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16 mars 2021

Mank

Le film dure 2h15 ou 15h2 ? Y'a un truc pas clair... En tout cas pour nous le temps ressenti c'est bien la moitié d'une journée qu'un malfrat nous aurait forcés à passer ligotés dans une cave insalubre uniformément grisâtre dont on distinguerait mal les contours architecturaux et la profondeur réelle... Où sommes-nous projetés ? Dans le sous-sol du monde ? Un lieu très net (8K) mais indiscernable à la fois, composé d'anti-matière et d'une surcharge de neutrons arrêtés dans leur course par le maître des clés et du temps en cette dimension perdue, le maniac cop David Fincher. On ne s'était pas autant fait chier depuis notre dernière leçon de Code, ou lors du mariage de ce cousin éloigné où Tonton Scefo a fini par faire basculer la longue table du vin d'honneur – non pas qu'il était fait, l'alcool pour une fois n'y était pour rien, il est simplement tombé raide de sommeil, du sommeil du juste –, la faisant basculer vers lui et transformant tous les tacos et verres de rouge en projectiles de catapulte, et bientôt en un tapis merdeux et pimenté projeté sur la robe de la mariée façon Jackson Pollock dans un remake sordide de Carrie au bal du diable
 
 
Nous devant Mank, à la recherche d'un peu de lumière et de chaleur

C'est difficile d'enchaîner après ça. D'autant que cette soirée de mariage est un paradoxe en soi, étant donné que l'ennui prodigieux éprouvé pendant toute la cérémonie a précisément abouti à un feu d'artifice de tacos bell qui a transformé ladite soirée en une merveille qu'un photographe méticuleux a su immortaliser dans un album de famille plus proche du Nécronomicon que d'un catalogue photobox lambda. Mais revenons au film. On a parlé de la grisaille générale, mais que dire des mentions "Extérieur jour" inscrites à l'écran au début de chaque scène, qui nous rappellent qu'on est devant un biopic sur un scénariste à la manque, ou de ces cigarette burns qui rythment les séquences avec une régularité de métronome (certains pourront se toucher l'entrejambe en calculant le perfectionnisme légendaire de notre sinistre Fincher, qui a dû s'emmerder à les caser toutes les tant de minutes, équivalant à la durée des bobines de pellicule de l'époque, alors que son film est un renoncement au cinéma sur fond vert dégueulasse pensé pour être vu sur des écrans de smartphones).
 
 
Nous après Mank, bien décidés à profiter de la vie
 
Fincher est un malade. C'est acquis. Et bizarrement c'est mis à son crédit, c'est une médaille à son revers, c'est une couronne sur son crâne lustré à mort d'addict au Head&Shoulders. Vous avez vraiment cru qu'on a réussi à envoyer un robot sur Mars ? Que dalle, le petit Persévérance à roulettes est juste allé faire un ride sur le crâne désertique et morne de David Fincher, où il y a aussi peu de vie et d'enthousiasme que sur les collines martiennes... Le visage de Mars ? Juste quelques pellicules 36mm parmi la toison clairsemée d'un cinéaste trop attaché à la propreté pour être honnête. On connaît tous des gens chez qui, dès que la porte est passée, on se fait fusiller du regard si on ne retire pas fissa ses deux pompes : chez Fincher, à peine arrivé sur le seuil de son manoir maudit, il faut retirer ses godasses, ses soquettes, rester une demi-heure dans un pédiluve blindé de Garra rufa morts de faim et modifiés génétiquement par les laboratoires Pfizer pour résister à la javel et au chlore, quand il ne demande pas tout simplement à ses hôtes de se retrousser la peau des pieds pour ne pas faire de traces sur son carrelage. 
 
 


Or, quand ce type un brin psychorigide demande à son actrice (Amanda Seyfried, à ne pas confondre avec Emma Stone ou avec un quelconque poisson-chat) de rejouer la même scène muette 200 fois, flinguant le calendrier de tournage pour toute une semaine et se torchant allègrement avec le code du travail (et pour Fincher c'est un minimum, il flingue un code civil de papier cul à chaque fois qu'il en coule un), tout le monde applaudit, trouve ça merveilleux, parle de "perfectionnisme", de "souci du détail", de "rigueur folle", de "passion de la précision", alors qu'on a affaire à un simple taré. Normalement, ça se termine aux prudhommes, les mains liées par un collier de serrage serflex tiré jusqu'au sang par un flic qui a payé son abonnement Netflix pour se vider le bulbe après une journée à briser des tibias de Gilets Jaunes, et qui n'a vu que le premier quart d'heure de Mank mais qui a passé le reste du film à essayer de taser son écran pour mettre un peu d'électricité dans tout ça et voir quelques images en technicolor. 
 
 

 
 
Au tribunal, Fincher aura bien du mal à se dédouaner, mais il mentira pendant des plombes, car c'est un menteur, il l'a prouvé en fomentant un tissu de mensonges plus gros que lui à propos de la genèse du script de Citizen Kane (œuvre dont cinq secondes prises au hasard dépassent tout ce qu'il a fait et fera dans sa vie). Un mensonge répété pendant plus de deux heures en noir et blanc, avec un sérieux de pape et des acteurs déblatérant des dialogues mortels, n'est pas une vérité. Préférez la version avec Liev <3 Schreiber.


