4 août 2012

Jane Eyre

Les tout premiers plans du film laissent quelque espoir, où l'on voit Mia Wasikowska parcourir la lande anglaise sombre et brune étendue à perte de vue dans ce qui semble lui imposer un effort surhumain, mais l'espoir fout le camp aussitôt la jeune fille entrée dans une maison pour y trouver refuge, quand la mise en scène redevient celle de tant d'autres films académiques, plats et laids. L'introduction était non seulement assez belle mais programmatique puisqu'après elle le spectateur traversera le film telle une morne plaine et avec toutes les peines du monde, mis à l'épreuve par un réalisateur américain médaillé d'or olympique d'apnée cinématographique. A partir de là je n'ai cessé durant trois quarts d'heures de manipuler mes télécommandes, celle de ma télévision et celle de mon lecteur dvd (je n'ai pas vu le film en salle, fouettez-moi), pour tâcher de désuniformiser un peu cette suite d'images mornes et grises, de transmettre quelque inspiration au directeur de la photographie en faisant varier la luminosité, la balance des couleurs ou le contraste dynamique de mon écran, pour enfin insuffler de la vie dans cette œuvre résolument morte.


Pas si étonnant que le film ressemble à tant d'autres quand son réalisateur lui-même correspond de pied en cap au portrait robot d'un milliard de ses semblables. On peut aussi constater sur ce cliché que Cary Fukanaga aime porter les mêmes vêtements rongés par les mites que les acteurs de son film historique et que, comme l'image de son long métrage, d'une pâleur morbide, il aurait besoin de prendre quelques couleurs.

J'ai abandonné le film au bout de 55 minutes et je pense que c'est à peu près là que ça commençait, après la rencontre entre Wasikowska et Fassbender, juste avant qu'ils ne commencent peut-être à batifoler dans l'herbe, à nouer quelques sentiments au milieu d'enfants rouquins et sous le regard d'une gouvernante grabataire ancien maton en zonzon. Pas de quoi se réveiller la nuit non plus donc. C'est une erreur que de faire démarrer un film en son milieu notez bien, après une heure de supplice, surtout quand ledit démarrage reste sur la lancée grisâtre et mortelle de son interminable introduction. Comparer comme certains l'ont fait ce Jane Eyre empesé et maladif au Bright Star de Jane Campion, film coloré s'il en est, aérien, insaisissable, emporté par sa poésie et regorgeant de vie, est une folie. Ce film donne seulement envie de revoir celui de Campion comme on prend son pouls après un malaise vagal, et aussi, pour les plus téméraires, de regarder la version de Franco Zeffirelli, mais à condition de garder le visage de Mia Wasikowska en mémoire pour remplacer celui de Charlotte Gainsbourg dans l'image. L'italien ne s'y était pas trompé en engageant Gainsbarre, qui était à moitié anglaise et possédait une belle tête de choux, vu que Jane Eyre était décrite dans le roman de Charlotte Brontë comme "une fille pas très jojo". Cary Fukushima quant à lui a tout misé sur un couple d'acteurs attractifs, mais il a oublié de les éclairer de telle façon qu'on ne les confonde pas avec le fond de l'image, ces ciels et ces tapisseries vert-de-gris so british qui pousseraient un nouveau champion olympique à se défenestrer.


Jane Eyre de Cary Fukunaga avec Mia Wasikowska, Michael Fassbender et Jamie Bell (2012)