15 mars 2011

Rubber

Je viens de voir le déroutant Rubber. Un film gonflé à bloc, complètement déjanté, tout en dérapage contrôlé, qui tient la route qu'il s'est tracé, un peu trop d'ailleurs, car le film ne manque pas d'air mais il patine un peu et tourne en rond. Le réalisateur prend des voies de garage au risque d'emprunter des chemins de traverses et de crever en cours de route. Et au final, l'œuvre s'avère un pneu gonflante.

Brazil, Ciné live, Mad movies, Télérama, Télé-loisirs, Le Parisien, Ouest France, Première, TéléCinéObs, Le Figaroscope, L'Humanité, Paris-Match, je m'adresse à vous : si vous voulez encore plus d'expressions toutes faites et de jeux de mots lamentables, je suis à vous ! Bande de tocards. Vendre 5 ou 6 euros de tels torches-cul pour y écrire ce genre de conneries, c'est quand même se foutre ouvertement de la gueule du monde. Ce sont ces vannes, répétées ad libertam, que l'on retrouve à l'identique dans tous ces journaux papier, je n'ai rien inventé. Et des "critiques" sont payés pour écrire ça ? Des types qui font leur vie de cette écriture ? Laquelle écriture est sans doute leur passion, et ils écrivent ça ?...



Bref tout ça pour dire qu'il y a trois idées dans ce film mais qu'un court métrage d'une demi heure aurait largement suffi. Au lieu de ça ce trop long métrage s'étale difficilement sur 1h25 et se sabote lui-même. La fascination devant un pneu qui roule tout seul cède vite le pas à l'agacement devant un film potache qui n'a eu aucun mal à séduire quelques types et à se constituer un troupeau de fans désireux de l'élever au panthéon des navets ultra cultes. On croise ça et là quelques paumés qui arborent l'autocollant du film sur leur besace ou leur casquette. C'était couru d'avance, le pitch suffisait : un pneu vivant et télépathe fait exploser la tête des gens à distance. Belle ! Mais s'il fait sourire quelques fois le film n'est pas vraiment une comédie. Il n'est pas inquiétant non plus, échouant là où Christine ou Duel réussissaient. Il n'est pas grand chose à vrai dire. Et c'est pas la qualité de l'image obtenue à l'aide de ce fameux appareil photo Canon dont tout le monde parle qui parvient à rendre le film tant soit peu "beau". Enfin sur le plan des idées, c'est à peine si le réalisateur et scénariste Quentin Dupieux fait mouche lorsqu'il s'en prend au grand Hollywood.



Le bonhomme a manifestement un avis sur la question. Il a par exemple des choses à dire sur le concept de "cinéma total", qui devient un vrai sujet à l'ère de la toute-puissante 3D. En effet l'histoire du pneu est un film dans le film, or dans l'imaginaire soi-disant non-sensique de Quentin Dupieux le cinéma ne passe plus par un écran dans une salle obscure : le film est observé par des spectateurs qui partagent le décor désertique où se déroule l'action en temps réel et observent le récit à l'aide de jumelles, comme dans un théâtre à ciel ouvert. Dupieux veut aussi s'exprimer à propos de l'influence des producteurs sur le public, que le film décrit comme stupide et primitif. Les spectateurs demeurant sur le lieu du film plusieurs jours durant, ils sont nourris par la production qui les empoisonne, permettant au grand n'importe nawak qu'est leur fiction de s'achever en cours de route et sans plus d'explications. Vice versa, le spectateur avide d'action commande aux artisans du cinéma, comme lorsque le dernier spectateur vivant va se plaindre aux acteurs du manque d'explosions, et ainsi de suite. Malheureusement ces petites critiques adressées au système hollywoodien sont cousues de fil blanc et ne rendent que plus navrant un film franchement raté.


Rubber de Quentin Dupieux avec Roxane Mesquida (2010)