7 mars 2011

Thunderbolt and Lightfoot

Parmi les films qui ressortent en ce moment dans les salles d'art et essai, nous avons la chance de (re)découvrir le tout premier long métrage réalisé par Michael Cimino en 1973 : Thunderbolt and Lightfoot (Le Canardeur, en français). Je ne l'avais jamais vu, je n'en avais même jamais vraiment entendu parler et ma surprise fut d'autant plus grande et belle. Le film commence par nous présenter ses deux personnages éponymes dans un montage alterné très rythmé. D'un côté nous avons Thunderbolt, interprété par un Clint Eastwood au sommet de sa forme, fraîchement sorti de L'Inspecteur Harry et déjà cinéaste en herbe, apparaissant ici dans un costume de pasteur au fond d'une petite église isolée de l'Amérique profonde. Mais le costume ne lui sied par particulièrement bien et très vite notre homme se voit forcé de quitter les lieux pour échapper à un type venu le dézinguer à coups de gros calibre. De l'autre côté, le réalisateur nous présente Lightfoot, sous les traits du jeune et fringuant Jeff Bridges affublé d'un costume génial de baba-cool tendance hippie, qui tire une bagnole dans une concession et s'éclipse à toute berzingue sur les routes rectilignes de la vieille Amérique. C'est dans leurs fuites parallèles que les deux personnages se rencontrent, Thunderbolt grimpant non sans difficulté dans le bolide fou de Lightfoot pour échapper à son meurtrier. Le road-movie est déjà lancé.




Dès la séquence qui suit, un dialogue à battons rompus s'engage entre les deux personnages. Quoique leurs tempéraments diffèrent, l'humour, la gouaille et un sentiment chevillé au corps de liberté les réunissent immédiatement. Puis très vite Cimino améliore son road-movie déjà haletant en le doublant d'un buddy-movie savoureux. Le cinéaste refuse de faire croire à un lent rapprochement des deux protagonistes, il met les pieds dans le plat lorsque Lightfoot, dans un échange très authentique et très fameux, demande littéralement à Thunderbolt d'être son ami. Ses arguments sont simples : ils ont l'air de bien s'entendre et ils pourraient réaliser de sacrés trucs ensemble. Le film n'a débuté que depuis quelques minutes et déjà les personnages nous ont mis dans leur poche. Nous sommes d'emblée curieux de suivre leurs aventures et de les voir changer de bagnole avec la même rapidité et le même goût de l'arbitraire qui les guide quand ils draguent les filles. Nous voilà sous le charme d'un vétéran taciturne de la guerre de Corée et d'un jeune chien fou gentiment bouffon, un tandem de choc lancé à toute vitesse sur les routes pour fuir à l'unisson un duo de tueurs sans scrupules, et au fil de leurs péripéties musclées, le film déploie un humour franchement délectable, avec une énergie détonante.




Sur fond de nostalgie pour une Amérique en pleine transformation, le film s'inscrit absolument dans la plus pure tendance du cinéma américain des années 70. On ne peut pas dire des deux héros du film qu'ils sont réfractaires à toute forme d'autorité, car en réalité aucune forme d'autorité n'apparaît dans le film. Ils ne sont donc pas vraiment des anarchistes puisque ni l'État, ni la loi, ni rien de tout ça ne semble exister dans leur monde, ou du moins Thunderbolt et Lightfoot ignorent-ils consciencieusement ces possibles freins à leur liberté entièrement consommée. Nos deux charmants héros font ce qui leur semble bon, ni plus ni moins. Et le film bat son plein lorsqu'il s'éprend de cette liberté qui caractérise ses personnages. Qu'il s'agisse de la mise en scène, qui alterne plans séquences et longs travellings, se permettant ainsi de filmer les vastes étendues américaines avec ses champs à perte de vue et, dans le fond, les sommets montagneux sublimes du Montana ; ou qu'il s'agisse de la narration, lorsqu'au beau milieu du film le récit prend un tournant surprenant et réjouissant, abolissant la course-poursuite pour réunir les poursuivants et donner une impulsion nouvelle à l'histoire vers le pur film de braquage, d'une manière ou d'une autre la liberté est au principe même de cette œuvre électrisante.