  
 
Mank de David Fincher avec Gary Veryoldman et Amanda Seyfried (2020)

14 novembre 2018

Battle of the Sexes

Il n'y a rien à dire sur ce film, ou en tout cas pas grand chose. C'est une sorte de biopic de Billy Jean King, une joueuse de tennis homosexuelle qui a remporté un match contre un vieux tennisman qui voulait se la faire pour prouver la supériorité des hommes sur les femmes. Je ne savais rien de cette histoire et je ne connaissais même pas l'issue du match. J'ai donc regardé ce film sans trop de souci car il y avait pour moi un brin de suspense et il faut bien avouer que tout ça n'est pas si mal huilé, ça passe vite. J'avais une soirée à flinguer, je l'ai flinguée devant ce film qui n'est ni assez drôle pour être une comédie (à vrai dire, il ne l'est jamais : on connaît le potentiel comique de Steve Carell, il est ici inexploité), ni suffisamment engagé pour être un pamphlet féministe. C'est inoffensif. On ne peut guère jeter la pierre aux acteurs, qui font leur travail très poliment.




Il s'agit du troisième film du couple très peu productif qui a explosé aux yeux du grand public avec Little Miss Shoeshine il y a tout de même près de 15 ans. Entre temps, ils ont simplement réalisé une comédie romantique dans laquelle Paul Dano s'invente une meuf imaginaire nommée Ruby Sparks. Je l'ai zappée. Jonathan Dayton et Valerie Faris ont au moins l'intelligence ici de ne même pas essayer de filmer le fameux match de tennis. Ils en montrent des extraits via la retransmission télé, et c'est pas bête, car on peut ainsi mieux voir quelques échanges. Si Emma Stone et Steve Carell ont laissé leur tenues à des doublures plus douées, on n'y voit que du feu. C'est un choix très frileux et merdeux mais bien plus malin et moins agressif pour les yeux que le sordide Borg/McEnroe, qui nous proposait une reconstitution à pleurer d'un match légendaire. C'est la reconstitution des années 70 qui pèse des tonnes, comme trop souvent. Couleurs criardes, coupes de cheveux improbables, fringues ringardes et accessoires typiques des seventies : c'est kitsch comme ça n'en peut plus et on n'oublie jamais une seconde que nous sommes, justement, devant un triste film d'époque.




Battle of the Sexes m'aura au moins appris comment a été créée la WTA (Women's Tennis Association), le pendant féminin de l'ATP (que l'on connaît bien pour son célèbre classement, où sachez que je figure en 56ème position) : c'est donc Bill Pullman qui a provoqué la scission entre les hommes et les femmes en se montrant particulièrement couillon ; en refusant d'augmenter leurs primes, il a poussé ces dernières à créer leur propre circuit, pour la bagatelle d'un euro de frais d'inscription. Voici tout ce que j'ai retenu. Pour le reste, Battle of the Sexes n'a que très peu d'intérêt bien qu'il se place en bonne position dans le classement morbide des films consacrés au tennis. 


Battle of the Sexes de Valerie Faris et Jonathan Dayton avec Emma Stone et Steve Carell (2017)

13 octobre 2018

Welcome Back

Suite à un Jerry Maguire qui l'avait propulsé sur la A-List d'Hollywood, Cameron Crowe avait mis le monde à ses pieds en mettant en boite Presque Célèbre, un film quasi-autobiographique sur un apprenti journaliste musical dans les années 70 qui avait l'opportunité de suivre un groupe de rock lors d'une tournée évidemment très sex, drugs & rock'n roll et tous les clichés qui l'accompagnent... En somme, un film facile et facilement devenu culte pour quelques illuminés car surfant sur cette fameuse nostalgie de ces années idéalisées à outrance par notre génération. Depuis, Crowe surfe sur la vague de cet improbable double succès pour réaliser des films sans intérêt ou des films de commande, ou les deux à la fois. Il existe des fans de ce réalisateur, ils sont peu nombreux, mais solidaires entre eux et véhéments. Heureusement pour le cinéma Cameron Crowe n'est pas très productif et il n'a réalisé que quatre autres longs métrages depuis son grand succès de l'An 2000. Welcome Back (Aloha en version originale) est donc le dernier en date et il s'apparente bien à une tentative de la part de Cameron Crowe de réaliser un retour fracassant parmi l'élite avec un casting 4 étoiles et une histoire pleine d'amour, d'émotions et de bons sentiments.




Ayant travaillé et retravaillé son script pendant près de cinq années avant de le porter à l'écran, on s'attendait à ce que Cameron Crowe nous livre quelque chose de solide, évidemment parce que ce genre de films, la comédie romantique, a besoin d'un scénario en béton armé et d'acteurs talentueux et convaincants pour captiver les spectateurs. Malheureusement pour lui, c'est totalement raté, l'histoire partant en couille dès la première minute pour continuer dans des spirales de goofs et de contre-sens, à tel point que même les exécutifs de chez Sony avaient déjà des gros doubt. Les acteurs sont en roue libre, ils ont surtout l'air d'être en vacances, profitant d'Hawaï au maximum. C'est dommage car ce sont des personnes a priori sympathiques avec la plupart desquelles on voudrait bien passer une soirée à se fendre la tronche (ou autre, s'il s'agit de Rachel McAdams...). Malgré tout, faire reposer une grosse partie de la réussite de son film sur le sex-appeal supposé irrésistible de Bradley Cooper, au point de le rendre si séduisant qu'il ne faut que quelques heures à Emma Stone pour avoir envie de faire "guili-guili" avec lui, c'est quand même risqué et couillu. Quand on sait que le rôle principal devait initialement être joué par Ben Stiller, on se dit tout de même qu'il y a du mieux...




