3 avril 2011

Splice

Le cinéaste canadien d'origine porto-ricaine Vincenzo Natali est un roi de la tag-line et de l'idée qui tue. C'est un cinéaste spécialisé dans la science-fiction et qui carbure aux pitchs accrocheurs généralement basés sur une idée aussi simple qu’intrigante et originale. Il s'est fait connaître du grand public en 1997 avec Cube, où l'on pouvait lire sur l'affiche : "Ne cherchez pas une raison, cherchez plutôt une putain d'issue !". Le film, que ses quelques suites n'ont pas aidé à nous faire comprendre, fut un immense succès commercial et gagna plusieurs prix. Je l'ai moi-même vu une paire de fois, avec toujours la même sensation de me croire, à l'instar des personnages, coincé dans un Rubik's Cube géant, peut-être aussi parce que j'habite dans un hideux HLM... Quelques années plus tard, avec Nothing, Vincenzo Natali réalisait le rêve de deux gros geeks attardés : faire disparaître le monde extérieur. Résultat : le duo de fans des Chevaliers du Zodiaque se retrouvait enfermé dans une maison plantée au milieu d'un néant blanc infini, dotée d'un sol étrangement rebondissant. Vincenzo Natali est comme ça : il a toujours une idée de départ pouvant se résumer en une ligne qui lui fout la trique, puis il torche un film de SF entier à partir d'elle. Mais ça se finit généralement en eau de boudin, car Natali a bien souvent du mal à terminer correctement ses films et à trouver un second souffle une fois que les possibilités offertes par son concept de base ont toutes été éventées.



Quid de Splice, son dernier rejeton ? Pas vraiment de pitch de fou ici. Vincenzo Natali, qui a apparemment toujours cherché à imbriquer des thèmes philosophiques dans ses films de genre, nous offre une nouvelle déclinaison du mythe de Frankenstein ou le Prométhée moderne et revient ainsi aux sources de la science-fiction. Dans Splice, un couple de savants surdoués réussit à créer un être vivant d'une nouvelle espèce à partir de leur ADN mêlé à celui de différents animaux de type skons ; mais le spécimen va peu à peu échapper à leur contrôle... Avec cette histoire, Natali cherche à brasser différents thèmes et problématiques assez universels, déjà longuement abordés par le passé (on pense notamment à La Mouche de David Cronenberg), mais éternellement revisitables. Le cinéaste choisit également de rattacher ces sujets à des questionnements sur les rapports familiaux et sur la vie de couple. Natali va le plus loin possible dans son idée d'observer le complexe d’Oedipe et clôt son film sur une petite leçon de morale claire et nette, "Science sans conscience n'est que ruine de l'âme", doublée d'un petit "On n'apprend jamais vraiment de ses erreurs".



Hélas, le talent de Natali a des limites. Il n'est pas toujours à la hauteur de ses ambitions, quant à elles bien réelles, et dont on peut même louer l'existence, car il s'agit d'une qualité devenue trop rare dans le cinéma de genre outre-atlantique. Splice perd en crédibilité quand son réalisateur s'aventure trop explicitement sur les thèmes qu'il aborde. Le couple d'acteurs vedettes fait tout son possible, mais les dialogues ne font pas le poids et les situations manquent parfois de cachet, la mise en scène, efficace quand il s'agit de scènes d'action, ne les élevant pas. Et au contraire, le film est plus intéressant quand il ne dit pas tout, quand il nous fait par exemple deviner certains aspects du vécu de ses personnages, par ailleurs plutôt bien dessinés. Mais Natali s'égare progressivement et finit même par se perdre pour de bon lors d'un final assez grotesque et terriblement poussif, dont certes le suspense fonctionne quand même, mais qui rabaisserait presque l'ensemble au niveau d'un film de monstre hasardeux qui ne sait plus comment se terminer.



Splice se suit néanmoins avec un réel plaisir, chose que je n'avais pas ressentie depuis un bail devant un film de ce genre. Après un générique d'introduction clipesque et d'assez mauvais goût, inspiré en droite lignée de ceux de David Fincher, on est agréablement surpris de découvrir un film calme et globalement bien pensé, qui se renouvelle régulièrement et tient en attente son spectateur, avec une histoire sympa, musclée par de bons effets spéciaux et par l'approche de quelques thèmes métaphysiques bienvenus. Les effets spéciaux, et c'est à souligner, sont en effet très réussis, avec le choix heureux de limiter les images de synthèse au profit de trucages à l'ancienne, maquillages, caoutchouc, etc. D'ailleurs, Natali filme aussi plutôt bien la bizarrerie physique de ses acteurs vedettes, Adrien Brody et Sarah Polley, mise en exergue avec l'apparente pureté du monstre, dont l'aspect est réussi. Bref, il y a donc beaucoup de choses positives, et c'est ce sentiment qui l'emporte malgré l'arrière-goût désagréable laissé par la fin du film. Une fin qui demeure regrettable et où l'on sent bien que le réalisateur a abandonné son navire avant de toucher la côte, ce qui est d'autant plus triste après un périple rondement mené. Bien qu'il ne déroge pas à la règle des fins pourris, problème récurrent de la filmographie de Natali, Splice mérite quand même d'être vu. C'est une semi-réussite plus qu'un semi-échec. Un film dont on préfère retenir les quelques qualités et les bonnes intentions de son auteur.


Splice de Vincenzo Natali avec Sarah Polley, Adrien Brody et Delphine Chanéac (2010)

11 commentaires:

  1. Je suis d'accord, Splice, c'est tellement plein de bonnes intentions qu'on en oublie ses quelques défauts. Et mention spéciale aux tees de Brody et aux seins de Chanéac.

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  2. J'en pense strictement la même chose. Le film commence plutôt bien, il surprend même en étant assez bien mené et en posant quelques questions métaphysiques pas inintéressantes tout en restant bien ancré dans son genre, puis il se fout dans la merde tout seul et s'y engloutit. Néanmoins on a envie de se dire qu'au départ c'était pas mal et que l'idée était plutôt noble.

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  3. Et presque mention spéciale à Sarah Polley, comme le suggère la première image, qui a tout de même une mauvaise tronche, quand on y regarde de plus près.

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  4. Il est pas mal oui, j'ai voté "pas mal" ^^
    Bémol sur la fin en effet mais on a quand même là un film cool qui m'a fait vraiment passer un bon moment.

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  5. Et Sarah Polley moi j'en fais bien mon 4 heure^^ surtt dans My life without me ou The Secret life of words ^^

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  6. L'affiche m'avait absolument pas donné envie de le voir et malheureusement ton article n'a pas changé la donne. Chais pas. Je crois que c'est vraiment toujours cette affiche qui me bloque. Je la trouve si laide.

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  7. Je partage le sentiment de Joel Pickell, ce bougre de Jeffrey Gonzalez.

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  8. Je vous comprends. Il existe d'autres affiches sûrement moins repoussantes, mais j'ai choisi l'affiche française.
    Mais il existe aussi beaucoup plus laid.
    http://1.bp.blogspot.com/_VGuIVSLX0Dw/S-EwBtmfIbI/AAAAAAAAAJQ/gwIxGELQo_4/s1600/Splice+New+Poster.jpg

    http://www.traileraddict.com/content/warner-bros-pictures/splice-4.jpg

    http://mrmoviefiend.files.wordpress.com/2010/06/splice-poster-6.jpg?w=775

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  9. je l'ai trouvé excellent !!

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  10. Pareil
    Meilleur film fantastique de l'an passé selon moi

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  11. de bonnes idées qui s'effondrent assez rapidement ,
    pas de quoi brosser une souris non plus

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