
C’est donc seulement à la fin du film, quand on voit la maladie du héros se déclarer et s’aggraver progressivement, que l’on comprend enfin que l’on vient de voir une série de gros flash-back pas forcément vrais, mais pour la plupart déformés par le cerveau HS de Barney. C’est une idée intéressante, en soi, et le metteur en scène derrière tout ça a le mérite de ne pas chercher à nous duper, puisque le film nous est immédiatement présenté comme l’introspection de Barney, ce cinquantenaire un brin dépressif, devenu producteur de films pornographiques, qui fait le point sur sa vie. Une idée tout de même assez plombante car, ayant vu la bande-annonce, je dois avouer que je m’attendais à toute autre chose et j’espérais plutôt un feel-good movie autrement plus léger, taillé sur mesures pour mon idole Paul Giamatti. Je suis la carrière de cet acteur de très près depuis sa prestation à couper le souffle dans Sideways, mon film de chevet. Dans le chef d’œuvre viticole d’Alexander Payne, Paul Giamatti est tout bonnement excellent, il étale tout son répertoire fait de menton tremblotant, de regards de chien battu, de voix grave vacillante et d’allure bedonnante ô combien sympathique. Tout Giamatti en un seul film, un festival, un véritable Giamattionnaire comme j'aime l'appeler. L’acteur ressort tous ces classiques dans Barney’s Version, mais avec hélas moins de bonheur. De plus, cette réincarnation vivante d'Homer Simpson apparaît assez peu crédible dans ce rôle d’homme à femmes qui s’envoie consécutivement Rachelle Lefevre, Minnie Driver et Rosamund Pike, des actrices jamais complètement moches (mention spéciale pour la dernière, dont j’ignorais l’existence et qui a un petit charme bien à elle), même s’il faut évidemment garder à l’esprit que seuls ses propres souvenirs sont à l’écran et que le personnage enjolive peut-être son histoire. J’ai beau adorer Giamatti, être le président et seul membre de son fan-club français, je suis le premier à reconnaitre qu’il n’a pas le physique d’un playboy, je le considère plutôt comme le sosie de mon grand frère Glue 3, celui qui me laisse des menaces de mort sur mon portable tous les jours, à 8h01 précise. Flippant...
Paul Giamatti apparaît également quelque peu éclipsé par le grand Dustin Hoffman. Ce dernier, à n’en pas douter, s’amuse comme un fou dans ce rôle d’obsédé sexuel excentrique qui lui va comme un gant et qui nous rappelle un peu celui qu’il tenait dans la première suite pourrie de Mon Beau-père et moi. L'acteur est véritablement en roues libres et c’est à lui que l’ont doit les rares scènes drôles du film. Un autre moment drôle survient lorsque Paul Giamatti, au zénith de sa vie avec celle qui est son seul véritable amour (incarné par l'élégante Rosamund Pike), découvre celle-ci en petite tenue allongée sur le lit. Giamatti saute alors littéralement sur sa proie dans un bond prodigieux. L’image s’arrête sur ce plan ci-dessous, et la star apparaît dans toute sa splendeur. Une scène qui, comme vous l'aurez remarqué, décore cet article.
Ce film est aussi le théâtre de cameos de choix, puisque David Cronenberg et Atom Egoyan, le gratin des cinéastes canadiens, font des petites apparitions en tant que réalisateurs de porno, aux ordres de Giamatti. Des clins d’œil sympathiques et amusants pour le cinéphile averti qui saura les reconnaître, mais qui n’apportent strictement rien au film et ne sont même pas l’occasion de scènes véritablement comiques. Personnellement, j'avoue avoir dû compter sur l'aigle des montagnes Poulpard pour m'indiquer tous ces cameos. Après quelques clics sur la Toile, je découvrais une fois le film terminé que Barney’s Version n'est autre que l’adaptation d’un best-seller, l’autobiographie, semble-t-il, de l’écrivain auquel le film est dédié. Je ne me sens donc pas coupable de vous avoir dévoilé le scénario d’un film que l’on doit peut-être davantage apprécier quand on en connaît la clé, disponible dans toutes les bonnes librairies et autres halls de gares ! Découvrir le secret de ce film après 2h30 ne sera pas donné à tout le monde. N'est pas fana de Giamatti qui veut !
Le Monde de Barney de Richard J. Lewis avec Paul Giamatti, Dustin Hoffman, Scott Speedman et Rosamund Pike (2011)