise sur ce personnage de gardien et son histoire d'amour secondaire ou sur ses comparses de la gare. Le projet cependant perd de son intérêt quand, dans la deuxième partie, beaucoup plus réussie, il délaisse un temps l'hommage à Georges Méliès pour une scène de course poursuite attendue entre Hugo et le gendarme bêtement cruel. Encore que cette séquence s'inspire judicieusement et honorablement des films muets aperçus précédemment, et notamment de la grande scène de l'horloge d'Harold Lloyd, s'élevant par là-même au-dessus du simple film d'action pour enfants et de la plupart des films actuels qui ne peuvent s'empêcher de citer à tout va sans raison là où Scorsese le fait à bon escient, de façon très claire et affichée, dans une œuvre où cela fait immédiatement sens. Le cinéaste a le bon goût de réaliser un film qui ne fait jamais le malin, un film qui plus est assez calme, dont les protagonistes ne sont pas surexcités, et dont toute l'aventure promise au départ, toute l'énigme incroyable ménagée par le scénario, ne tient que dans l'histoire d'un malheureux cinéaste injustement oublié, sauvé par des retrouvailles inattendues avec son public et avec les vestiges bien vivants de sa propre œuvre qu'il croyait disparue.

Scorsese navigue donc entre deux eaux, le pur film pour enfant avec ses poncifs lassants, et un film plus adulte (mais qui peut certainement séduire les enfants quand même et leur donnera peut-être le goût de cet art) en forme d'hommage sincère et émouvant au cinéma magique des premiers temps, incarné par la figure de Méliès (ce rapport aux origines du cinématographe justifie peut-être l'usage de la 3D comme surplus de magie, sujet sur lequel je ne m'étendrai pas n'ayant pas vu le film dans ce format). La deuxième partie, très touchante, est évidemment beaucoup plus intéressante que la première, sorte d'Oliver Twist chez Super 8, qui rappelle Spielberg par le biais de l'enfant orphelin tâchant de retrouver un message laissé par son père qui l'aiderait à supporter sa solitude, message dissimulé dans un automate à forme humaine qui n'est pas sans évoquer l'extra-terrestre qui donnait à David l'opportunité inespérée de vivre une dernière journée idéale avec sa mère à la fin de A.I..

Mais, disons-le, même dans cette première partie plus scolaire et moins originale, Scorsese ne s'en sort pas si mal, construisant de beaux personnages qu'il filme bien la plupart du temps, comme dans la scène où Hugo se souvient de son père en fixant du regard l'automate, le mécanisme de l'horloge derrière eux simulant le bruit et le faisceau de lumière d'un projecteur de cinéma projetant sur l'enfant le souvenir de son père qui, avant de mourir, l'emmenait voir les premiers films avec un enthousiasme communicatif. Hugo Cabret fait penser au cinéma de Burton (notamment quand Hugo et Isabel traversent le jardin menant à la demeure de Papa Georges - Johnny Depp a d'ailleurs produit le film et y fait une apparition), il rappelle aussi celui de Jeunet pour le pire et celui de Spielberg pour le meilleur. Il ne contient pas grand chose de Scorsese sinon une passion réelle et dévorante pour l'histoire du cinéma, un amour débordant pour cet art, que Scorsese partage assez délicatement avec les enfants comme avec les plus grands dans une œuvre appréciable dont restera le portrait d'un Méliès magicien et la joie éprouvée au seul son d'un projecteur de cinéma.
Hugo Cabret de Martin Scorsese avec Asa Butterfield, Ben Kinglsey, Chloe Moretz, Sacha Baron Cohen, Christopher Lee et Emily Mortimer (2011)
Mais, disons-le, même dans cette première partie plus scolaire et moins originale, Scorsese ne s'en sort pas si mal, construisant de beaux personnages qu'il filme bien la plupart du temps, comme dans la scène où Hugo se souvient de son père en fixant du regard l'automate, le mécanisme de l'horloge derrière eux simulant le bruit et le faisceau de lumière d'un projecteur de cinéma projetant sur l'enfant le souvenir de son père qui, avant de mourir, l'emmenait voir les premiers films avec un enthousiasme communicatif. Hugo Cabret fait penser au cinéma de Burton (notamment quand Hugo et Isabel traversent le jardin menant à la demeure de Papa Georges - Johnny Depp a d'ailleurs produit le film et y fait une apparition), il rappelle aussi celui de Jeunet pour le pire et celui de Spielberg pour le meilleur. Il ne contient pas grand chose de Scorsese sinon une passion réelle et dévorante pour l'histoire du cinéma, un amour débordant pour cet art, que Scorsese partage assez délicatement avec les enfants comme avec les plus grands dans une œuvre appréciable dont restera le portrait d'un Méliès magicien et la joie éprouvée au seul son d'un projecteur de cinéma.
Hugo Cabret de Martin Scorsese avec Asa Butterfield, Ben Kinglsey, Chloe Moretz, Sacha Baron Cohen, Christopher Lee et Emily Mortimer (2011)