Bradley Cooper incarne ici un dénommé Brian Gilcrest, j'ai même retenu le nom (c'est facile, on dirait une marque de rasoirs), les autres personnages le répètent très souvent, comme pour le faire exister. Brian Gilcrest est une sorte d'ancien militaire multi-décoré dont le travail consiste désormais à faire le lien entre des sociétés privées et l'armée pour négocier quelques contrats juteux et entuber de pauvres gens. Il se rend à Hawaï pour convaincre les autochtones de se faire doublement endoffer : ils doivent accepter de céder une partie de leur territoire pour construire une nouvelle rampe de lancements pour satellites et, en plus, assurer  la bénédiction traditionnelle de l'endroit choisi. Pour remplir cette passionnante mission, Brian Gilcrest est épaulé par une militaire nommée Ng (?) campée par Emma Stone. Le choix de cette actrice est une preuve évidente de l'invalidité du projet puisqu'elle est censée jouer un personnage 1/4 chinois, 1/4 hawaïen (ce qu'elle répète une dizaine de fois dans le film), Crowe pensait peut-être que son exophtalmie allait donner le change. Bref.




Ng n'approuve guère la démarche cynique et dénuée d'éthique de son collègue. La mission de Gilcrest est également compliquée par ses retrouvailles avec son ancienne petite amie, Tracy (Rachel McAdams, dont la première apparition en petite robe d'été constitue le meilleur moment du film), désormais maman de deux enfants de 10 et 12 ans et mariée à un pilote d'avion taciturne (le toujours très mauvais John Krasinski). Grâce à un retournement de situation totalement attendu par quiconque a déjà subi une romcom hollywoodienne, Gilcrest saborde le projet (qui s'avère être une base de lancement de satellites dotés de têtes nucléaires dirigées tout droit vers les ennemis de l'Amérique financée par Bill Murray qui joue un milliardaire à la gâchette facile) au dernier moment et retrouve l'admiration de la jeune militaire qui en pince pour lui. Bisous bisous partout, et ils vécurent heureux blablabla. Voilà je vous ai épargné 1h45 de perte de votre vie. Ne me remerciez pas.




Pour finir, dernière remarque sur le "titre" français : on passe donc de Aloha à Welcome Back. On est vraiment tenté de se demander ce qui est passé par la tête du distributeur français pour en venir à une décision aussi bête. Bien que ce soit un grand classique en France (ce site en recense un certain nombre), retitrer ainsi en anglais ce film déjà mauvais, c'est comme frapper un homme à terre : c'est mesquin et lâche en plus d'être idiot. Et ça n'a aucun intérêt. C'est aussi une marque probable de l'intérêt et de l'espoir que le distributeur montrait pour ce film qu'il a directement sorti en VOD sans passer par la case cinéma. Cameron Crowe continue son petit bonhomme de chemin. Qu'il marche à l'ombre et loin de nous !


Welcome Back de Cameron Crowe avec Bradley Cooper, Emma Stone, Rachel McAdams, John Krasinski, Bill Murray, Alec Baldwin... (2015)

25 janvier 2017

La La Land

L'année cinéma 2017 démarre sur les chapeaux de roues avec la sortie, dès le 25 janvier du premier mois de l'année, de La La Land, le très attendu second long métrage du jeune et prometteur Damien Chazelle. Ce cinéaste américain de lointaine origine française (de par son père), déjà auteur du remarqué et remarquable White Splash (parfois connu sous le titre BlackFish), trustera encore une fois les tops de fin d'année avec ce nouveau titre qui ravira les amateurs de musique, de danse, de jazz, de salsa ou, tout simplement, de bon cinéma. On tient là une oeuvre à la fraîcheur vivace et sincère, à la bonne humeur communicative et tombant à point nommé en cette ère glaciale de post-vérité. Nous sommes prêts à y laisser nos chemises respectives : on n'a pas fini d'en entendre parler...  




Ryan Gosling interprète ici Jazz Man, un trompettiste de jazz-salsa condamné à jouer les mêmes ritournelles dans des clubs miteux de Los Angeles, la "ville rose", pour rejoindre les deux bouts et arrondir des fins de mois plus que difficiles ou, comme il le dit en français dans le texte, "mettre des pâtes dans son eau". Son régime alimentaire se résume à quelques vertébrés victimes de collisions et autres asticots faisandés. Un beau jour, le jeune éphèbe à qui tout ne réussit pas croise la route de Mia Clarke (Emma Stone), une femme débonnaire aux dents qui rayent le parquet, prête à vendre son âme au Diable pour devenir actrice à Hollywood et enchaînant, en vain, les auditions. Le film de Damien Chazelle nous raconte, en musique s'il vous plaît, l'idylle terrible de ces deux roux rêveurs condamnés à cirer le parquet, auquel le destin réserve bien des surprises. Dès les premières minutes de ce "musical" revisité, le spectateur est invité à suivre ces deux personnages attachants à la trace, quitte à en avoir la tête qui tourne. Car il faut les suivre, les tourtereaux en rut, dans ce tour de manège qui ne prendra fin qu'aux mots "The End". 