Mais si le film se veut bourré de rebondissements, d'humour et de légèreté, il n'en dresse pas moins un constat amer. Une scène particulièrement déjantée cumule ces deux sentiments, lorsque Thunderbolt et Lightfoot sont pris en stop dans un gros bolide piloté par un fou furieux accompagné d'un raton-laveur en cage. Le taré fait des zigzags sur la route, descend à pleine vitesse dans les fossés, puis finit par pousser sa bagnole sur le côté, laquelle enchaîne les tonneaux et finit défoncée dans un champ. Le psychopathe du volant descend alors de sa tire, empoigne un fusil, ouvre son coffre rempli de lapins blancs, les jette à terre et se met à essayer de leur tirer dessus à bout portant. Cette courte séquence, un peu à part dans le film, est à la fois très drôle et assez dérangeante. On tangue un instant entre le loufoque et le choquant. Et c'est ce drôle de ton que le film reprendra bien plus tard, en sa fin, après une séquence de braquage captivante, pour affirmer la suprématie de l'individualisme et la chute annoncée des innocents.




Réalisé quatre ans après le film-phare du Nouvel Hollywood, Easy Rider (1969), deux ans après l'un de ses plus beaux fleurons, Macadam à deux voies (1971), et la même année que L'épouvantail (1973), le premier film écrit et réalisé par Michael Cimino, s'il ne peut pas se vanter d'offrir la même radicalité que celui de Dennis Hopper ou la même invention formelle que celui de Monte Hellman, en cela plus proche de l'élan romanesque du film de Schatzberg et de son portrait humaniste d'une amitié improbable, se conclut lui aussi sur une note âcre, et se place idéalement dans l'Histoire du grand cinéma américain mordant et désenchanté des années 70. Film d'une profonde liberté, le premier opus de Cimino se joue avec humour et intelligence des genres, des attentes du spectateur et de tous les tons, passant du comique au tragique en un clin d'œil avec un effet soufflant sur le spectateur. Encore loin de la maestria surpuissante des grands chefs-d'œuvre de son auteur, Voyage au bout de l'enfer et La Porte du paradis, ce premier film était néanmoins annonciateur d'un immense talent et fut la rampe de lancement, que je vous recommande de tout cœur, d'un cinéaste hors-pair.


Thunderbolt and Lightfoot (Le Canardeur) de Michael Cimino avec Clint Eastwood et Jeff Bridges (1973)

49 commentaires:

  1. Bel article pour un film qui a l'air chouette et que je materai bientôt.

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  2. Je veux absolument le voir ! D'ailleurs j'ai regardé Serpico l'autre jour et je me rends compte que j'adore vraiment le cinéma ricain des 70's que je connais.

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    1. ... sauf, Joe Gonzalez, que Cimino n'est pas, mais alors vraiment pas, Sidney Lumet ! !
      Ce film est une pure esbroufe.

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  3. Alors là je suis complètement d'accord !!!

    Et justement, en (re)voyant Kill Bill, je me suis aperçu que les deux églises paumées au milieu de nulle part se ressemblaient sacrément, non ?

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    1. Si c'est vraiment le cas... ça n'arrange pas les affaires de Cimino. Et même les aggrave.
      Tarentino/Cimino... hon hon hon.

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    2. D'accord à 1OO %, Poulpard .
      Lent et laborieux, étiré, avec de la fumée qui pétarade de temps à autre pour cacher la misère du scénario et de la mise en scène.
      J'avoue ne pas comprendre l'engouement autour de ce mauvais réalisateur.

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  4. J'ai enfin vu Serpico récemment aussi, et c'est un putain de bon film :)

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  5. Hugo > Oui y'a sans doute quelque chose... En même temps les influences et références de Tarantino sont tellement nombreuses et permanentes que...

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  6. En tant que fan de Clint, je me devais de voir ce film. Et je ne l'ai pas aimé. Du tout.

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  7. Développe un peu, Poulpe. :-)

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  8. Je me doutais que tu me dirais ça.
    J'ai dû le voir y a deux ans et je n'en garde presque aucun souvenir, comme si je l'avais effacé de ma mémoire. A ce que je me souviens, j'ai trouvé ça très décousu avec beaucoup de situation forcées. Je me souviens aussi que j'avais pas aimé la façon de jouer de Jeff Bridges, ça m'avait marqué. J'avais aussi trouvé tout ça très lent et laborieux.
    Mais je pense surtout ne suis pas un grand fan du cinéma de Cimino. En fait, c'est le dernier de ses 4 films que j'ai vu (après Voyage au bout de l'enfer, la porte du paradis et l'année du dragon), et jamais aucun de ses films ne m'a emballé. J'ai quand même bien aimé Voyage au bout de l'enfer, mais le mariage de presque une heure au début a failli avoir ma peau. J'ai tenu 1h30 pour la Porte du Paradis, et si ça n'avait pas été un dvd de la médiathèque, je l'aurais lancé contre un mur. L'année du dragon ne m'a laissé aucun autre souvenir que de l'ennui et du désintérêt.

