23 août 2012

Jumanji

A la mi-août, quand on a déjà fait tous les trucs sympas à faire pendant les vacances et qu'on se retrouve un peu à court d'idées, on finit souvent autour d'un jeu de plateau. Paradoxalement c'est cette activité-là qui nous fait le plus suer alors qu'on vient de passer l'été à jouer au beach soccer, à faire des parties de ping-pong endiablées et à essayer de cacher sa gaule sur la plage. Lors de ces après-midi où le temps paraît s'être arrêté et où le soleil semble coincé à son zénith, bien décidé à nous griller la caboche, on a tous forcément rêvé d'échanger notre gros monopoly (aux billets de banque marqués au feutre par un tonton un peu à part qui a essayé de faire des mauvais coups à la boulangerie du coin) contre le jeu de plateau ultime : Jumanji (à prononcer "You-man-yee"). Quel est le nom du messie qui a réalisé le film du même nom et premier "film de plateau" de l'histoire du cinéma ? Est-ce que quelqu'un est capable de citer son patronyme sans chercher nulle part ? Nous on misait sur Chris Columbus, le yesman des 8/12 ans. En réalité ne cherchez pas c'est Joe Johnston, un saint homme, un sous-Columbus, un gros colombin. Homme de main de Spielberg, Johnston, contrairement à Robert Zemeckis, n'est pas à proprement parler son "poulain", Joe Johnston c'est de la pure main-d’œuvre, un ouvrier à la petite semaine, de la chair à canon. Spielberg l'envoie toujours sur les projets les plus bancals, et parfois banco ! Comme là.


Quelle famille, sur la route des vacances, ne s'est pas arrêtée sur le bas-côté pour boucler vite fait une partie de jeu de plateau ?

En 1995 on allait au cinéma deux fois l'an, une première fois pour mater Madame Doubtfire (le saviez-vous : le film devait d'abord s'intituler "Mademoiselle Doubtfire" pour coller au titre original "Misses Doubtfire", mais quand les distributeurs français ont maté le scénario de plus près pour s'apercevoir que c'était une vieux trans pédophile qui jouait le rôle ils ont viré de braquet pour mettre "Madame", ce qui ne change certes strictement rien), une autre pour voir Jumanji (combien de "i" et combien de "j" dans "Jumanji" ?). Quand les deux séances ciné de l'année c'est le Madame Doubtfire de Chris Columbo et le Jumanji de Joe Johnston, on peut parler d'une année noire et surtout se demander comment on a pu devenir les cinéphages numéro 1 de la région PACA après ça... En revanche rien d'étonnant à ce qu'on soit devenu des fanas de Robin Williams, qui était sur le toit du monde à l'époque.


Robin Williams était loin de se douter à l'époque que cette image du film résumerait bientôt son propre engloutissement dans une filmographie d'outre-tombe.

Après s'être séparé du groupe Take That (prononcez "Tik Tak"), Robin Williams a enchaîné les tubes et les hits au hit parade et au box office. En 91 il joue la fée clochette dans Hook de tonton Spielby, en 92 il obtient le Golden Globe du meilleur acteur pour son rôle de pécheur à la ligne dans Fisher King, la même année, celui qu'on appelait "la voix de génie" prête sa voix au génie d'Aladdin pour rester à jamais connu pour sa voix du génie. En 93 il explose dans Doubtfire où il ridiculise Pierce Brosnan d'un coup de pied dans le cul qui propulse James Bond droit dans l'eau, en 95 il s'écroule en jouant dans Neuf mois aussi, le remake ricain du chef-d’œuvre de Patrick Bradoué, mais il refait surface aussi sec dans un projet à priori peu engageant, basé sur un jeu de plateau, qui finira pourtant par emporter le morceau, j'ai nommé le fameux Jumanji. Il sombre après ce succès en prêtant ses "rides du rire" au prequel precog inversé de L’Étrange histoire de Benjamin Button dans le Jack de Coppola, mais se relève avec l'Oscar du meilleur acteur dans un second rôle grâce à Will Hunting avant de définitivement manger la poussière avec Flubber, le biopic américain de Gustave Flaubert, mais aussi avec Docteur Patch et mille autres films où on voit bien que l'acteur y met du cœur, sauf qu'au bout d'un moment ça ne suffit plus pour sauver les meubles.


La fameuse séquence de l'attaque des singes ! On ne s'en rend pas bien compte aujourd'hui mais ça à l'époque c'était le renouveau des effets spéciaux. Même s'il fallait faire un petit effort pour y croire, cf. ci-dessus.

Jumanji a également offert son premier gros rôle à Kirsten Dunst dans le rôle du dé à coudre sur le plateau de jeu. Pour incarner la vieille godasse trouée, un jeune acteur, Bradley Pierce, qui depuis joue encore à Jumanji mais sans caméras autour de lui, seul dans son grenier, matez sa page allociné, y'a de quoi faire déprimer un mort. Feu cet acteur connaît par cœur les règles du jeu de Jumanji, et pour cause puisque comme le personnage principal du film il est coincé dans un monde parallèle en pleine jungle, attendant que quelqu'un daigne jeter le dé et faire un six. Tout comme lui, nous attendons que Joe Johnston ou un autre trimard de base à son image relance les dés et nous ponde le Jumanji 2 que la fin très ouverte de l'original laissait espérer et que nous attendons depuis 17 ans maintenant. Selon google la suite existe bel et bien, réalisée par Jon Favreau, et s'intitule Zathura. Si c'est vrai, quelle idée de changer le nom ?! C'est comme si un type tournait la suite d'Avatar et l'appelait "Gros Bâtard", ou si le deuxième Memento s'intitulait "Agenda". C'est du Favreau dans toute sa splendeur... Bref, pour revenir au film et en dire quand même quelques mots, sachez que si on attendait à ce point une suite c'est qu'on l'avait forcément kiffé au ciné. On ne l'a pas revu depuis l'âge de huit ans mais à l'époque on avait pris un pied terrible. A cette époque où on ne voyait la lumière du jour que deux fois par an et où nos parents nous faisaient crécher dans le grenier, accrochés à un piquet avec une gamelle d'eau pour tout hobby et les côtes du jambon hebdomadaire pour tout amuse-gueule, croyez-nous, on attendait la suite de Yu-man-yee. J'espère qu'on vous a bien fait ressentir à quel point on avait aimé ce film, pas juste parce qu'il était sympa du coup, aussi parce que c'était un peu de lumière.


Jumanji de Joe Johnston avec Robin Williams et Kirsten Dunst (1995)