Si, politiquement, l'année s'annonce particulièrement morose et tendue, elle est, cinématographiquement, lancée sous les meilleurs auspices grâce aux talents conjugués de Ryan Gosling, Emma Stone et de leur chef d'orchestre Damien Chazelle. Alors que l'on croyait dans le prophétique Jeff Nichols pour incarner le renouveau du cinéma américain, il semblerait que le messie s'appelle, non sans ironie, Damien. Avec son premier long métrage, le réalisateur avait su éveiller les consciences et défendre les cétacés en jouant carte sur table et en pointant beaucoup de doigts. Pour ce nouveau film, le new yorkais abandonne sa véhémence et sa chasuble de la CGT, il nous propose un grand bol d'air frais, une véritable soupe à la grimace, cuisinée aux petits oignons.




S'il souhaitait reproduire ce film à l'identique, 9 fois sur 10 il se louperait. La La Land (dont le titre se prononce "Lay Lay Land", pays d'Oncle Sam oblige) multiplie les grands moments de cinéma et nous laisse un peu KO, chancelants dans nos fauteuils de velours, dont l'humidité atteste que nous avons passé 100 minutes de folie douce. S'il osait déjà beaucoup dans White Splash, Chazelle abandonne ici le cheval à son harnais et parie davantage que la somme de toutes les mises engagées. On s'étonnera néanmoins de ces nombreux passages où des sous-titres chinois sont cachés par des sous-titres français, affichés par-dessus, avant de saisir le message de Chazelle. C'est encore un choix de mise en scène courageux et novateur, un pied-de-nez adressé au lecteur et un message sans concession sur notre village-monde à la communication si difficile et invasive... 




Le fils de Mary-Ann et de Christian Keyboard filme avec une bravoure et un sens du rythme peu communs, emporté par des acteurs en ébullition dont l'attirance physique réciproque ne fait plus aucun doute. Emma Stone, déjà brillante dans Harry Potter (dont La La Land peut être perçu comme une suite enchantée), sort enfin de l'ombre de ses aïeuls. La fille de Sharon et Oliver Stone n'a jamais paru aussi à l'aise devant une caméra. Elle s'impose comme la digne successeuse de Marylin Monroe, près d'un siècle après la disparition tragique de celle-ci (il était temps !). Un Oscar lui est désormais promis, et nous nous joindrons aux applaudissements nourris qui accompagneront son triomphe écrit d'avance. L'actrice sonne le glas des espoirs révolutionnaires, jugulés par ailleurs dans les autres grandes nations européennes. Elle laisse le pendu choisir sa corde et sa performance est à se damner.




Et que dire de Ryan Gosling ? Durant tout le film, on se demande qui fait quoi, et si ça n'est pas Ryan qui dirige Damien ou l'inverse ! L'acteur avait confié à une télé anglaise en septembre 2008 qu'il avait pris une taille de plus, une information capitale qui ne laisse pas de doute sur son pragmatisme d'homme de terrain. Dans ce rôle, Ryan Gosling est comme un swap dans l'eau. Petit à petit, le plus grand acteur de sa génération décroche la bourgeoise à son thé... sans épargner le manant ni le banquier. On peut hélas constater par intermittences que la peau trop parfaite, diaphane, immaculée, du sex-symbol surdoué a parfois posé de gros problèmes aux différents directeurs photos engagés sur le projet, incapables de le saisir à l'image. La star n'est pas toujours perceptible à l'écran, on ne la voit pas comme il faut. Scarlett Johansson posait le même problème avant son premier enfant. On devine aisément que Ryan Gosling a signé le contrat sans avoir lu toutes les mentions en-bas de page, au petit bonheur la chance, mais avec sa générosité légendaire, et son courage en bandoulière. Dans l'ombre du couple vedette, nous retrouvons l'inévitable J. K. Simmons (cocorico !), de nouveau appelé pour jouer un personnage dénué de cheveux. L'acteur, qui a également accepté un rôle muet, ne prend jamais la parole malgré toutes les fois où on l'y invite. Le résultat à l'image est étonnant. 




Festival sonore et pyrotechnique, vibrant hommage à l'âge d'or du cinéma hollywoodien, La La Land est un poème macabre, une oeuvre païenne qui, si elle ne descend pas la pente à vive allure, sait la remonter sans difficulté car son moteur est solide. Un film généreux et altruiste qui, contrairement à l'hôpital, ne se fout pas de la charité. Une date. Un rendez-vous.


La La Land de Damien Chazelle avec Ryan Gosling, Emma Stone et J. K. Simmons (2017)

21 janvier 2017

Crazy Stupid Love

Dans quelques jours, sortira sur nos écrans le phénomène La La Land. Au cœur de ce phénomène, un couple vedette qui attire tous les regards et a su redonner à Hollywood tout son charme glamour, j'ai nommé Emma Stone et Ryan Gosling. Couple à la scène comme à l'écran, les deux acteurs s'étaient déjà croisés plus d'une fois sur la toile. Leur première rencontre remonte à Crazy Stupid Love, une comédie romantique réalisée par un autre couple à la campagne comme à la ville, Glenn Ficarra et John Requa. Ces deux-là s'étaient fait remarquer en 2009 avec I Love You Philipp Morris, autre comédie dont nous gardons tous un très mauvais souvenir, qui narrait la romance impossible entre deux hommes : un détenu et un policier, incarnés par des stars sur le déclin (Jim Carrey et Ewan McGregor). Crazy Stupid Love a confirmé la spécialisation dans la comédie bas de gamme du duo de cinéaste d'origine porto-ricaine depuis condamné au silence et dont l'aventure a inspiré le musical West Side Story. #coupledepacotille


Premiers regards croisés entre les deux tourtereaux...

