
Le film est littéralement coupé en deux. On a droit à deux films en un. Le premier, qui dure donc une heure, c'est Kate Winslet dans le rôle d'une Allemande analphabète sans le rond qui se retape un petit lycéen au physique balbutiant. A la fin de cette première partie les deux amants cessent enfin de se fréquenter. Le second film, qui s'étend sur un peu plus de trois quarts d'heure, puisqu'il dure précisément une heure, c'est l'histoire de ce jeune amant devenu étudiant qui est désormais en fac de droit, dans le pénal, et qu'un professeur émérite (le fameux Bruno Ganz'ta rap) invite au tribunal pour assister au procès d'un groupe d'anciennes nazies jadis chargées de garder les détenues de certains camps et qui comparaissent l'une après l'autre car elles sont présumées responsables de la mort de plus de 300 juives. Au banc des accusées, Kate Wetslip.
A la fin du film (vous pouvez me remercier de vous en épargner la vision en asseyant mon énorme cul sur tout suspense, mais vous pouvez aussi arrêter de lire cet article à cet endroit), elle se laisse condamner à la prison à perpétuité à la place de ses anciennes camarades nazies en affirmant avoir elle-même donné certains ordres d'exécutions écrits, alors qu'elle est analphabète, assumant ce mensonge précisément pour cacher sa tare et garder le secret de cette incapacité à l'écriture qui lui fait honte. Au final, son ancien amant, qui a assisté à cette condamnation volontaire avec un walk-man sur les oreilles, est devenu un homme assez charmant incarné sans effort par Ralph Fiennes, ce comédien à la gueule d'ange des Carpates ! Notre avocat frais émoulu se rappelle soudain de la Kapo qui l'a dépucelé du haut et du bas et qui dépérit en taule depuis des lustres, et lui envoie en prison une collection de cassettes audio sur lesquelles il s'est consciencieusement enregistré en train de lire des livres, afin de permettre à son ex d'apprendre à écrire. Elle envoie de fait des tonnes de courriels à son ex-amant pusillanime qui ne lui répond que par de nouveaux enregistrements littéraires. Le jour où elle doit être enfin libérée, elle se pend, n'oubliant pas de léguer le peu de fric qu'elle possédait à l'unique juive rescapée des massacres nazis auxquels elle a assisté. Je viens de réaliser sous vos yeux ce que Stephen Daldry, le réalisateur de cet étouffant long métrage, n'a jamais pris le temps de faire : écrire le script.
La première moitié est aussi longue que morbide. La seconde est trop courte pour se mesurer à l'ampleur du sujet qu'elle prétend traiter. Le tout est non seulement assez pénible mais souvent très mauvais, en vérité mal fait. On dirait que Daldry essaie de causer aux uns dans un premier temps puis aux autres dans un second, en juxtaposant finalement deux films disjoints et aussi boiteux l'un que l'autre. Causer à tout le monde c'était déjà l'apanage de Sydney Pollack et d'Anthony Minghella après lui, qui ont tous deux produit ce film qui leur est dédié car ils sont tous les deux morts à quelques jours d'intervalle en le regardant.
The Reader de Stephen Daldry avec Kate Winslet et Ralph Fiennes (2008)