26 avril 2011

L'Ombre du vampire

L'Ombre du vampire, le deuxième long-métrage de l'obscur cinéaste Elias Merhige, revient sur le tournage de Nosferatu, où des évènements bien étranges se produisent. On y suit l'équipe du film, retirée en Tchécoslovaquie pour les besoins du tournage, et amenée à côtoyer le mystérieux acteur incarnant Nosferatu, Max Schreck, dont seul le réalisateur, Friedrich Murnau, connaît la véritable identité. Mais L'Ombre du vampire n'est pas un banal film de vampire, loin de là. Très vite, nous sommes amenés à nous demander qui est le vrai monstre, qui est le pire vampire de cette histoire. La véritable créature de la nuit que semble être Max Schreck ou le cinéaste Friedrich Murnau qui pousse ses collaborateurs, et en premier lieu ses comédiens, dans leurs derniers retranchements, afin d'aspirer leur vitalité avec l’œil tout-puissant de sa caméra. Assurément, Elias Merhige traite avec ironie du rôle du metteur en scène et, plus largement, celui de l’artiste, du créateur. Son film mêle habilement fiction et réalité, s’emparant des rumeurs bien réelles qui entouraient l'énigmatique comédien Max Schreck, à travers une mise en abyme originale et bien pensée.



Les deux comédiens principaux sont à saluer. En particulier Willem Dafoe, qui est ici continuellement sur la corde raide. Toujours entre la justesse et le ridicule, dans lequel il parvient miraculeusement à ne jamais tomber pour de bon, même lors de cette scène où on le devine attraper au vol une chauve-souris pour la grignoter. C’est donc là une belle prestation pour un acteur qui prend vraisemblablement du plaisir à jouer un tel personnage. John Malkovitch n’est pas en reste. Son éternel strabisme discret qui lui donne un regard si particulier, complice mais sournois, convient parfaitement au Murnau vicelard qu’il est supposé incarner. On pense immanquablement au superbe film de Michael Powell, Le Voyeur (Peeping Tom en version originale), lorsque l'on voit l’attitude de Murnau, tellement obsédé par son art qu’il en vient à commettre l’impensable, à filmer la mort survenant sous ses yeux, sans jamais sortir de son rôle de cinéaste, d'artiste, et au contraire, en l’étant à ce moment-là plus qu’à aucun autre.



Tout cela, ajouté à ce dont je parlais dans mon premier paragraphe, fait de L’Ombre du vampire une œuvre intéressante, assez riche et sans aucun doute propice à l’analyse. Mais le problème du film est peut-être de trop susciter cette analyse, de l'appeler trop lourdement. Le film a ainsi le cul entre deux chaises, et ne choisit jamais vraiment son objectif. Les scènes supposées faire peur ne touchent strictement jamais leur but. Et, mis à part lors de la scène finale, Elias Merhige parvient à ne créer aucune tension. Son film ne décolle jamais véritablement, même s’il intrigue tout du long. Malgré tout, cela reste un bel hommage au chef-d’œuvre de Murnau plus qu’au cinéaste qu’il était… Hélas, si Merhige est fasciné par le film de Murnau, autour duquel il démontre que l'on peut créer encore et encore, il en oublie l’essentiel. Son film paraît uniquement conçu pour se prêter à une analyse froide, détachée de toute poésie et de toute passion.


L'Ombre du vampire d'Elias Merhige avec John Malkovitch, Willem Dafoe et Udo Kier (2000)

8 commentaires:

  1. Ça donne envie de voir le film principalement pour le numéro des deux acteurs, et surtout ça donne envie de revoir le Murnau !

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  2. Peeping Tom (Le Voyeur) est aussi lourdement cité dans Scream 4, tiens...

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  3. J'ai envie de voir les trois (Murnau, Merhige et Powell) moi.

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  4. Il est super "Le voyeur" de Powell, et c'est pas du tout un film qui ne reste pas dans la mémoire, ni un film vers lequel on n'a pas envie de retourner, c'est un sacré bon film, un grrrrrrrrand film :D

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  5. IL FAUT AVOIR VU BEGOTTEN de Elias Merhige! Vous l'avez vu?
    Shadow of the vampire a peu a voir mais il est intéressant qd même..

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  6. Corwin : Je l'ai de côté depuis un moment et je finirai certainement par le voir un jour. Il m'a toujours intrigué, même si j'en ai un peu peur à la fois...
    Ton pseudo est une référence aux Princes d'Ambre de Zelazny ou rien à voir ? :)

    Rémi : Ouais, mais je lui préfère Wicker Man ou Walkabout. :p

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  7. Oui c'est bien une référence au cycle d'Ambre! Un pseudo qui me suit depuis des lutres.. :-)

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