Petit rappel des faits. Lors d'un dîner en tête-à-tête avec sa femme, Steve Carell apprend que celle-ci veut divorcer et qu'elle le trompe. Au bord du gouffre, il noie son chagrin dans l'alcool à 90°, réservé théoriquement au lavage du linge très sale. J'ai par ailleurs fait l'acquisition récente d'une machine à laver 9 litres, ce qui est beaucoup trop pour un homme célibataire bien qu'en couple comme moi, n'hésitez donc pas à envoyer votre linge sale à ilaose-at-gmail-dot-com. Revenons à Carell : bien décidé à ne pas sombrer dans la dépression, il espère rencontrer l'âme-sœur. Pour retrouver confiance en lui et devenir un expert en séduction, il fait appel aux services de Ryan Gosling, qui devient son coach personnel. Tout d'abord proposé à Will Smith, celui-ci aurait décliné la proposition par peur que ce rôle lui colle à la peau, obligeant les réalisateurs siamois à se tourner vers un choix plus risqué. La relation entre Steve Carell et Ryan Gosling, acteur comique confirmé d'un côté et sex-symbol au potentiel humoristique avéré de l'autre, n'offre malheureusement aucune étincelle à l'écran. Non, c'est seulement quand Emma Stone apparaît que le film gagne un brin d'intérêt. Séducteur à qui personne ne résiste, Ryan Gosling se trouve en effet bien incapable de conquérir le cœur de la jeune femme. S'engage alors un jeu de chat et de la souris qui ravira les amateurs de Titi et Grominet.


Tel le paon et ses plumes, le beau Ryan entame sa parade nuptiale. Peu importe : Emma est déjà sous son emprise...

L'histoire de Gosling et Stone prend progressivement le pas sur les tristes mésaventures de Steve Carrell, littéralement mis sur le bas-côté lors d'une scène de route indigne. On ne s'en plaindra pas. Après l'avoir cherché dans de nombreux films, il semblerait que Ryan ait trouvé en la red Emma Stone sa Blue Valentine... C'est le "love at first take". Les deux tourtereaux inscrivent alors leur nom directement dans le panthéon des #coupledelégende. Leur alchimie n'a pas d'égale. Leur charme, leur compatibilité évidente, nous laissent songeur.  En ces temps sombres, ils nous invitent même à reconsidérer les grandes théories panthropiques détaillées par James Blish. Le futur de l'homme passe peut-être par eux. Il faudrait envoyer leur sperme dans l'espace au quatre vents. Si des aliens tombent là dessus, ils voudront forcément nous rencontrer pour nous défoncer. Il faudrait semer la vie sur les exoplanètes étrangères avec leur sperme. S'ils font un gosse, par pitié, qu'ils nous en gardent un... Il faut sauvegarder leurs gênes. Congeler le sperme de Stone, conserver les ovules de Gosling. En attendant, nous nous contenterons de regarder leurs films... #MytheDeCinéma


Moment de complicité rare : Emma rit de Ryan qui vient de croquer dans une pomme en plastique.

On terminera cette critique par une petite astuce, par un petit secret beauté, que le beau Ryan (Ryan Gosling) nous offre dans les boni du DVD zone A. Si vous avez les cheveux gras et que vous ne voulez pas les laver, contentez-vous de suivre la technique suivante : avec un bon gros pinceau (taille 8), appliquez de la maïzena au niveau de vos racines. Attention, cependant, à ne pas abuser de la maïzena. Il en faut simplement tremper le bout du gros pinceau, que vous tapotez bien avant sur le rebord du lavabo. Après l'avoir appliquée avec soin, laissez reposer la mixture 10 minutes environ. Procédez ensuite à un bon petit brossage frénétique. Matez-vous alors dans la glace, et vous découvrirez des cheveux comme neufs ! Vous en doutez ? Demandez à EmmaStone... #MademoiZelle


Crazy Stupid Love de Glenn Ficarra et John Requa avec Ryan Gosling, Emma Stone et Steve Carell (2011)

7 janvier 2016

L'Homme irrationnel

Il y a un moment que je déteste chaque année, c’est le passage à l’heure d’hiver. C’est triste à se foutre par la fenêtre. Le seul équivalent que je puisse trouver, un autre truc récurrent, qui nous fout le coup du lapin chaque année, qui s'acharne à ruiner l'humeur de tout un peuple, plus ou moins à la même période, c’est les films de Woody Allen. Sauf que ça, on peut y couper. Suffit de pas les mater. Pas besoin de déménager. C’est un gros plus des films de Woody Allen sur l’heure d’hiver. Le seul. Et encore. Parce qu’en fin de compte, même quand on a décidé de ne pas regarder ses films, on finit toujours pas tomber sur l’un d’eux, sans vraiment l’avoir cherché, bien au contraire. C’est ce qui m’est arrivé avec le dernier, L’Homme irrationnel, alors que j’avais consciencieusement raté quelques uns des précédents opus du binoclard le plus vétuste de l’histoire contemporaine du 7ème art.


Woody Allen donne dans le placement de produit abusif et insupportable. Je parle d'Emma Stone.

