

En y repensant aujourd'hui j'avoue ne plus très bien me souvenir du film, comme s'il n'avait rien de réellement très marquant. On l'oublie un peu facilement et on doute de le revoir un jour. Rien n'est moins sûr. Il faut dire que le film a quelques défauts. C'est vrai que le couple adultère manque un peu de conversation pour qu'à la fin, quand Lindon s'immobilise dans le hall de gare, on soit véritablement saisi par son doute et sa douleur. Mais les deux personnages sont quand même liés par beaucoup plus (la musique, leurs passions et quelques paroles) que dans la majorité des films actuels dont les amants s'unissent follement en se débarrassant de leurs époux et épouses respectifs sans être liés par autre chose qu'une simple fringale sexuelle (un triste exemple parmi d'autres : le Partir de Catherine Corsini). Et puis tout au long du film de Brizé on voit que les sentiments des personnages les rendent discrets, muets, un peu autistes : ils ont toujours beaucoup de mal à faire des phrases, il y a des blancs dans leurs échanges. C'est la conséquence de leur amour naissant et interdit et ça les empêche inévitablement d'avoir de longs dialogues. Donc l'un dans l'autre tout cela tient debout et se regarde sans déplaisir, notamment grâce à une nouvelle interprétation hallucinante de Vincent Lindon.
En général voir les personnages d'un film pratiquer leur soi-disant métier est assez superficiel et superflu, à part quand il s'agit d'un polar où il est assez nécessaire que l'on suive le héros dans son boulot de flic. Mais il n'est pas rare que les réalisateurs insèrent dans leur film une ou plusieurs séquences uniquement vouées à nous représenter l'acteur dans l'exercice des fonctions du personnage qu'il incarne quand cela n'a pourtant pas d'intérêt probant. Pire, ça sonne généralement terriblement faux. Mais quand l'acteur c'est Vincent Lindon, rien n'est plus pareil, et l'on sent une protubérance germer en-dessous de notre ceinture en le voyant dégonder une fenêtre et changer un carreau. Car son personnage travaille chez Carglass et tombe comme un cheveu sur la soupe quand Kiberlain a besoin de changer la fenêtre de son appartement. Alors on sent le poids de l'expérience, l'odeur de la sueur, on voit la couleur du talent lorsque Lindon, qui s'est entraîné à la chose selon les méthodes radicales de l'Actors Studio et de Stanislavski, change une fenêtre. Une fenêtre qui n'oubliera jamais ce moment privilégié et le contact délicat des mains calleuses du bellâtre. Cet homme est un Dieu de l'acting, c'est un éphèbe doublé d'un putain de génie.
Même quand il a fini de bosser il est encore au boulot.
En général voir les personnages d'un film pratiquer leur soi-disant métier est assez superficiel et superflu, à part quand il s'agit d'un polar où il est assez nécessaire que l'on suive le héros dans son boulot de flic. Mais il n'est pas rare que les réalisateurs insèrent dans leur film une ou plusieurs séquences uniquement vouées à nous représenter l'acteur dans l'exercice des fonctions du personnage qu'il incarne quand cela n'a pourtant pas d'intérêt probant. Pire, ça sonne généralement terriblement faux. Mais quand l'acteur c'est Vincent Lindon, rien n'est plus pareil, et l'on sent une protubérance germer en-dessous de notre ceinture en le voyant dégonder une fenêtre et changer un carreau. Car son personnage travaille chez Carglass et tombe comme un cheveu sur la soupe quand Kiberlain a besoin de changer la fenêtre de son appartement. Alors on sent le poids de l'expérience, l'odeur de la sueur, on voit la couleur du talent lorsque Lindon, qui s'est entraîné à la chose selon les méthodes radicales de l'Actors Studio et de Stanislavski, change une fenêtre. Une fenêtre qui n'oubliera jamais ce moment privilégié et le contact délicat des mains calleuses du bellâtre. Cet homme est un Dieu de l'acting, c'est un éphèbe doublé d'un putain de génie.
Le film se conclut sur une chanson de Barbara. De la même façon que Barbara chantait de la variété avec une élégance et une délicatesse qui élevaient ses chansons un peu au-delà des basses prétentions de la chanson populaire habituelle, le film de Stéphane Brizé est un petit film, d'une modestie absolue, d'une simplicité biblique, parfaitement lisible, mais qui s'élève sereinement au-dessus de sa condition par son brin d'intelligence, et par l'effet bienheureux d'une certaine grâce qui naît en de timides instants : comme quand la caméra subjective se substitut au regard de Vincent Lindon quand il s'approche de la porte de la chambre où Sandrine Kiberlain est endormie. Le cadre reste un certain moment sur le visage de la femme avant ce tant attendu mouvement de caméra descendant le long du corps de l'actrice au gré de ce chaste désir de l'homme qui l'admire. Ou comme cette attente avant qu'il ne finisse par lui prendre la main alors qu'ils écoutent le morceau de violon ; ou encore la larme brillante et discrète qui se suspend sur l'œil de l'acteur (on rêverait alors d'être soi-même une petite larme salée ou n'importe quel filet de morve pendu au blair de Lindon) puis qui coule le long de sa joue quand il est dans la voiture, à la fin, et qu'elle l'attend sur le trottoir. Il faut dire aussi que ce qui fait une grande partie de la modeste réussite de ce film, de sa justesse (à tous niveaux), c'est le talent immense des acteurs, y compris de Kiberlain ou, tenez-vous bien, d'Aure Atika, eh oui. J'aurais donné sans hésiter le César du meilleur acteur à Vincent Lindon pour ce rôle, comme chaque année.
Mademoiselle Chambon de Stéphane Brizé avec Vincent Lindon, Sandrine Kiberlain et Aure Atika (2009)