7 mars 2012

Le Stratège

On m'avait dit "Ce film va te faire aimer le baseball, même si t'y connais que dalle, même si tu te fous de ce sport débile ! Non, je t'assure, ce film va te passionner pour le baseball, sans même connaître les règles de ce jeu chiant comme la mort !". C'est vrai, je le reconnais, pendant la première demi-heure, j'étais carrément dedans, j'étais devenu un fervent supporter des A's d'Oakland. La mayonnaise avait pris ! J'étais captivé par toutes ces discussions absurdes autour du recrutement des joueurs. J'étais en immersion totale dans ce petit monde dont j'ignorais strictement tout. Pendant cette première demi-heure, je comprenais sans difficulté que ce film ait été acclamé par la critique. Le souci, c'est que le film dure près de deux heures et quart. Je l'écris en toutes lettres exprès. Rendez-vous compte. Deux heures et quart de baseball. Et en coulisses, s'il vous plaît, pratiquement jamais sur le terrain. Seules des bribes de matchs nous sont montrées, jamais assez pour qu'on rentre dedans ou que l'intensité d'un match ne transparaisse à l'écran. On doute même qu'un match de baseball puisse seulement parvenir à être un peu intense. Je dois néanmoins bien reconnaître que je suis allé consulter la page wikipédia française consacrée au baseball dès le générique de fin, mais je ne crois pas qu'il s'agisse là d'un tour de force réalisé par le film ou que cela soit la preuve de sa qualité. Je suis aussi allé lire l'intégralité de la page wiki consacrée aux pneumatiques après avoir vu Rubber.




Deux heures et quart à voir Brad Pitt essayer de recruter des lanceurs, des receveurs et, pire encore, un champ extérieur droit ! Deux heures et quart à mater Brad Pitt donner des coups de fil à droite à gauche, infatigable, intenable, le tout en mâchouillant frénétiquement des chewing-gums, croyant-là singer à la perfection le manageur sportif ultra anxieux. L'acteur en fait des caisses ! Au début, là encore, je dois l'avouer, j'ai trouvé son jeu assez plaisant, à l'image du film, mais très vite, il a fini par me lourder sévèrement. Alors Brad doit être content, il a désormais son petit film sportif dans sa filmographie, comme Paul Newman, comme Robert Redford, et comme tant d'autres de ses modèles qui ont su avant lui saisir l'occasion d'interpréter des rôles d'homme à poigne, pour mieux les investir de toutes leur présence charismatique. Sauf que Brad Pitt en fait trop. C'est écrit sur son front qu'il cherche les récompenses, qu'il est à la pêche aux Golden Globes. Et c'est lassant.




L'autre souci, c'est que le personnage incarné par Brad Pitt a une gosse. Une gamine de 12 ans qui apprend péniblement à jouer de la guitare et qui aime, ô malheur, pousser la chansonnette. Soit dit en passant, quand le film tente vainement de nous dépeindre la vie familiale lamentable de Brad Pitt (séparé de sa femme et profitant de sa fille à de très rares occasions), dans le but de nous faire ressentir de la compassion pour son personnage, il touche le fond. Brad Pitt montre alors qu'il sait verser des larmes à la demande. Tant mieux pour lui. Mais revenons-en à cet insupportable détail, qui vient flinguer Le Stratège au moment le plus cruel. Dernière scène du film. Après avoir prouvé l'efficacité de ses méthodes de management, Brad Pitt se retrouve seul dans sa bagnole, rappelé à sa triste situation d'homme moderne. Il enfourne un cd dans son lecteur. Retentit alors insidieusement l'air d'une musique démoniaque que l'on a déjà tous bien trop subi. "I'm just a little bit cauff'' in da middle life amaz'ing nada mas' and I don't know where to go but nada mas I'm tired and I'm all right, oh-oh dum dudum deedum doudi dada doudi da dou dou dou dou..." entonne sa petite fille sur ce cd enregistré par ses soins. Là non, désolé, ça ne passe plus, pas avec moi. Si j'ai pris mon mal en patience pendant les deux derniers tiers du film, cette ultime scène m'a achevé. Voir chialer Brad Pitt seul au volant de sa bagnole, à la toute fin du film, sur les paroles terribles de cette chanson de malheur, ça a fini de me convaincre. Je venais de voir un film de merde, tout juste bon à offrir une nomination au tant convoité Oscar du Meilleur Acteur pour cette enflure de Brad Pitt, qui cabotine du début à la fin, la mâchoire inférieure plus en avant que jamais, la bouche toujours ouverte. J'ai dit "stop" et ça tombait bien, c'était fini. Ouf !


Le Stratège de Bennett Miller avec Brad Pitt, Jonah Hill et Philip Seymour Hoffman (2011)