Ce n’est sans doute pas le pire titre de sa filmographie récente, mais mon dieu que ce n’est pas significatif ! D’abord, si vous cherchez à vous marrer, tracez votre route au loin. Pas l’ombre d’un gag ou d’une réplique comique dans ce long métrage. Si vous aimez les personnages bien construits, idem, faites comme le chien de Jean Nivelle, celui qui fout le camp quand on l'appelle. Si vous aimez le cinéma en général, mettez les bouts, hissez la grand voile, zigzaguez au large. Et c’est dommage, parce que c’est néanmoins pas si mal foutu, pas toujours désagréable, malgré le vieux jazz huileux qu’on nous balance à la tronche toutes les quinze secondes environ. Que nous raconte Woody ? L’histoire d’un prof de philo totalement dépressif, alcoolique, drogué, suicidaire, tout ça suite à la mort de son meilleur ami en Irak et au départ de sa femme. Il est incarné par Joaquin Phoenix, qui fait le job, sans se fouler, pépère, affublé d’un gros bide lourdement mis en avant par le port de t-shirts étirés et ridicules. Le type, véritable légende urbaine, fantasme de tous les amphis, débarque dans une nouvelle université où il est tout de suite agressé sexuellement par une prof (Parker Posey), la cinquantaine en manque d’orgasmes, et une étudiante (Emma Stone), la vingtaine franchement impressionnée par le mot « existentialisme » (la philo tourne autour de ce mot selon Woody Allen, tandis que non loin gravitent, brumeux, les noms de Kant et de Heidegger, ce qui en dit déjà long…). Sauf que le docteur ès Simone Sarstre ne bande plus.


Cette scène-clé, cruciale, le tournant du film, est à peu près aussi platement filmée que tout le reste.

Heureusement, Abe, car c'est son nom, retrouve le chemin des filets quand lui et son étudiante à la manque surprennent une conversation dans un bar : une mère de famille se plaint de son divorce et d’un juge malveillant prêt à lui sucrer la garde de ses gosses au profit d’un père irresponsable. Dans la seconde qui suit, le prof de philo pour les nazes décide de mettre un terme à la vie du fameux juge, afin de soulager celle de cette parfaite inconnue qui chialait dans le bar et de donner un sens à sa propre existence (il retrouve illico le goût des aliments, la sensation du grand air et le plaisir universel de la turgescence). Il a déjà donné en matière d’aide humanitaire par le passé, mais tout cela ne sert à rien d’après lui. En prime, c’est pendant qu’il aidait les victimes du tsunami à Taïpeï que sa femme s’est barrée avec son collègue de chambrée. Par conséquent il trouve terriblement plus efficace, pour participer à améliorer la vie sur terre, de tuer un type sur la seule base d’une conversation privée épiée pendant cinq minutes. Ce type qu’on nous a vendu, durant toute l’introduction, comme un puits de science, un esprit brillant, un génie de la pensée, l'équivalent humain du gros cerveau arachnide suintant et rampant qui fout la merde dans Starship Troopers, décide de tout mettre en œuvre pour abattre un gars dont il ne sait rien en se basant en tout et pour tout sur une brève de comptoir. Parlez-moi d’un connard…


Avant de tuer le juge, Joaquin Phoenix lui lâche une petite perlouse discretos. Tout ceux qui ont déjà commis ce genre d'attentat en lieu public reconnaitront la précision du gestus de ce grand acteur.

Quand c’est là la base du scénario, ma parole, quelque chose ne tourne pas rond. Et quand en prime Woody Allen se sert de tout un tas de ficelles qui relèvent au final de l’énorme cordage de paquebot, voire de la poutrelle en acier trempé, pour justifier que le crime parfait de son héros finisse par rejaillir et l'éclabousser, comme toutes ces conversations quotidiennes autour de la mort du juge, qu’aucun des personnages ne connaissait, et dont tout le monde devrait se foutre (ça vous arrive souvent, vous, de commenter pendant des plombes un petit fait divers minable lu dans le journal avant d’arriver chez vos beaux-parents, et de passer tout le dessert à tenter d’élucider le mystère en famille... mieux, de tomber bizarrement juste ? Sans déconner…), c'est le signe qu'il est vraiment important de remettre l'ouvrage sur le métier pendant quelques années. La fin, que je ne vous dévoile pas, car je reste correct, même après avoir vu ce film, est pathétique elle aussi. Le personnage principal achève de ne plus tenir debout, Emma Stone s’énerve et exprime, à l'aide de ses traits faciaux, cet énervement (ce qui n’est jamais bon pour nos yeux innocents), et Woody Alien use et abuse d’une symbolique lourdaude à souhait, à peu près aussi pataude que le titre même de son film, qui annonce certes la couleur (tout cela n'a aucun sens) mais se révèle d’une prétention démesurée quand on est face à l’objet final.


L'Homme irrationnel de Woody Allen avec Joaquin Phoenix et Emma Stone (2015)

13 mars 2015

Birdman

Cette année, bonne limonade, l'Oscar du meilleur film a leaké avant son sacre et sa sortie officielle en salles. Qualité bluray. Merci à Yify. Sous-titres impec'. Ni trop longs, ni trop concis, qui permettent de bien se concentrer sur la mise en scène maraboutante du fou volant Alejandro Gonzalez Iñarritu. On peut dire (si vous connaissez le blog, vous le savez) qu'on ne l'aime pas, malgré beaucoup d'intérêt pour la péninsule ibérique, la paëlla, la civilisation maya, le Machu Picchu, les empañadas, sa sainteté Popocatépetl, le Quetzatcoatl, Fernando Pessoa, Pablo Ñeruda, Brazilia la ville-avion et les bruits de Recife. On a pourtant vu absolument tous les films du génie des favellas de Mexico (sauf Amours de chiennes, plus vieux fichier sur notre disque dur, preuve d'un nez creux, quand même, et d'un certain feeling, en prime).