    Pour ce film là je me suis dit "T'as globalement eu du mal avec les films de Cimino que t'as vu avant mais là y a Clint. Tu t'es tapé Ça va cogner et Pink Cadillac, tu vas bien réussir à te "tanker" celui-là". Ben non, j'ai eu beaucoup de mal et j'ai fini par ne le regarder que d'un oeil. Cimino, je l'aime pas. Après, peut-être qu'il faudrait que je retente un visionnage mais je me dis qu'il y a des tonnes d'autres films qui m'attendent.

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  9. Ce que tu dis sur celui-là m'étonne. Le trouver "lent" et "laborieux", ça me tue vu que justement il est ultra rythmé, assez linéaire et progressif, avec de l'humour et de l'action, moi j'ai trouvé ça très captivant et très très enjoué.

    Ce que tu dis sur "Voyage au bout de l'enfer", ça fait plus que m'étonner, ça me flingue. La scène de mariage c'est la plus belle du film, c'est la scène maîtresse de l'œuvre, une des plus belles de toute l'histoire du cinéma. Si tu ne l'aimes pas effectivement tu n'aimes pas le cinéma de Cimino, mais c'est encore plus dommage au-delà de ça, vis-à-vis du cinéma tout court...

    Je peux comprendre que tu n'aimes pas spécialement Les portes du paradis, et encore plus que tu n'aimes pas L'année du dragon, même si le premier est quand même un bon film et si le second reste pas mal. Mais sur Voyage au bout de l'enfer, tu me butes, Poulpe.

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  10. Mouais, c'est pas parce qu'on n'aime pas un chef d'oeuvre unanimement acclamé all over the world qu'on n'aime pas le cinéma. Mais bon, on va pas polémiquer, j'aurais toujours tort.

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  11. C'est pas ce que j'ai dit, Poulpe.

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  12. Bon ok. Du peu de ce que j'ai vu de lui, je trouve Cimino laborieux et lourd. Je n'ai qu'à me rappeler les scènes d'ouverture de la porte du paradis et de voyage au bout de l'enfer pour m'en convaincre. J'en suis le premier désolé.

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    1. Sois pas désolé. C'est toi qui a raison, Poulpard . Cimino, on n'en parlait pas quand ce film est sorti (je peux te l'assurer, j'ai l'âge) .... Puis tout-à-coup un petit malin en parle, et là tout le monde s'ébaubit ... Mais t'inquiète, le soufflé (raté) retombe déjà.
      Cimino, c'est juste indigeste.

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  13. Ok. La scène d'ouverture du Voyage je trouve au contraire que c'est un exemple de grâce. C'est tout.

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  14. J'ai adoré ! Je l'ai regardé aujourd'hui avec un ami et on a kiffé nos races. La scène méga con avec le type qui tire sur les lapins m'a flingué. Et puis plein d'autres fois j'ai ri et j'ai adoré le duo d'acteurs et les répliques géantes (notamment tous les proverbes idiots de Bridges). Super film, merci beaucoup !

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  15. J'étais sûr et certain que ça allait te plaire à fond. Je suis bien content :)

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  16. J'ai maté ce film aussi. Marrant mais plutôt amer pour moi.

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    1. En plus, Bridges (à l'époque, il s'est bonifié depuis) et Eastwood (lui, il est resté le même) n'ont que 3 expressions....

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    2. Je crois comprendre, à d'infimes indices, que tu n'aimes pas tellement les films de Cimino, Lisette... Je me trompe ?

      Point n'est dans mon intention d'engager ici une discussion qui serait trop tranchée, même si je peux comprendre qu'on rejette en bloc ses trois dernières réalisations, ou même qu'on n'apprécie pas certains aspects de 'La Porte du Dragon' ou de 'L'Année du Paradis'. Mais s'il y a deux films de Cimino que j'ai toujours aimés entièrement et sans nuance (et sans avoir eu besoin d'un « petit malin » pour que je « m'ébaubisse » !), ce sont bien 'Voyage au bout de l'enfer' et 'Le Canardeur'. (Vous avez remarqué : dans le premier cas, la « traduction » française du titre rallonge et complique beaucoup par rapport à l'original, et dans le deuxième cas c'est l'inverse.)

