
Pour la modique somme de 17,10€, libre à vous de mettre la main sur ce livre qui vient tout fraîchement de paraître en librairie. Ou bien préférerez-vous préserver votre petit pécule pour manger autre chose que des pâtes au sel ce soir, et vous contenterez-vous de lire l'immensément bonne nouvelle imprimée sur la couverture du recueil. Depuis que j'ai croisé ce volume dans une vitrine, je ne décroise plus mes doigts - ce qui n'est pas méga pratique pour taper sur mon clavier -, ce petit geste superstitieux étant une prière adressée aux cieux et au sieur Leconte pour que sa parole soit d'or et qu'il ne retouche plus jamais à une caméra. Or mon vœu a redoublé d'intensité quand je suis tombé l'autre jour à la téloche sur une rediffusion de La Veuve de Saint-Pierre. Je n'avais jamais vu ce film, et je ne peux pas tellement affirmer l'avoir vu depuis. Je me suis contenté de regarder une dizaine de minutes avant de mettre les voiles vers un peu d'air frais.

J'ai eu le temps cependant de voir une séquence qui en dit long sur Pat' Leconte. L'idéal serait de vous la faire partager, mais pour ça il aurait fallu que je me procure une vidéo du film et c'est hors de question. Donc je vais vous la raconter. Je tente une expérience sous vos yeux : la critique du tout par la partie, la critique métonymique, la condamnation d'un film par un seul de ses plans. C'est une scène de dialogue - conversation à laquelle je n'ai rien compris car j'ai pris le film en cours de route - entre trois ou quatre personnages autour d'un bureau dans une pièce obscure. La séquence commence par un plan étrange : on ne voit pratiquement rien mais on entend la discussion qui progresse légèrement au loin. Même si on voit que dalle au départ, le plan bouge immédiatement (c'est un travelling latéral de la droite vers la gauche), et très vite on comprend que ce que nous discernons vaguement à l'image est une série de pieds de chaises. La caméra est au ras du sol et balaye le parquet derrière des chaises rangées en cercle contre une table, qui n'est pas celle autour de laquelle sont attablés les personnages qu'on entend au loin pour tailler le bout de gras, personnages assis assis au fond du plan et dont nous pouvons néanmoins écouter la causerie. Lentement, après quelques barreaux de chaises supplémentaires, nous apercevons les acteurs dans le fond du cadre, assis autour d'un bureau quelques mètres plus loin et discourant de sujets auxquels le spectateur n'entend rien car il est fasciné par ce travelling et se demande mordicus pourquoi... pourquoi ce plan, pourquoi comme ça, pourquoi maintenant ? Toujours en mouvement lent, le cadreur se redresse lentement d'un mouvement ample et maîtrisé des jarrets pour quitter le sol petit à petit et cadrer la tablée où s'emballe le dialogue en plan large. Puis le monteur coupe et se rapproche des protagonistes par une suite de gros plans fort convenus sur autant de cuistres engoncés dans leurs costumes d'époques rigides et récitant des dialogues que le spectateur se fait toujours fort d'ignorer, car il est préoccupé par le plan précédent et se demande décidément s'il n'a pas raté quelque chose, un indice, une fêlure dans un pied de chaise voué à annoncer une cascade hilarante dans une séquence ultérieure ? Le travail d'orfèvre d'un chef décorateur zélé et passionné pour le mobilier d'époque ? Une tache sur la moquette qui indiquerait que Juliette Binoche avait "les anglais" lors du tournage ? Il ne sait pas. On ne sait pas. On ne sait pas pourquoi cette séquence commence avec cette caméra qui balaye le parquet sous des chaises avant de se décider à sortir de sous la table pour filmer les acteurs à hauteur d'homme. Et l'on ne saura jamais. Car le mystère que recèle ce plan n'est en réalité pas bien grand, il est cravaté et lunetté, il n'est pas épais, s'exprime avec une bouche pincée, et il s'appelle Patrice Leconte. A sonder ce mystère, on ne trouverait que la vacuité d'un esprit chétif. La séquence suivante s'ouvre sur un plan beaucoup plus réussi, infiniment plus sensé et pertinent, qui révèle un certain brio même, puisqu'il nous présente Emir Kusturica derrière les barreaux.
La Veuve de Saint-Pierre de Patrice Leconte avec Juliette Binoche, Daniel Auteuil et Emir Kusturica (2000)
Quand même les Bronzés 3, y'a Jugnot qui joue le rôle d'une vie :D
RépondreSupprimerC'est bien mérité ! Leconte m'a si souvent ruiné...
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup la légende de l'image avec Kusturica.
elle est bien dedans Binoche?
RépondreSupprimerOn dirait qu'il pisse derrière la porte sur la couverture de son bouquin pourri !
RépondreSupprimerJugnot, si je pouvais l'exploser...
RépondreSupprimerJaspert > J'ai pas vraiment eu le temps de voir Binoche dans les 10 minutes de film qui m'ont mis au supplice...
RépondreSupprimercomment une actrice comme Binoche qui a tourné avec les plus grands peut-elle faire un film avec cet enflure de Leconte????
RépondreSupprimerTRIVIA : En voyant Kusturica dans ce film, George Lucas a déclaré : "J'ai dépensé une fortune pour la fourrure de Chewbacca alors qu'il m'aurait suffi d'engager ce Roumain".
RépondreSupprimerTRIVIA 2 : Darren Aronofsky a abandonné le projet "Wolverine" parce qu'il tenait absolument à ce que Kusturica reprenne le rôle titre à la place de Hugh Jackman. Mais la marque Lipton Ice Tea a refusé car faire danser Kusturica comme un tchiplé entouré de salopes en maillots de bain dans leur pub n'aurait "pas donné une bonne image à l'enseigne en cette période de tensions avec les ROMs".
Je me suis posé la même question que l'Anonyme ci-dessus ! Puis j'ai ri aussi.
RépondreSupprimerJe rappelle que Juju Binoche a aussi tourné pour Danièle Thompson aux côtés de Jean Reno dans Décala Horaire.
RépondreSupprimerEt puis n'oublions pas qu'elle a tourné pour Klapisch dans Paris, un des pires films du siècle...
RépondreSupprimerFameuses trivias au fait.
RépondreSupprimerWolverine c'est de la tisane ?
Non c'est du flan :)
RépondreSupprimerJ'aime l'utilisation des mots "mordicus" et "jarrets" dans cette critique :-)
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