21 grammes, Babel, depuis ses débuts Iñarritu alterne le moins bon et le moins bon, et Birdman ne déroge pas à la règle. Sacrer ce film est une erreur historique de la part de l'Académie des Sciences et des Oscars, historique ! Comme chaque année. Ceux qui s'étaient indignés de voir Kevin Spacey recevoir l'Oscar du meilleur acteur au nez et à la barbe d'Haley Joel Osment (et pour quel résultat ? deux carrières brisées net...), ont encore de quoi chialer avec ce braquage organisé par un sylphe bigleux venu nous cracher toute sa prétention au visage dès les premières images. S'inspirant de Truffaut et de Cassavetes pour mieux tringler leurs fantômes, Iñarritu change de registre et veut définitivement s'installer dans le paysage du cinéma contemporain. Jusqu'à présent gens du voyage, le cinéaste à la réussite insolente semble avoir décidé de planter sa tente et de camper dans le salon d'Hollywood. Il s'achète une respectabilité avec Birdman. Sur le papelard, on a tous bavé : Michael Keaton dans un métafilm, incarnant un acteur sur le retour hanté par des succès passés (sommes-nous les seuls à avoir fait le rapprochement entre "Birdman" et "Batman" ? à ce jour nous ne l'avons lu nulle part. So obvious...). Le personnage de Michael Keaton essaie lui aussi de s'acheter une crédibilité dans le film, en montant une pièce de Raymond Carver à Broadway. Il s'entoure d'une galerie de personnages censés nous délivrer un message sur l'industrie du rêve, ce qui nous vaut un défilé d'acteurs qui nous imposent tour à tour leur ptit numéro : Edward Norton, Naomi Watts, Zach Galifianakis ou Emma Stone.




Edward Norton parlons-en. Voilà quelques années qu'il est là. Souvent dans des films qu'on ne regarde pas. Vive les roux. On n'a rien contre les taches de rousseur ni contre le teint diaphane. Les yeux chassieux ne nous répugnent pas spécialement. Mais Edward Norton est la preuve sur pattes qu'on peut tout à fait correspondre aux tags cochés pour aboutir à un résultat rageant. Invitez-nous dans une banque du sperme, proposez-nous deux supports pour remplir la mission, l'un est une photo de plain pied d'Edward Norton, l'autre un portrait A4 de Morgan Freeman : notre choix est fait. On préfèrera toujours partir de la base Morgan Freeman, quitte à ce que notre imagination doive franchir quelques haies. L'acteur de Fight Club a son moment de bravoure, soit une scène où il hurle ses quatre vérités à son père, Michael Keaton, en tirant une tronche pas possible, à tel point que le spectateur inattentif croira qu'Iñarritu a tourné la scène en fish-eye. Sur le plateau seule Emma Stone possède des fish eyes.




Un mot, au passage, sur la mise en scène d'Iñarritu. Tout le film se présente comme un seul et unique plan-séquence, qui se veut une mise à sac du spectateur éberlué, un tour de force admirable et monumental. On a repéré les coupes (là encore, sommes-nous les seuls cons à avoir ponctué l'avant-première au Grand Rex en hurlant toutes les cinq secondes : "Là ça a dû couper ! Là ça a dû couper !"). Ne jetons pas bébé avec l'eau du bain, Iñarritu a une petite idée sympa (on en compte toujours une dans la copie des purs cancres), celle de ménager des ellipses étonnantes comme autant de coutures temporelles improbables dans la supposée continuité de ses longs plans-séquences. Mais quitte à ne pas jeter bébé, on peut dire qu'il a globalement une sale tronche. Les mouvements de caméra incessants et tape-à-l’œil nous épuisent rapidement, d'autant qu'ils sont au service d'un discours très lourd et d'acteurs peut-être sympathiques mais qui en font somme toute des caisses. On a par exemple déjà hâte de réhabiliter Zach Galifianakis et Naomi Watts, même si on commence à perdre espoir pour la seconde. Quant à Norton, sa fameuse baston en slip ne fait pas le buzz par chez nous. Nous ne sommes pas dans ton délire Edward, pas plus que dans celui d'Iñarritu, qui était plus à l'aise dans ses baskets quand il bossait chez Taco Bell | Your Destination for Tacos and Burritos All Day.


Birdman d'Alejandro Gonzalez Innaritu avec Michael Keaton, Edward Norton, Naomi Watts, Emma Stone, Zach Galifianakis et Amy Ryan (2015)

4 juillet 2012

The Amazing Spider-Man

Nous recevons aujourd'hui un invité spécial, Paul-Émile Geoffroy, pour nous parler du tout nouveau reboot de la franchise Spider-Man, en ce moment sur vos écrans. Place à l'hôte :

J'hésite à désigner ce qui est le plus amazing d'un productorat Hollywoodien sans-gène ou de la panurgerie assumée des spectateurs par-delà les frontières, mais une chose est certaine : dix ans seulement après le Spider-Man de Sam Raimi, la franchise rebootée va faire un carton en salles, sans risque (on n'aura pas confié le job à un "auteur", la jurisprudence Superman Returns n'est donc pas applicable ici).


Spiderman, le super-héros auquel on est censé s'identifier pour rêver un max, n'est autre que le copain geek de Mark Zuckerberg dans The Social Network, un clampin adulescent au visage mal fagoté typique des pires lycéens et coiffé comme Gérard Piqué.