      Allez, je pousse le bouchon un peu plus loin, quand même. Détester 'Voyage au bout de l'enfer' : à la rigueur. Dans mon cas, jamais, mais pourquoi pas, si l'on n'aime pas les films de trois heures évoquant le Vietnam, l'amitié virile, la communion avec la nature (je sais, je simplifie et dénature beaucoup le film en le résumant à tout cela), la scène de mariage en morceau de bravoure, la réunion finale de la « tribu » (comme disait l'autre)... Why not.

      Mais 'Le Canardeur', j'avoue que cela m'échappe. Je pleure systématiquement à la fin du film, l'inexpressivité d'Eastwood me semble ICI impeccable, je trouve Bridges hilarant et le lent processus qui l'affecte à partir du dernier tiers du récit (je n'en dirai pas plus, pour ceux qui ne l'ont pas vu) reste pour moi toujours aussi mystérieusement émouvant. Sans compter la cohorte de moments qui ne devraient pas être spécialement marquants et qui le sont pourtant, pour moi : le « reboîtement » de l'épaule d'Eastwood, l'attente de l'Idaho Dream, le moment où Eastwood explique à Bridges tout l'attirail de protection de la banque, l'épisode du fou aux lapins (jusqu'au rinçage de main par la fenêtre), et j'en oublie... Le fait que tous ces moments continuent de m'étonner, de me faire rire ou de m'émouvoir sans que je sache très bien pourquoi, même après une demi-douzaine de visions, m'incite à parler de grâce dans le cas de ce film, beaucoup plus par exemple que dans le cas de 'La Porte du Paradis' (dont on peut éventuellement trouver le « goût de la beauté » quelque peu voyant, voire laborieux), même si je porte aussi celui-ci très haut, mais pour d'autres raisons.

      Non, décidément, on ne sera pas d'accord sur ce coup-là, Lisette. Pas grave !

      PS : faisons gaffe, quand même, quand on parle un peu rapidement des soi disant « petits malins » qui feraient la pluie et le beau temps du goût critique. Je ne dis pas que cela n'existe pas, mais si l'on invoque cet argument à la va-vite cela peut vite devenir une auberge espagnole. Par exemple, je pourrais dire cela à propos de la redécouverte ces dernières années (et, à mes yeux, de la survalorisation, dans certains cas) du cinéma de Lumet, que tu cites plus haut. Et pourtant, je préfère ne pas. (Ou alors, il faut citer des noms, et des impostures précises !)

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    3. Première fois qu'on qualifie mes invectives d'"infimes indices"... !!! Qu'en termes élégants....!
      Bon, il est tard (enfin, tôt), mais oui : non, je n'aime pas les films de Cimino. J'aimerais bien, parce que le bonhomme est tellement.....!
      Mais bon, rien à faire, chaque fois je m'y fais chier, et copieusement. Je n'aime rien. L'image, le plan, ça sent le chiqué, le cérébral astiqué. J'ai déjà parlé ici de mon aversion pour l'image gélatinée. Insup-por-table ! Ses scenarios ne racontent rien. Je pèse mes mots: rien. Ce qu'il étire sur 2 heures (ou plus), pourrait tenir sur 20 minutes (Le Canardeur est l'exemple éclatant).
      C'est un cinéma, je répète, qui m'est insupportable. J'ai envie de me lever et de fuir. Alors non, je ne pleure pas à la fin du Canardeur.... je dors déjà depuis une heure.
      Quant à la supposée surestimation de Lumet... Alors là, les bras m'en tombent . Ils n'étaient pas nombreux ceux qui sont allés voir son dernier film à sa sortie ! Et ce n'est pas vieux.
      Il a fallu attendre sa mort pour avoir une mini-rétrospective à la Cinémathèque.
      Non, non. Là, tu exagères. Lumet n'est absolument pas surestimé. C'est faux. C'est même terriblement tout le contraire !

