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Pour causer un peu du scénar... j'ai même pas envie d'en causer du scénar ! C'est tiré d'une nouvelle (le film fait pourtant presque trois plombes) de Madame de Lafayette. On se demande bien ce que Tavernier veut nous raconter au final. Le destin d'une femme du monde brisé par la convoitise des hommes de pouvoir ? Un portrait sans pitié de l'époque ? Cette époque de guerre entre catholiques et huguenots que Tavernier semble prendre plaisir à dépeindre en donnant à son film un aspect documentaire vraiment chiant ? Il espérait sans doute rafler la mise aux Césars comme Patrice Chéreau en son temps, qui fit frémir l'hexagone avec La Reine Margot, un autre grand film sur la France, filmé dans de beaux décors, paré de belles musiques, distribuant une pelletée d'acteurs célèbres et jonglant entre l'amour et le sang. Mais Tavernier ne jouit pas vraiment du statut de grand auteur austère dont peut se vanter Chéreau, et Mélanie Thierry est loin de l'aura que dégageait Isabelle Adjani à l'époque. Par ailleurs la séquence historique la plus marquante de La Princesse de Montpensier n'est pas un grand bain de sang déjanté et éprouvant mais une nuit de noces forcée où la demoiselle est dépucelée dans la douleur, surveillée jusque dans ses saignements par une femme de chambre omniprésente tandis que son père et son beau-père jouent aux cartes assis sur le bord du lit pour s'assurer du bon déroulement de la cérémonie d'accouplement. En dehors de l'éventuel intérêt documentaire de l'anecdote, il n'y a pas de quoi applaudir Tavernier, qui filme presque la scène avec cette vulgarité qui la constitue et qu'il veut condamner. Peut-être aussi que le cinéaste a voulu faire un film non seulement historique mais puissamment romanesque, sauf que son récit est plein d'incohérences, ou disons de manques... y'a des courants d'air là-dedans qui m'ont complètement enrhumé.
Je l'ai vu à une avant-première, en présence de Tavernier et de Gaspard Ulliel, doté de ce charme fou qu'il entretient grâce à des habits très chers et à une coiffure en plâtre qu'il ne quitte plus depuis la pub de Scorsese qui l'a révélé. Ulliel qui n'a pas de chance non plus car il sonne apparemment assez creux, d'après les réponses qu'il a pu donner aux questions que ses fans lui posaient. Son personnage est quant à lui complètement débile, remarquez. Mais je ne m'étendrai pas sur un quelconque grief à l'encontre de la fossette balafrée du cinéma français, c'est pas de ça du tout dont je veux parler. Tavernier dit avoir pensé à La Prisonnière du désert pour son plan final, mais précise qu'il n'a pas voulu l'imiter, parce que c'est de toute façon trop beau. "Si un jour j'arrive à faire le centième de ce que fait Ford dans ce plan, sans dialogues ni rien, je pourrai dire que j'ai accompli quelque chose". Au moins est-il lucide, notre Tavernier hexagonal putain d'aussi bavard que son propre film. Mais il est aussi aux fraises... Renoir, expliquant son souhait avec La Règle du jeu de s'éloigner du naturalisme de La Bête humaine pour retrouver le classicisme de Marivaux, Beaumarchais ou Molière, disait : "C'est très ambitieux, mais je vous ferai remarquer, mes chers amis, que quitte à prendre des maîtres il vaut mieux les prendre grands ; ça ne veut pas dire qu'on se compare à eux, ça veut tout simplement dire qu'on essaie d'en prendre de la graine". Tavernier pourrait essayer d'atteindre le centième du génie de Ford, déployé en un seul plan, certes magnifique, ça serait au moins ça... Au lieu de quoi son film est parfaitement raté, et les critiques ont eu raison de le descendre à sa sortie à Cannes.
La Princesse de Montpensier de Bertrand Tavernier avec Mélanie Thierry, Gaspard Ulliel et Lambert Wilson (2010)