15 octobre 2011

Minuit à Paris

Il n’y a qu’à voir et comparer les génériques d’ouvertures de Minuit à Paris et de Manhattan pour comprendre où en est l’inspiration de Woody Allen et à quel niveau se situe son dernier film au sein de son interminable filmographie. Le générique de Minuit à Paris est une succession de plans carte-postale de notre capitale, sous fond de musique insupportablement cliché, comme il y en a dans tous les derniers films de Woody Allen. Devenu culte, celui de Manhattan force le respect, avec son enchaînement de plans magnifiques de New York filmé dans un très beau noir & blanc, évitant les stéréotypes et créant une belle poésie autour de la Grosse Pomme et surtout, accompagné d’une voix off qui annonce joliment la couleur, disant des choses intéressantes et qui nous permettent de déjà saisir le rapport complexe mais infiniment affectueux qu’entretient le personnage de Woody Allen avec sa ville de cœur. Cela peut peut-être paraître simpliste et un peu facile, mais ces deux génériques en disent assez long, il me semble, sur la qualité de ces deux films et l’inspiration déclinante de leur auteur, dont le zénith commence à dater.



Évidemment, Minuit à Paris n’est pas désagréable à voir. A condition de ne pas être trop regardant, on passe même plutôt un bon moment devant les déambulations parisiennes temporelles du nouveau venu dans l’univers du plus connu des cinéastes binoclard, Owen Wilson. Les mains toujours dans les poches, sa marque de fabrique, l'acteur campe le sempiternel rôle de l’écrivain en panne, portant un regard amer et affuté sur son monde, et amené à croiser toutes ses idoles dans un passé qui le fascine, où il aimerait rester définitivement. Hélas, on se rend très rapidement compte que tout ça ne va vraiment pas bien loin, et à partir d'une idée pourtant assez belle et qui pourrait donner lieu à un film bien plus riche, le dernier Woody Allen est finalement très superficiel. Un film-gadget, à l'image des apparitions anecdotiques de Carla Bruni et Léa Seydoux, souvent divertissant certes, mais assez creux et accompagné d’une morale très lourdement déballée par des dialogues trop explicites.



On a surtout l’impression de voir Woody Allen se faire plaisir, le cinéaste s’amusant à épingler avec affection, mais parfois sans assez de finesse, ces idoles du passé qui sont aussi les siennes. Et les acteurs aussi se font plaisir, ils y vont chacun de leur petit numéro. Comme par exemple Adrien Brody, grimé sans trop d'effort en Dali, qui en fait vraiment des caisses. D’autres, trop lisses voire mauvais, ne font vraiment pas honneur au personnage grandiose qu’ils sont supposés incarner, je pense notamment au très fade Corey Stoll dans la peau d’Ernest Hemmingway. Il faudra aussi tenter de faire l’impasse sur l’agaçante Marion Cotillard, qui endosse un rôle de femme irrésistible assez inapproprié à son regard de poisson mort.



En parlant de regard, Minuit à Paris est aussi l’occasion de profiter de celui, gentiment obsédé, que Woody Allen porte sur ses actrices. Ici, il filme Rachel McAdams avec un regard de pervers presque déplacé mais dont on ne va pas se plaindre, en s’arrangeant pour que son fessier rebondi soit toujours dans le cadre. C’est assez flagrant. On la voit même ranger des affaires dans le coffre de sa bagnole, sans aucune raison, si ce n’est pour qu'on puisse la voir penchée et ainsi apprécier ses courbes. Il faut alors reconnaître que l'actrice, toujours très joliment apprêtée, déploie un certain sex-appeal qui ne m’a pas laissé indifférent. Je l’avoue sans honte. Pour ce genre de choses, Woody Allen a trouvé en moi une cible bien facile ; mais pour le reste, je suis un spectateur apparemment bien plus intransigeant que la plupart des critiques, qui ont applaudi en chœur ce film à sa sortie dans une unanimité flippante. Un phénomène qui donnerait presque envie de rejoindre le camp de Bob Guédiguian à la tête des indignés !


Minuit à Paris de Woody Allen avec Owen Wilson, Rachel McAdams, Marion Cotillard, Léa Seydoux, Carla Bruni et Michael Sheen (2011)