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    4. C'est toujours pareil, il faut ramener cela à la toute petite frange que représente ce qu'on appelle communément « la cinéphilie ». Mais au sein de celle-ci, je t'assure que j'ai entendu ces dernières années des propos visant à réévaluer le cinéma de Lumet (en particulier des films comme 'À bout de course', lorsqu'il a été beaucoup remontré dernièrement) qui le faisaient quasiment passer pour un John Ford contemporain. Et j'ai beau bien aimer certains de ses films, je trouve tout de même cela très exagéré. Le problème que j'ai avec Lumet, c'est que j'ai souvent le sentiment d'être devant du « pré » : pré-jugé ('Douze hommes en colère'), pré-senti ('À bout de course'), ou pré-visible ('Le Gang Anderson', vu dernièrement, dont tout le début m'a semblé très chichiteux pour vraiment pas grand chose, et la composition de grande folle de Martin Balsam — que je prise fort d'habitude — passablement grossière). J'ai même le sentiment que la cote très positive dont il bénéficie aujourd'hui (comme faisant partie des ultimes « grands cinéastes classiques ») tient en partie au côté « fatalitas au petit pied » : tout est déjà joué, il ne reste donc plus qu'à surjouer ce sentiment de l'inexorable (jusque dans l'aspect très volontaristement « film noir » de son dernier film). J'imagine bien que tu as pour ta part d'autres raisons d'aimer les films de Lumet, mais ce sont celles que je perçois le plus souvent dans les discours à son sujet et j'avoue qu'en ce qui me concerne, cela me laisse sur ma faim. Et comme dans le cas d'Arthur Penn (que tu apprécies plus que moi, nous en avons déjà parlé), les évidentes qualités humaines de Lumet (contre les diverses forme d'intolérance et de corruption, pacifiste, etc.) en font sans doute « un type bien», mais ne suffisent pas à en faire un cinéaste passionnant à mes yeux.

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    5. Bah, la cinéphilie qui parle de films... Le moyen que ce soit autrement ? Le mélomane parlera musique, le vendeur de patates de frites. E la vita...
      Je te trouve sévère avec Lumet. Peut-être en rajoutes-tu ? Peut-être éprouves-tu le même agacement que j'éprouve lorsqu'on encense Micino (!) ?
      Je t'accord que les films que tu cites ne sont pas ses meilleurs, même "12 Hommes en colère" si souvent porté aux nues (mais on peut lui accorder en revanche une force inouïe dans sa direction d'acteurs, Lumet est un des plus fortiches de ce côté-là à mon avis). Je rajouterai "Le prêteur sur gages" qui est ennuyeux et long. Et, non, évidemment, il n'est pas John Ford. Mais ils sont nombreux à ne pas l'être. En quoi cela ôterait-il leur talent?
      En revanche sur l'aspect "pré' dont tu parles, je ne suis pas du tout d'accord. Pour moi , c'est ça, avoir un point de vue. Et je préfère un point de vue très marqué que pas de point de vue du tout. Ce dont souffre la majorité des films aujourd'hui. Lumet en a un, il a un propos, pourquoi pas ? Qui peut s'en plaindre? C'est plutôt bien, non ?
      En outre, avec la maturité, Lumet s'est vraiment détaché de ce côté "appuyé". Au contraire, il est devenu un de ceux qui a le plus le sens de l'ellipse. Un Après-midi de chien, ou The Offence sont , à cet égard, absolument remarquables. Même dans ses "petits polars" comme Une Etrangère parmi nous. Souvent, l'important d'une scène se passe à côté de la scène , ou bien on l'apprend après.
      Il a gagné cela et, honnêtement, on ne peut plus lui reprocher d'être "gros sabots" ou "ostensiblement attendu" comme à ses débuts. C'est même tout le contraire. Sa mise en scène a gagné en modestie, en "mouchetage", très loin de la démonstration ! Y compris dans les films où le sujet/propos semble blindé d'avance comme The Verdict.
      Cela me fait penser à Paul Newman. Qui voit le Gaucher ne peut pas dire que c'est le même Newman que dans Verdict...
      Ce qui nous amène à Arthur Penn. Je l'aime beaucoup aussi. Mais si je me pâme devant La Poursuite Impitoyable, ou Miracle en Alabama, ou Bonnie and Clyde, ou Night Moves... je lui reconnais quelques solides ratages ! Je n'aime pas Le Gaucher, justement. Il possède ce côté "pré" que tu attribues à Lumet .
      Target est vraiment sans inspiration, sans émotion, trop long, on ne s'intéresse à rien (malgré un début prometteur). Mickey One est quand même bien ésotérique... Trop.
      Quant à Missouri Breaks, c'est assez in-regardable. Mais j'adore son film d'après : Georgia.
      Penn, c'est le chaud et le froid, en permanence. Mais, au moins, personne ne peut dire qu'avec lui, c'est pré... acquis.

