22 avril 2011

The People Under the Stairs

Dans mon article à venir sur Scream 4, peut-être ma façon de causer de Wes Craven vous indiquera-t-elle que je conserve toujours une part d'affection pour ce bonhomme, malgré sa filmographie en dents de scie faite de ratages considérables et de quelques titres plus glorieux qui, on pourra en penser ce que l'on veut, ont réussi à marquer trois décennies du cinéma d'horreur. J'ai découvert et aimé ses films pendant mon adolescence et je ne suis pas du genre à renier ceux que j'ai un jour aimés, un trait de caractère dont je ne me vante pas non plus lorsque cela m’oblige à ne pas décrocher les posters pourris des murs de ma vieille chambre : Posh Spice y côtoie Thom Yorke, Cindy Lauper et autres membres de la famille Manson, dans un décor morbide peu harmonieux mais tristement représentatif de l'état de mon ciboulot à cette période. Mais revenons au cas Wes Craven : pour que vous compreniez mieux, je vais à présent vous expliquer d'où provient toute la sympathie que j'éprouve à l'égard de cet ancien hippie, pote de Carpenter et Romero, fan de la Nouvelle Vague et de Frank Zappa.


Miracle pour un film d'horreur : les personnages de gosses ne donnent pas envie qu'on les trucide, au contraire, ils sont attachants, et les jeunes acteurs n'y sont pas étrangers.

Ce n'est certainement pas en découvrant ses deux premiers films que je me suis mis à apprécier ce réalisateur spécialisé malgré lui dans l’horreur. Au-delà de leurs jolis titres et de leur statut de films cultes ayant d'ailleurs chacun eu droit à un remake, La Dernière maison sur la gauche et La Colline a des yeux sont d'après moi deux films ayant assez mal vieilli qui supportent difficilement d’être revus aujourd’hui. Ils frisent parfois l’amateurisme, et c'est surtout leur violence assez extrême qui a fait leur réputation. Non, si je me suis mis à apprécier ce type et à ensuite regarder tous ses autres films, c’est surtout grâce à The People Under the Stairs, vulgairement renommé dans sa version française Le Sous-sol de la peur, un titre qui abandonne hélas le double-sens original. Ce film nous raconte en effet l'histoire d'un petit garçon noir impliqué dans le cambriolage d'une immense demeure de la banlieue chic de Los Angeles, animé par l'espoir d'y dérober un butin suffisant pour payer l'opération qui pourrait sauver sa mère d'une mort certaine. Un cambriolage qui, évidemment, ne se passe pas du tout comme prévu. Le petit garçon se retrouve enfermé dans la maison et celle-ci s'avèrera être habitée par une petite fille tenue prisonnière qui lui viendra en aide. Les choses se compliqueront encore davantage pour lui avec l'arrivée du couple de gros malades propriétaire des lieux. Des dégénérés pleins aux as qui se font justement leur fric sur le dos des pauvres du ghetto malfamé dont le jeune héros est issu.


Wes Craven (au centre) semble ici très fier du duo décapant que forment Everett McGill et Wendy Robie, déjà partenaires dans la série Twin Peaks.

Les gens sous les escaliers et, pourrait-on aussi dire, tout en bas de l'échelle sociale, ce sont donc tous ces miséreux qui survivent tant bien que mal tandis que les riches et les puissants vivent à leurs dépens. Wes Craven profite ainsi de ce film d'horreur pour étaler ses idées humanistes et gauchisantes, de façon certes assez naïve (il faut voir la toute fin du film, et la vision très terre-à-terre que Wes Craven nous offre de la redistribution des richesses), mais ça reste tout à son honneur. Le père de Freddy nous propose donc une critique au vitriol de la société américaine, en dépeignant l’avilissement des classes aisées par l’argent, et leur désir de littéralement écraser les minorités. De façon plus littérale, les gens sous les escaliers sont évidemment toutes ces personnes maintenues captives par le couple démoniaque, pour une raison que je ne vous dévoilerai pas. Je vous en ai de toute façon déjà trop dit sur le scénario particulièrement riche en rebondissements de ce film surprenant. Un film qui conquiert d'abord grâce au rythme trépidant qu'il parvient à installer et surtout à maintenir du début à la fin. Comme dit précédemment, nous allons véritablement de surprise en surprise grâce au scénario d'un Wes Craven inspiré qui parvient toujours à sortir des impasses vers lesquelles il se dirige pourtant tout droit. Wes Craven réussit aussi avec talent à rendre menaçante la grande maison de banlieue, apparemment banale mais pleine de secrets, dans laquelle l'action du film se déroule presque intégralement. Il rend cet univers typiquement urbain propice à l'horreur, il en fait très intelligemment une terre fertile à l'imagination la plus macabre et malsaine. Un tour de force rarement accompli par le cinéma d'horreur américain, qui préfère généralement s'éloigner des villes et s'aventurer dans des endroits reculés pour nous faire peur. Faire peur, le film de Wes Craven y parvient parfois, mais ça n'a pourtant pas l'air d'être le premier objectif du cinéaste.


La fin du film est un spectacle grand guignol réjouissant.

