

On sent bien les mêmes envies et les mêmes intentions dès les premières minutes de The Innkeepers et son générique sympathique accompagné d'une musique orchestrale, grandiloquente juste ce qu'il faut, qui nous promet un film de trouille de qualité et qui par la même occasion vient renouer avec le charme vieillot de son précédent film. Seulement voilà, assez vite, le film patine et il nous ennuierait carrément si Ti West n'avait pas choisi une comédienne au physique et au jeu assez originaux dans le premier rôle (Sara Paxton, sans doute la fille de Bill, agréable mais toutefois bien moins charmante que la petite brune de l'autre film, Jocelin Donahue) et s'il ne conservait pas un certain talent pour faire ponctuellement grimper la tension. Mais là est aussi le problème, car sur une petite heure et demie de film, Ti West passe encore la plupart de son temps à installer une ambiance se voulant lourde et effrayante, avec beaucoup moins de réussite que dans son précédent film, quand il ne se contente pas de filmer des scènes tendues retombant comment un soufflé pour mieux déjouer les attentes des spectateurs mais qui, à force d'être répétées, finissent par lasser un brin.

The House of the Devil était doté d'une intrigue très basique, un simple prétexte pour enfermer une jeune femme vêtue d'un jean taille haute du plus bel effet dans une maison particulièrement flippante. C'est aussi le cas de The Innkeepers où Ti West choisit de dévoiler au compte-goutte et avec une même économie de moyens l'histoire sinistre que renferme ce vieil hôtel sur le point de fermer et dont deux jeunes geeks doivent assurer l'intendance pendant tout un week-end. Cette fois-ci, le manque d'originalité du scénario est assez gênant car le peu que Ti West nous raconte nous laisse seulement penser qu'on a affaire à une somme toute très banale histoire de fantômes chinois. Le fait que le film soit divisé en plusieurs chapitres ne rend son scénario que plus mince, comme si l'auteur surestimait la qualité et l'originalité de l'histoire qu'il est en train de nous narrer. Quitte à si peu en dire, le mieux aurait peut-être été de ne donner aucune piste, de strictement tout nous cacher, pour mieux nous laisser croire que tous les phénomènes paranormaux se manifestant à l'hôtel sont simplement issus de l'imagination débordante des protagonistes, ces deux jeunes réceptionnistes en manque de sensations fortes et qui sont bien décidés à prouver l'existence de fantômes via leur site web consacré au paranormal. Deux personnages que Ti West parvient intelligemment à nous rendre sympathiques, en les éloignant suffisamment des stéréotypes.

Très tôt dans le film, Ti West prend un petit risque en se moquant assez ouvertement de ces vidéos et de ces sites qui polluent internet, basés sur des effets chocs très faciles et bêtement efficaces, parfois repris dans les plus mauvais films de genre. Ti West les tourne en dérision et s'en amuse, ce qui lui permet de rapidement trouver une certaine complicité avec le spectateur, dans la même attente de se foutre les j'tons mais cette fois-ci devant un film de qualité. Le cinéaste prend donc un risque dans le sens où il a dès lors tout intérêt à se démarquer de cette peur sotte et à produire un film d'un certain niveau. Parvient-il seulement à s'en démarquer clairement ? C'est hélas la question que l'on se pose parfois, lors de certaines scènes de trouille un peu ratées dont le climax trop grossier survient trop tard ou trop tôt, la faute à un sens du timing pas toujours au rendez-vous, à une attente souvent poussée trop loin. Le plan final, qui a d'abord la chic idée de s'annoncer comme un clin d’œil adressé au Shining de Kubrick avant de s'en détourner littéralement, ressemble à s'y méprendre à ces vidéos-spams et nous laisse donc sur une petite fausse note.

Une fois terminé, cela ne fait plus aucun doute : ce nouveau film de Ti West est une déception. Un petit film d'horreur pas du tout honteux et plus intéressant que la plupart de ceux qui sortent ces temps-ci, certes, mais que l'on aura tôt fait d'oublier et qui, surtout, ne s'avère pas vraiment à la hauteur des attentes suscitées par l’œuvre précédente du jeune cinéaste, autrement plus maîtrisée et terrifiante. Ceci dit, les intentions encore tout à fait louables de Ti West et le savoir-faire ingénieux et rare dont il sait toujours faire preuve ici ou là suffisent amplement à maintenir l'espoir et nous invitent à lui donner bien volontiers une nouvelle chance très bientôt, quand sortira son prochain film, où il faudra nécessairement que le cinéaste montre qu'il sait se renouveler un minimum, surprendre et faire peur autrement, tout en conservant cette patte personnelle qui le rend si précieux.
The Innkeepers de Ti West avec Sara Paxton, Kelly McGillis et Pat Healy (2011)