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    6. J'ajoute que je n'aime jamais un réalisateur juste parce que c'est un "type bien". Je suis résolument formaliste. Et rien ne m'énerve plus qu'un critique qui me parle de l'histoire ou que des acteurs sans me parler mise en scène ou intentions de forme. C'est sans doute pour cela que des types très bien, comme Martin Ritt, ou Stuart Rosenberg par exemple, me laissent vraiment souvent sur ma faim. J'en ai déjà parlé ici sur "Luke La main froide".
      Après, bien sûr, si le type a, en plus, un discours pas trop dégueulasse, ça me séduit encore plus. Disons, au hasard, un type comme Delmer Daves.
      Politiquement, j'apprécie et j'estime un type tel que Martin Ritt, mais je m' ennuie vite avec lui (sauf sur Conrack , ou éventuellement la séquence de la mort de Zero Mostel dans The Front).
      Je ne m'ennuie par contre jamais avec un Walsh ou un Don Siegel. Je peux revoir dix fois Dirty Harry (malgré Clint Eastwood... - Allez-y, les gars, tombez-moi dessus !)

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    7. C''est drôle parce que quand je te parlais de Lumet et de Penn, je pensais aussi à Martin Ritt (il fut un temps où j'attribuais 'The Molly Maguires' à Lumet).

      Raoul Walsh, c'est la classe au-dessus. On boxe dans une autre catégorie. Je suis loin d'avoir tout vu de lui et, sur le nombre ahurissant de films qu'il a réalisés, certains ('O.H.M.S.', par exemple) sont plus oubliables que d'autres, mais n'eût-il réalisé par exemple que 'Les Fantastiques Années 20' (et il en a réalisé bien d'autres, des inoubliables pour le coup) que tout lui serait pardonné !

      De même, bien que je ne le place pas au même niveau, Siegel a réalisé 'L'Invasion des profanateurs de sépultures', hallucinant à tous les sens du terme, et c'est le genre de film qui fait d'emblée passer toute une filmographie à l'échelle supérieure...

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    8. Les films au tonton Raoul, c'est... Pffff !
      Plus de mots à ce stade.

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    9. Pas facile de te suivre. D'accord avec toi sur Lumet, que je tiens en très haute estime, y compris pour "12 hommes en colère", qui est un très grand film, mais quand tu qualifies "Missouri Breaks" d'in-regardable, ça me fout les j'tons... Pas que je le tienne pour une merveille, mais faudrait peut-être voir à ne pas déconner. J'aurais préféré que tu trouves des mots pour Walsh et que tu laisses Penn peinard.

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    10. (Inutile de préciser que je suis en désaccord total sur Cimino. Et, dans une bien moindre mesure, sur Ritt et Rosenberg).

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    11. En revanche, pour faire bonne mesure, je dois préciser que je ne pensais pas du tout à Lisette quand je parlais de la part que peut occuper l'évaluation morale de l'homme Lumet (« un type bien ») dans celle de son cinéma. Je la sais autrement finaude !

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    12. "Pas facile de te suivre"... Mais Penn bat souvent le chaud et le froid, non ? Ils sont rares ceux qui peuvent éblouir aussi intensément et ennuyer aussi intensément ! Au moins la preuve d'un réel caractère, d'une volonté de recherche hors des pistes déjà tracées.
      Or donc. Missouri Breaks...
      Je n'y peux rien, Brando -que j'adore- m'exaspère dans ce film. La mise en scène et le scénario erratiques sont assez vite crispants. J'ignore si Penn a eu des problèmes de montage ou de final cut (comme sur "La Poursuite" qui reste pourtant époustouflant ), mais quand j'ai découvert le film à sa sortie je lui en ai beaucoup voulu de me décevoir autant !
      Ah tiens, j'oubliais "Alice's restaurant" que j'aimais beaucoup. Même si je demande à revoir un film tellement "dans son air du temps". Serais curieuse de voir si, 40 ans plus tard, il tient toujours la route. Ma dernière vision de ce film remonte à... Forget it, Jake.
      Bon. Lumet.
      Je ne sais pas ce que tu as compris, Rémi, j'ai dû mal l'exprimer, mais Lumet est, pour moi, un très grand ( même s'il y a quelques films que je trouve moins accomplis que d'autres, of course, quoi de plus normal sur une filmo aussi importante!).
      Comme je le disais, il est devenu de plus en plus grand au fur et à mesure qu'il est allé vers une certaine simplicité, limpidité, moins de "machinerie et dramaturgie lourdes" que (au hasard ) Les 12 Hommes, ou que (tjrs au hasard) L'Homme à la peau de serpent (en outre: Brando et Magnani, oscar du cabotinage ex aequo). J'ai déjà cité dans un commentaire précédent les films de Lumet qui me semblaient les plus réussis.
      Enfin, il y a de l'honneur à clore sa carrière sur un film aussi magistral que "7h58 Ce samedi-là" (Hamster, ai-je cru comprendre, n'est pas aussi enthousiaste sur ce dernier, il a tort ).
      En tout cas je n'ai jamais, jamais autant regretté Lumet qu'avant-hier, en regardant "Un homme très recherché" dont la mise en scène plate et morne vous foudroie et vous réduit en poussière un scénario pourtant très bon.

