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Les deux personnages principaux et co-narrateurs du film se cèdent tour à tour la place, racontant leurs histoires respectives par étapes successives et parallèlement l'une à l'autre. A chaque changement de locuteur le film revient au fameux diaporama en N&B du présent pour retrouver les deux compères assis face à face, rieurs à souhait, buvant tout leur soûl et relançant systématiquement le récit de leurs souvenirs par un joyeux "Tchin-tchin" (le film est pourtant bien coréen). Or ce que ces deux amis ignorent, c'est que leurs histoires se recoupent et impliquent les mêmes personnages. Et c'est là que Ha Ha Ha est intéressant, puisqu'il nous raconte deux histoires qui pourraient n'en être qu'une mais qui, vues à travers la subjectivité exclusive de l'un ou l'autre personnages, deviennent indépendantes. D'où ces protagonistes à double-visage et cette obsession des apparences, qui passe aussi dans le scénario par le personnage de la guide touristique qui envisage la qualité de sa propre existence à l'aune d'une figure tutélaire déifiée et écrasante incarnée par un grand héros de guerre corréen ; ou cette dispute au restaurant à propos d'un type sur les quais qui a l'air d'un clochard mais qui n'en est peut-être pas un. Hong Sang-soo, que j'éviterai ici de comparer à Rohmer ou à Resnais comme certains l'ont fait, et sans doute à juste titre, s'en tire assez bien avec la dimension ludique qu'il donne immédiatement à son film, lequel est parfois assez drôle d'ailleurs, mais aussi touchant en d'autres moments, comme à la fin, lors de cette scène de voyage en bus où les deux amants se disent la simplicité et la rémanence de l'amour qu'ils éprouvent l'un pour l'autre.
Néanmoins, on pourrait reprocher à Hong Sang-soo de n'être pas allé assez loin avec cette histoire et de n'avoir pas exploité à fond le potentiel cinématographique à sa disposition pour faire de ce sympathique film un grand film. Avec cette idée d'entremêlement du passé et du présent notamment, le cinéaste tient le bon bout mais ne va pas jusqu'au nœud de son filon, ce qu'il aurait pu faire en appliquant par exemple de façon plus radicale ou plus expérimentale cette volonté d'amalgame, d'influence et d'interpénétration aux récits parallèles et entrecroisés de ses deux narrateurs. Mais c'est déjà refaire le film, qui certes se contente un peu paresseusement d'une bonne idée qu'il n'exploite pas à sa juste valeur, mais qui se révèle tout de même assez original et savoureux, un peu long mais franchement intéressant, et qui est surtout - c'est une belle qualité que partagent certains films presque ratés ou disons loin d'être parfaits - assez stimulant en cela qu'il permet au spectateur de fabriquer son propre film et de le voir par extrapolation dans celui qu'il a sous les yeux.
Ha Ha Ha de Hong Sang-soo avec Kim Sang-kyung, Moon So-ri, Jun-Sang Yu (2010)
Ha Ha Ha de Hong Sang-soo avec Kim Sang-kyung, Moon So-ri, Jun-Sang Yu (2010)
Bien que j'aie pioncé comme un loir pendant 3/4 d'heure, j'ai trouvé le film sympathique mais un peu ennuyeux. Mais c'est déjà mieux que "Night and day", qui m'avait royalement fait chier (et je ne m'étais même pas endormie, le monde est mal fait).
RépondreSupprimerConnaissant bien Hong Sangsoo (j'ai vu pratiquement tous ses films sortis en France, hormis celui-ci), il fait rarement, voir très rarement de grands films, mais souvent de bons films assez agréable. Mon préféré classiquement est la femme est l'avenir de l'homme (peut-être aussi parce que le premier que j'ai vu).
RépondreSupprimervous êtes bons quand vous êtes pas des petits cons.
RépondreSupprimerCa donne envie de voir le movie !
RépondreSupprimerJ'ai l'impression que ce film est sorti il y a 10 ans tellement mes souvenirs semblent lointains. Malgré ça, à relire ton chouette article, j'ai vachement envie de lui donner une seconde chance!
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