Non, à l'évidence, Wes Craven cherche avant tout à nous divertir, et il y parvient merveilleusement, en faisant notamment preuve d'un humour noir et totalement débridé tout à fait bienvenu. En outre, le cinéaste semble s'être fait plaisir sur certains dialogues de son film. Même en VF, quelques tirades sont véritablement croustillantes, surtout lorsqu'elles sont déblatérées par un Ving Rhames au top de sa forme (son doubleur l'est aussi !). Je me souviens notamment d'une ligne savoureuse, au début du film, lorsque le petit malfrat qu'incarne Ving Rhames force la porte d'entrée de la maison et lance au jeune héros crédule : "Sept ans, c'est pas le bon âge, t'es trop vieux pour téter et trop jeune pour te faire sucer". C'est immensément laid et bête, certes, mais dans la bouche de son personnage débile et d'un tel acteur, ça fait mouche, croyez-moi !

Au bout du compte, Le Sous-sol de la peur est une sorte de film d'horreur social en huis-clos très divertissant, avec des idées à revendre, des personnages haut en couleurs, et n'hésitant jamais à faire dans la démesure pour notre plus grand plaisir. A l'évidence l'un des meilleurs films de son auteur, même si je rappelle qu'il sera pour moi toujours associé au bonheur que fut sa découverte quand j'étais ado.


The People Under the Stairs (Le Sous-sol de la peur) de Wes Craven avec Brandon Adams, A. J. Langer, Sean Whalen et Ving Rhames (1991)

16 commentaires:

  1. TROP TROP envie de le voir. Limite en VF.

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  2. Ouais c'était un peu écrit en pensant à toi :)

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  3. Oh je me le mets dans ma liste de films à voir, je savais vaguement que j'avais loupé certaines choses de la filmo de Wes Craven !

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  4. Trivia : un groupe de hip-hop alternatif californien a choisi de s'appeler People under the stairs en hommage au film.

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  5. Des posters de la famille Manson??? c'est....... original! ^^

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  6. Je l'ai vu et beaucoup aimé, merci pour la découverte !

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  7. Cool que tu aies aimé :)

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  8. un de mes films d'horreur préférés !

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  9. People under the stairs est bien barré. C'est un aussi bon moment à passer qu'en regardant The Serpent & The Rainbow et Les griffes de la nuit ... mais Hills Have Eyes et Last House sont abjects (j'ai envie de crier maman en me rappelant l'image des flics sur le capot d'une camionnette et le son de la musique de plouc pour faire humour dans ce dernier). Wes Craven est un type sympa, et même un peu désespéré, qui fait des films d'horreur en montrant ses dents blanches et bien droites à tous. Il dit souvent que c'est pas sa faite si les gens sont cinglés. Il est plutôt cool et marrant en vendant des bouts de pellicule qui sont dans l'air du temps. C'est un surtout raté de l'école de philo qui a fini dans le cinoche. Opportuniste le Wes !!!

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  10. Je te rejoins tout à fait. :)

    Wikipédia m'indique toutefois qu'il n'a raté l'école de philo. :p

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  11. Qu'il l'ait raté ou pas son école de philo, il n'en fait pas de la philo, ça c'est sûr. C'est en cela qu'il a miné son propre parcours d'érudit pensant.

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  12. L'un des meilleurs films de Wes.. Il est vraiment bon ce "The People Under the Stairs", le couple complétement fou fait vraiment plaisir à voir.

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    1. "plaisir à voir" ? Drôle de choix de mots !

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  13. 100% d'accord
    un film d'horreur comme on aimerait en voir plus souvent : bien barré, tour à tour drôle et effrayant... alala dommage que le vieux Craven n'en fasse plus des comme ça.

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  14. Vu ce soir. Pas en VF mais la VO est très bien. Le dialogue de Ving Rhames cité dans l'article est exactement le même en VO et il sonne bien. Idem un peu plus tôt dans le film quand lui et le gamin sont encore dans le fourgon devant la baraque, et qu'il dit un truc du genre : "Yeah sure... and the president is gonna call me to be his minister of the pussy...". Il marque un temps après avoir dit ça et il tire une tronche pas possible. Trop con, trop bon.

    Le film est d'ailleurs aussi drôle que glauque, et c'est sa grande originalité je trouve, ce mélange très improbable. Au début on se croit presque devant une comédie des années 80 façon "Miracle sur la 8ème rue" ou "Les Banlieusards", en plus marrant bien sûr, puis on se dirige dans le gore ultra malsain sans prévenir.

    Le basculement est aussi soudain que dans cette scène où le gamin de 13 ans qui sert de héros à l'histoire, alors qu'il vient de découvrir des créatures effrayantes dans la cave et de trouver le cadavre d'un collègue, fait une vanne à Ving Rhames à propos du macchabée (un truc du genre : "Tu le trouvais blanc ? Tu devrais voir ce connard maintenant !").

    Y'a un moment dans le film où ça bascule dans le très dérangeant, quand (SPOILER à suivre) Ving Rhames est éviscéré, tripailles à ciel ouvert, ses organes jetés aux "gens de sous les escaliers", le tout devant son pote gamin, lui-même sur le point d'être jeté à des "cannibales" pour être dévoré, pendant que la petite Alice est trempée dans une baignoire d'eau bouillante par sa conne de mère. Cette violence accumulée, et en particulier celle faite aux gamins, fout presque mal au bide.

    Je ne suis pas un grand consommateur de films d'horreur mais ça me semble assez rare de voir autant de saloperies faites à des petits gosses innocents par des tarés complets. C'est peut-être le côté léger, comique et grand-guignolesque de l'ensemble qui contribue à créer ce trouble aussi. A méditer. C'est une des particularités de ce film en tout cas. Et puis le mélange des genres est aussi déroutant que bien mené. Bien bon film quoi !

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