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    13. Ah ça, malgré mes réserves quant à Lumet (allumette, ouaf ouaf ouaf), je n'ai aucun de mal à croire qu'il surclasse un Anton Corbijn, la présence de Philip Seymour Hoffman dans leurs derniers films respectifs invitant peut-être à cette comparaison. Là aussi : pas les mêmes catégories. Et qu'on ne vienne me dire que je joue là le passé contre le présent, ou l'origine « pur cinéma » contre l'origine « clip vidéo », cela n'est nullement l'essentiel (d'autant qu'on l'a un peu oublié avec les années, mais Lumet vient lui-même de la télé).

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    14. Non c'est moi qui ne sais pas ce que tu as compris, parce que je t'ai justement dit que j'étais d'accord sur Lumet (c'est déjà ça). Même si j'ai moi aussi de grosses réserves sur le dernier, qu'il me faudrait cependant revoir.
      "Alice's Restaurant", vu récemment, se laisse regarder, mais n'est pas un grand Penn.

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  17. Rémi... Quand tu dis que "ça te fout les jetons", tu veux dire "les boules" ?
    Ouarf.

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  18. Quel âge avez-vous (approximativement) et comment avez-vous connu ce blog, Lisa Frémont ?

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    1. C'est pour les statistiques?
      57 ans. Adolescence à la jonction de l'ancien et du nouveau. Découvert les 70's , Pakula, Schatzberg, Lumet, Penn (et Cimino !) etc, sur grand écran à la sortie. Une de mes grandes fiertés est d'avoir eu le nez d'aller voir (au lieu de réviser le bac) le jour de sa sortie en salle "Breezy" de Eastwood... Il a été retiré de l'affiche 2 jours plus tard pour cause d'absence du public. En effet j'étais toute seule dans la salle cet après-midi-là. On a du mal à le croire, maintenant, hein ?
      En réalité, ce n'est pas du tout pour Eastwood que j'y allais, c'était pour Holden !
      Dans le même temps, à l'époque, on pouvait encore rencontrer et entendre de vive voix des King Vidor, des Gloria Swanson ou des Bette Davis dans les festivals ou les cinémathèques. Beh wé. Faut bien un ou deux privilèges à l'âge. Ok, j'ai l'air vieux con en disant ça.
      Tiens, un joli souvenir : Tu as 16 ans, tu as séché le lycée pour aller à la Cinémathèque voir un petit film noir et blanc punchy et sympatoche (Love is news) de 37 ou 39 et, quand la lumière revient, tu te lèves et tu te demandes c'est quoi le petit attroupement deux rangs derrière.... Tu finis par comprendre que le vieux petit monsieur tout timide et tout étonné qui est assis là, c'est Tay Garnett le réalisateur. Et hop, à la bonne franquette, pas prévu, la petite poignée d'aficionados que nous sommes se met à lui tailler le bout de gras. Le Tay, il était à Paris juste pour le fun, en villégiature. Amaaazing, isn't it ?

      Connu ce blob et conçu énorme estime pour lui le jour où j'y ai lu ce que j'avais envie de lire depuis longtemps sur Carné et Renoir (c'était à propos du Carosse d'or).
      Know all about me, Tank.
      Alors... heureux?

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    2. Très heureux, merci ! :)

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    3. 57 ans : 1957, donc, l'année du 'Faux coupable' (quoi qu'en dise IMDb, qui le date de 56 du fait de deux précoces avant-premières américaines), de 'Du sang dans le désert' et de 'Douze hommes en colère'. Pas étonnant que tu sois une inconditionnelle de Henry Fonda !

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    4. Fondue de Fonda, exact ! Il y a douze (sic) jours, je me refaisais justement Young Mister Lincoln. Et même avec son faux nez....

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  19. Les films de Cimino sont souvent des grosses merdes boursouflées avec quelques paillettes d'or à l'intérieur.

