Ce film a scellé la rencontre entre le vilain petit canard de la côte ouest, Tobe Hooper (Massacre à la tronçonneuse) et le golden boy le plus prisé d'Hollywood, Steven Spielberg (E.T.). Ne me demandez pas les tenants et les aboutissants de cette surprenante collaboration, je ne les connais pas. J'imagine que ça s'est passé comme au collège, en cours de maths, quand la prof dit au cancre d'aller s'asseoir au premier rang, à la table du meilleur de la classe, afin d'améliorer son niveau au contact du "petit génie de 5ème4". Au final, les deux élèves sont devenus méga potes, mais ne sont pas liés par l'excellence : ils finissent en effet aussi cons l'un que l'autre. Les parents du débile sont ravis parce que sa moyenne a doublé, passant de 3 à 6, mais ceux du petit Einstein tirent un trait sur leur espoir de voir leur gamin devenir un crack, puisque ce dernier a vu sa moyenne rejoindre celle de son nouveau meilleur pote dans une chute de QI aussi soudaine que fracassante. Son père est franchement déçu mais également rassuré, parce qu'il se retrouve enfin dans son gamin, lui qui était une fiente à l'école et qui avant cette découverte répétait tout le temps, à qui voulait l'entendre (personne) : "Il tient ça de sa maman, il tient ça de sa maman...", mais qui rajoute désormais : "Ça reste le gros fils à son père...".

Cela s'est certainement passé comme ça pour le tandem Hooper/Spielberg : double effet kiss cool, skip school. Par contre pour l'amitié, on repassera. C'est moins drôle dans la vie qu'au collège. Les deux cinéastes se sont tout juste serré une main glaciale le jour de l'avant-première de Poltergeist. Faut dire que le film n'est pas au niveau du talent de provocateur d'Hooper, ni du goût du travail bien fait de Spielberg. Aussi les deux hommes se renvoient-ils la balle à longueur d'interview, où la question de la paternité de ce film, qui a hérité des défauts cumulés de ses deux auteurs, revient toujours sur le tapis. C'est le seul cas de long métrage dans l'Histoire du cinéma qui voit ses deux papas attribuer la signature de l’œuvre à l'autre avec l'hypocrisie de ceux qui ont fait une grosse connerie. Quand on demande à l'un qui a mené le projet, il répond systématiquement que c'est l'autre, lui balançant la patate chaude, congelée depuis quelques dizaines d'années. A propos de patate, quand on parle des deux papas et la maman, la maman est toute trouvée puisque Woopie Goldberg voit réunis dans son blaze les patronymes des deux enfants terribles du projet Poltergeist, ou comment la patate bouillante atterrit une fois de plus dans la tignasse hirsute de la star de couleur la plus cool des années 90. Comme les deux réalisateurs ne peuvent plus se voir et refusent même de se nommer l'un l'autre, Spielberg dénonce la responsabilité du "binoclard balafré" et Hooper celle du "barbu à casquette", voire du "feuj plein aux as" quand il a un peu bu.

On n'a jamais compris pourquoi ce film culte était culte. Difficile aujourd'hui d'aller au bout sans se faire chier. Poltergeist fut le premier d'une longue série de films de maisons hantées qui justifiaient la présence de fantômes par l'emplacement géographique desdites maisons sur d'anciens cimetières (indiens de préférence), une idée typique de Stephen King et qui aura été usée jusqu'à la corde dans une Amérique loin d'assumer son passé criminel. Même quand nous l'avons découvert, enfants, cibles idéales des deux manitous aux manettes du projet, Poltergeist ne nous a pas impressionnés le moins du monde. Il y a bien quelques scènes un peu marquantes, comme celle où tous les objets tournoient en lévitation dans la chambre juste au-dessus du lit, la fillette comprise, dans un effet spécial assez beau et qui n'a pas tellement vieilli, ou cette séquence immortalisée par l'affiche où la gamine est happée par un poste de télévision (Hooper dénonçait la société de consommation et de communication dans laquelle il plongeait à pieds joints, et critiquait directement son producteur et mécène, Spielberg, qui lui marchait sur les pieds à deux longueurs). Cette scène me hante parce que je fais un amalgame entre ma vie et le cinéma, or j'ai longtemps vécu avec un coloc qui passait ses nuits la gueule collée à l'écran de la télé devant les pornos de canal+ cryptés. Je le croisais fréquemment en allant au pipi-room et je le croise encore quelques fois le soir dans mon salon alors que je n'habite plus avec lui depuis des années.
Poltergeist de Tobe Spielberg et Steven Hooper avec Craig T. Nelson et JoBeth Williams (1982)