Dix ans déjà que Tobey Maguire nous impressionna par ses bonds de toit en toit, et déjà on veut revoir la même histoire all over again. Pas même une génération d'écoulée, non, nous-mêmes qui étions allés voir Kirsten Dunst roussir retournerons dès aujourd'hui voir quelle tête aura sa doublure... et comparer ! Tout l'intérêt est là, désormais. Hollywood s'est transformé depuis quelques années (faute d'idées originales ou de courage pour aller vers du neuf, peu importe d'ailleurs) en un nouveau Broadway ! Sitôt le spectacle représenté un nombre suffisant de fois, on conserve ainsi les décors, et les rôles sont redistribués. On ne change pas une idée qui marche ! Spiderman vaut bien un Cats en lettres étincelantes, et puis ça reste des bêtes. Plus la peine d'attendre vingt ou trente ans pour reprendre une franchise, ce temps-là serait perdu. Savez-vous que des millions de spectateurs naissent chaque année ? Ceux-là, tous ceux-là aussi ont droit au frisson de découvrir leur Spiderman. Et puis quoi ? Christopher Nolan a bien compris, lui, que l'industrie cinématographique change - et qui sommes-nous pour nous y opposer ? - et il s'est déjà engagé, avant-même la sortie du troisième et dernier opus de son reboot de Batman, à être conseiller attitré sur le reboot (suivant) qui est déjà prévu pour la franchise. Voilà qui est sain et prévoyant, c'est dans l'ordre des choses après tout.


La petite amie de Spiderman est une actrice porno qui s'ignore abonnée aux grosses comédies romantiques sur le phénomène des sex friends et autres fuck buddies. Tu m'étonnes... Ne fais pas semblant d'aimer les livres...

Il nous faut accepter que les choses changent car c'est inéluctable. Notre demande a occasionné un cinéma produit à une vitesse hallucinante et en un siècle, tout l'éventail des idées, suspenses, clichés, mises en scène, twists, psychologies, futurismes et fresques historiques a été traité. Nous sommes allés vite, trop peut-être, et tout ou presque a été fait... Il reste bien quelques coins du monde, quelques recoins de l'Histoire qui mériteraient leurs longs-métrages, leurs séries, leurs remakes, préquelles, séquelles, puis reboots, mais ce sont des secteurs à risque (financiers ou moraux). On risque d'emmerder ou de choquer donc de manquer le public...

Alors on tricote des pullovers avec les trames de nos sujets favoris. Ceux qui ont toutes les chances de plaire, les best-sellers. Les Karate Kid, Rambo, Piranha, Alien et autres The Thing. Si c'est une franchise, on la reboote, si c'est un one-shot, on le remake, ou mieux, on conserve le titre mais on le réécrit un peu, ou encore mieux, on conserve le titre mais on en fait une préquelle, tout est possible ! Il faut bien continuer d'amuser, de divertir le public. C'est la demande qui fait l'offre.

Il est intéressant cependant de constater qu'en France, on procède différemment. Les yeux de notre industrie sont ouverts, eux aussi, sur cette grande mutation et on n'invente plus beaucoup non plus de côté-ci de l'Atlantique (qui étaient les derniers grands producteurs d'un cinéma populaire original ? Jean-Marie Poiré, peut-être...), mais en France on met en scène des concepts plutôt que des aventures. On a "Les Beaux Gosses", "Les Chtis", "Les "Infidèles", "Les Kailleras"... On attend "Les Roms", "Les Grévistes" et "Marine" pour la rentrée. Ces études de caractères (qui pourraient presque faire office d'études de phraséologie, décortiquant chacune des expressions syntagmatiques "à la mode") sont dans notre tradition (depuis au moins La Bruyère) bien davantage que les aventures épiques. On a bien eu notre Astérix (et ses suites... à quand le reboot ?) mais Chrétien de Troyes n'aura pas engendré tant de Ridley Scott, de Roland Emmerich ou de Wolfgang Petersen que ça. Chercher des Peter Jackson ou des James Cameron par chez nous relève de l'aiguille dans la botte de foin. Nous avons des Musset, des Balzac, des Rohmer, des Resnais et même l'industrie populaire s'affaire autour de caractères, jusqu'à Besson lui-même, notre industriel en chef, du moins jusqu'à ce qu'il ne tourne définitivement américain. C'est ainsi.


Ma chambre d'étudiant en cité U ressemblait assez à celle de Spiderman sur cette photo...

Il n'est pas question de porter d'ailleurs de jugement comparatif quant à ces deux manières d'envisager un tournant de l'histoire du cinéma. L'industrie s'adapte à une pénurie d'histoires commercialisables, c'est un fait. Le cinéma d'auteur continuera de satisfaire les plus exigeants d'entre nous tandis que les autres s'acclimateront sans doute de la nouvelle donne et retourneront au cinéma dès 2022 (avec leurs enfants cette fois) pour y voir le premier épisode des aventures de Peter Parker, comment il s'est fait piquer, comment son oncle est mort et comment Mary Jane est jeune et séduisante, éternellement.

Cependant, rien évidemment ne nous obligera plus à jamais et nulle part, presse ou web confondus, mentionner, critiquer, évaluer ou même considérer l'existence d'aucuns de ces produits cinématographiques, de ces spectacles, qui ne sont pas ou qui ne sont plus du cinéma.


The Amazing Spider-Man de Marc Webb avec Andrew Garfield, Emma Stone, Rhys Ifans, Martin Sheen et Sally Field (2012)