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    1. Les phrases de ce genre émanent souvent d'egos boursouflés, avec rien du tout à l'intérieur.

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    2. Je trouve que c'est une belle image, peut-être un peu forte et exagérée, mais elle a le mérite de résumer en une phrase ce qu'une part non négligeable des cinéphiles pensent de Cimino. Ce n'est pas la peine de répondre de manière si péremptoire et offensive aux gens qui ne sont pas de votre avis, et de leur prêter des tailles d'egos sans commune mesure avec la réalité (normal car nous ne nous connaissons pas, par contre nous connaissons le cinéma de Cimino. Vous aimez, ça me fait chier. Maintenons donc la discussion sur ce terrain).

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    3. Suite à une bonne nuit de sommeil (cf. l'heure à laquelle j'envoie ce message) : l'honnêteté m'oblige à dire qu'immédiatement après envoyé ma réponse à votre commentaire, je n'en étais pas spécialement fier, pour avoir moi-même reproché à d'autres participants de la partie forum du présent blog de placer leurs attaques sur un plan personnel. Disons que c'est le côté « offensif et péremptoire » de votre propre message qui m'a fait réagir du tac au tac sur le même mode, et que j'ai validé ma réponse avant d'avoir le temps de le regretter.

      Péremptoire, votre message, pas besoin de vous faire un dessin : il n'est qu'à relire votre courte phrase. Offensif, non pas directement à l'égard de la personne des autres commentateurs, mais parce qu'un commentaire tel que le vôtre m'aurait paru plus recevable en début de discussion : ramené à une phrase aussi cinglante, affirmative et laconique (je sais que j'ai pour ma ma part tendance à écrire au contraire beaucoup trop longuement pour des propos en ligne, mais il y a un juste milieu) alors qu'on avait auparavant tenté, sur la base du texte de Rémi, d'élaborer et de confronter (fût-ce sans grande inspiration, et je parle pour moi) des opinions à propos de Cimino en général et du 'Canardeur' en particulier, votre commentaire me faisait déjà l'effet, à tort ou à raison, d'une offense (où l'on retrouve Sidney Lumet...). Ce qui ne justifie pas, en effet, que je vous aie répondu comme je l'ai fait. À défaut de pouvoir le faire réellement, je remplace et annule donc ma précédente réponse par celle-ci.

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    4. Je n'ai pas l'habitude de cracher sur les artistes qui tentent des choses. Quoi qu'on en dise de Cimino il faut lui laisser tout de même un peu de respect. Il ne fera jamais l'unanimité mais ce n'est pas pour autant un vulgaire Pecas ou bien même Uwe Boll.

      Après qu'il soit un peu idéalisé en France est une réalité. Surtout par les critiques. Cependant il faut admettre que son œuvre est assez inégale .

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    5. Hé, hé, Abona, hé hé... Si je ne me retenais pas...
      Si je ne me retenais pas, je dirais que...
      ... que vous z'êtes pas loin d'avoir raison.

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    6. Je me permets une remarque qui a forcément ses limites statistiques : si l'on s'en tient aux seuls commentaires laissés sur la présente page, le présupposé systématiquement positif voire l'idolâtrie dont bénéficieraient désormais les films de Cimino ne sont pas si criants que cela. Il n'est qu'à voir les réserves, pour la plupart radicales, de Poulpard, de Lisa Frémont, d'Abona et de Nick Longhetti (ou encore ma propre tentative d'être nuancé à propos d'un cinéaste qu'au bout du compte je place quand même assez haut dans ma hiérarchie personnelle). Nick Longhetti vient d'écrire qu'« il ne fera jamais l'unanimité » : c'est le moins qu'on puisse dire !

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    7. Absolument.
      Par ailleurs, sans parler des commentaires ci-dessus, Cimino est certes possiblement survalorisé par la critique, mais il est loin, me semble-t-il, de faire le plein auprès du public, ce qui pousse possiblement la critique à le mettre en avant avec une forme d'excès.

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  20. ENFIN VU ! (4 ans après...)
    Et j'ai adoré. C'est une sorte d'idéal ce film...
    Je le reverrai avec plaisir très vite.
    Je rejoins totalement ta critique, Rémi.

    En aparté : ça m'étonne beaucoup que le Poulpe n'ait pas aimé, mais je veux pas retourner le couteau dans la plaie... A mon avis, il faudrait qu'il le retente, car je ne retrouve pas du tout le film dans la description qu'il en fait rapidement. Sûrement pas dans un bon jour, le Das...

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